• Aucun résultat trouvé

Dans la préface du livre consacré à ce sujet, L. Bouyer nous donne le but qu'il s'est donné en écrivant ce livre : « Ce livre n'est rien de plus ni rien d'autre que ce que dit son sous-titre : une méditation sur la liturgie des trois derniers jours de la semaine sainte3. » Pour compléter cette

perspective, nous pouvons ajouter le commentaire de D. Zordan sur ce livre, dans sa thèse sur l'itinéraire théologique de L. Bouyer : « On ne saurait classer avec précision ce texte qui unit

1 Ce livre semble s'inscrire dans un mouvement plus vaste de restauration du Triduum pascal qui aboutira à sa revalorisation liturgique par Pie XII, en 1951 puis en 1956. Voir par exemple : « Le décret de la Sacrée Congrégation des Rites marque un point d'arrivée : il comble les vœux impatients de beaucoup et il consacre, par l'autorité du Saint-Siège, les travaux consciencieux des historiens et des apôtres de la liturgie. Mais c'est d'avantage un point de départ, ... », dans L. Beauduin, « Le décret du 9 février 1951 et les espoirs qu'il suscite », La Maison Dieu 26 (2ème

trimestre 1951), p. 100.

2 Voir L. Bouyer, Le Mystère pascal, Paris, Cerf, 5e édition revue et augmentée [1954] 2009 [1ère édition : 1945], p. 8, la

note 1 en bas de page. Cette réédition date de 1954 et correspond donc à l'époque de la production de La vie de la

liturgie, nous permettant ainsi d'espérer une certaine cohérence dans la présentation de la pensée de l'auteur qui

signe ces deux éditions dans la même période. Pour des raison pratiques, nous utiliserons la réimpression de 2009 de cette édition de 1954.

l'érudition, la profondeur théologique, l'élan spirituel et la tension mystique4. » Nous l'avons compris,

ce livre n'a rien d'un traité systématique, et l'une des difficultés pour nous sera de justifier notre propos de façon concise à partir d'une œuvre qui suit une logique très différente de la nôtre.

De fait, la très grande richesse de ce livre nous pousse à nous concentrer sur l'essentiel concernant notre sujet, car il ne pourra ici être question de rendre compte de l’œuvre en entier. À partir de cette méditation sur la liturgie, nous tirerons ce qui nous paraît être l'essentiel de ce qui constitue le Mystère pascal au centre de la vie chrétienne, tout en montrant en quoi la liturgie est concernée et justifiée par ce Mystère :

Tout le culte chrétien n'est qu'une célébration continue de la Pâque […] La religion chrétienne, en effet, n'est pas simplement une doctrine, elle est un fait, une action, et non pas une action du passé, mais une action du présent où le passé se retrouve et où l'avenir s'approche. C'est en cela qu'elle renferme un mystère, un mystère de foi, car elle nous affirme que devient nôtre aujourd'hui l'action qu'un Autre accomplit jadis et dont nous ne verrons les fruits en nous que plus tard5.

Pour exposer ce Mystère, nous allons commencer par préciser la situation de l'homme à laquelle la liturgie fait référence, une situation d'esclavage à laquelle la Révélation judéo-chrétienne apporte une réponse. Nous aborderons alors la question de la Rédemption à partir de la Croix du Christ et de la place de la liturgie dans cette économie. Nous ne pouvons pas conclure ce premier sous-chapitre sans parler du but ultime du Mystère pascal, et donc de la vie chrétienne.

1.1 La situation de l'homme : l'esclavage

La religion chrétienne, en tant qu'elle s'adresse à l'homme, a une pré-compréhension de sa situation existentielle. Pour le dire autrement, elle ne s'adresse pas à un homme ou une femme vague, mais à des personnes qui vivent une vie très concrète, avec des problèmes vitaux et des questions fondamentales. La première chose à affirmer, aussi difficile que cela puisse être de la caractériser, est l'existence du mal. L. Bouyer affirme l'existence du mal comme un fait qui touche tout l'être humain, et qu'il est donc inutile de vouloir fuir comme l'ont proposé certaines philosophies :

Notre mal n'est pas, comme le croyait Platon, rien qu'une erreur de notre esprit qu'il suffirait de redresser. Il est un fait sur lequel l'esprit ne peut rien, l'esprit ni aucune autre

force en ce monde, quoi que les religions de la terre nous promettent, car il dépasse ce

4 D. Zordan, Connaissance et mystère : l’itinéraire théologique de Louis Bouyer, Paris, Cerf, 2008, p. 178. 5 L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p. 9-10.

monde. Si notre âme est insatisfaite, ce n'est pas, par exemple, parce qu'elle serait pure, tout en étant par une inconcevable aberration attachée au corps qui ne le serait pas. Le corps aussi bien que l'âme, à l'origine, était saint, mais l'âme aussi bien que lui ne l'est plus. Elle a perdu par sa faute l'amitié avec Dieu, et hors cette amitié, qu'elle ne peut pas plus reconquérir qu'elle ne peut s'en passer, plus rien n'est capable de l'apaiser. Il lui serait inutile de condamner telle ou telle partie de l'univers, comme si le mal pouvait se fuir avec la matière. Le mal est en elle-même premièrement, partout ailleurs à cause d'elle, et le mal la dépasse. Car il est une servitude où elle s'est aveuglément jetée et dont seul un plus grand que le prince de ce monde peut la racheter6.

Ce fait pose des problèmes à la conscience moderne qui a réduit le monde spirituel à une réalité interne à l'homme, en niant l'existence d'un monde invisible distinct du nôtre. Profitons de l'occasion pour préciser que c'est d'ailleurs une difficultés des contemporains de L. Bouyer pour apprécier la liturgie, car le monde auquel elle fait référence n'est plus compris :

Un des problèmes de la conscience religieuse moderne s'est le plus souvent posé, jusqu'à y réduire parfois, ou peu s'en faut, tout le problème religieux, c'est le problème du mal. […] La vérité est que nous avons faussé les données de ce problème par une simplification abusive. Nous n'avons cédé que trop à la tendance de réduire par la pensée le monde spirituel à nous-même. Et à Dieu, dira-t-on ! Mais ce Dieu, nous l'avons imaginé bien enclos dans notre conscience et comme exclusivement occupé de nous. Ainsi le mal s'est réduit pour nous à n'être qu'un égarement moral de l'homme, où celui-ci semble conserver, jusque dans sa culpabilité, son entière autonomie. Le malheur est qu'une fois le mal ainsi conçu, la place qu'il occupe de fait dans le monde, et surtout peut-être la sujétion où il nous tient et nous retient, deviennent autant de scandales7.

Comme le suggèrent les citations précédentes, la situation de l'homme face au mal n'est pas celle d'une simple opposition, mais bien plutôt de sujétion. Ce mal est causé par quelqu'un de plus grand que nous qui nous retient en esclavage. Qui est cet être plus grand que nous? Pourquoi l'homme ne peut-il se libérer lui-même? L. Bouyer explique que cet être est le diable, ou Satan. Il règne par la mort, signe de son règne, et le péché qui lui asservit les créatures. « Le pécheur ne peut rejoindre Dieu dans sa lumière sans avoir lutté jusqu'au sang, contre les hôtes redoutables de la zone d'ombre qui s'étend autour du monde et l'y retient captif. »8 Mais ce combat, il ne peut le mener seul, car

l'adversaire est plus fort.

6 L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p. 73. 7 L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p. 163-164. 8 L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p. 290-291.

Mais ce genre d'explication soulève plus de questions qu'elle n'en résout. Par exemple, comment justifier toute la souffrance du monde, le mal qui l'habite? Comment concilier cela avec l'idée d'un Dieu tout-puissant et miséricordieux? Un tel Dieu nous risquerait de paraître sadique, ou relativement impuissant, s'il ne pouvait vaincre notre adversaire que dans ces conditions. En fait, la situation est encore plus dramatique que cela, selon L. Bouyer. Nous pouvons donner un début d'explication, en attendant plus de précision lorsque nous parlerons de la Croix du Christ : le véritable problème est que nous sommes devenus ennemis de Dieu. L'esclavage n'est pas une simple rétention de l'humanité, par Satan, qui lui soit extérieure, il a fait de nous des êtres incapables de supporter l'amour de Dieu sans en souffrir :

Plus profondément encore, notre grand ennemi, si osé que soit le paradoxe, il ne faut pas hésiter à l'énoncer, c'est l'amour même de Dieu. Car c'est en définitive la colère divine qui condamne le péché en nous comme en Satan; et cette colère, redisons-le, n'est que l'amour contristé. Nous voyons maintenant combien est étroit effectivement le rapport, constamment affirmé jusqu'ici, entre la délivrance de Satan et la réconciliation avec Dieu. Il ne s'agit même pas, à vrai dire, de deux réalités conjuguées, mais d'une seule, vue à des niveaux différents. Par là s'explique que le retour à Dieu doive être dramatique, que la joie et la paix reconquises doivent l'être dans les larmes et le trouble9.

Le péché en nous nous fait éprouver l'amour de Dieu comme colère, colère que l'Ancien Testament n'a cessé de définir comme la haine que Dieu a pour le mal, et donc pour le péché. C'est dans ce cadre qu'il nous est maintenant possible de situer la Révélation chrétienne selon L. Bouyer, car sans cette conscience aiguë de l'opposition à Dieu dans laquelle l'homme se trouve, bien des aspects de la Révélation de Dieu en Jésus-Christ demeurent incompréhensibles.

1.2 L'intervention divine : la Révélation

Pour définir le christianisme, L. Bouyer se sert souvent de la comparaison avec d'autres religions et philosophies, ce qui lui permet aussi bien d'attester que les problèmes auxquels répond le christianisme sont universels, que de montrer sa spécificité et sa supériorité. Nous allons voir qu'il considère le besoin de salut pour l'humanité comme un constat universel, mais que les réponses humaines à ce besoin sont insuffisantes. La Révélation juive elle même conduisait, selon L. Bouyer et à vues humaines, à des impasses, avant que le Christ ne vienne l'illuminer en l'accomplissant.

Il n'est pas de peuple où n'ait été plus ou moins clairement exprimé cette nécessité d'un salut, quel qu'il soit, où l'homme se sent. Les prêtres des religions terrestres lui ont promis des remèdes donnés d'en-haut ; les philosophes ont cru qu'il lui suffisait de  connaître son mal pour s'en guérir tout seul. L'échec final de toutes les religions humaines montre la vanité de leurs promesses, comme l'impuissance des philosophies l'illusion sur laquelle toutes reposent10.

L'homme, confronté au mal, a cherché des réponses à sa situation. Mais L. Bouyer estime que personne n'a pu trouver de réponse satisfaisante à cette question. L'impuissance des philosophies est le signe que leur prétention repose sur une illusion, car, nous l'avons vu, le mal provient d'un être plus puissant que nous, et nos efforts sont impuissants pour le vaincre. De leur côté, les religions humaines ne conduisent finalement qu'à la déception. Pour commenter cela. L. Bouyer s'appuie sur l'exemple des religions à mystères de l'antiquité11, qui paraissaient très proches du christianisme :

Les mystères antiques avaient beau comporter un drômenon12, un acte sacré de mort et

de renaissance d'un dieu, rendu présent pour les mystes, cet acte n'introduisait dans le monde rien de neuf. […] Mais les mystères n'apportaient pas davantage une réalité nouvelle capable de surmonter la réalité de ce monde, reconnue mauvaise en dépit des trompeuses dialectiques. Ils ne faisaient que reproduire cette réalité elle-même. L'inexorable chaîne de ses recommencements, condamnés à n'engendrer que de nouveaux déclins, de nouvelles ruines, voilà tout ce qu'ils évoquaient13.

Le cas du judaïsme est tout à fait spécifique, car s'il semble conduire à une impasse, il n'en est pas moins le préalable à la Révélation divine en Jésus-Christ. À partir des prophètes, L. Bouyer commente l'histoire d'Israël comme une série d'échecs : « Toute l'histoire d'Israël n'est que l'histoire de ces reniements, suivis de conversions précipitées dans le malheur, aussi vite oubliées à leur tour dès que le malheur s'écartait14. » Face à l'incapacité d'Israël à suivre la Loi, incapacité que l'on ne

peut comprendre si l'on ne comprend pas que l'homme est devenu ennemi de Dieu, les prophètes ont pressenti que l'intervention de Dieu dans ce monde serait non pas une libération, mais un jugement terrible : « Ainsi, la venue du monde divin qu'ils contemplaient, irrésistible, signifiait-elle pour ce monde-ci le jugement, et un jugement de condamnation15. » Dans le Nouveau Testament,

« L'enseignement du dernier prophète, le Baptiste, se résumera dans ces mots cinglants : "Race de

10 L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p.72-73.

11 Il le fait à partir d'Alfred Loisy, Les Mystères païens et le Mystère chrétien (Paris, 1919, 1030) qu'il critique par ailleurs pour ses analogies avec le christianisme. Voir la note de bas de page dans L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p. 89. 12 En alphabet grec dans la citation originale, nous l'avons transcrit.

13 L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p. 89. 14 L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p. 273. 15 L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p. 53.

vipères! Qui vous a appris à fuir la colère à venir16?" » Dans cette situation tragique où les prophètes

se sont révélés incapables de convertir le peuple, et donc de le sauver, un espoir a jailli : « Néanmoins, au bord de ce désespoir, une autre intuition, grandissante, les retenait : celle que Dieu lui-même trouverait dans sa puissance insondable un moyen de réaliser l'impossible, de nous réconcilier avec lui en dépit de l'esclavage du péché et du diable qui maintenait dans une opposition irréductible notre monde et le monde divin17. »

Le judaïsme, malgré son incapacité à sauver l'homme, a donc permis d'illuminer suffisamment la situation de l'homme pour permettre la Révélation définitive en Jésus-Christ. Il apparaît comme l'accomplissement des attentes du prophétisme ancien : en lui, les impasses deviennent alors « un enchaînement de lumineuses certitudes18 ». C'est dans cette attente qu'il vient révéler la sagesse de

Dieu :

Au Deus absconditus s'est substitué le Dieu fait homme pour nous diviniser; au Dieu dont nous étions les ennemis, parce que sujets de son ennemi, le Père de la main duquel nul ne peut plus ravir ses enfants. Dès lors, que Dieu règne, comme les prophètes l'avaient annoncé, et quoique son règne condamne le monde, nous régnerons avec lui, car nous ne sommes plus du monde; que l'homme ne puisse rétablir les relations qu'il a rompues avec le Dieu de toute sainteté en se livrant au diable, c'est ce Dieu lui-même qui les rétablira et sanctifiera par là l'homme pécheur; que l'homme souffre et meure, Dieu souffre et meurt avec lui, et, « par sa mort vainquant la mort, il rend la vie à ceux qui sont dans les tombeaux19 ».

Nous arrivons au cœur du christianisme : pour sauver l'homme de la mort, « Dieu meurt avec lui ». Dans le but de faire le lien entre le Mystère pascal et la liturgie, ceci appelle quelques éclaircissements. C'est pourquoi nous allons parler de la Croix du Christ.

1.3 Le Mystère de la croix : la Rédemption

L. Bouyer explique que pour sortir l'homme de cet inextricable situation d'esclavage, Dieu s'est incarné. Mais cette Incarnation n'avait d'autre but que la Rédemption de l'humanité. Pour sauver cette humanité, Dieu a commencé par l'assumer dans le Christ. Seulement, cette réconciliation passe par un dépouillement de tout ce qui est incompatible avec Dieu, ce qui est réalisé et manifesté par la Croix. Le salut par la Croix nous impose de dire quelques mots sur l'explication que L. Bouyer

16 L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p. 273. 17 L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p. 54. 18 L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p. 57. 19 L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p. 57.

donne à la souffrance, celle du Christ et la nôtre. Enfin, que l'humanité soit sauvée en Jésus-Christ soulève, pour L. Bouyer la question de l'extension de ce salut aux autres hommes. Nous en dirons donc quelques mots, car elle s'inscrit dans le grand combat chrétien au cœur duquel se situe la liturgie.

Nous avons dit que la Rédemption était le but de l'Incarnation. Mais il ne s'agit pas d'une rédemption magique et sans douleur, car assumer la nature humaine serait alors une expression vide de sens. L'Incarnation impose au Christ une lutte à mort :

Le sacrifice du Christ est cette lutte à mort contre les Puissances des Ténèbres qui est la nécessaire contre-partie de la réconciliation avec Dieu. Le Christ a donc laissé ces Puissances se déchaîner contre lui, bien qu'il n'eut qu'un mot à dire pour les éloigner, afin de les vaincre là même où elles avaient établi leur règne, et où il était venu

précisément pour les déloger par le règne de Dieu : c'est-à-dire en l'homme. Ainsi

s'explique ce que dit saint Paul : si elles avaient reconnu en Jésus le Seigneur de gloire, les Puissances ne l'auraient pas crucifié20.

Le point clef de cette victoire, c'est l'obéissance filiale réalisée dans l'humanité de Jésus-Christ acceptée jusque dans ses dernières limites :

Mais c'est seulement en acceptant l'immolation où devait aboutir son incarnation dans notre chair, que le Fils de Dieu a fait sur la croix, de son éternelle et divine « eucharistie21 », le sacrifice de notre réconciliation. Nous voyons enfin comment la croix

peut être la victoire du Christ sur le diable, comment triomphe sur Satan et réconciliation avec Dieu n'y font qu'un. L'obéissance infinie de l'amour filial y rend vain tout ce que pouvait la désobéissance de l'égoïsme diabolique, car elle y retourne contre lui l'affirmation suprême de son pouvoir : la mort22.

C'est cette obéissance sur la croix qui manifeste pleinement l'amour de Dieu au monde. Pour comprendre cela, rappelons que L. Bouyer considère fondamentale la révélation vétérotestamentaire de la colère de Dieu, car cette colère est ce qui apparaît en premier sur la Croix :

De fait, la Providence divine qui ne nous a donné le Nouveau Testament qu'au terme et comme au comble de l'Ancien semble avoir jugé vaine une révélation de l'amour que ne précéderait pas celle de la colère. Pareillement, dans la liturgie, la croix, avant d'être la révélation suprême de l'amour, et pour l'être, commence par apparaître comme la révélation de la colère. Dieu aime le pécheur; mais le sérieux de cet amour ne se

20 L. Bouyer, Le Mystère pascal..., p. 76.

21 Le sens de cette expression relève de la théologie trinitaire : le Fils est dans un état permanent d'offrande totale de soi au Père.

comprendra jamais tant qu'on n'aura pas compris qu'il hait le péché. […] La croix, c'est donc avant tout autre chose la révélation de la colère divine contre le péché23.

Mais cette colère, loin de relever de la cruauté, révèle la profondeur de l'Amour de Dieu qui assume lui-même cet antagonisme profond avec le péché : « La Croix de Jésus, c'est l'amour de Dieu se livrant à sa colère24. » En assumant la nature humaine, le Fils assume les conséquences de

l'antagonisme qui la sépare de Dieu. En se laissant détruire, il se montre vainqueur de la puissance de la mort qui n'a pu le faire entrer dans la désobéissance. C'est la Révélation de l'amour absolu et