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Nous sommes prêts maintenant à situer l’œuvre que nous allons commencer à étudier, La vie de la

liturgie72, dans cette perspective. Ce livre, publié en 1956, est la traduction d'une publication en

langue anglaise des cours de liturgie que L. Bouyer a donnés aux États-Unis : Liturgical piety73.

L. Bouyer explique dès la première phrase le but de ce livre : « Le dessein de ce livre est de décrire et d'éclairer la nature d'une spiritualité liturgique, envisagée dans toute sa plénitude et avec toutes ses conséquences74. »

Dans la préface de la traduction française, L. Bouyer ajoute que le but des leçons données à l'Université Notre-Dame, Indiana, à l'origine de ce livre, était d'« expliquer à un public américain ce que signifie le mouvement liturgique ». L'auteur précise aussi que le texte original a été abrégé en tenant compte du contexte français dans lequel les lecteurs sont supposés avoir une connaissance

72 Louis Bouyer, La vie de la liturgie; une critique constructive du mouvement liturgique, Paris, Cerf, 1956. 73 Louis Bouyer, Liturgical Piety. , Notre Dame, Ind., University of Notre Dame Press, 1955.

plus grande du sujet, donc avec un besoin d'explications moindre. Il indique aussi avoir renoncé à alourdir l'ouvrage de références externes. Nous allons aborder maintenant son contenu.

2.1 Plan de La vie de la liturgie

Il y a dix-neuf chapitres, dont nous pouvons rappeler brièvement les intitulés afin de pouvoir faire quelques remarques générales :

1. Fausses conceptions de la liturgie : produits de la période baroque. 2. De la réaction romantique à l'idéal patristique de la liturgie. 3. Du Qahal juif à l'Ecclesia chrétienne.

4. Les problèmes des mouvements liturgiques et la leçon du XVIIe siècle.

5. Mouvements contemporains : Solesmes, Belgique, Allemagne, France depuis la

dernière guerre.

6. La Tradition catholique concernant la forme de l'Eucharistie.

7. Liturgie et mystère – Exposé et discussion de la théorie de Dom Casel.

8. Le mystère paulinien et sa proclamation : du Service synagogal à la Missa catechumenorum.

9. La célébration eucharistique : du judaïsme au christianisme. 10. L'Anaphore (note sur l'épiclèse et les paroles de consécration). 11. Les Ministres de la liturgie : les ordinations et la Messe.

12. Initiation au Mystère : le Baptême, la Confirmation et la Pénitence dans la Messe.

13. L'Expansion du Mystère : les bénédictions qui découlent de la Messe (Bénédiction nuptiale, Huile des Malades, Consécrations).

14. Le Mystère de l'année liturgique : la liturgie pascale.

15. Le Mystère dans l'année liturgique : l'Avent, Noël et l'Épiphanie. 16. Le Mystère chrétien et la Memoria Sanctorum.

17. La louange du Mystère : l'Office divin.

18. « Liturgique » et « Non Liturgique » : l'esprit de la liturgie et la dévotion. 19. Le mystère et le Monde.

À première vue, nous pouvons distinguer deux grandes parties dans ce plan : les neufs premiers chapitres avec une tonalité plutôt historique, et les dix derniers chapitres avec une dominante nettement plus théologique. Cependant, cette distinction ne doit pas être exagérée : au cœur de la première partie nous trouvons des discussions sur l'Eucharistie, sur la théorie de Dom Casel, … Ceci ne doit pas nous étonner : plus nous nous approchons des sources néo-testamentaires de la théologie, plus l'histoire et la théologie se conjuguent dans les mêmes matériaux scripturaires. Nous allons donc nous concentrer sur les neuf premiers chapitres, et en particulier sur ce qui concerne l'histoire du Mouvement liturgique.

2.2 Démarche intellectuelle

Nous avons déjà signalé le mouvement en deux temps de ce livre : pour déterminer la nature d'une spiritualité de la liturgie, L. Bouyer commence par parcourir la tradition. Il commence alors par rechercher une définition acceptable de la liturgie, en la distinguant de celle, devenue classique, de la théologie de bien des manuels : « "la forme officielle du culte extérieur de l'Église75" ». Cela lui

permet de préciser ensuite le rôle d'un mouvement liturgique, puis de commencer une analyse historique et théologique des sources de l'eucharistie chrétienne.

Pour retrouver une définition acceptable de la liturgie, L. Bouyer commence par une critique de l'univers culturel des périodes baroque et romantique, univers qui nous a légué cette conception insuffisante de la liturgie à travers la tentative même de Dom Guéranger pour restaurer la liturgie. Pour échapper à cette héritage intellectuel, la période patristique, mise en valeur par la théorie de Dom Casel, apparaît comme la période de référence en matière de liturgie76. Cependant, la critique

des erreurs romantiques permet de mettre en valeur le danger de l'idéalisation d'une époque particulière pour rénover la liturgie, fût-elle la plus légitime de toutes pour une telle entreprise. L. Bouyer propose alors de remonter en amont, à l'institution de la dernière Cène, afin d'avoir une vue d'ensemble permettant d'échapper au risque de l'archéologisme, c'est-à-dire la tentative de reproduire artificiellement les pratiques d'une époque en dehors de leur contexte culturel.

L'analyse historique de différents Mouvements liturgiques lui permet alors à la fois de montrer la nécessité d'un point de départ théologique à toute tentative de retrouver le sens de la liturgie, mais

75 L. Bouyer, La vie de..., p. 11.

76 L. Bouyer semble donc bien s'inscrire dans le mouvement patristique de son temps, que nous pourrions qualifier à partir de cet extrait d'un article de Pierre Hadot :

« Un autre courant peut se définir comme un retour aux sources. Il correspond au dépassement de l'historicisme qui s'est effectué en Europe à la suite de la Première Guerre mondiale. Dans ce courant d'études patristiques, les Pères ne sont plus seulement un objet de la science historique, ils sont les sources vivantes auxquelles la théologie doit revenir, ils sont « actuels », ils ont encore quelque chose à dire à l'homme moderne. Ce courant correspond à une réaction contre la théologie scolastique et à une transformation radicale des méthodes théologiques. Il s'efforce de reconnaître les valeurs et les notions proprement chrétiennes telles qu'elles surgissent dans cette période de création qu'a été l'époque patristique. Il attache une grande importance au symbolisme, à l'allégorie, à la typologie, surtout à la notion d'histoire du salut, qu'il considère comme l'idée centrale de l'époque patristique. On peut d'ailleurs se

demander légitimement si ce retour aux sources patristiques n'est pas, quelquefois, une projection de conceptions modernes dans un passé idéalisé. De même que le néo-paganisme dont J. J. Winckelmann fut le fondateur au XVIIIe siècle comporte beaucoup d'éléments piétistes et néo-platoniciens projetés dans une Grèce un peu conventionnelle, ainsi la théologie patristique moderne retrouve parfois trop facilement les conceptions contemporaines de l'histoire ou de l'homme dans les œuvres d'Origène, de Grégoire de Nysse, d'Augustin ou de Maxime le Confesseur. » Dans Pierre HADOT, « PATRISTIQUE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 16 août 2013. URL : http://www.universalis-edu.com.ezproxy.bibl.ulaval.ca/encyclopedie/patristique/

aussi de préciser ce qui est l'essentiel de la liturgie pour lui. C'est là que commence une présentation critique de la théorie de Dom Casel, la critique procédant de l'évolution de l'apport de l'histoire des religions concernant le rapport entre le christianisme et les religions païennes. Voyons donc l'histoire du Mouvement liturgique analysée par L. Bouyer un peu plus en détail. Nous nous réservons les parties plus théologique pour notre deuxième chapitre.

2.3 Critique des époques baroques et romantiques

La critique des mentalités baroques et romantiques conduit L. Bouyer à analyser les tentatives récentes de restauration de la liturgie. Cette analyse lui permettra de cerner les faiblesses des conceptions de la liturgie héritée de la réforme de Dom Guéranger.

Critique de la mentalité baroque : un refus des apparences

La conception de la liturgie à laquelle L. Bouyer s'attaque, conception détachée de la spiritualité, semble provenir du XIXe, mais l'auteur souligne qu'elle puise ses racines bien en amont dans

l'histoire du christianisme : « Nous devons rechercher les sources de cette notion avant tout à la Renaissance et dans la période humaniste77. » Pour justifier cela, il cite différents exemples

historiques qui montrent que cette conception de la liturgie est bien antérieure au XIXe siècle. Celui

de saint François de Sales est assez éloquent : il avait pris la résolution de réciter son chapelet lorsqu'il devrait assister à une messe solennelle. Cette mentalité est encore présente au XXe siècle,

selon L. Bouyer : il cite une anecdote, la réponse faite par un liturgiste à un séminariste qui voulait savoir quand prier pendant la messe : « "Quoi? prier? répondit le sage, mais, mon ami, ce n'est pas le moment78!" »

Pour pouvoir réellement s'affranchir de cette opinion, il faut considérer « l'univers mental79 » qui lui a

donné naissance : « C'est, pensons-nous, d'un idéal de vie de cour, développé au XVIe et XVIIe

siècles, que les catholiques de ce genre ont tiré leur fausse notion du culte public. » Là, la démonstration historique change de forme. Si les exemples initiaux ont permis de prouver que la mentalité dénoncée était bien antérieure au XIXe, identifier avec certitude l'origine d'une mentalité est,

au sens strict, quasiment impossible. L. Bouyer propose donc une lecture de l'histoire qui rend sa

77 L. Bouyer, La vie de..., p. 12. 78 L. Bouyer, La vie de..., p. 13. 79 L. Bouyer, La vie de..., p. 14.

thèse plausible : la mentalité baroque est « le produit de trois facteurs principaux80 ». Le premier

résulte d'un retour au paganisme de l'Antiquité : « la destruction de cette atmosphère biblique, de ce monde de types et de paraboles qui avait toujours été l'arrière-plan naturel de la tradition patristique et médiévale. ». Le deuxième est « un violent désir de la vie [...] à la fois des sens et de l'esprit81 ».

Le troisième est une fidélité au catholicisme coupée de ses racines, menant à un conservatisme sans âme. La liturgie y est traitée comme un spectacle où la pompe y étouffe le contenu.

Ainsi, la mentalité baroque est accusée d'avoir réduit la liturgie à un spectacle. Ce faisant, L. Bouyer reconnaît qu'elle a eu le mérite de préserver les trésors de la liturgie : « ce traditionnalisme [sic] rigide et inintelligent, qui est un trait si frappant de la véritable mentalité baroque, a été le moyen providentiel qui a permis à l'Église de sauver ses trésors liturgiques à travers une longue période, où à peu près personne n'était capable de comprendre leur vraie valeur82. »

Critique de la réaction romantique : l'idéalisation du Moyen-Âge

La critique précédente a montré la nécessité d'une véritable intelligence de la liturgie pour pouvoir la pratiquer de façon vivante. La persistance des conséquences des perspectives baroques sur les mentalités qui lui sont contemporaines conduit L. Bouyer à analyser la réaction romantique83 au

baroque, car si cette réaction avait été bien menée elle aurait corrigé les erreurs qui l'ont précédée. Le travail de l'analyse des erreurs historiques concernant la liturgie n'est donc pas fini.

La réaction romantique a surtout consisté à réagir contre « les caractéristiques les plus superficielles de la période baroque84 » en faveur d'un retour à la société médiévale idéalisée, prise comme « clef

pour entrer dans la vrai signification de la liturgie ». Le déficit scientifique et critique qui a suivi la Révolution française et la suppression des universités catholiques85 a produit de grandes faiblesses

80 L. Bouyer, La vie de..., p. 16. 81 L. Bouyer, La vie de..., p. 17. 82 L. Bouyer, La vie de..., p. 19.

83 L. Bouyer fait une critique de la faiblesse intellectuelle de la pensée chrétienne de la période romantique. Il nomme à ce propos Chateaubriand et Lamennais pour l'apologétique chrétienne, et Bonald, Maistre et surtout Dom Guéranger pour la liturgie. In L. Bouyer, La vie de …, p. 24-25.

84 L. Bouyer, La vie de..., p. 23.

85 « La faiblesse intellectuelle du catholicisme de la période romantique doit être attribuée au fait que tous les moyens normaux qui permettent à la culture chrétienne de se développer avaient été entièrement détruits, par la suppression des grandes universités catholiques d'Europe pendant la Révolution. La grande faiblesse de la renaissance

catholique au XIXe siècle fut donc un défaut congénital de bases scientifiques, et même de toute saine critique. Cette même carence apparaît au début de ce que nous pouvons appeler la renaissance moderne de la liturgie, sous l'aspect d'étranges déficiences de raisonnement et d'argumentation, allant parfois jusqu'à l'absurdité, pour justifier la pratique liturgique qu'on croyait la bonne. » Dans L. Bouyer, La vie de..., p. 24.

dans la pensée catholique. L'héritage baroque n'a pas été suffisamment critiqué, et la tradition a été figée par « une prétendue philosophie du catholicisme86 » qui l'a coupée de la pensée critique.

L. Bouyer commence à introduire une critique de la rénovation liturgique de Dom Guéranger, qui est de type archéologique : elle a eu le mérite de revaloriser un culte plus satisfaisant, mais sorti de son contexte historique et ne correspondant plus aux communautés de son époque. C'est l'un des problèmes fondamentaux du mouvement liturgique : « aucune reconstruction du passé, si excellente que soit la période que l'on ait choisie pour essayer de la ressusciter, ne peut être réalisée sans qu'on y mélange largement les produits de sa propre imagination, et de telles reconstructions font lever plus de problèmes qu'elles ne peuvent en résoudre87 ». Dans cette période, la notion de la

présence divine du Christ, déjà substituée à l'action sacrificielle par la période baroque, a été conceptualisée.

Enfin : « Une troisième faille dans le romantisme religieux de cette période, que nous pouvons voir à l'œuvre dans le domaine de la liturgie sous l'influence guérangienne, c'est l'incroyable faiblesse de son érudition88. » Si cette faiblesse est une conséquence de la Révolution, elle n'en doit pas moins

être retracée pour « comprendre et apprécier la manière subjective et sentimentale avec laquelle elle interprétait cette liturgie qu'elle essayait de restaurer. » Sans nier le mérite de ceux qui ont voulu revaloriser la liturgie, il est bon de souligner la faiblesse de certains des matériaux à la base de leur réforme.

Pour retracer cette faiblesse, L. Bouyer introduit dans son discours l'école de Maria-Laach, associée au mouvement liturgique allemand du XXe siècle. Dom Herwegen, son abbé, et Dom Casel, ont su

dénoncer les déficiences du romantisme. Le premier « a montré que la période médiévale, bien que sa manière de pratiquer la liturgie traditionnelle ait été supérieure à la pratique baroque, avait déjà commencé à obscurcir la liturgie par des interprétations fantaisistes et des développements étrangers à sa nature89 ». L'abbé de Maria-Laach dénonce aussi le tournant subjectif de la piété

populaire, alors que « le véritable et authentique esprit de la liturgie est absolument objectif90 ». La

piété de l'âme succède à la piété de l'Église. Si le problème est très sérieux, L. Bouyer dit qu'il est

86 L. Bouyer, La vie de..., p. 24. 87 L. Bouyer, La vie de..., p. 25-26. 88 L. Bouyer, La vie de..., p. 27. 89 L. Bouyer, La vie de..., p. 29. 90 L. Bouyer, La vie de..., p. 31.

mal posé car de cette façon Dom Herwegen oppose l'objectivité et la subjectivité, au lieu de montrer leur « relation réciproque et naturelle91 ». Enfin, Dom Odon Casel a, de son côté, proposé une théorie

du Kultmysterium – le mystère du culte chrétien – qui serait, selon lui, le noyau de la liturgie catholique. « En remettant l'accent sur le mystère, il [Casel] nous donne un accès immédiat à une véritable intelligence de la vie réelle du corps de la liturgie, et ferme ainsi la porte à toute tendance à l'exalter seulement comme un cadavre royal embaumé sur un lit de parade92. » Nous voyons ici la

critique historique aboutir naturellement à des considérations théologiques. Celles-ci seront développées plus loin, dans notre deuxième chapitre.

Les Mouvements liturgiques : histoire et actualité

Après ce commentaire historique sur les sources des erreurs de compréhension de ce qu'est la liturgie, L. Bouyer cherche à expliquer la nature de la liturgie en analysant le passage du judaïsme au christianisme par l'évolution de la notion d'assemblée convoquée par Dieu, c'est-à-dire le passage du

Qahal juif à l'Ecclesia chrétienne. L'argument est plus théologique, il sera étudié par la suite. Il lui

permet cependant de faire le lien93 avec l'enseignement du pape Pie XII, dans l'encyclique Mediator

Dei, qui définit la liturgie ainsi : « La sainte liturgie est donc le culte public que notre Rédempteur rend

au Père comme Chef de l'Église; c'est aussi le culte rendu par la société des fidèles à son Chef et, par lui, au Père éternel : c'est, en un mot, le culte intégral du Corps mystique de Jésus-Christ, c'est-à- dire du Chef et de ses membres94. » À partir de cette compréhension de la liturgie comme culte

intégral, et non seulement extérieur, L. Bouyer analyse les tentatives passées de restauration de la liturgie. Notons que ce point de départ est de nature théologique.

Il s'agit donc de s'intéresser au Mouvement liturgique, et au pourquoi de son existence. L. Bouyer propose une définition : « le mouvement liturgique est la réponse que suscite naturellement dans

l'Église la conscience de ce fait que beaucoup de gens ont perdu la connaissance et l'intelligence de

91 L. Bouyer, La vie de..., p. 32. 92 L. Bouyer, La vie de..., p. 33-34.

93 Il est intéressant de relever cette considération de L. Bouyer sur ce que doit être le travail théologique en lien avec l'enseignement de l'autorité : « Ainsi nous avons appliqué la règle d'or qui est celle de toute vraie théologie catholique : non pas substituer à la recherche personnelle une acceptation purement extérieure de l'enseignement donné par l'autorité, mais essayer d'expliquer et de justifier l'enseignement de l'autorité par la recherche personnelle, tout en vérifiant du même coup les résultats de la recherche par le témoignage de l'autorité. » dans L. Bouyer, La vie

de..., p. 57-58. Cette perspective semble montrer que l'histoire, objet de sa démarche théologique, est considérée

comme un outil pertinent pour la recherche théologique, à une époque de tension assez forte dans la théologie. 94 L. Bouyer, La vie de..., p. 52.

la liturgie qui devraient appartenir aux chrétiens tant clercs que laïcs et, en conséquence, ont perdu également le bon usage de la liturgie95. » Il est alors naturel de se tourner vers une époque où la

liturgie semblait mieux comprise. D'où un premier danger signalé par l'encyclique Mediator Dei : « celui d'un effort artificiel pour ressusciter une période du passé dans tous ses détails, que cette période soit bien ou mal choisie, et que sa pratique de la liturgie soit bien ou piètrement comprise96 ».

Au contraire de cet archéologisme, il y a la tentation « d'une fausse modernité, d'une prétendue adaptation aux besoins modernes, qui produit en fait la perte de la vraie tradition, par une idolâtrie de la mode éphémère qui cède à toutes les fantaisies du jour. » Ces deux tendances s'opposent, mais parfois s'allient pour justifier une nouveauté au nom d'« un passé plus ou moins imaginaire97 ».

L'enjeu est donc de discerner ce qui permet une redécouverte véritable de la liturgie.

L. Bouyer pense que les origines du mouvement liturgique sont à chercher dans l'humanisme du XVIe

siècle qui a manifesté « le désir d'un accès plus large et profond à la Bible et aux Pères ». C'est malheureusement là que la Réforme a trouvé ses promoteurs, et le retour aux sources a dégénéré en une sortie de l'Église de l'époque à cause d'une idéalisation de l'Antiquité. Cette méconnaissance a conduit à mettre l'emphase sur des adjonctions à la liturgie récentes, médiévales, et ainsi voiler les éléments plus primitifs :

Ces hommes qui ont voulu déterrer et restaurer le passé lointain en ignorant systématiquement tous les développements ultérieurs, comme s'ils n'étaient que des corruptions, en fait, ne faisaient donc que maintenir et exagérer des adjonctions récentes de valeur plus ou moins douteuse, tandis qu'ils laissaient perdre les éléments vraiment primitifs qui leur avaient été transmis par la tradition98.

C'est une sérieuse mise en garde contre la prétention à retourner à un culte supposé plus pur. La