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La mutation vers une distribution omni-canal : une transformation de business model

Dans ce troisième chapitre, nous allons dans un premier temps souligner la manière dont le BM permet d’articuler les travaux sur la création de valeur pour les clients et l’organisation nécessaire pour capturer une partie de cette valeur. Dans un deuxième temps, nous présenterons la perspective BMI et mettrons en évidence l’intérêt de mobiliser le BM dans cette perspective dynamique pour mieux comprendre la mutation vers une distribution omni- canal.

Section 1. Les apports du business model pour comprendre les intéractions entre création et capture de valeur

Sous-section 1.1. Le business model pour articuler création de valeur pour les clients et dimension organisationnelle

Bien qu’étant déjà considéré comme un programme de recherche en management stratégique (Lecocq, Demil et Ventura, 2010), le concept de BM n’a été mobilisé que par quelques chercheurs en marketing au cours de ces dernières années. Il a notamment été mobilisé lorsqu’il s’agissait de comprendre la nature systémique d’une transition d’un secteur (Cao, 2014 ; Sorescu et al., 2011), pour comprendre les choix qu’opéraient les entreprises au regard d’une performance souhaitée selon les ressources disponibles (Volle et

al. 2008) ou pour déterminer des questions relatives au prix et à la gratuité (Pauwels et

Hanssens, 2007). Les chercheurs mobilisant le concept de BM montrent ainsi l’importance de l’interdisciplinarité en sciences de gestion et notamment les liens entre management stratégique et marketing déjà mis en avant par Trinquecoste (1999) ainsi que par Barney (2014).

Cependant, certains chercheurs en marketing estiment que les contributions du marketing au BM ne sont pas à la hauteur de ce qu’elles pourraient être (Ferrell, 2018). Tandis que d’autres avancent que le marketing connaît une crise identitaire au vu de la part de plus en plus importante des recherches qui se consacrent à l’étude du comportement du consommateur et à la modélisation (El-Ansary, Shaw et Lazer, 2017). Ces derniers proposent de sortir de cette crise identitaire en adoptant une plus grande pluralité des niveaux d’analyse et en conjuguant ainsi les points de vue macro, propres à l’avènement de la discipline, et les points de vue micro largement adoptés aujourd’hui. Il est ainsi important de conjuguer les différents niveaux d’analyse pour la bonne santé d’une discipline. Pour cela, Leroy, Cova et Salle, (2013) proposent d’observer les processus de co-création de valeur selon différents niveaux d’analyse et notamment le point de vue micro pour faire sens des différentes pratiques.

Ainsi, il apparaît qu’une trop grande proportion de recherches dans l’un ou l’autre des niveaux micro ou macro fait courir le risque à la discipline de créer des boîtes noires. El- Ansary, Shaw et Lazer (2017) ainsi que Leroy, Cova et Salle (2013) s’accordent sur la nécessité de conjuguer les niveaux d’analyse. Dans cette optique, El-Ansary et al., (2017) proposent un nouveau paradigme pour le marketing qui adopterait un niveau méso pour générer de la théorie et créer plus de liens entre les niveaux micro et macro. Ferrell (2018)

partage avec la recherche d’Ansary et al., (opcit) la nécessité d’une perspective méso et souligne l’intérêt de la mobilisation du concept de BM pour la discipline marketing. Selon Ferrell (opcit), étudier le BM dans une perspective marketing (Gatignon et al. 2017) permettrait de renouveler la discipline marketing et de mieux comprendre les mutations technologiques que connaissent les entreprises.

Ainsi, le marketing est amené à se renouveler et à s’ouvrir aux autres disciplines des sciences de gestion (Kumar, 2015). Bien que distincts, les concepts de BM et de stratégie marketing peuvent être mobilisés de façon complémentaire pour mieux comprendre la performance des organisations (Zott et Amit, 2008). Le BM est ainsi considéré par Zott et Amit (opcit) comme un facteur de contingence de l’organisation qui doit être pris en compte par le département marketing lors de l’élaboration de la stratégie marketing produit qu’ils définissent comme la manière dont une entreprise choisit de se positionner face à ses concurrents sur des espaces de marché. En s’appuyant sur les travaux de Porter (1985) et de Lieberman et Montgormery (1988), Zott et Amit identifient trois choix de stratégie produits :

1. Domination par les coûts (Porter, 1985) 2. Différenciation (Porter, 1985)

3. Timing d’entrée sur le marché (Liberman et Montgomery, 1988)

Ces trois stratégies ne sont ni exclusives, ni exhaustives. En effet elles peuvent être menées simultanément, cependant, l’organisation doit se poser la question de la cohérence entre son BM et sa stratégie marketing produit.

Dans cette perspective de nature interdisciplinaire, la nature dynamique du BM que nous allons détailler par la suite apporte un cadre fécond pour comprendre les interactions entre BM et marketing et investiguer la mutation vers une distribution omni-canal.

Déjà en 1998, lorsque Timmers propose sa définition du BM (premire définition du BM), il insiste sur l’aspect marketing. Selon lui, les différentes stratégies marketing des parties prenantes sont à prendre en compte lors de l’élaboration et de l’étude d’un BM. Malgré cette précision dès la première définition du BM, il a fallu attendre 2013 et l’article de Coombes et Nicholson qui sont parmi les premiers à avoir mis en avant l’importance du BM pour la communauté des chercheurs en marketing. Ils soulignent l’intérêt commun du marketing et de la recherche sur les BM en stratégie quant à la création, la communication et la livraison

de valeur. La place centrale qu’occupe le concept de valeur en marketing et les processus qui en découlent est d’ailleurs illustrée dans la définition proposée par l’American Marketing

Association (2013)16 : « Le marketing est l’activité, l’ensemble des institutions et des

processus qui permettent de créer, communiquer, délivrer et échanger des offres qui ont de la valeur pour les clients, partenaires et pour la société au sens large ». Si l’Association Française du Marketing place également la création de valeur pour toutes les parties

prenantes au centre de sa définition du marketing - « une vision bien spécifique des

échanges. Ceux-ci doivent être équitables et impliquer la création de valeur pour chacune des parties prenantes (individus, organisations, institutions) » -, elle ajoute que les échanges

doivent être équitables. Nous constatons ainsi que le marketing rejoint l’approche BM dans son intérêt pour la création de valeur. Cette dernière intervient à travers les propositions de valeur (Frow et Payne, 2011) faites aux clients, entendus au sens large.

Par ailleurs, la littérature sur les BM, tout comme la majeure partie de la littérature en marketing, s’accorde sur le rôle actif du client (Cova et Cova, 2009 ; Cova, Dalli et Zwick, 2011 ; Cova, Pace et Skalén, 2015 ; Plé, 2016 ; Plé, Lecocq et Angot, 2010 ; Vargo et Lusch, 2004) et l’importance du réseau de parties prenantes dans le processus de création de valeur (Palo et Tähtinen, 2013 ; Tantalo et Priem, 2016). Vu sous cet angle, le client influence, voire intervient, dans la proposition de valeur. Il peut éventuellement être intégré, d’une manière ou d’une autre au BM de l’entreprise (Plé, Lecocq et Angot, 2010) en apportant une ou plusieurs de ses propres ressources (Plé, 2016), comme par exemple des ressources informationnelles, émotionnelles, physiques, etc.

Le client devient alors un des éléments de la proposition de valeur, tout en permettant d’acquérir de nouveaux clients (cas des réseaux sociaux ou du parrainage, par exemple). Il agit également sur l’organisation en apprenant à y trouver sa place, et en générant en retour des phénomènes d’adaptation et d’apprentissage organisationnels liés à sa présence (cas d’ateliers de formation en magasin animés par des clients pour les autres clients). En effet, le client co-crée la valeur à travers la valeur d’usage en achetant et utilisant le bien ou service, voire en participant à sa conception ; c’est notamment le cas lors du crowdsourcing (Djelassi et Decoopman, 2013). Il peut aussi participer en contribuant au bon fonctionnement de l’expérience proposée et à la viabilité d’un BM en fournissant ses services bénévolement, comme c’est le cas lors des courses « Tough Murder » (Cova, Pace et Skalén, 2015). Il peut

à l’inverse co-détruire de la valeur en adoptant des comportements non anticipés par l’entreprise (Daunt et Harris, 2017 ; Plé et Chumpitaz Cáceres, 2010).

Ce pan de littérature qui s’intéresse au potentiel de destruction de valeur vise notamment à nuancer le propos quelque peu idéaliste de certains chercheurs en SDL quant aux processus de co-création de valeur et à la prise en compte du client comme une ressource operant. Cette vision idéaliste doit être nuancée car les entreprises ne sont en effet pas toujours à même de considérer l’ensemble de leurs clients comme des ressources operant (Do Vale, Collin-Lachaud et Lecocq, 2017).

Nous voyons ainsi l’importance de l’étude du concept de BM pour articuler les processus de création et de capture de valeur grâce à une organisation (interne et avec les parties prenantes) adéquate. Toutefois, si le marketing et la recherche en stratégie sur les BM s’accordent sur l’importance du concept de valeur, nous pouvons noter quelques différences de perspectives qui justifient l’utilisation du BM et sa nature systémique comme cadre d’analyse pour étudier la mutation vers une distribution omni-canal.

Le concept de valeur a été largement discuté dans la littérature en marketing, qui souligne l’existence de multiples approches. Les recherches en marketing sont plutôt centrées sur la valeur au niveau de l’individu consommateur (Aurier, Evrard et N’goala, 2004) ou de groupes d’individus et notamment sur l’utilité, au sens large, qu’ils retirent des produits et services. La littérature marketing parle de valeur d’usage (Vargo et Lusch, 2004 ; Grönroos, 2008) ou de consommation (Holbrook, 1994) pour décrire cette dernière. Elle est multidimensionnelle et comprend notamment des caractéristiques intrinsèques et extrinsèques (Rivière et Mencarelli, 2012). Elle peut ainsi être évaluée selon des dimensions utilitaires et économiques et la valeur s’apparente alors au prix (Zeithaml, 1988), utilitaires et/ou hédoniques (Babin, Darden et Griffin, 1994) mais également sociales (Huré, Picot- Coupey et Ackermann, 2017) ou encore selon la nature affective, expérientielle et symbolique (Holbrook, 1994). Le marketing utilise ainsi le concept de valeur perçue par le client (Rivière et Mencarelli, 2012). La valeur perçue par le client résulte de la différence entre les bénéfices perçus à composantes multiples (utilitaire, connaissance, stimulation expérientielle, lien social, expression de soi et spirituelle) et les sacrifices perçus pour obtenir ces bénéfices (Aurier et al., 2004).

Malgré la richesse des perspectives liées à la valeur, la capture de valeur est souvent considérée en marketing comme une conséquence - mécanique - de la création de valeur.

Ceci peut notamment s’expliquer par la focalisation sur la valeur d’usage prônée par la SDL plutôt que la valeur d’échange (Vargo et Lusch, 2004).

En délaissant la valeur d'échange au profit de la valeur d'usage, une partie de la littérature en marketing élude la capture de valeur économique et la considère comme découlant naturellement de la co-création de valeur d'usage avec le client. Cela est patent dans les travaux de Vargo et Lusch sur la SDL (voir par exemple Lusch et Vargo, 2014 ; Vargo, Maglio et Akaka 2008), dans lesquels sont abondamment traités les liens entre valeur d’usage et valeur d’échange, qui ont influencé de larges pans de la littérature académique en marketing depuis la publication de leur article de 2004 dans le Journal of Marketing (12.350 citations dans Google Scholar au 4 juin 2018).

Et même lorsque les auteurs en marketing tentent d’inscrire le BM dans une perspective SDL (Wieland et al., 2017), ceux-ci n’abordent que très peu le concept de capture de valeur : le terme profit ou capture de valeur n’apparaît qu’une seule fois dans l’ensemble de leur article qui se consacre essentiellement au processus d’institutionnalisation à travers un réseau de co-création de valeur entre différents acteurs. Or, création et capture de valeur sont bien des processus découplés, comme peut l’illustrer le cas de l’entreprise Snapchat qui, malgré ses 166 millions d’utilisateurs, enregistre des pertes et parvient difficilement à capter économiquement la valeur d’usage créée avec les consommateurs17. Dans notre contexte de

recherche, un magasin peut potentiellement créer beaucoup de valeur d’usage pour ses clients mais n’en capter qu’une très faible partie lorsque les consommateurs adoptent des pratiques de showrooming.

Les recherches en marketing s’intéressent ainsi plutôt à la création de valeur pour le client et mobilisent particulièrement une des composantes du BM : la proposition de valeur. Elle constitue en effet l’une des composantes principales du BM et ce concept provient du marketing (Frow et Payne, 2011). Cette dernière permet de qualifier, voire quantifier le degré d’implication du ou des groupes de clients cibles des BM. Rumble et Mangematin (2015) mettent ainsi en avant l’importance des interactions avec les clients et leur capacité à influencer la manière dont l’entreprise sera structurée dans le cadre des « multi-sided BM », c’est-à-dire lorsque l’entreprise s’adresse à une variété de clients qui peuvent avoir des intérêts contraires (Pauwels et Weiss, 2008).

17 Source Le Figaro.fr 11 mai 2017 : Snapchat perd un quart de sa valeur en bourse après des résultats

Le concept de proposition de valeur permet ainsi de prendre en compte les interactions avec le client et d’autres parties prenantes dans le processus de création de valeur (Grönroos, 2008 ; 2011 ; Storbacka et al. 2012). D’ailleurs, Wirtz et Daiser (2017) avancent que les modifications des besoins des clients sont l’une des dimensions qui influencent l’innovation de BM par une entreprise. Sorescu et al. (2011) mentionnent d’ailleurs que l’innovation en matière de BM dans le secteur de la distribution passe souvent par une requalification du niveau de participation du client et des parties prenantes dans les activités de l’entreprise. Il est alors important de mobiliser le concept de BM pour mieux appréhender les transformations que rencontrent la plupart des secteurs et notamment celui de la distribution (Sorescu et al. 2011 ; Sosna et al. 2010).

Sous-section 1.2. Le business model comme illustration de la complémentarité des travaux sur le consommateur et sur l’organisation

Nous avons vu précédemment que de nombreux auteurs insistent sur la dimension marketing lorsqu’ils définissent ou mobilisent le BM (Coombes et Nicholson, 2013 ; Plé, Lecocq et Angot, 2010 ; Priem, Wenzel et Koch, 2018 ; Timmers, 1998 ; Zott et Amit, 2008). Selon Timmers (1988), les différentes stratégies marketing des parties prenantes sont à prendre en compte lors de l’élaboration et l’étude d’un BM. Le BM semble ainsi être l’objet de recherche idoine pour réconcilier les recherches sur les aspects organisationnels et stratégiques et celles sur l’analyse du comportement du consommateur (Priem, Wenzel et Koch, 2018). Les choix marketing peuvent ainsi être considérés comme des éléments tactiques lors du déploiement de la stratégie et du BM choisi par l’organisation. Le marketing et le BM vont ainsi interagir pour trouver la combinaison la plus cohérente qui va créer le plus de valeur pour les clients et l’organisation (Zott et Amit, 2008). Ainsi proposer une expérience sans couture aux clients (marketing) doit se faire en adéquation avec les éléments stratégiques et organisationnels liés à la gestion des canaux physiques et digitaux. Dans cette perspective d’interactions étroites entre choix stratégiques, choix de BM et décisions marketing (Zott, Amit et Massa, 2011), Teece (2018) considère que le rôle du marketing stratégique est essentiel dans le succès d’un BM. En effet, la viabilité et la configuration d’un BM vont dépendre du segment de marché qui sera ciblé. Ainsi, la fonction marketing joue un rôle décisif dans la manière dont le BM est pensé puis déployé à travers les marchés sur lesquels l’entreprise est positionnée. Adopter une perspective BM permet ainsi à l’organisation de mieux comprendre le rôle des clients afin de réaliser les ajustements nécessaires de son BM sans subir « la tyrannie des marchés ». En effet, plutôt

que de subir son environnement, l’approche BM permet à l’organisation d’adopter une pensée plus innovante et de sélectionner son écosystème (Demil, Lecocq et Warnier, 2018) tout en respectant ses propres facteurs de contingence (Zott et Amit, 2008).

D’un point de vue plus micro, les travaux sur le comportement des consommateurs peuvent permettre de mieux appréhender les ressources et compétences propres aux clients ainsi que le rôle qu’ils peuvent jouer dans le processus de création de valeur (voir les travaux de Nicod et Llosa, 2018 sur la formation du client à son rôle de co-producteur, par exemple). Ainsi le BM permet à travers ses connexions avec d’autres théories en management stratégique ainsi qu’en marketing de comprendre les évolutions auxquelles les entreprises sont confrontées. Les cadres d’analyse relatifs au BM vont permettre de lier différentes connaissances existantes dans plusieurs disciplines et aider ainsi les décisionnaires à rendre plus cohérentes les composantes internes et externes du BM (Ritter et Lettl, 2018) pour mieux articuler création de valeur pour les clients et autres parties prenantes et capture de valeur pour l’organisation.

Le BM apporte une vision systémique de la valeur qui permet de faire le lien entre la proposition de valeur et l’organisation de l’entreprise (Teece, 2010), en interne comme avec son écosystème. Zott, Amit et Massa (2011) insistent sur la nécessité d’une perspective holiste et systémique lors de l’étude des BM. Il ne s’agit pas simplement de ce que l’entreprise propose comme produits et services mais comment elle le propose. La création et la capture de valeur sont interconnectées et les processus sont complexes, car ils sont non linéaires et impliquent de multiples parties prenantes. Par exemple, Zott et Amit (2010) identifient quatre leviers qui participent au système de création de valeur pour définir un BM :

1. La nouveauté : la nouveauté consiste à introduire des nouvelles activités ou de nouvelles parties prenantes dans le BM.

2. Le lock-in : le lock-in fait référence à la capacité à retenir les parties prenantes (clients, fournisseurs, partenaires…).

3. Les complémentarités : les complémentarités consistent à créer des synergies entre les activités, les actifs ou les parties prenantes.

4. L’efficience : l’efficience renvoie à la diminution des coûts par une simplification des offres ou des opérations et par une réduction du coût marginal de production et de distribution.

Malgré leur pouvoir évocateur et leur intérêt réel pour les managers souhaitant développer ou repenser un BM, il est cependant parfois difficile empiriquement de distinguer parmi ces différents leviers avancés par Zott et Amit (opcit) ceux qui relèvent de la création de valeur et ceux qui concernent la capture de valeur. Seuls Sorescu et al., (2011), en s’intéressant à l’innovation de BM dans le secteur de la distribution, réussissent à isoler clairement des mécanismes de création de valeur d’une part, et des mécanismes de capture de valeur d’autre part, en fournissant des exemples de pratiques associées à ces derniers. Ces auteurs identifient par exemple trois types d’actions qui relèvent de la création de valeur et trois qui relèvent de la capture de valeur. L’efficience pour le client (par exemple, des points de contact multiples ou une forte disponibilité des produits), l’efficacité pour le client (la largeur de l’assortiment par exemple) et l’engagement du client (via des produits respectueux de l’environnement par exemple) sont ainsi créateurs de valeur. A l’opposé, l’efficience opérationnelle (par exemple, via une bonne maîtrise des opérations), l’efficacité opérationnelle (par exemple, une bonne connaissance du client) et le lock-in (par exemple, grâce à des produits exclusifs ou à des programmes de fidélité) permettent la capture de valeur pour le distributeur.

Il est ainsi difficile d’isoler création et capture de valeur sans mobiliser le BM. En effet, bon nombre de choix opérationnels ou stratégiques effectués par les entreprises ont en réalité un impact à la fois sur la création et sur la capture de valeur. Les programmes de fidélité ou la marque, par exemple, peuvent être source de création de valeur pour le client mais relèvent également d’un lock-in du client qui augmente les chances d’une capture durable de valeur pour l’entreprise. Il en est de même pour les produits et services sur-mesure qui augmentent les coûts de changement tout en créant potentiellement une valeur d’usage accrue pour le client.

Plutôt que de chercher à isoler création et capture de valeur, Haggège, Gauthier et Rüling (2017) adoptent une autre perspective en essayant d’appréhender les liens entre BM et