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Les enjeux épistémologiques de la recherche en sciences de gestion

Sous-section 1.1. Les principaux paradigmes en sciences

Apparu au XXème siècle, le terme « épistémologie » désigne l’étude des théories de la connaissance. L’épistémologie a pour objectif de répondre aux questions suivantes : Qu’est- ce que la connaissance ? Comment est-elle élaborée ? Comment justifier le caractère valable d’une connaissance ? Il est indispensable en recherche de s’intéresser à ces questions étant donnée la finalité du travail de chercheur. Celui-ci ordonne ses idées en fonction d’un objectif précis : produire de la connaissance valide (Avenier et Gavard-Perret ,2012).

Pour aboutir à cette production de connaissances, il existe différents paradigmes épistémologiques. « Un paradigme épistémologique est une conception de la connaissance

partagée par une communauté, qui repose sur un système cohérent d’hypothèses fondatrices relatives aux questions qu’étudie l’épistémologie » (Avenier et Gavard-Perret, 2012, p. 23).

En sciences de gestion, il existe plusieurs hypothèses fondatrices qui ont conduit à différents paradigmes épistémologiques (Avenier et Thomas, 2012). Il convient de distinguer trois grandes familles à l’intérieur desquelles des distinctions peuvent être observées : positivisme, constructivisme et interprétativisme. Nous proposons de présenter les différences entre les principaux paradigmes afin de justifier ensuite notre choix.

1. Les paradigmes épistémologiques positivistes et post-positivistes 2. Les paradigmes épistémologiques constructivistes

3. Le paradigme épistémologique interprétatif

Le courant le plus emblématique du positivisme est le paradigme épistémologique positiviste logique. Celui-ci part du principe que « la connaissance scientifique ne peut

trouver son origine que dans l’expérience directe (« sensible ») » (Avenier et Gavard-Perret,

2012, page 27). Le paradigme positiviste appliquée en sciences de gestion s’inspire des sciences de la nature (Busca et Bertrandias, 2019) et vise à la généralisation des résultats. L’observation des faits permet de « remonter » à des lois générales. Il existe cinq hypothèses fondatrices du paradigme épistémologique positiviste logique (Avenier et Gavard-Perret, 2012) :

1. Hypothèse d’ontologie réaliste : Il existe un réel objectif que le chercheur peut étudier en toute neutralité, ce réel étant indépendant du chercheur. Nous pouvons avoir une vision déformée de la réalité, mais cette réalité existe. Cependant ce réel doit être observable, c’est une ontologie réaliste empirique : la vérité est obtenue par l’observation (Avenier et Gavard-Perret, 2012).

2. Hypothèse de détermination naturelle : La démarche scientifique positiviste permet d’établir des lois invariables grâce à l’observation des faits de manière empirique. Ces lois décrivent des relations inaltérables entre des faits qui peuvent être observés et mesurés de manière scientifique. Il ne s’agit donc pas de comprendre les causes des phénomènes mais d’expliquer leur manière de fonctionner (Avenier et Gavard-Perret, 2012).

3. Hypothèse d’épistémologie objectiviste dualiste : Cette hypothèse met en avant le principe d’extériorité à l’objet étudié. Cette extériorité permet l’objectivité et la neutralité scientifique. Elle a pour objectif d’exclure d’éventuelles considérations de valeurs qui pourraient influencer le chercheur. L’observateur et l’objet étudié sont indépendants. Le chercheur ne peut donc pas influencer l’objet.

4. Le principe de décomposition cartésien qui sous-entend que la réalité connaissable peut se décomposer en plusieurs parties analysables indépendamment.

5. Hypothèse causaliste selon laquelle « rien n’arrive jamais sans qu’il y ait une cause

ou du moins une raison déterminante » (Leibniz, 1710 in Avenier et Gavard-Perret,

2012, page 27).

Les recherches s’ancrant dans un paradigme positiviste logique en sciences de gestion utilisent plutôt des méthodes quantitatives avec un raisonnement hypothético-déductif qui va chercher à valider ou non des hypothèses mettant en relation un ou plusieurs concepts. Dans une telle démarche, les chercheurs ont pour objectif la généralisation des résultats et la prédiction.

Bien qu’étant le courant sur lequel le positivisme s’est fondé, le paradigme positiviste logique présente plusieurs limites qui ont conduit à l’émergence des paradigmes post- positivistes et notamment le réalisme critique. Les sciences de gestion relevant des sciences humaines et sociales, elles reposent sur des principes différents des sciences de la nature. De

ce fait, le paradigme positiviste logique n’est pas vraiment adapté. En effet, les entités observées (les êtres humains) ne peuvent pas toujours être considérées comme de même nature et peuvent se comporter différemment selon le contexte (Busca et Bertrandias, 2019). Ne pas considérer ces éléments de contexte dans la recherche amène les chercheurs à ignorer volontairement ou non les réels facteurs explicatifs d’une théorie (Miller et Tsang, 2010). Pour pallier ce biais, de plus en plus de recherches quantitatives se revendiquent aujourd’hui d’une démarche réaliste critique dans laquelle le chercheur reconnait qu’il existe plusieurs niveaux de réalité. Ainsi l’objectif de la science est de mettre à jour le « réel » qui n’est pas directement observable, notamment parce que les causalités simples et linéaires sont rares (Allard-Poesi et Perret, 2014). Le chercheur en reconnaissant l’importance du contexte lors de l’étude de la causalité adopte ainsi une posture plus modeste lorsqu’il s’agit d’évoquer la généralisation des résultats (Miller et Tsang, opcit).

Au-delà de ce rapport à la causalité, les paradigmes positivistes et post-positivistes impliquent une l’isolation de l’objet de son contexte. Le chercheur pourrait alors observer un objet de recherche sans avoir aucune influence sur ce dernier (cette position est plus nuancée dans les paradigmes post-positivistes). De plus, les chercheurs dans une démarche positiviste revendiquent un certain degré d’objectivisme vis-à-vis de la réalité (Allard-Poesi et Perret, 2014). Ces hypothèses (isolation de l’objet de son contexte et objectivisme du chercheur) ne sont pas réalisables dans tous les cas. Elles ont fortement été remises en question, pas seulement par les sciences sociales réputées moins exactes et plus sujettes à l’interprétation du chercheur mais aussi par les sciences physiques. Les sciences physiques qui observent pourtant des objets non humains et donc potentiellement non soumis à une influence sociale reconnaissent l’influence du chercheur lors des expériences scientifiques.

« Le marquis de Laplace, celui-là même qui avait dit à Napoléon que Dieu était inutile, pensait que l’univers se résumait à un jeu de cause et d’effets, chaque cause étant d’abord un effet, chaque effet devenant une cause à son tour, pour une intelligence capable de connaître toutes les forces de la nature, l’avenir se présentait avec une évidence comparable à celle du passé. Ce déterminisme rigoureux et naïf, la mécanique quantique allait le faire voler en éclat…Werner Heisenberg formule son célèbre ‘principe d’incertitude’. De quoi s’agit-il ? Pour calculer la vitesse d’une particule et sa situation future, il faut l’éclairer par un quantum de lumière. Le quantum de lumière perturbe la particule, modifie sa vitesse et sa situation de façon imprévisible et empêche leur mesure simultanée et précise, quelque

que soit la perfection de l’instrument utilisé. La réalité est transformée du fait même d’être regardée » (d’Ormesson, 2010, p. 126 )

Le principe d’incertitude d’Heiseinberg vient ici remettre fortement en question les hypothèses fondatrices du positivisme sur lesquelles la plupart des connaissances scientifiques se sont fondées. Les chercheurs ont alors été amenés à développer d’autres paradigmes épistémologiques prenant en compte les limites des paradigmes positivistes et assumant le fait que le chercheur puisse être considéré comme un élément actif du processus de recherche (Suddaby, 2006). De ce fait, ces paradigmes permettent une meilleure réponse aux contraintes positivistes. Il n’est en effet pas toujours possible de saisir la réalité de manière globale notamment lorsque l’objet étudié est l’humain et la société (Avenier et Gavard-Perret, 2012).

Figure 12. Conception de la connaissance des paradigmes épistémologiques (d’après Allard- Poesi et Perret, 2014)

Nous allons maintenant présenter les paradigmes constructivistes et interprétativistes qui reconnaissent davantage le caractère relatif de la construction de connaissance. Le relativisme « désigne la thèse selon laquelle toute connaissance est relative. S’opposer au

relativisme ainsi défini revient à affirmer l’existence d’une connaissance absolue indépendante du sujet qui la possède » (Allard-Poesi et Perret, 2014 p. 33). Les paradigmes

épistémologiques interprétativistes et constructivistes (ainsi que le réalisme critique mais dans une moindre mesure, cf figure 12 ci-dessus) laissent une plus grande place au rôle du chercheur dans la démarche scientifique.

Les paradigmes constructiviste et interprétativiste

Le paradigme constructiviste se base sur deux hypothèses :

1. L’hypothèse de connaissance phénoménologique. Il n’est pas possible de prouver l’existence et la nature d’un réel, par contre l’expérience humaine du monde est connaissable (Avenier et Gavard-Perret, 2012 ; Avenier, 2011)

2. L’hypothèse d’inséparabilité entre l’observant et l’observé.

Ce paradigme a pour but la « création de construction de représentations du monde

adaptées à l’expérience que les humains ont de ce monde » (Avenier opcit, p.41). Il y a une

logique d’action intentionnelle dans le paradigme constructiviste (Avenier et Thomas, 2012). Le but de la création de connaissance peut être alors la création d’outils comme le Balance

Scored Card par exemple. Dans les paradigmes constructivistes, la connaissance s’évalue en

fonction d’un critère d’actionnabilité, c’est-à-dire quand elle apporte une solution à une situation problématique, même si d’autres solutions peuvent exister (Allard-Poesi et Perret, 2014).

Le paradigme interprétativiste repose sur des hypothèses similaires à celles du paradigme constructiviste, mais diffère dans le but de la démarche. Il ne s’agit pas de construire des représentations du monde et notamment des outils en sciences de gestion mais plutôt de

« comprendre les processus d’interprétation, de construction de sens, de communication et d’engagement dans les situations » (Avenier et Thomas, 2012, p. 27). Le chercheur va alors

investiguer les différentes interprétations possibles d’un même phénomène. La connaissance va s’évaluer selon la fiabilité des interprétations du chercheur Il n’existe pas de réel objectif qui soit indépendant de l’observateur. Cependant différents sujets confrontés à une même situation sont capables de s’accorder sur une signification commune. Sandberg (2005 in Avenier et Gavard-Perret, 2012) désigne cette signification partagée par le terme « réalité

objective intersubjective ». Il peut donc exister dans une certaine situation une réalité

objective partagée. Celle-ci dépend « des interprétations des expériences que les différents

sujets ont de la situation » (Avenier et Gavard-Perret, 2012, p.38).

Le tableau trois ci-dessous, résume les présupposés propres aux principaux paradigmes épistémologiques en sciences de gestion.

Tableau 3. Synthèse comparative des principaux paradigmes épistémologiques (adaptée de Allard-Poesi et Perret, 2014 ; Avenier et Thomas, 2012 et Girod-Séville et Perret, 2007)

Paradigme positiviste logique Paradigme réaliste critique Paradigme interprétativiste Paradigmes constructivistes Hypothèse d’ordre ontologique Il existe un réel en soi (LE réel) indépendant du chercheur et du contexte Le réel est organisé en trois domaines stratifiés. Ces trois niveaux constituent la réalité Le réel est relatif : il existe de multiples réalités socialement construites : intersubjectivité objective de la réalité Le réel est relatif : il existe de multiples réalités socialement construites. La réalité est construite à travers l’action Conception de la connaissance Objective Plutôt objective Plutôt relative mais le chercheur peut chercher à rendre compte des processus subjectifs de manière objective Relative But de la connaissance Expliquer des phénomènes observables énoncés sous forme réfutable Révéler le réel qui n’est pas directement observable Comprendre des processus d’interprétation et de construction de sens par les acteurs Construire des connaissances utiles aux acteurs : critère d’actionnabilité intentionnelle Critère de validité Vérifiabilité Confirmabilité Réfutabilité Pouvoir explicatif de la relation entre Garantir la crédibilité de l’interprétation Critères d’actionnabilité et

concepts via des mises à l’épreuve successives. Réplications de modèles dans des contextes différents proposée. Rendre compte de manière rigoureuse de la preuve (description épaisse) d’enseignabilité. La connaissance est valide dès lors qu’elle convient à une situation donnée

En résumé, dans une démarche posititiviste, l’objectif est de vérifier, confirmer ou réfuter une théorie. Dans une démarche réaliste critique, le chercheur visera le même objectif mais insistera sur la mise à l’épreuve successive de ces résultats. Dans cette démarche, le chercheur insistera sur les éléments de contexte qui peuvent influencer la généralisation des résultats (Busca et Bertradias, 2019 ; Miller et Tsang, 2011). Dans une démarche interprétativiste, le chercheur va chercher à comprendre la réalité des acteurs à travers leur expérience. Enfin, dans une une démarche constructiviste, le chercheur aura pour objectif de construire de la connaissance actionnable dans une situation donnée.

Compte tenu de ces différences, le chercheur est invité à réfléchir aux fondements de la connaissance et aux hypothèses ontologiques de la science pour se positionner dans un des paradigmes avant d’entamer sa démarche de recherche. Il s’agit là d’une approche très théorique de la démarche épistémologique. Cependant, certains chercheurs sont gênés par le fait de devoir explicitement se positionner dans un des paradigmes. Ils reprochent à l’épistémologie façon « grande théorie » (Dumez, 2012b) le caractère abstrait, complexe à appréhender voire même inutile pour la pratique des sciences de gestion (Dumez, 2012b). Aussi, nous allons maintenant étudier plus en détail ce débat.

Sous-section 1.2. Un débat autour de la nécessité de faire de l’épistémologie en sciences de gestion

De nombreux éléments cités précédemment peuvent rendre les questionnements épistémologiques complexes et parfois, lorsqu’ils sont trop poussés ou à l’inverse mal maîtrisés, sans réelle plus-value méthodologique pour la pratique des sciences de gestion.

Ces questionnements d’ordre philosophique sont en effet souvent mal maîtrisés par certains chercheurs jeunes ou moins jeunes et amènent à créer plus de confusions que de clarté. Cette confusion s’illustre notamment par la difficulté de compréhension et de distinction de certaines frontières entre les différents paradigmes. Nous pouvons illustrer ce propos par une expérience personnelle vécue lors de notre démarche méthodologique. Nous adoptons la méthode Gioia dans notre partie empirique, cependant alors que Gioia se définit lui-même comme « un pur interprétativiste » (Gehman et al., 2018, p. 291), Avenier et Thomas (2012 P. 18) considèrent la méthode Gioia comme s’inscrivant dans le paradigme réaliste critique. Pour éviter les incohérences et contradictions, Dumez (2011) milite pour que le chercheur se pose des questions d’ordre épistémique (mise en pratique d’une méthode). Le chercheur doit donc faire preuve de réflexivité sur la pratique de sa recherche plutôt que se poser des questions d’ordre épistémologique (approche philosophique de la construction de la connaissance). Faut-il alors parler d’épistémologie en sciences de gestion ?

Ce débat a été caractérisé par deux positions lors de discussions interposées dans le Libellio d’Aegis. D’un côté Avenier (2011) puis Avenier et Thomas (2012) qui considèrent que le chercheur en sciences de gestion doit explicitement mentionner son appartenance à un des paradigmes épistémologiques plutôt que d’en hériter un par défaut (Avenier et Thomas, 2012) pour clarifier le positionnement de la recherche. Ils adoptent une conception de la démarche méthodologique que Dumez (2012b) considère comme méta-théorique.

De l’autre, Ayache et Dumez (2011 ) et Dumez (2011, 2012b) qui, lassés de voir sans cesse les mêmes choses dans les parties épistémologiques des thèses de doctorat en sciences de gestion sans réelle réflexion de la part du doctorant, considèrent que la question de l’ancrage dans un paradigme épistémologique est dénuée de sens et n’apporte pas réellement de plus- value à la recherche menée. Le chercheur en sciences de gestion, plutôt que de choisir un ancrage épistémologique au début de sa recherche, doit tout au long du processus de recherche être réflexif et donc prendre du recul sur sa pratique lors de la mise en œuvre d’une méthode choisie. Ainsi, les problèmes épistémologiques ne se rencontrent pas avant la recherche mais pendant, lors de la mise en pratique d’une méthodologie. Cette distinction « théoricien-praticien » des questions d’ordre épistémologique se retrouve aussi dans les questions d’ordre méthodologiques. Ainsi, Suddaby (2006) critique une forme de purisme des chercheurs « théoriciens » de la théorie enracinée du fait de leur manque de pratique.

Selon Dumez (2012b), le chercheur doit alors se confronter à des défis plus opérationnels lors de son processus de recherche. Il met en avant trois risques auxquels un chercheur est confronté et sur lesquels il doit concentrer ses ressources, notamment lors d’une recherche qualitative :

1. Le risque des acteurs abstraits et l’usage démesuré des êtres de raison. Le chercheur va alors établir une entité causale, désincarnée qui dans sa propre manière de pensée est juste mais qui en réalité n’explique rien pour le lecteur. Le chercheur réalise alors une forme de « mauvaise abstraction ». La recherche ne montre pas les acteurs agissant. Dumez (2012b p. 30) regrette ainsi « qu’il arrive à la fin d’une thèse de

quatre cents pages…que le lecteur se dise qu’à aucun moment de ces pages il n’a vu les acteurs, penser, agir, développer des projets, réussir, échouer, interagir ».

2. Le risque de circularité. Ce risque est très élevé dans une recherche qualitative dans la mesure où le chercheur peut être amené à voir dans ses données ce qu’il a envie de voir.

3. Le risque de méconnaissance du phénomène d’équifinalité : plusieurs combinaisons peuvent aboutir à un même résultat. Le chercheur va alors être tenté d’écarter les éléments empiriques qui pourraient contredire ce cadre. Ce faisant, il va alors tomber dans le risque de circularité mis en avant précédemment.

Nous allons maintenant détailler quels procédés nous avons mis en place pour éviter de tomber dans ces écueils et fournir une recherche valide.

En effet, les questionnements d’ordre épistémologique n’ont de sens pour le chercheur en sciences de gestion que s’ils lui permettent d’améliorer la validité de la recherche ou son authenticité (terme préféré par Guba et Lincoln, 1989 in Huberman et Miles, 2002) ou sa fiabilité. Dans cette optique, Huberman et Miles (2002) insistent sur la compréhension d’un phénomène empirique plutôt que sur la causalité entre des variables.

Dans le cadre de notre recherche doctorale, à ces questionnements liés aux trois risques épistémiques avancés par Dumez (2012b), et qu’il faut garder à l’esprit tout au long de la recherche, nous ajoutons celui de la position du chercheur vis-à-vis du BM comme objet de recherche.

Le tableau ci-dessous (tableau quatre) présente la manière dont nous avons géré les risques épistémologiques dans notre recherche.

Tableau 4. Gestion des risques épistémologiques inhérents à notre recherche

Risque épistémologique Reflexivité du chercheur

Risque des acteurs

abstraits

Nous allons tout au long de la partie résultats utiliser le plus de verbatims possibles pour incarner le propos. En outre, nous avons longuement réfléchi à la question des niveaux d’analyse (Lecocq, 2012) pour éviter de mauvaise abstraction. C’est pour cela que nous avons distingué une partie empirique au niveau organisationnel et une autre au niveau des pratiques des middle

managers

Risque de circularité Nous avons fait le choix de ne jamais mentionner le terme

business model lors de nos entretiens pour éviter de semer la

confusion dans l’esprit de l’informant et pour ne pas influencer son propos. Nous avons par contre orienté notre guide d’entretien autour des composantes du BM du cadre d’analyse RCOV.

Risque de

méconnaissance du

phénomène d’équifinalité

La démarche abductive nous a permis de prendre en compte de nouvelles variables émergentes du terrain afin de ne pas tomber dans le risque de circularité ou d’éviter des données qui contrediraient les résultats.

Interprétation du BM Ce point se réfère à la validité de construit pour garantir la bonne mise en œuvre de la méthodologie (Yin, 2003). Dans notre recherche, nous considérons le BM comme une représentation conceptuelle de la manière dont une organisation va s’organiser pour créer et capturer de la valeur (Massa, Tucci et Afuah, 2017). Si l’on se réfère aux cinq acceptations du BM proposées par Ritter et Lettl (2018) et en cohérence avec l’interprétation choisie, nous considérons le BM dans notre recherche à la fois comme une description des activités menées par l’entreprise (perspective 1), et comme un ensemble d’éléments permettant de créer des cadres d’analyses pour conceptualiser et structurer les BM autour des éléments essentiels qui lui permettent de créer et capturer de la valeur (perspective 3).

Nous optons pour une nature dynamique des BM. Les cadres d’analyse existants dans la littérature permettent d’analyser la manière dont un BM va évoluer au fil du temps.

Ce tableau illustre la manière dont la recherche a été menée pour minimiser les différents risques épistémologiques et garantir une meilleure authenticité des résultats que nous allons présenter par la suite. Nous allons maintenant exposer le positionnement épistémologique de