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V. Effets conjugués de la rugosité et de la non mouillabilité sur la condition limite

1.3 Le mouillage composite

Le problème du mouillage s’intéresse au contact de trois phases non miscibles, que l’on peut noteri,jetk. Il s’agit de savoir comment les 3 interfacesij,iketjkse raccordent entre elles, chaque interface étant en principe simplement constituée de deux phases en contact.

Cependant, à l’échelle macroscopique, la situation peut être plus complexe lorsqu’une des phases, k par exemple, est un solide dont la surface est rugueuse ou hétérogène. Dans ce cas l’interface macroscopique ki peut contenir quelques domaines de phase j piégés dans les rugosités de la surface solide k, comme indiqué schématiquement sur la figure V.2. Il peut s’agir par exemple, de bulles de vapeur à l’interface solide-liquide (le cas qui nous intéresse), mais aussi de gouttes de liquide à l’interface solide-gaz. Cette situation est appelée “mouillage composite”.

k

j i

Fig. V.2: Illustration du mouillage composite : une phase j est piégée entre les phases i et k.

Historiquement, l’effet du mouillage composite est apparu dans les expériences de John-son et Dettre [64]. Ces auteurs ont mesuré l’angle de contact à l’avancée et à la reculée de gouttes d’eau posées sur des surfaces de cire de différentes rugosités. Dans un premier régime, l’hystérésis commence par augmenter avec la rugosité. Ils observent ensuite, pour une valeur plus élevée de rugosité, un brusque saut des deux angles de contact vers une valeur proche de 160. L’hystérésis devient alors très faible. Une grande rugosité diminue l’hystérésis, il y a mouillage composite. Plus récemment une approche quantitative a été proposée par Bico et al [10], [11], [12], Herminghaus [51] et Lafumaet al [68]. Ils ont réalisé des expériences similaires à celles de Johnson et Dettre mais avec des surfaces de texture parfaitement calibrée, de manière à mieux comprendre et modéliser les résultats obtenus.

Pour des surfaces rugueuses non mouillantes, il est possible d’envisager que le liquide re-pose sur ces rugosités, sans pénétrer à l’intérieur de celles-ci. Ceci conduit à une situation de mouillage composite, parfois appelée, de façon imagée,“effet fakir”. La figure V.3 représente une photo d’une goutte d’eau posée sur une surface texturée (rugueuse et hydrophobe).

Fig. V.3: Photo d’une goutte posée sur une surface hydrophobe structurée à l’échelle micrométrique ; on observe une interface composite (d’après [50]).

Nous allons maintenant développer une approche quantitative dont nous nous resservi-rons plus loin. Considéresservi-rons une surface de facteur de rugosité r (r correspond au rapport de l’aire réelle sur l’aire projetée) et soit φ la fraction de solide mouillé. Imaginons une

goutte macroscopique posée sur une telle surface structurée à l’échelle microscopique. On cherche à savoir dans quelle condition le mouillage “composite” est favorable. Il faut pour cela comparer l’énergie capillaireFa et Fb de chacune des situationsaetb représentées sur la figure V.4

(a) (b)

Fig. V.4: Représentation schématique d’un liquide sur une surface structurée. Cas (a) : mouillage “composite” le liquide repose sur les rugosités. Cas (b) : mouillage “normal”, le liquide occupe tout l’espace disponible.

Cas (a) :

Fa= γlv+ φγsl+ (r − φ)γsv+ (1 − φ)γlv

Cas (b) :

Fb = rγsl+ γlv

avec γlv et γsv les tensions surperficielles respectivement liquide-vapeur et solide-vapeur. Le mouillage composite est favorable si Fa < Fb, donc en utilisant la relation d’Young :

γlv cosθ = γsv− γsl (avecγsl la tension surperficielle solide-liquide etθl’angle de contact du liquide considéré sur la surface lisse) on obtient :

−(φ − r) cosθ < φ − 1

soit, commeφ < 1 < r :

cos(θ) < φ − 1

r − φ = c < 0

Nous voyons donc que la condition pour avoir un mouillage composite dépend à la fois de la géométrie de la surface étudiée (par l’intermédiaire des grandeurs φ et r) ainsi que de l’interaction solide-liquide (par l’intermédiaire de cos(θ)).

Les travaux expérimentaux que nous venons d’évoquer montrent qu’à l’échelle macro-scopique le mouillage composite peut apparaître pour des surfaces rugueuses non mouillantes. Nous nous intéressons dans la suite, par une approche de dynamique moléculaire, à l’exis-tence de ce phénomène à l’échelle nanométrique et à son effet sur la condition limite hy-drodynamique. Nous considérerons pour cela les configurations de mouillage d’un liquide confiné entre des surfaces infinies, rugueuses et non mouillantes telles que celles représentées sur la figure V.5.

Schoen et al [108, 39, 97] ont étudié numériquement la structure locale d’un fluide confiné entre des surfaces rugueuses. Nous nous intéresserons ici plus particulièrement à l’influence de surfaces rugueuses non mouillantes sur le glissement et nous verrons qu’il est possible dans ce cas d’obtenir de grandes valeurs de longueurs de glissement. Nous ne consi-dérerons pas le cas de liquides confinés entre des parois chimiquement hétérogènes, sujet

parois solides

Fig. V.5: Schéma du type de parois solides rugueuses et non mouillantes confinant le liquide par la suite. La rugosité est ici représentée sous forme de plots à section carrée.

riche qui a fait l’objet de nombreuses études. Ainsi, un fluide confiné entre deux parois pré-sentant des rayures chimiques pourra former une “phase pont” composée en alternance de zones de haute et basse densité, plusieurs études ont montré qu’il s’agissait d’une nouvelle phase thermodynamique au même titre que les phases gaz ou liquide [98, 106, 107, 15, 14]. Des études de stabilité de phase, par des simulations de Monte Carlo et détermination du grand potentiel, ont aussi été menées sur des substrats rugueux décorés chimiquement, tels que le système ne possède aucune symétrie de translation [104]. Nous nous limiterons dans notre étude au cas de surfaces chimiquement homogènes présentant un motif de rugosité périodique.

2 Approche numérique du mouillage composite à

l’échelle nanométrique : la dynamique moléculaire