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V. Effets conjugués de la rugosité et de la non mouillabilité sur la condition limite

4.5 Influence de la pression

Nous venons de voir que la longueur de glissement pouvait être fortement modifiée selon que le liquide se trouve dans un état “mouillé” ou “démouillé”. Il paraît donc naturel de se demander, dans un premier temps, comment cette longueur de glissement évolue avec la pression lorsque le système décrit le graphe P (d) tel que celui présenté sur la figure V.9. Nous considérons d’abord le cas des créneaux. La symétrie du solide impose alors deux directions privilégiées pour le cisaillement :

– l’une perpendiculaire à la direction des créneaux, nous noterons les longueurs de glissement correspondantesb,

– l’autre parallèle à la direction des créneaux, nous noterons les longueurs de glissement correspondantes b//.

1.4 1.05 0.7 0.35 23 22 21 20 19 18 17 60 40 20 0 Peq Longu eur de glisse m ent ( σ) d (u.L.J.) Cisaillement parallèle : b// Cisaillement perpendiculaire : b

P

/P

cap ill air e

Fig. V.25: Illustration de l’influence de la pression P sur le glissement. Pour une cellule contenant un nombre N fixe de molécules fluides, nous avons tracé l’évolution de la pression adimensionnée par la pression capillaire (cercles •), et des lon-gueurs de glissement pour un créneau parallèle (∗ : b//) et perpendiculaire (2 : b) au cisaillement, en fonction de la distance d entre les surfaces. Le créneau de cette cellule a une hauteur de 9,6 σ et une largeur de 8,7 σ.

La figure V.25 représente l’évolution de b// et b avec la distance d entre les parois. Nous avons également superposé l’évolution de P en fonction de d, ce qui permet no-tamment de caractériser l’état du système d’après la discussion de la figure V.16. Nous observons que les longueurs de glissement obtenues dans le cas d’un cisaillement paral-lèle aux créneaux sont toujours supérieures aux longueurs de glissement obtenues dans le cas d’un cisaillement perpendiculaire aux créneaux ; b// est 1,6 à 2,4 fois supérieure à b

selon la distance considérée. Cette tendance est assez intuitive, puisque dans le cas d’un cisaillement parallèle aux créneaux, l’écoulement est moins “perturbé” par ces créneaux et la friction solide-liquide est plus faible que dans le cas perpendiculaire (où la configuration est plus favorable au transfert de quantité de mouvement). Nous remarquons aussi que la longueur de glissement augmente fortement lors de l’apparition de l’interface composite (c’est à dire pour les distances d au delà du plateau de pression. Il faut aussi noter les valeurs négatives de longueurs de glissement, obtenues pour une faible distance entre les parois (correspondant à une configuration “mouillée”). Ces valeurs négatives correspondent à un “plan hydrodynamique” de non glissement qui se situe toujours entre le bas et le haut de la rugosité.

Nous notons aussi que nous pouvons atteindre des valeurs importantes de longueurs de glissement ; sur la figure V.25, dans la situation de mouillage composite, où la friction entre le liquide et le solide est moindre, on peut atteindre des longueurs de glissement allant ici jusqu’à b ∼ 80 σ soit, (en prenant σ compris entre 0,5 et 1 nm) environ 60 nm.

4.5.1 Comparaison avec les expériences :

Pour faciliter la comparaison avec des situations expérimentales, nous pouvons adimen-sionner la pression à partir d’une pression adaptée à ce problème, et ainsi s’affranchir des unités Lennard-Jones peu utilisées dans les expériences ! La modélisation macroscopique que nous avons développée au paragraphe 3.4, montre que la pression capillaire (qui, dans le cas d’un pore de largeurlp = L−a, se met sous la formePcapillaire= −2γlv cosθ/(L−a)) est une grandeur pertinente intervenant dans la description de l’état de mouillage du système. Nous l’adopterons donc comme facteur d’adimmensionnalisation.

Sur la figure V.26, nous avons représenté l’évolution de la longueur de glissement en fonction de la pression ainsi adimensionnée. Nous distinguons toujours bien les deux zones de la figure V.25 : la zone “mouillée” où la longueur de glissement est faible, et la zone “démouillée” où elle augmente fortement lorsque la pression diminue.

<

Fig. V.26: Évolution de la longueur de glissement avec la pression adimmensionnée à partir de la pression capillaire. La pression capillaire de dimensionnement a ici été calculée en prenant la valeur théorique de γcosθ = −0, 68 ce qui explique que le domaine de transition soit situé à P/Pcapillaire > 1. La discussion de la pression capillaire est détaillée au paragraphe 3.4. Le créneau de cette cellule a une hauteur de 10,7 σ et une largeur de 5 σ. La largeur correspondante du “pore” est de L−a = 18 σ. On considère un cisaillement parallèle aux créneaux. Pour une configuration expérimentale donnée, l’état de mouillage et l’importance du glissement peuvent être estimés à partir de la figure V.26 en déterminant la pression adi-mensionnée par Pcapillaire dans les conditions de l’expérience. Par exemple, pour de l’eau, (γlv = 72 mN/m) sur un solide hydrophobe (θ=100), P

Pcapillaire = P × 40 × lP, où lP est la largeur typique des pores déterminée par la rugosité de surface (exprimée en mètre). Ainsi pour une taille caractéristique de pore de 50 nm, une expérience à pression atmosphérique correspond à P

Pcapillaire = 0, 2, et donc à une configuration démouillée où le glissement peut être plus important que sur une surface lisse. Il est également important de s’interroger

sur la gamme de pression explorée durant une expérience dynamique typique réalisée en SFA. Est-ce que les variations de pression lors d’une telle expérience peuvent permettre de passer d’une configuration mouillée à une configuration démouillée ? La pressionP dans le fluide confiné entre la sphère et le plan, est donnée par la relation (III.5). Cette expression montre que P oscille dans le temps autour d’une valeur moyenne, donnée par la pression atmosphérique P (∞) ' 105 Pa. La valeur maximale de l’amplitude de ces oscillations que nous avons observées pour de l’eau est :

|P − P (∞)| ∼ 9 · 104Pa. (V.8)

En unité adimensionnée, (avec θ=100 et un pore de largeur lp (exprimée en mètre)) cette inégalité s’écrit :

4.105× lp < P

Pcapillaire < 76.10

5× lp. (V.9)

Selon la taille lp choisie pour le “pore”, qui correspond à la taille caractéristique de la rugosité de la surface, il est possible d’identifier à partir de la figure V.26 les longueurs de glissement correspondantes.

Il faut donc bien noter que les variations de pression explorées lors de nos expériences dynamiques de SFA restent très faibles par rapport à la gamme de pression de la figure V.26. Si l’on considère en effet une taille caractéristique de lp de l’ordre de 5 nm (reflétant un ordre de grandeur des rugosités mises en évidence par AFM), P

Pcapillaire ne varie qu’entre 0,002 et 0,038. Lors d’une expérience dynamique de SFA, pour des surfaces de rugosité peu importante, le système devrait donc toujours demeurer dans le même état, mouillé ou démouillé. Cet état dépend de l’interaction liquide/solide ainsi que de la rugosité des surfaces. Ceci signifie que la “variation” de longueur de glissement (déduite des simulations) associée à la variation de pression au cours d’une expérience de SFA, n’est pas significa-tive (cette variation est dans la barre d’erreur de la détermination par la simulation des longueurs de glissement). Ils ne faudrait donc pas interpréter ces résultats en termes d’une variation de la longueur de glissement en fonction de l’évolution du confinement au cours d’une expérience de SFA.

Il ressort en revanche de ces résultats numériques, qu’en présence de rugosités, il est pos-sible, dans les expériences (notamment d’AFM) d’obtenir des longueurs de glissement plus grandes que dans le cas de surfaces lisses. Pour un accord plus quantitatif, nous rappelons que le fluide de Lennard-Jones n’est qu’un modèle ; ces résultats peuvent donc difficile-ment être comparés quantitativedifficile-ment aux situations expéridifficile-mentales, mais ils permettent de dégager la tendance d’évolution du glissement en fonction de la rugosité considérée. Une étude numérique de dynamique moléculaire en vue de simuler notamment les propriétés d’un écoulement d’eau (modèle SPCE) est actuellement en cours dans notre laboratoire ; une comparaison plus quantitative avec les expériences sera alors envisageable.

4.5.2 Influence de la forme de l’interface liquide/vapeur sur la longueur de glissement

Nous avons représenté sur la figure V.27 l’évolution des longueurs de glissement en fonc-tion de la distance entre les parois, dans le cas d’un cisaillement parallèle ou perpendiculaire aux créneaux. Nous avons également représenté l’évolution de la longueur de glissement sur la paroi lisse du haut. Sur cette figure nous avons tracé les longueurs de glissement en fonction de l’épaisseurdde la cellule pour des raisons de lisibilité, mais nous rappelons que le paramètre important est la pression et non le confinement.

Nous observons que la longueur de glissement au niveau de la paroi lisse varie légèrement avec la distance ; ceci est dû au fait que cette longueur dépend en effet de la pression d’équilibre. Les variations de cette longueur de glissement restent néanmoins beaucoup moins importantes que celles mises en évidence sur les parois rugueuses. La figure V.27 nous permet notamment de déterminer les domaines pour lesquels la longueur de glissement est plus grande en présence de rugosités qu’en présence d’un mur lisse. Le point A correspond à l’égalité des longueurs de glissement dans le cas lisse et rugueux pour un cisaillement parallèle aux créneaux. Pour des distances d supérieures à celle associée au point A, et donc des pressions plus faibles, le glissement est favorisé par la rugosité. Nous remarquons par ailleurs que pour la situation du point A, dans le cas d’un cisaillement perpendiculaire, la présence de la rugosité défavorise le glissement. Pour un cisaillement perpendiculaire, le glissement n’est favorisé que pour des pressions inférieures à celle associée au point B. Nous avons aussi représenté sur cette figure, une coupe des cellules de simulation associées aux points A et B. Nous observons qu’en A le ménisque est incurvé dans la rugosité, alors qu’en B il ne l’est plus. Pour que la rugosité soit favorable au glissement dans le cas d’un cisaillement perpendiculaire, il est nécessaire que le ménisque ne soit pas incurvé à l’intérieur des créneaux, car la présence de liquide dans l’anfractuosité entraîne une dissipation importante, et donc une longueur de glissement plus faible que dans le cas lisse, malgré la présence d’une interface liquide/vapeur. Cette dernière ne devient efficacement lubrifiante que si l’interface pénètre suffisamment peu dans l’anfractuosité. La forme de l’interface, et donc la pression d’équilibre du fluide, jouent un rôle très important sur les effets de glissement.

Nous pouvons à présent nous intéresser à l’influence de la géométrie de la rugosité sur la longueur de glissement.