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La morphologie de Łódź selon la nationalité et la langue maternelle en

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Carte 12. La morphologie de Łódź selon la nationalité et la langue maternelle en

Source : GUS, 1937 Ainsi, la population juive en 1931 était toujours aussi importante (202 497 individus de confession juive, soit 34% de la population totale de la ville). Ce constat se répercutait dans l’espace, car outre le quartier juif historique (V) où se concentraient 31% des individus de confession juive, les quartiers alentours (III, IV, VII) recensaient une surreprésentation importante d’individus de confession juive et/ou parlant les langues juives (yiddish ou hébreu), alors que les individus ayant pour langue maternelle le polonais et/ ou catholiques y étaient sous-représentés. De plus, Łódź était la seule ville des trois villes étudiées qui présentait encore en 1931 des quartiers où une troisième nationalité et/ou religion d’appartenance était encore visible : celle des protestants et des individus ayant pour langue maternelle l’allemand. Ils étaient certes de moins en moins nombreux, car comme dans le reste du pays, ils avaient tendance à se poloniser très rapidement, mais marquaient tout de même l’espace. Il s’agit notamment des quartiers du centre- ville, le long de la rue Piotrkowska, au sud du quartier juif (quartiers VIII, X, XI et XIII). Par ailleurs, les quartiers périphériques, tout comme à Cracovie et à Varsovie, étaient dominés par les catholiques et les individus ayant pour langue maternelle le polonais, et à l’inverse les populations juives y étaient que faiblement représentées. Cette dernière constatation, déjà visible en 1921, était la résultante de l’exode rural bien avancé des Polonais à cette période qui se sont établis de préférence dans les « nouveaux » quartiers périphériques, agrandissant de plus en plus la ville. A l’inverse, la population juive étant plus anciennement implantée, se concentrait dans le centre- nord de la ville. Ainsi, en suivant la rue Piotrkowska, membrane centrale de la ville, il était possible de voyager d’un univers à l’autre, en partant du cœur du quartier juif-commerçant (ils représentaient 62% des propriétaires et des entrepreneurs et 55% des commerçants et assureurs en 1931), puis en passant devant les palais des grands industriels juifs, et ensuite ceux surtout majoritairement allemands et en finissant enfin au sud, en continuité dans la périphérie ouvrière polonaise (72% des ouvriers étaient catholiques en 1931).

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Conclusion

La structure socio-culturelle d’avant-guerre des villes polonaises était fortement ségrégée

entre communautés. Au cours du XIXe siècle, ces espaces regroupaient différentes nationalités qui

s’échangeaient aux rythmes des annexions et des hégémonies. Par ailleurs chacune de ces villes disposait d’un quartier historiquement juif où ces populations se regroupaient soit par obligation (Cracovie), soit par restriction (Varsovie). Les élites urbaines étaient alors principalement composées des hauts fonctionnaires étrangers, de l’aristocratie polonaise sans pouvoir politique et

de l’intelligentsia qui a pris de l’importance à la fin du XIXe

siècle. Elles étaient différentes d’une ville à l’autre, de sorte que Varsovie accueillait principalement les dignitaires russes, Cracovie les Autrichiens et Łódź attirait de grands industriels allemands. Durant cette période, ces populations avaient tendance à se regrouper dans le centre-ville. A Varsovie, les beaux quartiers suivaient un axe nord-sud (de la vieille ville aux portes de Mokotów). A Cracovie, outre le centre-ville, ces derniers s’excentraient au nord-ouest du centre (quartier des Professeurs). Enfin à Łódź, ils étaient principalement situés sur la rue Piotrkowska.

L’Indépendance signe la fin de ce jeu des successions, l’espace devenant principalement bivalent entre d’un côté les catholiques polonais et de l’autre les Juifs. A cet égard, les spécialisations par quartiers n’ont cessé d’augmenter, l’espace socio-culturel devenant extrêmement ségrégé entre ces deux communautés, seule la ville de Łódź accueillait encore quelques allemands et protestants. Les élites de cette période étaient essentiellement composées de l’intelligentsia qui accueillait en son sein peu à peu des intellectuels d’origine juive. Les droits de cette population se sont d’ailleurs améliorés jusqu’à la fin des années 1920 pouvant vivre sans restriction dans l’espace urbain, mais la situation s’est ensuite dégradée jusqu’en septembre 1939. La composition culturelle des étudiants à Varsovie et à Cracovie durant cette période démontre que la structure de l’élite dépendait fortement de la composition globale de la ville, bien que les catholiques étaient toujours surreprésentés et que les Juifs, à l’inverse, y étaient sous-représentés. Les beaux quartiers ont durant cette période très peu évolué se présentant toujours sur les mêmes

axes qu’au XIXe

siècle, mais en se développant quelque peu. Ils s’étalaient vers Żoliborz et Mokotów pour Varsovie, au-delà du centre et du quartier des Professeurs pour Cracovie et toujours autour de la rue Piotrkowska pour Łódź.

Ainsi, les beaux quartiers dans ces trois villes se sont constitués aux rythmes des aléas historiques, mais également suivant les configurations socio-culturelles de chaque période. Cependant la Seconde Guerre mondiale sonna le glas de cette composition spécifique de la société et des rapports sociaux qui existaient entre ces différentes communautés et à cet égard, l’espace social sera redéfini en profondeur après 1945, questionnant le devenir de ces quartiers.

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“Go for a walk in a new housing development in Budapest, Prague, and Moscow – it will take you some time to find out which country you are in. Visit a fellow sociologist in East Berlin or Warsaw – the size of his flat will be about the same as yours in Budapest or Sofia, he will pay about the same proportion of his income as you do for rent, you could probably swap furniture without noticing a change. Try to buy a pair of shoes, catch a taxi, or order a lunch in a restaurant – you can expect similar experiences in all the cities of Eastern Europe, including cities whose ways of life and business were quite different thirty, fifty, or a hundred years ago.”

Ivan Szelenyi, Urban inequalities under state socialism, 1983

Chapitre 5

Les élites dans les espaces urbains socialistes : une

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