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Croquis présentant la répartition des élites à Cracovie (fin du XIX e siècle et début du XX e siècle)

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Carte 5. Croquis présentant la répartition des élites à Cracovie (fin du XIX e siècle et début du XX e siècle)

Source: d’après K. Bromek, 1964 ; P. Innocenti, 1973; J. Bieniarzówna, Małecki, 197.

L'élite urbaine à Cracovie durant le XIXe siècle était composée d'un petit groupe de grands

propriétaires terriens, de nobles et d'aristocrates qui disposaient d'hôtels particuliers en centre-ville

et de nombreuses terres aux alentours de la ville119, ce qui était en général la base de leur

richesse120. Tout comme la noblesse française, ils passaient l'hiver en ville et s'établissaient à la

campagne dans leurs propriétés durant les beaux jours. Les hôtels particuliers étaient situés en

majorité dans le centre et dans les quartiers ouest de la ville, surtout à Piasek121. Il s'agissait d'une

"caste" bien particulière où aucun membre extérieur ne pouvait prétendre à y entrer. Comme le

119 Les terres pouvaient se situer dans la République libre de Cracovie (entre 1815 et 1846), dans le Royaume de

Pologne et plus rarement en Galicie.

120 Les plus grands propriétaires terriens étaient les Potocki, disposant de 33 domaines et du village Nowa Góra,

creusant la différence avec le reste de la noblesse puisque le deuxième le plus doté en terre était Józef Wodzicki qui avait seulement six domaines. Ensuite, les nobles possédant quatre ou cinq terres étaient les familles Wielowiejski (5), Mieroszewski (5), Badienów (4) et Popielów (4), ainsi que messieurs Krzyspin Żeleński (5), Wilhelm Żeleński (4) et Antoni Lipczyński (4) (J. Bieniarzówna, J. Małecki, 1979).

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Les plus connus étant l'hôtel particulier Pod Baranami des Potocki de Krzeszowić (Place du Rynek 27), celui des Lubormirski (rue Św. Jana 15), ainsi que celui des Czartoryski (rue Pijarska 15).

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rappellent J. Bieniarzówna et J. Małecki (1979), les individus qui devaient travailler pour gagner leur vie étaient extrêmement mal vus par ces élites, et l'intelligentsia urbaine était regardée avec méfiance. Cette dernière était composée en majorité de représentants de la bourgeoisie avec une part importante d'avocats, de juristes, de médecins et de professeurs d'université. Ils se mélangeaient peu à la noblesse. Ils habitaient cependant les mêmes quartiers (pour les plus riches d'entre eux), surtout les quartiers ouest. Par ailleurs, les alentours des rues Studenska (aujourd'hui rue Świerczewska), Karmeliska et Sobiecki étaient considérés comme le quartier des « Professeurs ». Ces quartiers sont également les plus riches, puisque si l’on se réfère au nombre d’habitants par pièce dans les logements en tant qu’indicateur économique en 1880, ce sont eux qui comptaient les taux les plus faibles : moins de deux habitants par pièce pour le centre et un pour le quartier Piasek, alors qu'à Stradom, à Kleparz ou surtout à Kazimierz, il fallait en

moyenne s'attendre à un peu moins de quatre habitants par pièce122 (P. Innocenti, 1973).

Par ailleurs, les commerçants123 les plus fortunés aspiraient fortement à la promotion

sociale et regardaient avec envie la noblesse (J. Bieniarzówna, J. Małecki, 1979). On retrouve par exemple dans cette catégorie les familles Kirchmajer, Helchów, Ciechanowski, Haller, Rathów, Treutlerów, Chwalibóg, etc., qui dans le but de monter l'échelle sociale ont acheté des domaines autour de la ville. Le juriste Chwalibóg détenait par exemple trois terres. L'œuvre romanesque La

poupée (pl. Lalka) écrite par le réaliste Bolesław Prus en 1890 dépeint extrêmement bien la

condition sociale de la fin du XIXe siècle en Pologne, et permet de comprendre dans ses

fondements la césure existante entre ces deux catégories. Ainsi, l'histoire relate les difficultés d'un commerçant fortuné à se faire une place au sein de la noblesse urbaine par l’intermédiaire de ces déboires amoureux. Les commerçants polonais ne sont pas les seuls à vouloir s'élever socialement, car dès les années 1920, quelques Juifs ont également acheté des terres aux alentours dans ce but.

La composition de la société cracovienne de la même façon que celle de la société

varsovienne, a quelque peu évolué au cours du XIXe siècle. L'importance de l'aristocratie a fait

place à la dominance de l'intelligentsia. J. Bieniarzwóna et J. Małecki (1979) l’évoquent par l'intermédiaire d'une anecdote concernant un mendiant installé à la porte de l'Eglise Mariacki, qui à un passant crie: "Monsieur le comte, un groszy?". Ce à quoi le passant répond: "Je ne suis pas un comte". Le mendiant se corrige alors : " Professeur, un groszy?" (p. 314). Par ailleurs, les nobles et les aristocrates ont eu tendance à investir peu à peu le quartier Piasek, au détriment du centre ville qui accueillait de plus en plus les commerces ainsi que les entreprises du tertiaire.

Lorsque l'on se réfère aux différentes catégories professionnelles en 1880, on remarque que Cracovie présente un fort pourcentage de fonctionnaires et d'intellectuels par rapport aux autres villes de la région, ce qui a d'une certaine manière fait la réputation de Cracovie (20% des habitants). Par ailleurs, les individus travaillant dans l'industrie représentaient 28% de la population, 21% travaillaient dans le commerce et les transports, 2% dans l'agriculture, 13%

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Dans Kazimierz sur la rue Estery, les plus forts taux étaient apparents avec 6 hab./pièce.

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étaient ouvriers, 7% étaient propriétaires de biens immobiliers et vivaient de leurs rentes et 9% étaient des recrues de l'armée (J. Bieniarzówna, J. Małecki, 1979). En 1900, la situation a quelque peu changé, car la catégorie la plus représentée était composée des commerçants et des personnes travaillant dans les transports (autour de 37%), les services et les professions libres étaient toujours fortement présentes (33,5%), et les individus travaillant dans le secteur de l'industrie et de l'artisanat représentaient 28% de la population. Les agriculteurs, cependant ne représentaient que 1,5% de la population (P. Innocenti, 1973).

1.3. Lodz: une spécificité liée aux communautés allemande et juive

La situation de l'espace lodzien était tout aussi ségrégé entre communautés, cependant la population juive et la population allemande et protestante restaient beaucoup plus prégnantes dans le paysage urbain et dans l’activité économique et sociale de la ville. En effet, tout au long du

XIXe siècle, les Polonais étaient surtout employés dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie

(ouvriers), de l’artisanat, des transports et des services domestiques (servantes, caméristes, cuisiniers, etc.). Les Juifs étaient surreprésentés dans le commerce, le secteur banquier et celui des assurances (S. Liszewski, 1999). Les Allemands s’orientaient principalement vers l’industrie (grands industriels), dans une moindre mesure vers l’artisanat et comptaient de nombreux rentiers ; enfin les Russes s’étaient orientés vers les métiers administratifs(Ibid.). La bourgeoisie Lodzienne , marquée par l’industrie, était composée majoritairement d’Allemands et de Juifs à un degré moindre. Cette dernière était à ce point spécifique et connue que ces membres étaient

nommés les Lodzermensch124. Les grands noms de ces industriels qui, à la fin du XIXe siècle,

possédaient des fabriques de plus de mille employés, sont essentiellement allemands. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’industrie de Lódź étant florissante, les Lodzemensch ont été rejoints par de nombreux autres fabricants allemands et quelques Juifs.

Par ailleurs, la population juive de Łódź n’a cessé de croître de la fin des années 1820 à la Première Guerre mondiale. Entre 1828 et 1914, elle a augmenté de plus de 300%, au point de devenir la ville regroupant le plus de population de confession juive en Pologne à l’aube de la Grande guerre. Leur importance dans la ville est passée d’un rapport de un pour dix à un pour trois. Parallèlement, la ville a connu une augmentation substantielle des catholiques, effet de la croissance globale de la population : leur nombre a été multiplié par 100 entre 1828 et 1914.

Au regard des recensements locaux de 1911 et 1918, l’auteur J. Dzieciuchowicz (2009) explique que durant cette période, l’espace urbain fortement ségrégé reposait sur un découpage selon les confessions (Carte 6). Les catholiques se localisaient principalement en périphérie dans les quartiers ouvriers. Les populations de confession juive quant à elles se concentraient dans le nord-est de la ville, car auparavant se situait à cet endroit les limites du quartier juif décidées sous

Nicolas Ier en 1827 (J. Dzieciuchowicz, 2009). Les Juifs fortunés faisaient exception en vivant en

centre-ville, surtout dans la rue Piotrkowska, représentant à eux seuls 40% des habitants de la rue.

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Les protestants habitaient en général dans l’ancien quartier Osada Łódka, et les orthodoxes (en majorité d’origine russe) dans le centre-ville. Ce découpage a été valable jusqu’en 1918, même si une déconcentration progressive de la population juive était perceptible et devenaient peu à peu dominante dans Stare miasto dès 1864. Concernant plus spécifiquement les nationalités, les Polonais étaient plus nombreux dans Stare miasto, et les Allemands dans le quartier Nowe Miasto et Osada Łódka.

Carte 6. Croquis représentant les concentrations des habitants selon la nationalité et

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