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Le centre-ville comme vitrine de la transition

Des espaces urbains en mutation : passage d’un régime socialiste à un régime capitaliste

2. La période transitoire : une nouvelle révolution urbaine

2.3. L’évolution de l’espace urbain selon les zones urbaines

2.3.1. Le centre-ville comme vitrine de la transition

Le centre urbain durant la période socialiste se voulait le reflet symbolique de la puissance socialiste. Ainsi, dans les grandes villes, c’est surtout dans cet espace que se concentre l’habitat de d’architecture réaliste socialiste de type stalinien d’après guerre (M.F. Parkins, 1953), dont la portée symbolique n’est plus à démontrer (voir 1.1.2). Les fonctions administratives étatiques étaient regroupées en centre-ville ainsi que les rares espaces culturels nationaux tels que les musées, les théâtres. Dans les plans et dans l’idéologie socialiste de l’espace urbain, le centre-ville devait également offrir les commerces de seconde nécessité telle que l’ameublement, l’achat de voitures etc., dont la position centrale permettait à chacun de pouvoir en profiter, alors que les biens et services de premières nécessités devait se retrouver à proximité des logements c’est-à- dire à l’échelle des osiedla. Néanmoins, le centre-ville manquait considérablement de commerce et était surtout le lieu du commerce des privilégiés de la période tel que l’atteste l’exclusivité des

magasins PEWEX46 (à partir de 1972) où l’on pouvait acheter des marchandises (surtout des

produit des pays de l’Ouest : Jeans, Coca-Cola etc.) qui n’existaient pas dans les autres magasins en payant avec des dollars.

Le passage d’une économie socialiste à une économie capitaliste ébranle considérablement les fonctions centrales des grandes villes. Le secteur tertiaire foisonnant, fait du centre-ville une zone de commerce où les magasins pullulent tels que dans les pays d’Europe de l’Ouest, voire d’autant plus que le laissez-faire caractéristique de cette période fait des centre- urbains des vitrines publicitaires dont les lumières, écrans géants et autres atours sont quelque fois très proches du symbole américain de Times Square. Les sièges sociaux des grandes entreprises

46 La création de ces magasins répondait à une logique économique étatique qui en vendant les marchandises

sans taxe particulière (en quelque sorte duty-free), donc moins cher que sur le marché libre, récoltait les devises étrangères des Polonais à moindre coût.

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investissent également cet espace. Par exemple la commune centrale de Varsovie fait construire de grandes tours dès le début des années 1990 dans le centre afin de « cacher » le très symbolique Palais de la culture et des sciences offert par Staline, dont le futur jusqu’à encore très récemment a fait débat, évitant de très peu une démolition. L’ironie de la situation ne manque pas de piquant car le pourtour du Palais est affublé de symboles capitalistes (publicités en tout genre, marchands ambulants, supermarchés) qui font un pied-de-nez remarquable à ce dernier depuis plus de 20 ans. Ces dernières années, la valeur que peu revêtir la place centrale de la capitale en terme de symbole, mais surtout en terme de prestige est très largement discuté. Ainsi, de nombreux projets de constructions allant du musée contemporain à des gratte-ciels luxueux voient le jour et déjà les marchands ambulants ont été expulsés et le supermarché rasé afin d’en changer les fonctionnalités.

En outre, les centres des villes polonaises se dépeuplent, d’une part à cause de ces nouvelles fonctionnalités, mais aussi à cause du vieillissement de sa population. La pression du marché immobilier a repoussé un grand nombre d’habitants en zones périphériques. La polarisation des services et des fonctions tertiaires est grandissante. Les villes qui ont le plus de mal dans ce processus sont les anciens pôles industriels tel que Katowice qui est une des grandes perdantes de la transformation à cause de son passé minier trop lourd, où le démantèlement des infrastructures est extrêmement couteux, ce qui laisse des friches industrielles vertigineuses. Toutefois certaines villes essayent peu à peu de s’extirper ou de se servir de ce passé encombrant, c’est le cas notamment de Łódź dont l’usine centrale de la ville a été totalement réhabilité pour y accueillir un centre commercial, revitalisation qui se développe dans toute la rue principale Piotrkowska. C’est le cas également du centre-ville de Żyrardów, banlieue de Varsovie (30 min en train du centre), dont le passé prolétaire est fort depuis le XIXe siècle. Les nombreux bâtiments de l’usine en brique rouge, vestige de cette période sont transformés en loft pour essayer d’attirer les cadres supérieurs de Varsovie et ainsi profiter de sa métropolisation.

La grande gagnante de ces changements est bien évidemment la capitale qui profite des investissements étrangers de grandes ampleurs, ainsi que des grands projets urbains. Le développement du métropolitain est un des exemples les plus frappants de ces changements. Une première artère allant du nord au sud avait été érigée à partir de 1995 et la dernière station ouverte en 2008. Aujourd’hui les travaux de la seconde artère (d’ouest en est) sont d’une telle ampleur qu’une tranchée géante filait dans une des artères principales du centre-ville (approx. 1,5 km) encore en 2012. C’est le cas également de la démolition et de la reconstruction de la gare centrale de Łódź (Łódź-Fabriczna) qui laisse un trou béant, tel un cratère en plein centre-ville dont les

travaux devraient durer de 2011 à 2015 (cf. photos réalisées par S. Kaczmarek, juin 201347). Outre

la construction d’une gare souterraine (ligne Varsovie-Łódź), ce ne sont pas loin de 90 ha. qui seront démolis, rénovés ou reconstruits. Un nouveau centre polyfonctionnel serait ainsi créé incluant les fonctions de transports (gare routière, gare ferroviaire), de commerces (centre commercial), de culture et d’éducation (centre culturel et artistique, musée, salle de festival et de

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congrès), sans oublier la construction de nouveaux logements de standing supérieur48.

Aujourd’hui cet espace central est totalement fermé aux riverains, ce qui façonne un paysage urbain atypique que les grandes villes d’Europe de l’Ouest telle que Paris n’ont jamais pu connaître ou peut-être il y a bien longtemps sous l’ère haussmannien.

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