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Monocouches mixtes

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Bien que le mécanisme d’adsorption ne soit toujours pas totalement élucidé, de nom-breuses applications basées sur les monocouches auto-assemblées de dérivés soufrés sur or ont déjà été développées. Afin d’élaborer des systèmes de reconnaissances moléculaires ou de catalyses hétérogènes, il peut être intéressant d’incorporer deux ou plusieurs molé-cules dont les groupes fonctionnels seraient différents sur une même surface d’or. On parle alors de monocouches mixtes. Ces secondes molécules, qui diffèrent des premières, peuvent ainsi jouer un rôle de diluant en espaçant les molécules d’intérêt les unes des autres pour accroitre ainsi la réactivité des premières.85 Levillain et coll. rapportent ainsi que l’oxy-dation catalytique de dérivés alcools en aldéhydes par des dérivés TEMPO confinés à la surface d’une électrode d’or est plus efficace en présence d’alcanethiol (jouant le rôle de diluant) que dans le cas de monocouches formées uniquement par les TEMPO-thiols. Ils estiment ainsi que, pour une monocouche saturée, l’efficacité catalytique est maximale pour un ratio de TEMPO-thiol et d’alcanethiol de 45 % et 55 % respectivement.

Figure 1.10 – Figure extraite de la publication de Levillain et coll.85 montrant une efficacité catalytique plus élevée de l’oxydation d’un alcool en aldéhyde pour un dérivé TEMPO impliqué dans

une SAM mixte comparée à une SAM simple.

De plus, si ces nouvelles molécules possèdent des fonctions réactives différentes des pre-mières, il est possible de former une monocouche multifonctionnelle.86,87 Mas-Torrent et coll. décrivent ainsi l’élaboration d’une monocouche avec multicentre et multiétat d’oxy-doréduction et, Dugger et Webb l’adsorption contrôlée de protéines par cycloaddition de Huisgen88 sur une SAM mixte contenant des fonctions azotures terminales.

En plus des monocouches mixtes pré-formées par lithographie ou de celles obtenues par post-fonctionnalisation,89,90 il est possible de distinguer deux approches (figure 1.11) pour l’élaboration de monocouches mixtes binaires à partir d’une solution :

– l’adsorption simultanée sur le substrat d’or d’une solution contenant les différents composés d’intérêt à une concentration et dans des proportions données.

– l’adsorption séquentielle correspondant à l’immersion successive du substrat dans différentes solutions contenant chacune un composé et ce pendant des temps plus ou moins longs.

CHAPITRE 1 – Introduction

Figure 1.11 – Représentation schématique des deux stratégies pour l’élaboration d’une monocouche mixte.

Alévêque et al. ont ainsi montré que ces deux procédures, avec les mêmes compo-sés, pouvaient induire des monocouches différentes.91 Dans les deux cas, les proportions en surface seront dépendantes de l’affinité des différentes molécules pour le substrat en raison de différents paramètres (nature des fonctions d’ancrage, interactions intermolécu-laires, interactions électrostatiques, longueur de la chaîne alkyle, etc) mais aussi des temps d’immersion et des concentrations. D’une manière générale, le problème fréquemment ren-contré est le non-respect des ratios en surfaces vis-à-vis de ceux initialement introduits en solution comme le montre la figure 1.12.90,92–98

Figure 1.12 – Images extraites de la publication de Creager et Rowe93où sont représentées les concentrations surfaciques en ferrocenehexanethiol à différents ratios en solution en présence de

différents alcanethiols — A) réalisées dans l’éthanol avec (

) butanethiol () hexanethiol (N) octanethiol (H) decanethiol — B) réalisées dans l’hexanol avec (

) hexanethiol () octanethiol (N)

decanethiol

Creager et Rowe y expliquent ainsi que les interactions entre de plus longues chaînes tendent à stabiliser la monocouche au regard de chaînes plus courtes dans un solvant comme l’éthanol (figure 1.12-A). En effet, il existe moins d’interactions entre la chaîne alcane du thiol et celui du solvant qu’avec la molécule incorporée dans la monocouche. Ainsi, plus la chaîne du thiol est longue, plus il existe des interactions de type London au sein de la monocouche qui défavorisent l’incorporation du composé électroactif possédant une chaîne à six carbones. Cette hypothèse est appuyée par la même expérience réalisée dans l’hexanol. Dans ces conditions, la différence de stabilisation entre une molécule en solution et celle impliquée dans une SAM est moins prononcée. Ceci permet, dans une 26

Monocouches mixtes

certaine mesure, d’obtenir des ratios en surface proches de ceux en solution (figure 1.12-B) quel que soit le composé.

Bien qu’il soit possible de jouer sur des effets de solvant afin d’ajuster au mieux les proportions en surface, les optimisations pour un système donné ne fonctionnent pas forcément pour un système différent et nécessitent d’être réévaluées au cas par cas.91

Même si différentes méthodes spectroscopiques ont été développées pour prédire à partir de données thermodynamiques la composition d’une monocouche mixte,99 aucune n’a permis d’obtenir une reproduction linéaire entre les proportions en surface et celles en solution de manière généralisée. L’unique co-adsorption de dérivés électroactifs dont les ratios en surfaces respectent ceux en solution a été réalisée sur une surface de platine et rapportée par Forster et Flaukner100 comme le montre la figure 1.13. A noter que les complexes utilisés sont des dérivés à base d’Osmium complexés par des ligands de type bipyridinium, et donc non soufrés.

Figure 1.13 – Tracé réalisé à partir des données extraites de la publication de Faulkner et Forster100où les auteurs montrent une linéarité entre les ratios introduits en solution et ceux présents à

la surface estimés par chronoampérométrie à haute vitesse.

Outre les respects des ratios en surface, une autre problématique sous-jacente à l’ad-sorption de plusieurs composés se pose. En effet, il peut exister différentes répartitions des molécules à la surface de l’électrode. Si nous considérons les postulats de Langmuir, chaque site d’adsorption étant équivalent et les molécules n’interagissant pas les unes avec les autres, la probabilité qu’une molécule s’adsorbe à un endroit spécifique plutôt qu’à un autre est nulle. La répartition des molécules à la surface est donc totalement aléatoire et se doit d’être homogène. Dans le cas où il existe des sites énergétiquement favorables à l’ad-sorption de certaines molécules, ou que les interactions des chaînes latérales influencent fortement l’agencement des molécules suivantes, il est possible dans un cas extrême d’ob-server une totale ségrégation des molécules à la surface. Enfin, ce qui est sans doute le cas le plus probable, les deux extrêmes co-existent pour différents temps d’incubation et un état intermédiaire est observé. Les trois possibilités sont présentées dans la figure 1.14.

Dans le cas de monocouches possédant des dérivés électroactifs, ces différentes répar-27

CHAPITRE 1 – Introduction

Figure 1.14 – Répartitions possibles des molécules à la surface de l’électrode : A) Répartition aléatoire - B) Répartition partiellement ségréguée - C) Répartition totalement ségréguée

titions des molécules à la surface de l’électrode devraient induire des changements non négligeables de l’allure des vagues observées. Levillain et coll. ont tenté ainsi, à l’aide de modélisations numériques couplées à des données expérimentales, de corréler la répar-tition des molécules à la surface de l’électrode en fonction des interactions latérales et leurs effets sur la réponse électrochimique.95,101–105 Afin d’estimer la probabilité qu’une molécule s’adsorbe préférentiellement à proximité d’un site déjà occupé plutôt que sur un site aléatoire, Mues et Heuer ont réalisé, pour leur part, une simulation informatique en utilisant la méthode Lattice Monte-Carlo (LMC) et en introduisant une composante probabiliste.106 L’incorporation de cette composante probabiliste à ce modèle très utilisé pour les phénomènes de nucléation-croissance permet de regarder l’évolution d’un sys-tème au cours du temps. Les auteurs rapportent ainsi qu’une molécule donnée aurait une probabilité plus importante de s’adsorber à coté d’une autre molécule déjà greffée plutôt que sur un site aléatoire. Il est cependant très complexe de simuler de manière complète par calcul DFT la formation de dérivés soufrés sur or et de prédire ainsi l’adsorption en surface de plusieurs dérivés. En effet, la plupart des calculs DFT se basent sur des clusters d’or ne dépassant pas quelques centaines d’atomes, ce qui est différent du comportement d’une surface d’or. De plus, beaucoup d’interactions doivent être considérées ce qui rend les calculs extrêmement complexes en temps de résolution. Ainsi, il faut considérer les in-teractions molécules-molécules, molécules-solvant, molécules-surface, surface-solvant, les constantes d’affinités, les constantes cinétiques ... auxquelles peuvent s’ajouter des para-mètres supplémentaires comme la présence d’électrolyte support ou bien d’un potentiel de polarisation influant la surface d’or.

Le contrôle précis de la composition en surface de différentes espèces apparait donc comme un enjeu crucial pour l’élaboration de systèmes mixtes binaires ou tertiaires. Il est indispensable de développer une méthode générique indépendante des temps d’incubation ou des caractéristiques intrinsèques des molécules utilisées. Elle permettrait ainsi l’élabo-ration de capteurs ou de systèmes biomimétiques de manière aisée à partir de quelques données thermodynamiques en utilisant ainsi peu d’adsorbats. Nous développerons ainsi 28

Adsorption sous potentiel contrôlé de monocouches d’alcane thiol

les résultats obtenus à l’aide de notre technique dans le chapitre 4.

1.6 Adsorption sous potentiel contrôlé de monocouches

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