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6. Les immunoglobulines intraveineuses (IgIV)

6.3 Mécanismes d’action des IgIV

6.3.5 Modulation de la réponse immune adaptative par les IgIV

6.3.5.1 Effet modulateur des IgIV sur les lymphocytes B et les auto-anticorps

Les lymphocytes B jouent un rôle central dans le développement et le maintien des maladies auto- immunes par leur production d’anticorps réactifs contre le soi. Tel que décrit précédemment, les IgIV participent activement à réduire le niveau d’auto-anticorps en circulation via la neutralisation des récepteurs FcRn ainsi que par l’induction de l’apoptose des lymphocytes B. D’autres mécanismes ont également été proposé et inclus l’inhibition de la sécrétion d’immunoglobulines par les lymphocytes B. Des études in vitro ont en effet rapporté que les IgIV sont capables d’inhiber la production d’IgE en agissant directement sur des lymphocytes B stimulés avec la combinaison d’anticorps monoclonaux anti-CD40 et IL-4 [435, 436]. L’effet des IgIV sur la production d’IgG est cependant controversé. Il a en effet été montré que les IgIV inhibent la production d’IgG par des lymphocytes B stimulés avec le mitogène pokeweed (PWM, pokeweed mitogen) alors que d’autres études utilisant des lymphocytes B activés par stimulation CD40 en présence de cytokines n’ont pas vu d’effet inhibiteur des IgIV sur la sécrétion d’IgG [437] ou au contraire ont observé une augmentation de la production d’IgG [438].

Une étude utilisant des lymphocytes B purifiés de souris a rapporté quant à elle que les IgIV inhibent la présentation antigénique dépendante du BCR, et indépendante du BCR [439]. Les processus menant à cette inhibition n’ont pas été déterminés mais il a été proposé que l’interaction des IgIV avec des protéines intracellulaires impliquées dans la présentation antigénique (LYST, myosine, etc.), suite à l’internalisation des IgIV dans les lymphocytes B, pourrait participer à l’inhibition de la présentation d’antigène [440]. Ces études révèlent un nouveau mécanisme qui pourrait également contribuer à l’inhibition de la production d’auto-anticorps.

6.3.5.2 Effet modulateur des IgIV sur les lymphocytes T

Les IgIV sont utilisées pour le traitement de maladies auto-immunes ou inflammatoires et des observations cliniques ont rapporté une modulation des fonctions des lymphocytes T chez les patients traités suggérant ainsi que les lymphocytes T pouvaient être une cible directe ou indirecte des IgIV [441-447]. Pour cette raison, l’effet des IgIV sur les fonctions des lymphocytes T totaux ou sous-populations de lymphocytes T CD4+ (Th1, Th2, Th17, Treg) et lymphocyte T CD8+ a été très étudié mais les conclusions dérivées de toutes ces études ne sont pas claires et demeurent

Des études in vitro ont été réalisées afin d’évaluer l’effet des IgIV sur les fonctions des lymphocytes T totaux (CD3+) activés en utilisant différentes techniques d’activation polyspécifique des lymphocytes T (lectines mitogéniques, phorbol ester/ionomycin, anticorps anti-CD3/anti-CD28). Les résultats de ces études montrent que les IgIV inhibent la prolifération, l’expression de marqueur d’activation (CD25, CD69) et modulent la sécrétion de cytokines pro- et anti-inflammatoires (IL-2, IFN-γ, TNF-β, etc.) [448-456]. Puisque certaines de ces modulations ont été observées sur des lymphocytes T purifiés ou lignées de lymphocytes T, il a été proposé que les IgIV exercent leur effet inhibiteur en agissant directement sur ces cellules. L’effet direct des IgIV sur les lymphocytes T a cependant été remis en question [457-459]. Il a en effet été rapporté que l’effet inhibiteur des IgIV sur la production de cytokines pro-inflammatoires nécessite la présence de cellules accessoires (monocytes, lymphocytes B) suggérant ainsi plutôt un effet indirect des IgIV sur les lymphocytes T [459].

Les lymphocytes T CD4+ avec la prédominance d’une réponse de type lymphocytes Th1 jouent un rôle important dans le développement des maladies auto-immunes [460-462]. De manière intéressante, des études cliniques ont rapporté que le traitement avec des IgIV diminue le ratio Th1/Th2 dans la population des lymphocytes T CD4+ menant ainsi à des réponses anti- inflammatoires chez les patients traités [442, 443, 445, 463-466]. Dans une étude in vivo utilisant un modèle de souris immunisée avec de l’ovalbumine (OVA), il a été montré que l’administration d’IgIV durant les phases d’immunisation réduit le nombre de lymphocytes T spécifiques générés en réponse à cette protéine [415]. De plus, les mêmes auteurs ont mis en évidence que l’activation in vitro de lymphocytes T CD4+ spécifiques à l’OVA (soluble ou complexée), par la présentation de l’antigène par des APC, était de beaucoup diminuée en présence d’IgIV [415, 416]. Dans ces deux études, il été montré que les IgIV inhibent indirectement l’activation de lymphocytes T spécifiques à l’OVA en interférant avec la présentation de celui-ci par les APC. Pour ce faire, les IgIV compétitionnent avec les complexes d’antigènes pour la liaison aux FcγR et réduisent ainsi l’internalisation et la présentation subséquente des antigènes par les APC [415]. Les IgIV peuvent également compétitionner avec les antigènes internalisés pour le chargement sur les molécules du CMHII, diminuant ainsi la quantité de CHMII-peptide présentés à la surface des APC [416].

Les lymphocytes Th17 sont une sous-population de lymphocytes T CD4+ et leurs cytokines jouent un rôle important dans la pathogénèse de plusieurs maladies auto-immunes et désordres inflammatoires chroniques, incluant le psoriasis, la maladie de Crohn, l’arthrite rhumatoïde et les scléroses multiples en produisant notamment les cytokines IL-17A, IL-17F, IL-21, IL-22 et CCL20

visant à étudier l’effet des IgIV sur la population Th17 de patients a jusqu’à présent été rapportée chez des patients souffrant de myélopathies inflammatoires. Dans cette étude, les IgIV réduisent le ratio Th1/Th17 suggérant un rôle des lymphocytes Th17 dans la réponse anti-inflammatoire des IgIV [472]. L’effet des IgIV a aussi été étudié en utilisant un modèle de souris EAE (experimental autoimmune encephalomyelitis) qui est un modèle experimental de sclérose en plaques [473]. Dans ce modèle, la pathogénèse de la maladie est améliorée après un traitement avec IgIV et est associée avec un nombre diminué de lymphocytes Th17 dans les ganglions lymphatiques et la rate. Afin de déterminer les mécanismes par lesquels les IgIV affectent la population de lymphocytes Th17, le même groupe de recherche s’est intéressé à l’effet des IgIV sur la différenciation in vitro des lymphocytes T CD4+ humains en lymphocytes Th17 [474, 475]. La présence des IgIV empêche la différenciation des lymphocytes T CD4+ en lymphocytes Th17 et diminuent la production d’IL- 17A. Le mécanisme est dépendant de la région F(ab’)2 mais n’est pas la conséquence d’une neutralisation de la cytokine IL-17 par les IVIg [474, 476]. Il a été proposé que les IgIV affectent la différenciation des lymphocytes T en inhibant la phosphorylation de STAT3 (signal transducer and activator of transcription-3), un facteur de transcription qui joue un rôle central dans la différenciation et stabilisation de la lignée Th17 [477-479].

Les lymphocytes Treg CD4+ CD25+ Foxp3+ jouent un rôle critique dans la suppression de réponses immunes pathogéniques dans les maladies auto-immunes et dans le maintien de tolérance immune lors de transplantation [480, 481]. Le développement de maladies auto-immunes telles que l’ITP, le SLE, la maladie de Kawasaki, le syndrome de Guillain-Barré, le diabète de type I et les scléroses en plaque a en effet été associé avec des anomalies dans le nombre ou dans les fonctions suppressives des lymphocytes Treg [482-490]. Plusieurs études cliniques réalisées sur des patients traités aux IgIV et souffrant de désordres auto-immuns (maladie de Kawasaki, syndrome de Guillain-Barré, granulomatose éosinophilique, rhumatisme auto-immun) ont révélé une augmentation de la capacité suppressive et du nombre de lymphocytes Treg en circulation [482- 490]. L’effet des IgIV sur les lymphocytes Treg a été étudié dans des modèles animaux de maladies et montrent que l’effet protecteur des IgIV dans ces maladies est associé avec une augmentation du nombre de lymphocytes Treg dans la circulation sanguine et les organes lymphoïdes [491, 492]. Dans un modèle murin de scléroses en plaque (EAE) où les lymphocytes Treg ont été soustraits, les IgIV échouent à protéger les souris indiquant un rôle majeur des lymphocytes Treg dans l’effet thérapeutique des IgIV [491]. Afin de déterminer les mécanismes précis impliqués dans le

agissant directement sur cette population, possiblement via la liaison d’un récepteur inconnu présent sur les lymphocytes Treg mais absent des lymphocytes T conventionnels [493, 494]. Alternativement, d’autres études in vitro suggèrent plutôt que l’induction de lymphocytes Treg serait la conséquence indirecte de l’effet des IgIV sur les APC en générant des DCs tolérogéniques [417, 492, 495]. Comme il a été rapporté que les cytokines inflammatoires suppriment les lymphocytes Treg, il a aussi été proposé que la neutralisation de ces médiateurs inflammatoires par les IgIV favoriserait l’expansion des lymphocytes Treg [496]. L’ensemble de tous ces travaux suggère que l’induction et la stimulation des lymphocytes Treg pourraient faire partie des mécanismes par lesquels les IgIV contrôlent l’inflammation chez les patients souffrant de désordres auto-immuns ou inflammatoires ou lors de réponses allogéniques.

Un dérèglement de la tolérance des lymphocytes T CD8+ envers les antigènes du soi pourrait également contribuer directement à l’initiation et au maintien de plusieurs maladies auto-immunes telles que le diabète de type I ou les scléroses en plaques [497]. Des études cliniques ont rapporté que les IgIV normalisaient le répertoire de lymphocytes T CD8+ chez les patients souffrant de la maladie de Crohn ou de CIDP [498, 499]. Afin de mieux comprendre l’effet des IgIV sur les lymphocytes T CD8+ observés dans les études cliniques, un modèle murin d’immunisation à l’OVA a été utilisé et montre une diminution du nombre de lymphocytes T CD8+ spécifiques à l’OVA chez les souris traitées avec des IgIV [500]. L’effet inhibiteur des IgIV a été associé en partie au blocage du TCR par les IgIV. Dans un système d’activation in vitro utilisant la présentation croisée de complexe d’antigène (OVA) par des APC à des lymphocytes T CD8+ spécifiques à l’OVA, les mêmes auteurs ont également rapporté que les IgIV inhibent l’activation des lymphocytes T CD8+ en compétitionnant avec les complexes pour la liaison aux FcγR exprimés par les APC, ce qui résulte en une présentation diminuée des complexes CMHI-OVA et donc en la diminution de l’activation des lymphocytes T CD8+ spécifiques à l’OVA [501].