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Lors d’une réponse immune normale dirigée contre un pathogène, celle-ci cesse dès lors que le pathogène a été détruit et éliminé de l’organisme. Dans le contexte d’une activation par un antigène du soi (auto-antigène), la réponse auto-immune se poursuit en continu puisque l’élimination complète de l’auto-antigène est impossible. Il en résulte un état chronique inflammatoire appelé maladie auto-immune. Plus d’une centaine de désordres auto-immuns sont actuellement répertoriés chez l’humain et touchent environ 3 à 5 % de la population mondiale [170].

3.1 Les facteurs responsables du développement de maladies auto-immunes

Les maladies auto-immunes représentent un échec ou une rupture des mécanismes de tolérance périphérique. Bien que les causes exactes qui occasionnent le développement de telles maladies ne soient pas encore clairement définies, il est bien accepté que des facteurs génétiques de concert avec des facteurs environnementaux et des infections microbiennes jouent un rôle central dans le développement de désordres auto-immuns [171-176].

3.1.1 Les prédispositions génétiques

Certains défauts génétiques prédisposent au développement de maladies auto-immunes. Des modifications dans les gènes du chromosome X semblent notamment augmenter les réponses auto- immunes ce qui expliquerait la prépondérance des désordres auto-immuns chez les femmes [176, 177]. Un défaut allélique dans les gènes codant pour des facteurs de transcription (STAT-4 dans l’arthrite rhumatoïde) [178], des cytokines (IL-2, IL-12, IL-21 dans la maladie de coeliaque) [179, 180] ou des récepteurs de cytokines (IL-23R dans le psoriasis) [181], augmente les risques de développer certains désordres auto-immmuns. Des différences polymorphiques dans les gènes de molécules de co-stimulation (CD40) ou d’inhibition (CTLA-4, PD-1) briseraient aussi les mécanismes de tolérance et seraient impliquées dans le développement de maladies auto-immunes telles que l’arthrite rhumatoïde ou le diabète de type I [182-184]. Des anomalies dans le gène HLA- DR (human leukocyte antigen-DR) du CMHII situé sur le chromosome 6 seraient également associées au développement de désordres auto-immuns [185-187]. Un défaut dans certains allèles de ce gène augmenterait en effet la présentation d’auto-antigène et par conséquent la probabilité d’activer des lymphocytes T auto-réactifs. C’est notamment le cas dans la sclérose en plaque, le

mutation dans le gène HLA-DR et déclencher l’auto-immunité en créant un fort environnement pro- inflammatoire qui favorise l’activation polyclonale non spécifique des lymphocytes T auto-réactifs [172].

3.1.2 Les facteurs environnementaux

L’exposition à certains facteurs environnementaux tels que les drogues (cigarettes, médicaments), la pollution ou certains produits chimiques (pesticides, métaux lourds, etc.) peut également favoriser le développement de maladies auto-immunes [188-190]. Des études ont rapporté que la consommation importante de tabac pouvait participer au développement du syndrome de Goodpasture qui se manifeste par des hémorragies pulmonaires suite à la destruction du collagène de type IV. La fumée de cigarette endommagerait les capillaires des alvéoles pulmonaires libérant ainsi le collagène qui serait alors neutralisé par des anticorps anti-collagène de type IV [191]. Il a aussi été démontré que certains médicaments peuvent contribuer à l’induction de désordres auto-immuns. A titre d’exemple, la consommation de procaïnamide (utilisé pour réduire l’arythmie cardiaque) ou d’hydralazine (utilisée pour traiter l’hyper-tension) a été rapportée comme étant un facteur à haut risque pour le développement de lupus ayant de fortes ressemblances avec le SLE car ces médicaments favorisent l’activation spontanée des lymphocytes T auto-réactifs [192]. L’exposition à certains agents de conservation, pesticides ou additifs présents dans les produits alimentaires industriels pourrait également augmenter le risque de développer des symptômes auto-immuns. Par exemple, l’additif tétraméthylpentadécane (TMPD ou pristane) qui est retrouvé couramment dans les huiles minérales et dans certains aliments pourrait possiblement déclencher des réponses inflammatoires chroniques [193]. Des modèles animaux ont également permis de démontrer que les métaux lourds (mercure, argent, or) peuvent induire des néphropathies auto-immunes [194, 195]. Il a ainsi été suggéré que la présence d’amalgames dentaires à métaux lourds chez l’humain serait un facteur de risque pour le développement de tels désordres.

3.1.3 Les infections microbiennes et le mimétisme moléculaire

Les infections virales, bactériennes, parasitaires ou fongiques peuvent briser la tolérance et déclencher l’auto-immunité via plusieurs mécanismes [196, 197]. Tout d’abord, une forte inflammation (cytokines, chimiokines) induite par les pathogènes recrute les leucocytes au site d’infection et peut mener à une activation polyclonale non spécifique des lymphocytes T auto- réactifs [172]. Les pathogènes peuvent également activer directement les lymphocytes T réactifs contre le soi en présentant des épitopes avec des séquences similaires aux composantes du soi. Ce

et des antigènes du soi [198]. Le mimétisme moléculaire par les virus tels que le CMV (cytomégalovirus), le parvovirus B19 et le EBV (virus Epstein-Barr) est fréquemment impliqué dans le développement du SLE. Il a par exemple été montré que les séquences d’EBNA-1 (EBV nuclear antigen-1) possèdent une similarité avec les séquences de la nucléoprotéine smith (Sm). La production d’anti-Sm suite à l’infection d’EBV pourrait être l’une des causes du développement du SLE [199]. Le LPS de C jejuni ressemble structurellement aux gangliosides humains et serait impliqué dans la production d’anti-gangliosides responsables du développement de Guillain-Barré [200]. Finalement, les pathogènes peuvent induire des désordres auto-immuns en causant des dommages cellulaires ou tissulaires. Le relargage de composantes du soi augmente en effet la présentation d’auto-antigènes et le risque de développer de l’auto-immunité [172].

3.2 Les conséquences

Un dérèglement de la tolérance au soi entraîne des réactions immunitaires qui vont être dirigées soit contre un organe spécifique ou soit contre plusieurs tissus de l’organisme (Tableau 2).

Lors de maladies auto-immunes spécifiques d’organe, des lymphocytes T reconnaissent des auto- antigènes restreints à un organe particulier et causent des dommages en induisant une réponse immune cellulaire et/ou humorale. Dans le cas par exemple du diabète de type I, l’insuline est reconnue par le système immunitaire et cette reconnaissance auto-immune engendre la destruction spécifique des cellules β du pancréas soit directement par des lymphocytes T cytotoxiques ou indirectement via la production d’anticorps spécifiques à l’insuline [201]. Lorsque les maladies sont d’ordre systémique, ce sont tous les tissus de l’organisme qui sont touchés et la réponse auto- immune est habituellement à la fois cellulaire et humorale. C’est notamment le cas dans le SLE. Dans cette maladie, les auto-antigènes reconnus sont d’origine nucléaire (ADN, histone, ribonucléoprotéines) et donc présents de manière ubiquitaire dans toutes les cellules ce qui a pour conséquence d’endommager des tissus aussi divers que la peau, le rein ou le cerveau [202].

En résumé, bien que la machinerie responsable d’établir la tolérance au soi soit hautement efficace, certains facteurs tels que les prédispositions génétiques, les facteurs environnementaux et/ou les infections microbiennes peuvent briser cette tolérance et mener à des désordres auto-immuns et inflammatoires localisés ou systémiques.

Tableau 2. Exemples de maladies auto-immunes systémiques ou spécifiques d'organe

avec les cibles auto-antigéniques connues. Adapté de Marrack et al [203].

Maladie Organe Exemple d’auto- antigène connu

Responsables du dommage

Prévalence

Maladies autoimmunes apécifiques de l’organe

Thyroïdite autoimmune

Thyroïde Thyroglobuline, peroxidase thyroïde

Cellules T/anticorps 1.0-2.0

Gastrite Estomac H+/K+ ATPase, facteur intrinsèque

Cellules T/anticorps 1-2% chez > 60 ans Maladie coeliaque Intestin grèle Transglutaminase Cellules T/anticorps 0.2-1.1

Maladie Graves Thyroïde Récepteur d’hormone stimulant la thyroïde

Anticorps 0.2-1.1

Vitiligo mélanocytes Tyrosinase, protéine-2 reliée à la tyrosinase

Cellules T/anticorps 0.4

Diabète de type I Cellules ! du pancréas

Insuline, acide glutamique décarboxylase

Cellules T 0.2-0.4

Multiples scléroses Cerveau/moelle épinière

Protéine basique de la myéline, protéine

protéolipide

Cellules T 0.01- 0.15

Pemphigus peau desmogléines Anticorps < 0.01- >3.0 Hépatite autoimmune foie Antigènes hépatocytes

(cytochrome P450)

Cellules T/anticorps < 0.01

Myasténie grave muscle Récepteur de l’acétylcholine Anticorps < 0.01 Cirrhose biliaire primaire Canaux biliaires du foie Complexes 2-oxo- acide déshydrogénases Cellules T/anticorps < 0.01

Maladies autoimmunes systémiques

Arthrite rhumatoïde Articulations, poumons, cœur, etc.

IgG, filaggrine, fibrine, etc.

Cellules T dans les articulations ?/anticorps 0.8 Lupus systémique (SLE) Peau, articulations, reins, cerveau, poumons, cœur, autres Antigènes nucléaires (ADN, histones, ribonucléoprotéine) Anticorps 0.1 Polymyosite / dermatomyosite Muscle squelettique, poumons, cœur, articulations Antigènes de muscle, aminoacyl-ARNt- synthétases, autres antigènes nucléaires Cellules T/anticorps < 0.01

Maladies auto-immunes spécifiques de l’organe

Maladies auto-immunes systémiques