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Les IgIV inhibent l’activation des lymphocytes T en neutralisant les agents mitogènes

Les IgIV sont utilisées couramment depuis les années 80 pour le traitement d’une multitude de maladies auto-immunes et inflammatoires mais étonnament les mécanismes précis responsables de leur effet bénéfique n’ont pas encore été clairement déterminés. Face au risque de pénurie des IgIV lié à leur utilisation croissante, il devient urgent de mieux comprendre comment les IgIV exercent leur effet anti-inflammatoire chez les patients. Dans le cadre de ce doctorat, nous avons donc souhaité approfondir notre compréhension des mécanismes d’action des IgIV en s’intéressant tout particulièrement aux mécanismes d’inhibition de l’activation des lymphocytes T par les IgIV. Pour ce faire, nous avons utilisé des systèmes expérimentaux utilisant des agents mitogènes (lectines, billes anti-CD3/CD28) afin de mimer l’état activé des lymphocytes T lors des maladies auto- immunes. Les conclusions dérivées de précédentes études ayant utilisé les mêmes systèmes d’activation des lymphocytes T n’ont pas permis d’identifier clairement si les IgIV affectent directement ou indirectement les fonctions des lymphocytes T. L’un des objectifs de cette thèse était donc de déterminer les mécanismes précis par lesquels les IgIV inhibent l’activation de ces cellules. Les résultats rapportés dans les chapitres I et II de cette thèse mènent à la conclusion que l’inhibition de l’activation des lymphocytes T observée dans ces différents systèmes expérimentaux est la conséquence d’une neutralisation des agents activateurs (lectines, billes) par les IgIV. L’absence d’effet inhibiteur des IgIV sur l’activation de lymphocytes T préalablement stimulés avec des billes anti-CD3/CD28 suggère que les IgIV n’ont pas d’effet direct sur les fonctions des lymphocytes T activés. D’une manière générale, nos travaux montrent donc que les IgIV ont la capacité d’interférer avec divers systèmes expérimentaux. Lors d’une précédente étude, nous avions déjà mis en évidence la capacité des IgIV à interférer avec un système d’évaluation de prolifération cellulaire utilisant la technique du BrdU (5-bromo-2-deoxyuridine) [607]. Le BrdU est un analogue de la thymidine qui s’intercale dans l’ADN en réplication. L’utilisation d’anticorps spécifiques anti- BrDU permet la détection quantitative du BrdU et l’évaluation subséquente de la prolifération cellulaire. Dans cette étude, nous avons montré que les IgIV (et autres protéines utilisées à haute

s’assurer de l’absence d’interférence entre les IgIV et le système expérimental utilisé avant de tirer des conclusions sur l’effet des IgIV.

D’autres agents mitogènes tels que le PMA (phorbol myristate acétate) ou le PDB (phorbol diburytate) en combinaison avec la ionomycine ou bien les anticorps monoclonaux anti-CD3 ont également été utilisés pour étudier l’effet des IgIV sur les fonctions des lymphocytes T activés. Les résultats rapportés dans le cadre de ces études sont souvent contradictoires et ne permettent donc pas de déterminer clairement si les IgIV affectent directement ou indirectement les fonctions des lymphocytes T activés [449, 456, 458, 459]. Une étude a cependant permis d’apporter des éléments nouveaux concernant le mode d’action des IgIV sur les fonctions des lymphocytes T en démontrant que la présence des APC (lymphocytes B, monocytes) est requise pour que les IgIV exercent leur effet anti-inflammatoire sur les lymphocytes T [459]. Dans cette étude, les IgIV inhibent l’activation des lymphocytes T suite à la stimulation de PBMC avec du phorbol/ionomycine ou des anticorps anti-CD3 mais cette inhibition est absente lorsque des lymphocytes T purifiés sont stimulés à la place des PBMC. A l’instar de nos propres conclusions, ces résultats suggèrent un effet indirect des IgIV sur les lymphocytes T plutôt qu’une action directe sur ces cellules. Les auteurs de cette étude spéculent que les IgIV pourraient provoquer l’inhibition des lymphocytes T stimulés avec du phorbol/ionomycine en induisant la production par les APC de facteurs solubles anti- inflammatoires tels que l’IL-1RA qui est reconnu pour être un récepteur antagoniste de l’IL-1 [608]. L’IL-1RA compétitionne avec le récepteur de l’IL-1 et diminue ainsi la disponibilité des cytokines IL-1α/β qui sont importantes pour l’activation des lymphocytes T [609]. De précédentes études appuient cette hypothèse en montrant que des IgG monoclonaux et les IgIV augmentent l’expression d’IL-1RA dans les cultures de monocytes humaines [608, 610]. Nos travaux appuient également cette hypothèse puisque nous avons montré dans le chapitre III que les IgIV induisent la sécrétion d’IL-1RA par des PBMC au repos ou stimulées par RLM. Dans le contexte d’une stimulation avec des anticorps monoclonaux anti-CD3, il est connu que la stimulation optimale des lymphocytes T requiert la présence de cellules accessoires [562-564, 611-613]. L’interaction entre les récepteurs CD28 et les récepteurs CD80/CD86, exprimés respectivement à la surface des lymphocytes T et des APC, amplifie en effet l’activation anti-CD3. En se basant sur les résultats obtenus dans le chapitre III de cette thèse qui montrent que les IgIV inhibent l’expression de CD80 sur les monocytes, nous pensons que la diminution de signaux de co-stimulation délivrés aux lymphocytes T expliquerait l’effet inhibiteur des IgIV observé sur des PBMC stimulées avec des anticorps anti-CD3.

Mais comment expliquer que certaines études aient rapporté un effet inhibiteur des IgIV sur des lymphocytes T purifiés et stimulés avec du PMA/ionomycine [449] ou des anticorps monoclonaux anti-CD3 [458] ? Nous soupçonnons tout d’abord que les techniques d’isolation des lymphocytes T utilisées dans ces études ont pu mener à de faibles contaminations en APC et que l’effet inhibiteur des IgIV sur l’activation des lymphocytes T serait en fait la conséquence de modulations exercées sur les APC (baisse de l’expression de CD80 sur les monocytes, production d’IL-1RA) plutôt que directement sur les lymphocytes T. La méthode utilisée pour purifier les lymphocytes T dans ces études fait appel à la technique E-rosetting qui permet d’isoler les lymphocytes T en se basant sur la capacité de ces cellules à lier les érythrocytes de mouton [614]. Cette liaison forme des rosettes et le passage de ces rosettes sur une colonne de nylon permet de purifier les lymphocytes T. Contrairement aux récentes méthodes qui utilisent la sélection positive avec des billes magnétiques pour isoler les lymphocytes T, la technique E-rosetting ne fournit pas un degré de pureté aussi élevé [614, 615]. De plus, nous avons observé dans nos laboratoires une très faible (voire inexistante) prolifération des lymphocytes T purifiés suite à la stimulation avec des anticorps monoclonaux anti- CD3 OKT3 (index de prolifération <2) alors qu’une stimulation de PBMC dans les mêmes conditions mène à une très forte prolifération des lymphocytes T (index de prolifération > 60) (données non montrées). Cette observation appuie l’hypothèse que, dans les études ayant étudié l’effet des IgIV sur l’activation des lymphocytes T purifiés par E-rosetting, les préparations en lymphocytes T purifiés aient été contaminées par des APC. Comme nous avons montré que les IgIV ont la capacité de neutraliser les lectines et les billes anti-CD3/CD28 par les IgIV, nous avons également spéculé que l’inhibition par les IgIV de l’activation des lymphocytes T purifiés stimulés avec le PMA ou les anticorps monoclonaux anti-CD3 pourrait être la conséquence d’une neutralisation de ces agents activateurs. Afin de tester cette hypothèse, nous avons évalué par ELISA la réactivité des IgIV contre le PMA et contre deux clones d’anticorps anti-CD3. Nos résultats montrent que les IgIV ont la capacité de se lier au PMA et aux clones UCHT1 et OKT3 (Figure S1). La nature de cette liaison n’a pas été déterminée mais nous pensons qu’une telle interaction pourrait interférer avec l’activation optimale des lymphocytes T par ces agents activateurs.

1.2 Les IgIV inhibent l’activation des lymphocytes T lors de RLM en modulant les