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6. Les immunoglobulines intraveineuses (IgIV)

6.3 Mécanismes d’action des IgIV

6.3.1 Mécanismes FcR dépendants

Les FcRs participent activement aux fonctions protectrices du système immunitaire en permettant l’endocytose et la phagocytose de complexes immuns d’IgG [322]. Les FcRs les plus compétents pour mener à bien ces fonctions immunes sont les récepteurs Fc gamma (FcγRs) qui ont la capacité de lier spécifiquement les IgG. Cette interaction induit soit des signaux intracellulaires d’activation en présence des motifs ITAM (immunoreceptor tyrosine-based activation motif), soit des signaux

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Distribution annuelle d'IgIV

familles de FcγRs activateurs sont actuellement répertoriées chez l’humain: FcγRI qui sont des récepteurs de haute affinité liant les IgG monomériques ; FcγRIIA et FcγRIII qui sont des récepteurs de faible affinité liant les complexes d’IgG tels que les plaquettes opsonisées par des IgG et les complexes immuns multivalents [322, 323]. Parmi les récepteurs inhibiteurs retrouvés chez l’humain, seuls les récepteurs FcγRIIB sont actuellement répertoriés.

6.3.1.1 Les FcγRs activateurs

Grâce à leur région Fc, les IgIV peuvent se lier à la surface des différents FcγR retrouvés à la surface des cellules immunes. Des observations cliniques ayant rapporté que l’infusion de fragments Fc chez des patients souffrant d’ITP améliorait la maladie suggèrent que les IgIV induisent leur effet anti-inflammatoire en saturant les récepteurs FcγR, empêchant ainsi la phagocytose et la destruction subséquente des plaquettes opsonisées par des auto-anticorps [324, 325]. Plus précisément, d’autres études cliniques suggèrent que ce serait le blocage des récepteurs FcγRIIA et FcγRIII sur les cellules phagocytaires par les IgIV qui serait impliqué dans l’inhibition de la destruction plaquettaire observée chez les patients souffrant d’ITP et traités avec des IgIV [326- 328]. Des études réalisées chez la souris proposent que les dimères et multimères d’IgIV seraient principalement responsables de cette inhibition de par leur capacité à lier spécifiquement les FcγRII/FcγRIII [329]. D’autres études in vivo montrent cependant que les IgIV monomériques jouent également un rôle significatif dans l’ITP en se liant soit directement à la surface de ces récepteurs ou après avoir formé des complexes avec les antigènes du plasma [330-333]. En plus de se lier aux FcγRs, il a été suggéré que les IgIV pourraient exercer une partie de leur effet anti- inflammatoire en diminuant le nombre de FcγRs activateurs. Une étude clinique menée sur des patients souffrant de la maladie de Kawasaki a en effet montré une réduction significative de l’expression des FcγRI et FcγRIII à la surface de monocytes de patients traités avec des IgIV [334].

6.3.1.2 Les FcγRs inhibiteurs

Bien que le blocage compétitif des FcγRs activateurs par les IgIV soit le mécanisme d’action le plus couramment accepté pour expliquer l’effet bénéfique des IgIV dans le cadre de certaines maladies auto-immunes (ITP, arthrite rhumatoïde, etc.), il a également été proposé que les IgIV exerçaient leur effet thérapeutique en augmentant l’expression des récepteurs inhibiteurs FcγRIIB à la surface

les IgIV augmentent l’expression de FcγRIIB à la surface de monocytes et de lymphocytes B chez les patients traités avec IgIV [335]. Des études montrant que les IgIV sont inefficaces dans des modèles murins d’ITP, d’arthrite et de néphrite néphrotoxique où les souris sont déficientes en FcγRIIB, confirment l’importance de ce récepteur dans les propriétés anti-inflammatoires des IgIV [335-338]. Il a été proposé que l’augmentation de FcγRIIB à la surface des cellules myéloïdes serait induite suite à la liaison des IgIV au récepteur SIGN-1 (Specific ICAM-3 Grabbing Non-integrin ou CD209) chez la souris ou son équivalent DC-SIGN (Dendritic cell-specific intercellular adhesion molecule-3-grabbing non integrin) chez l’humain, via la fraction sialylée de la région Fc de certains IgG (SA-IgIV) (2 à 4 %) [337, 339]. Brièvement, la liaison des SA-IgIV aux cellules myéloïdes induirait l’expansion des basophiles et la sécrétion de l’IL-4 par ces cellules ce qui augmenterait l’expression du récepteur inhibiteur FcγRIIb à la surface des cellules myéloïdes [340].

L’implication du FcγRIIb dans l’effet thérapeutique des IgIV dans l’ITP a cependant récemment été remise en question dans des études in vivo [333, 341, 342]. Des études cliniques menées chez des patients souffrant d’ITP ou de la maladie de Kawasaki ont également rapporté l’absence de modulation des FcγRIIb à la surface de monocytes/macrophages chez les patients traités avec des IgIV et mènent donc à s’interroger sur le réel impact des FcγRIIb dans les effets thérapeutiques des IgIV [343, 344].

6.3.1.3 Les récepteurs Fc néonataux (FcRn)

La demi-vie des IgG du sérum varie de 7 (IgG3) à 21 jours (IgG1, IgG2, IgG4). Si les IgG demeurent aussi longtemps en circulation avant d’être dégradées, c’est grâce à la présence des récepteurs Fc néonataux (FcRn) qui protègent les IgG du catabolisme [345, 346]. Contrairement aux récepteurs Fc conventionnels (FcγR), les FcRn se lient à la région Fc des IgG d’une manière dépendante du pH. En effet, les IgG nécessitent un environnement acide (pH <6.5) (ex : lumen intestinal) pour pouvoir lier les FcRn membranaires et être ensuite internalisées dans les cellules. Cette liaison peut également avoir lieu suite à l’internalisation des IgG dans des endosomes contenant des FcRn et où le pH<6.5. Les complexes FcRn-IgG sont ensuite recyclés à la membrane cellulaire où le retour à un pH physiologique (7.4) permet aux IgG de se dissocier des FcRn et de retourner dans la circulation sanguine. Les FcRn jouent donc un rôle important dans l’homéostasie des IgG plasmatiques [345].

Dans le cadre de maladies auto-immunes, il a été proposé que la réduction significative des IgG pathogéniques en circulation dans le plasma de patients traités aux IgIV était due à la saturation des

FcRn [347]. Des observations similaires ont été faites in vivo dans des modèles animaux d’ITP et l’absence de diminution d’anticorps anti-plaquette chez des souris déficientes en FcRn après un traitement avec IgIV confirme l’implication des FcRn dans les effets thérapeutiques des IgIV [348- 351].

En résumé, l’ensemble de toutes ces études montre que la fraction Fc des IgIV semble contribuer aux effets anti-inflammatoires des IgIV en saturant et/ou en modulant l’expression des FcγRII/FcγRIII activateurs, en saturant les FcRn et potentiellement en augmentant l’expression des récepteurs inhibiteurs FcγRIIB à la surface des APC.