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MODALITES D’ASSOCIATION ENTRE ERGONOMIE ET CONTROLE DE GESTION

DANS LES ORGANISATIONS

CHAPITRE 3 – LES APPORTS DE L’ERGONOMIE A NOTRE RECHERCHE

2 MODALITES D’ASSOCIATION ENTRE ERGONOMIE ET CONTROLE DE GESTION

2 MODALITES D’ASSOCIATION ENTRE ERGONOMIE ET CONTROLE DE

GESTION Cette section vise à montrer que les deux champs scientifiques que sont l’ergonomie et le contrôle de gestion peuvent être associés dans une démarche de recherche. Nous montrons tout d’abord qu’ils sont commensurables, c’est-à-dire qu’il existe au moins une thématique commune aux deux disciplines (4.1). Nous exposons ensuite quelques travaux pionniers en la matière (4.2).

2.1 Commensurabilité entre ergonomie et contrôle de gestion

La commensurabilité entre ergonomie et gestion est reconnue par des chercheurs des deux disciplines. Karwowski (2005) parle de « Congruence between management and ergonomics » (p. 457)2. Dans leur panorama des « voisinages disciplinaires de

1 Par simplification, nous utiliserons désormais le terme « ergonomie » avec le sens « ergonomie de langue française ».

2 Pour cela, Karwowski revient à une référence souvent critiquée et décriée : F. W. Taylor. Tout en étant

porteur d’un projet productiviste, Taylor s’intéresse également à la santé des travailleurs. Le projet productiviste de Taylor s’énonce ainsi :

« What the workmen want from their employers beyond anything else is high wages, and what employers want from their workmen most of all is a low labor cost of manufacture.

These two conditions are not diametrically opposed to one another as would appear at first glance. » (Taylor, 1903, p. 22)

« The possibility of coupling high wages with a low labor cost rests mainly upon the enormous difference between the amount of work which a first-class man can do under favorable circumstances and the work which is actually done by the average man. » (Taylor, 1903, p. 24)

l’ergonomie », Leplat & Montmollin (2004) identifient les « sciences de la gestion » au même titre que la « biologie humaine » ou encore la « psychologie du travail ». Le

Traité d’Ergonomie (Cazamian & al., 1996) place quant à lui la gestion dans une logique

d’intervention. Hubault & Fiol (1996) y relatent et analysent un cas d’intervention conjointe entre académiques ergonomes et gestionnaires. La perspective est motivée par la raison suivante : « L’ergonomie constitue ainsi l’axe de l’intervention, selon une démarche clinique qui, posant que dans le travail convergent les questions qui structurent toute l’entreprise, appelle la gestion, clinicienne elle aussi, à la fois pour nourrir la compréhension de ce processus de diffusion et pour instruire les choix capables d’en tirer un parti transformateur de l’organisation. » (Hubault & Fiol, 1996, p. 674, nous soulignons). Hubault & Fiol (1996) tirent de cette expérience la possibilité de « croiser les regards » (p. 700) de deux manières. La première (« approche concrète », id., p. 700) est plutôt séparatrice : elle se caractérise par une « opposition des formes », une « différence d’objet » et une « juxtaposition des points de mire » (fig. 10 p. 701). La seconde (« approche analytique ») est plutôt intégratrice car, tout en actant l’ « opposition des méthodes » et la « confrontation des points de vue », elle insiste sur une « convergence d’objet » (fig. 11 p. 701). Dans la continuité de ces travaux, De Geuser (2006) a pu établir la « Légitimité du transfert de connaissance de l’ergonomie vers le management » (p. 35). Le management peut désormais se nourrir de l’ergonomie.

La « convergence d’objet » dont parlent Hubault & Fiol (1996) semble s’articuler autour de la performance. Rappelons-le, l’ergonomie a pour objectif de : « to optimize human well-being and overall system performance. » (IEA, 2000-2015). Pour Falzon (2004b, p. 23) : « La spécificité de l’ergonomie réside dans sa tension entre [ces] deux

Le projet productiviste de Taylor s’intéresse aussi à la santé des travailleurs. De son point de vue – et c’est là une divergence notoire d’avec l’ergonomie telle que nous l’entendons, cette préservation passe par l’exécution d’une tâche bien (« scientifiquement ») conçue : « This task specifies not only what is to be done but how it is to be done and the exact time allowed for doing it. […] it should be distinctly understood that in no case is the workman called upon to work at a pace which would be injurious to his health. » (Taylor, 1911, p. 39, nous soulignons). Le respect de cette consigne passe notamment par l’énonciation de règles de port de charge et d’engagement : « For example, when pig iron is being handled (each pig weighing 92 pounds), a first-class workman can only be under load 43 per cent. of the day. He must be entirely free from load during 57 per cent. of the day. » (Taylor, 1911, p. 57). Taylor (1911) parle alors de recuperation (p. 59).

objectifs. ». Ces deux objectifs ont été récemment réaffirmés dans les conclusions d’un groupe de travail international mandaté par l’IEA : « HFE [Human Factors/Ergonomics] focuses on two related outcomes : performance and well-being. » (Dul & al., 2012, p. 379). Cette réaffirmation contient selon nous une nouveauté. Performance et bien- être deviennent des objectifs conjoints, et non plus simplement en balance – ce que peuvent laisser entendre « l’optimisation » de l’IEA (2000-2015) et la « tension » chez Falzon (2004b).

Bien sûr, des divergences entre ergonomie et contrôle de gestion peuvent subsister à propos de la performance1. La performance constitue néanmoins un point de

rencontre qui marque le fait qu’ergonomie et contrôle de gestion sont commensurables.

Après avoir souligné la commensurabilité entre ergonomie et contrôle de gestion, nous présentons des travaux pionniers ayant articulé ergonomie et contrôle de gestion.

2.2 Des travaux pionniers mobilisant ergonomie et contrôle de gestion

Nous exposons ici quelques travaux pionniers mariant ergonomie et contrôle de gestion.

Hubault & Fiol (1996) ont conjointement mis en œuvre une démarche d’intervention qui articulait ergonomie et contrôle de gestion au sein d’une entreprise privée de transports publics. Comme évoqué précédemment, ils ont conclu de cette démarche la possibilité de « croiser les regards » (Hubault & Fiol, 1996) entre ergonomie et contrôle de gestion dans une perspective de convergence. La thèse de De Geuser (2006) renforce la convergence envisagée par Hubault & Fiol (1996) et s’appuie sur une démarche ergonomique portant en particulier sur les instruments de gestion utilisés par des managers. Enfin, en considérant le champ Comptabilité-Contrôle-Audit dans

1 Falzon & Mas (2007) proposent d’ailleurs plusieurs « Pistes pour une approche ergonomique de la

son ensemble, Guénin (2008) met en œuvre une démarche ergonomique pour étudier le travail d’auditeur légal.

Ces travaux mêlant ergonomie et contrôle de gestion montrent que la démarche ergonomique a déjà été mise en œuvre dans notre champ, et que cette mise en œuvre a fait l’objet d’une validation scientifique. Ils confortent donc la légitimité à mobiliser l’ergonomie dans le cadre de cette thèse.

Nous venons de légitimer d’un point de vue général le recours à l’ergonomie pour notre recherche. La section qui suit présente les apports concernant la caractérisation et la définition du travail.

3 DEUX CARACTERISTIQUES PRINCIPALES DU TRAVAIL EN ERGONOMIE, ET