• Aucun résultat trouvé

DANS LES ORGANISATIONS

CHAPITRE 3 – LES APPORTS DE L’ERGONOMIE A NOTRE RECHERCHE

3 DEUX CARACTERISTIQUES PRINCIPALES DU TRAVAIL EN ERGONOMIE, ET LEURS CONSEQUENCES POUR LA DEFINITION DU TRAVAIL

4.2 Les effets utiles de l’activité pour les organisations

L’identification de l’écart entre la tâche (le travail prescrit) et l’activité (le travail réel) a conduit les ergonomes à s’interroger sur la nature et la signification de cet écart (Hubault & al., 1996). La rencontre entre tâche et activité relève de la confrontation, voire d’un conflit, de deux logiques (Hubault & al., 1996) : une logique technico- organisationnelle, d’une part, qui va définir la tâche et avec les conditions d’exécution et de reporting, et une logique du vivant qui va tenter d’y répondre tout en répondant à d’autres buts tels que la santé, le confort, la satisfaction, les compétences (Falzon, 2004b). A partir de ce conflit de logiques, et dans le prolongement des fondements de l’ergonomie (approche globale et objectifs conjoints de performance et bien-être), va se développer une modélisation plus ou moins sophistiquée. Cette modélisation intègre bien évidemment les facteurs déterminants de chaque logique, mais aussi, et surtout – pour notre propos, ce que l’activité (donc le travail) produit – ses « effets utiles », en particulier pour les organisations.

Nous présentons ci-après trois modélisations sans prétendre à l’exhaustivité. Elles nous semblent suffisamment significatives et explicites de cette modélisation. La modélisation de Guérin & al. (1991, p. 48) prend la forme suivante :

Guérin & al. (1991) formalisent le conflit de logiques par la rencontre entre un « opérateur » (c’est-à-dire un individu qui travaille et qui s’inscrit dans une histoire : âge, expérience, fatigue, etc.) et une « entreprise ». L’entreprise définit et instaure les éléments de la tâche (objectifs, outils, cadences, consignes, espaces de travail, etc.). La rencontre se formalise par un « contrat » qui est par nature incomplet, et une tâche1

qui l’est aussi. Le conflit se synthétise alors dans l’activité de travail2 qui génère des conséquences pour chacun des deux éléments du système : l’opérateur et l’entreprise. Ces conséquences sont tant positives (compétences, production) que négatives (accidents, non-qualité)3. Falzon (2004b, p. 27) adapte quant à lui un modèle similaire de Leplat (2000) :

Sous des dénominations quelque peu différentes, on retrouve dans ce modèle de fortes similitudes avec celui de Guérin & al. (1991) :

« A un moment donné, l’opérateur est dans un certain état de connaissances (formation, âge, expérience acquise), de santé générale (maladie, déficiences, âge, etc.) et de santé instantanée (effet des rythmes circadiens, du moment de la journée, de l’astreinte, de la fatigue, du stress). La tâche se caractérise, de façon permanente, par 1 Guérin & al. (1991) font ici une distinction entre tâches prescrites et tâches réelles. C’est une manière de rendre compte d’un premier niveau d’écart entre, par exemple, une fiche de poste et les orientations données au quotidien par le manager. Nous ne développerons pas plus avant. 2 Par distinction avec une activité sportive ou ludique. 3 Le modèle ne prévoit nullement que les conséquences négatives surviennent systématiquement.

des buts, un niveau d’exigence, des moyens, des critères à respecter, etc., et de façon instantanée par une consigne particulière, par la charge du moment, etc. L’activité résulte d’un couplage entre conditions internes et conditions externes. L’activité produit des effets relatifs à l’opérateur et relatifs à la tâche. » (Falzon, 2004b, p. 27).

Les effets de l’activité sur l’opérateur sont notamment relatifs à la santé (fatigue, maladies professionnelles, etc.) et aux compétences (id., p. 27). Les conséquences sur la tâche portent principalement sur la performance (ibid., p. 28).

La modélisation de Falzon (2004b) adaptée de Leplat (2000) fait en revanche clairement apparaître une étape qui était sous-entendue, voire masquée, chez Guérin & al. (1991) : l’étape de double évaluation (interne et externe). Cette étape indique que l’activité s’ajuste en cours de réalisation. Ainsi :

« si l’activité conduit à une fatigue excessive, ou à une posture pénible, l’opérateur adapte son activité (rythme ou mode opératoire) de façon à réduire l’astreinte […]. De même, côté tâche, la comparaison entre performance visée et performance effective peut aboutir à : […] un constat d’atteinte des objectifs pouvant pourtant aussi aboutir dans certains cas à des modifications de l’activité, afin de dégager des marges de manœuvre, d’éviter une accentuation des exigences, etc. » (Falzon, 2004b, p. 28).

Au terme de cet aperçu, nous retenons principalement que l’ergonomie conceptualise les effets utiles de l’activité, tant pour les individus que pour les organisations. En corollaire, l’identification des effets utiles de l’activité (qui, rappelons-le, opérationnalise le travail) nous permet d’envisager d’appréhender par ce biais ce que le travail apporte dans les organisations. Dans cette perspective, l’ergonomie apporte un élément déterminant à notre recherche, élément que nous n’avons pas trouvé dans les travaux en économie ou sciences de gestion.

Il semble toutefois que l’arrimage des effets utiles à la performance organisationnelle pose encore des difficultés. D’une part, l’ergonomie ne semble pas suffisamment orientée dans ses pratiques vers la performance (Bourgeois & Hubault, 2005 ; Falzon & Mas, 2007 ; Dul & al., 2012). Il nous faut rappeler d’autre part la double indéfinition du

travail (Hubault, 1999), qui caractérise une des difficultés majeures dans l’étude du travail – cf. chapitre 1.

Nous concluons désormais le chapitre consacré aux apports de l’ergonomie à notre recherche.

CONCLUSIONS DU CHAPITRE 3

Ce chapitre a montré tout l’intérêt de mobiliser l’ergonomie dans notre recherche. En tant que science du travail, l’ergonomie se pose en premier lieu comme la discipline incontournable sur le travail (section 1). Plus spécifiquement nous nous positionnons dans le courant de l’ergonomie de langue française qui est centrée autour de l’activité (cf. supra 1.2). Nous avons ensuite justifié le fait que l’ergonomie pouvait être mobilisée en contrôle de gestion. Ergonomie et contrôle de gestion sont commensurables, et des recherches les mobilisant ont déjà été conduites (section 2). Nous avons ensuite détaillé l’apport de l’ergonomie en termes de caractérisation et définition du travail (section 3). Cet apport nous a conduit à compléter notre définition du travail (cf. 3.3) pour aboutir à :

Une activité humaine, coordonnée, rémunérée, consistant à mettre en forme une capacité ou un donné pour l’usage d’autrui, de manière indépendante ou sous la direction d’un autre en échange d’une contrepartie monétaire. L’activité est encadrée par la tâche qui n’épuise jamais la variabilité des situations rencontrées.

Nous avons enfin détaillé les apports relatifs au concept d’activité en ergonomie (section 4). Premièrement, l’activité opérationnalise le travail. Deuxièmement, l’ergonomie identifie les effets utiles de cette activité dans les organisations. Nous verrons les conséquences de ces apports dans le chapitre consacré à notre question de recherche, et dans le chapitre dédié à la méthodologie.

Ces apports ne doivent pas non plus négliger le fait que le lien entre le travail et la performance organisationnelle reste peu documenté à ce jour en ergonomie.

A l’issue de ce chapitre, nous sommes désormais en mesure d’énoncer notre question de recherche et de considérer les développement immédiats qu’elle appelle.

CHAPITRE

4

QUESTION

DE

RECHERCHE ET

PREMIERS