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CONCLUSIONS DU CHAPITRE

1.1 L’étude de cas – présentation générale

1.1.1 Définitions et caractéristiques générales d’une étude de cas

Il existe de nombreuses définitions d’une étude de cas, qui renvoient à des caractéristiques assez variées. Nous relevons ici certaines d’entre elles, que nous rattacherons à notre recherche au point 1.1.2 suivant.

Selon Yin (2009), les études de cas visent à explorer un phénomène contemporain dans son contexte, alors que les frontières de ce phénomène sont relativement floues. Ainsi, les études de cas semblent légitimes dans le cas de recherche de type exploratoire, dans lesquelles la définition d’un phénomène, par exemple, constitue l’enjeu même de la recherche.

Dans une perspective proche, Stoeker (1991) utilise les études de cas pour expliquer de manière globale les dynamiques d’une unité sociale particulière sur une période déterminée, qui peut être historique. Procéder de la sorte permet notamment de pouvoir avoir accès, par exemple, à une information qui n’est accessible qu’au sein d’une entité spécifique, ou qui n’est pas structurée pour pouvoir être diffusée telle quelle à des tiers. Ainsi, les études de cas semblent particulièrement convenir lorsque plusieurs niveaux d’analyse au sein d’une même unité sociale sont imbriqués.

Comme le soulignent notamment Dul & Hak (2008), les études de cas peuvent permettre d’étudier plusieurs phénomènes ou cas. Ces phénomènes ou cas peuvent être étudiés simultanément ou successivement, à des fins, notamment, de comparaison.

Si certaines caractéristiques et modalités peuvent fluctuer, il est généralement admis que les études de cas mettent en œuvre des méthodes qualitatives de collecte des données telles que des entretiens, la collecte de documents, etc. (Dul & Hak, 2008).

La section qui suit légitime le recours à l’étude de cas comme méthodologie générale de collecte pour notre recherche.

1.1.2 L’étude de cas – une méthodologie pertinente pour notre recherche

Nous explicitons dans cette section les caractéristiques des études de cas (cf. ci- dessus) qui s’appliquent à notre recherche. Ø Recherche exploratoire Comme nous l’avons indiqué au chapitre précédent, peu de travaux ont été menés sur la performance du travail. D’autre part, nous proposons d’étudier la performance du travail au travers d’un cadre analytique qui est lui aussi novateur, et dont il convient de tester la possibilité de mise en œuvre. Par ces aspects, notre recherche revêt un caractère exploratoire.

Ø Phénomène et contexte inséparables

En tant qu’activité humaine, le travail est principalement situé, contingent aux conditions organisationnelles, sociales et matérielles de sa réalisation. De fait, le travail est inséparable du contexte dans lequel il prend place. Il en va de même pour ce que nous appelons la performance du travail, puisqu’elle se caractérise par une contribution aux objectifs de l’organisation, eux aussi contingents (cf. supra la définition de la performance).

Ø Plusieurs niveaux d’analyse

Par construction, notre cadre analytique s’intéresse à deux niveaux d’analyse : un niveau managérial (qui se décomposera en plusieurs « étages hiérarchiques », selon l’organigramme) et un niveau « d’exécution », c’est-à-dire sans responsabilité d’encadrement. Ø Accès à l’information Les données sur la performance du travail telle que nous l’entendons ne font l’objet d’aucune publicité volontaire de la part des entreprises. En effet, elles relèvent non de la comptabilité financière, mais de la comptabilité de gestion et du contrôle de gestion qui sont principalement orientés vers un usage interne (Mendoza & al., 2009 ; Giraud & Zarlowski, 2011). L’accès à l’information nécessite donc d’être présent au sein d’une organisation. Qui plus est, l’information sur laquelle nous nous appuyons n’est

nullement normalisée. Illustrons par un exemple : un taux horaire divise un coût par une durée de travail, mais chaque entreprise est libre de déterminer les éléments concrets entrant dans le calcul (avec ou sans charges patronales, éléments variables de rémunération, etc.).

Par ailleurs, l’information que nous recherchons n’est pas nécessairement structurée. Il serait ainsi étonnant que des organisations structurent déjà leurs réflexion et débat sur le travail et sa performance selon le cadre analytique proposé. C’est donc au chercheur de trouver puis rassembler les données qui l’intéressent.

Ø Des méthodes qualitatives

En corollaire des points précédents, nos démarches de collecte des données ne peuvent pas s’appuyer sur des méthodes quantitatives. L’intrication entre le phénomène que nous souhaitons étudier et son contexte rend l’identification de variables indépendantes particulièrement délicate. En outre, il n’existe aucune information publique, ce qui interdit tout recours à des bases de données.

Procéder par questionnaires serait possible mais nos concepts et catégories entrent difficilement dans une échelle de Likert : « Estimez la performance du travail sur une échelle de 1 à 7 (1 était le moins satisfaisant ; 7 le plus satisfaisant) » … En outre, nos questionnaires nécessiteraient de nombreux commentaires libres de la part des répondants, afin qu’ils décrivent et définissent, par exemple, les indicateurs qu’ils utilisent, ou ce qu’ils font dans telle ou telle situation. Outre le temps passé certainement rédhibitoire, des questionnaires de ce type livreraient une masse de données qualitatives.

Pour finir, accéder à une activité par des méthodes quantitatives est absolument impossible.

Nos méthodes de recherche seront donc qualitatives, et ceci achève de légitimer le recours à l’étude de cas pour notre recherche. Nous exposerons nos méthodes de collecte des données plus avant en section 2. Avant cela, la section suivante légitime l’étude de cas dans le champ du contrôle de gestion.

1.1.3 L’étude de cas, une démarche légitime dans notre champ de recherche

Même s’il ne s’agit pas de la méthodologie la plus courante, les recherches en contrôle de gestion ont souvent recours à des études de cas, que ce soit dans la littérature internationale ou francophone : Ahrens & Chapman (2004, 2007), Cooper & Ezzamel (2013), Modell (2012), Abrahamsson & al. (2011), Cuganesan & al. (2007), Davie (2005), Ancelin-Bourguignon & al. (2013), Sebti & al. (2015). L’étude de cas comme méthodologie générale de recherche constitue donc une méthodologie légitime dans le champ du contrôle de gestion. Après avoir exposé les raisons générales qui nous ont engagé dans une étude de cas, nous justifions dans la section suivante le choix de nos cas.

1.2 Présentation succincte et justification de nos deux cas

Dans cette section, nous présentons de manière succincte nos deux cas, et nous justifions le recours à ces deux cas (1.2.1), avant de les caractériser (1.2.2), et d’expliciter certaines contraintes d’accès.

1.2.1 Pourquoi deux cas ? Et pourquoi ces deux-là ?

Notre recherche s’appuie sur deux cas d’entreprise. Le premier est une PME industrielle de la région d’Angers fabriquant et commercialisant des roues (équipées ou non de pneus) ; son effectif est d’environ 20 personnes. Nous l’appellerons Industrie Roue. Le second cas est une filiale d’un grand groupe coté à la Bourse de Paris (SBF120) présent dans le commerce et les médias. La filiale considérée fait partie de la branche « travel retail » du groupe, et exploite des points de vente dans des aéroports en France et dans le reste du monde. En France, elle emploie environ 2500 personnes pour 350 points de vente. Nous l’appellerons Boutiques Aéroports.

Le choix de cas est toujours discutable. Nous avons pu bénéficier de l’accès à ces organisations au travers de hasards de rencontres ou d’opportunités de mise en contact.

Notre expérience professionnelle antérieure nous rend familier avec l’industrie au travers d’une grande entreprise du CAC40. L’accès à une PME industrielle et à son PDG

représentait alors un terrain de recherche particulièrement intéressant et prometteur. En effet, mener une analyse multi-niveaux entre des opérationnels et leurs dirigeants est difficile dans une grande entreprise. De plus, le tout premier contact (téléphonique) avec le PDG a fait ressortir deux éléments à « contre-courant » de ce que nous avions jusque-là rencontré : une embauche sur un poste administratif et la possibilité de « payer des gens à rien foutre, si c’est pour gagner en réactivité »1. La singularité d’Industrie Roue nous a incité à collecter des données dans une autre organisation. Une incursion dans le large secteur des « Services » nous semblait alors pertinente, afin d’y trouver des orientations qui pouvaient être différentes. Grâce à un contact professionnel, nous avons pu obtenir un rendez-vous avec le DRH de Boutiques Aéroports qui a accepté de nous accueillir.

Nous avons alors cherché une grande entreprise, et avons retenu Boutiques Aéroports. Nos deux cas se caractérisent principalement par le fait qu’ils sont extrêmes, que ce soit par la taille des organisations (chiffre d’affaires, effectifs, etc.) ou le secteur d’activité (industrie, services). Dans la mesure où nous voulions mettre en œuvre une grille d’analyse, il nous a semblé intéressant de choisir deux cas extrêmement différents.

Comme notre recherche vise à tester l’application d’un cadre analytique, il n’était pas nécessaire à ce stade de multiplier les études de cas (quels que soient les critères retenus) pour couvrir un spectre plus large. 1.2.2 Caractérisation et unité de nos cas Outre les différences, nos deux cas sont traversés par des caractéristiques communes. Ce sont ces caractéristiques qui ont justifié l’intérêt d’y collecter des données : • Une catégorie nombreuse de personnel dont le travail est au cœur du métier de l’entreprise : fabrication de roues par des ouvriers dans un cas, et vente de produits par des vendeurs dans l’autre ; • Un encadrement hiérarchique de ce même personnel ; 1 Entretien PDG, 6 février 2012.

• L’existence de modes opératoires standardisés (gammes opératoires chez Industrie Roue ; démarche de vente chez Boutiques Aéroport) ; • Une pression économique certaine : boutiques concédées dans les aéroports et PME en LBO (leveraged buy-out) ; • L’existence et l’utilisation d’indicateurs relatifs au travail (productivité, objectifs commerciaux, relevés de temps opératoires, audits notés, etc.).

Ces caractéristiques communes sont intéressantes pour notre recherche pour trois raisons. Premièrement, le travail (d’ouvrier, de vendeur) étudié supporte des enjeux déterminants pour chacune des entreprises (cœur de métier) dans le cadre d’une pression économique. Deuxièmement, les caractéristiques communes à nos cas permettent la mise en œuvre de notre cadre analytique : le travail que nous étudions est encadré par des niveaux hiérarchiques qui utilisent des indicateurs sur le travail et disposent de marges de manœuvre (plus ou moins grandes suivant les niveaux) sur ce même travail – attribution des tâches, des priorités ; embauche, licenciement ; etc. Un point de vue managérial articulé autour de mesures, discours et pratiques peut donc émerger. Par ailleurs, le travail est aussi encadré par une prescription (majoritairement écrite) ouvrant la possibilité de constater des écarts constitutifs de l’activité. Troisièmement, et corollairement, les caractéristiques de nos cas ont facilité la réplication de nos méthodes de collecte des données.

Pour terminer cette section, nous voudrions préciser les contraintes d’accès à chacun de nos cas. Ces contraintes expliquent pourquoi la collecte de données fut condensée, et peut paraître, de prime abord, notamment pour les observations, limitée – nous y reviendrons dans les limites de cette thèse. La description de nos méthodes et l’analyse de nos cas montreront en outre en quoi les données recueillies sont suffisantes.

1.2.3 Contraintes d’accès aux cas

L’accès aux deux entreprises a rencontré deux types de contraintes spécifiques. La première est l’éloignement : l’entreprise Industrie Roue était située à 300 km de nos lieux de résidence. En tenant compte de nos contraintes personnelles, nous y avons

séjourné huit fois en 21 mois, pour des durées allant de deux jours à une semaine. Les aéroports de Boutiques Aéroports (Roissy et Orly) étaient bien plus proches de notre résidence, mais dépendants du délai d’acheminement que ce soit en voiture ou en transports en commun.

La seconde contrainte concerne les conditions d’accès aux magasins détaxés. Accéder aux zones d’embarquement des avions sans être passager est fortement réglementé, d’autant plus si l’on n’est pas un salarié régulier d’une entreprise y opérant. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la réglementation en la matière s’est d’ailleurs sensiblement renforcée.

Les magasins détaxés se trouvent dans l’enceinte de la ZSAR (Zone de Sécurité à Accès Règlementé) d’un aéroport. Pour y pénétrer sans escorte, il faut être titulaire d’un Titre de Circulation Aéroportuaire (TCA, aussi appelé « badge » - dénomination que nous utiliserons dans la suite). Pour notre situation, deux types d’accès étaient possibles :

• Badge temporaire Blanc d’une validité de 7 jours, délivré après enquête de police et validation d’une formation de 3 heures1.

• Badge temporaire Vert d’une validité de 24 heures, nécessitant au porteur d’être accompagné.

Pour se rendre dans trois boutiques différentes sur Roissy et Orly, nous avons pu bénéficier de deux badges blancs, un pour Roissy et un autre pour Orly. Le badge blanc a permis de passer une semaine complète et continue dans deux boutiques. Compte tenu des délais de renouvellement2, il n’a pas été possible de bénéficier d’un autre badge blanc sur Roissy pour la troisième boutique. Nous avons alors bénéficié d’un badge vert pour deux périodes distantes d’un mois : 3 jours en décembre 2013, puis 2 jours en janvier 2014. Comme indiqué plus haut, ce badge présente de plus fortes contraintes – notamment pour nos interlocuteurs des Boutiques Aéroports, car il nécessite d’être accompagné en ZSAR, c’est-à-dire en présence d’un accompagnateur

1 Dans notre cas, la formation eut lieu le 06/11/2013. 2 Email de RRH du 16/10/2013.

permanent formellement identifié . Sa validité de 24 heures nécessite de le récupérer et restituer chaque jour au poste de la PAF (Police de l’Air et des Frontières)2.

A part ces contraintes géographiques et administratives, l’accès au terrain de recherche n’a été nullement bridé ou restreint.

Nous venons de montrer dans cette section que la méthodologie d’étude de cas s’applique adéquatement à notre recherche, en raison notamment du caractère relativement exploratoire de notre recherche, de l’intrication entre le travail et son contexte et de l’absence d’information structurée (cf. 1.1.2). Nous avons ensuite justifié le recours à deux cas d’entreprises pour réaliser la collecte de nos données (section 1.2). Nous avons alors privilégié l’exploration d’univers différents selon la taille, le secteur et le métier respectifs de chaque organisation. Ces cas extrêmes et à certains égards déviants se structurent néanmoins autour de cinq caractéristiques communes et déterminantes qui ont permis la duplication des méthodes de collecte. Tout au plus nous sommes-nous adaptés à des contraintes géographiques et administratives.

A présent que nous avons légitimé l’étude de cas comme démarche méthodologique générale, nous exposons et justifions dans la section suivante, les méthodes de collecte de données que nous avons mises en œuvre.