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Les modalités d’intervention articulées de l’autorité de régulation et de l’autorité de la concurrence

Sur le plan institutionnel, les autorités, que ce soit de la concurrence ou de régulation, doivent articuler leurs compétences afin de promouvoir une ambiance concurrentielle. Ceci est encore plus vrai sur le marché des télécommunications au Costa Rica, et d‟après le modèle institutionnel configuré par le législateur. Grosso modo, les questions principales traitées par la régulation sectorielle sont les conditions techniques et tarifaires d‟accès au réseau, les modalités d‟entrée sur les marchés (autorisations, allocation de ressources rares), la détermination des prix finals, le service universel et une série de sujets, qui, selon le professeur Cohen-Tanugi292, n‟ont aucun rapport, ou presque, avec la concurrence. Or, au Costa Rica, cela revient à l‟autorité de régulation sectorielle en plus de l‟intervention au sujet du contrôle des pratiques anticoncurrentielles.

Il faut d‟abord signaler que sur le marché costaricien, l‟appréciation du professeur Cohen-Tanugi n‟est pas vraiment applicable. Bien que théoriquement, on puisse soutenir sa thèse, l‟intervention sur la base de l‟improvisation et l‟absence d‟une régulation claire semblent conduire à l‟imposition de barrières régulatrices sur le marché, ce qui affecte directement la concurrence. Quelques exemples : la fixation des prix finaux sur la base des données de 2005 ; l‟application d‟un régime tarifaire sur des marchés absolument concurrentiels; l‟imposition d‟obligations insensées pour l‟opérateur historique ; le refus de définir les prix et les conditions d‟accès aux installations essentielles ; l‟imposition d‟exigences telle que la souscription d‟accords d‟interconnexion aux prestataires de services à valeur ajoutée293 ; l‟absence d‟intervention dans des affaires concernant l‟accès à l‟infrastructure des opérateurs concurrents, etc… Il existe un

292 COHEN-TANUGI (L.), L‟articulation entre la régulation sectorielle et le droit de la concurrence, contribution au

colloque organisé par la DGCCRF « La régulation : Monisme ou pluralisme ? Equilibres dans les secteurs des services publics concurrentiels ». Rev. conc. consom. n° 103, mai-juin 1998, p.60.

293 Le Tribunal du Contentieux Administratif étudie actuellement une plainte de l‟entreprise américaine Credit Card

Services contre la SUTEL. L‟autorité de régulation insiste sur l‟obligation dans la souscription d‟un accord d‟interconnexion avec le Groupe ICE. Selon l‟ICE et CCS, la souscription du contrat oblige à une augmentation d‟au moins 30% sur les prix finals de CCS. A son avis, il faut juste un contrat commercial d‟accès au réseau (E1-PRI). La SUTEL n‟a pas apparemment exigé ce contrat aux opérateurs mobiles virtuels (MVNO) –Full Móvil et Tuyo Móvil-, entreprises qui utilisent le réseau mobile du Groupe ICE. Ceci semble provoquer une discrimination injustifiée de la part du régulateur, en limitant l‟accès des nouveaux concurrents sur le marché.

lien direct entre plusieurs décisions de l‟autorité de régulation et le niveau de concurrence sur le marché costaricien, malheureusement, la plupart d‟entre elles ont une connotation négative. Le document de synthèse de la table ronde organisée par l‟OCDE en 1998 sur les rapports entre autorités de concurrence et les autorités de régulation, recense cinq tâches à répartir entre les deux instances : 1) la protection de la concurrence sur les secteurs en cause (il s‟agit de combattre les agissements concurrentiels et d‟examiner les fusions) ; 2) la réglementation de l‟accès (notamment aux infrastructures essentielles) ; 3) la réglementation économique (adoption des mesures de contrôle sur les prix de monopole) ; 4) la réglementation technique294 ; 5) la révision périodique de l‟ampleur et le degré de position de force sur le marché qui subsiste lorsque la concurrence est instaurée, afin de recommander le maintien éventuel d‟une réglementation spécifique sur le secteur concerné. Un consensus se dégage rapidement à propos de la réglementation technique. Cette fonction est normalement dévolue à une instance sectorielle, indépendante ou appartenant organiquement en tant que chambre spécialisée à l‟autorité nationale de la concurrence.

Hormis leurs fonctions distinctes, nombreux sont les éléments qui séparent la régulation verticale et la régulation horizontale du droit commun, au niveau de leur modus operandi. Conditions d‟intervention, temps d‟intervention, niveau de preuve exigé, aspects procéduraux, instruments, champ d‟application, envergure, forme et nature des mesures imposées : l‟inventaire des divergences semble inépuisable. Quoique la réalité soit plus nuancée, force est de constater que la régulation sectorielle intervient d‟une façon plus directe dans la constitution et l‟organisation du marché, ce qui affecte son contenu, ainsi que la nature et la forme de ses instruments : les règles sectorielles sont beaucoup plus détaillées que celles du droit de la concurrence et sont souvent appliquées d‟une manière plus générale, moins dépendante des cas individuels295.

294 OCDE, Relationship between regulators and competition authorities. Document de travail, 1999. Disponible sur www.oecd.com. Le document entend par le vocable de la réglementation technique, l‟élaboration des normes et la surveillance de leur application, tout en veillant à leur conciliation avec les objectifs de respect de la vie privée, de sécurité et de protection de l‟environnement. Page.55

295 GALANIS, Theodoros. Le contrôle du pouvoir de marché dans le secteur des communications électroniques.

Thèse Doctorale sous la Direction de M. le professeur Gilbert PARLEANI. Université Panthéon Sorbonne Paris I. Paris France. 2009. P. 38.

De surcroît, la régulation sectorielle peut donner naissance à de nouvelles obligations légales destinées aux acteurs du marché avec des précisions détaillées sur leur contenu, un exemple topique étant le prix d‟accès à une infrastructure. Elle concerne à cet égard plus particulièrement le fonctionnement des entreprises. Les implications procédurales de sa démarche ne sont pas néfastes : au contraire du droit de la concurrence, qui accorde aux autorités compétentes le pouvoir de mettre un terme aux comportements illégaux, la régulation sectorielle lui permet d‟altérer une situation parfaitement légale, pour atteindre ou promouvoir ses objectifs de nature économique ou sociale296. La régulation sectorielle intervient notamment ex ante. L‟horizon temporel de l‟analyse dans le cadre de la régulation sectorielle est dès lors nécessairement plus éloigné.

A l‟inverse, l‟application du droit de la concurrence est conditionnée par la qualification des pratiques anticoncurrentielles. « Les exigences au niveau de preuve sont par conséquent

renforcées, car les constatations d’une entente ou d’un abus de position dominante requièrent des analyses minutieuses, parfois très controversées. En plus, le déclenchement du droit de la concurrence reste soumis à une plainte ou une détection de comportement prima facie nocive pour l’équilibre concurrentiel, une réalité qui l’immobilise face aux configurations des marchés imparfaitement concurrentiels, mais toujours pas entachés d’une pratique suspecte»297.

Bien qu‟elle compte sur les compétences techniques de la régulation ainsi que de la police concurrentielle ex post, l‟autorité costaricienne de régulation des télécommunications (SUTEL) ne dispose pas d‟une culture propre d´un contrôleur de la concurrence. Il suffit de se référer aux réactions de l‟ancien président de la SUTEL, M. George Miley à l‟encontre d‟un accord des prix finaux entre l‟ICE (opérateur historique) et l‟entreprise TELEFONICA, consigné expressément pour le contrat d‟interconnexion négocié entre les entreprises et soumis à l‟approbation de la SUTEL. Selon Miley, il fallait tout simplement éliminer les accords des prix finaux des contrats car « ce n’est pas dans un contrat de gros où peuvent se consigner ces accords ». Mais, d‟après 296 TEMPLE LANG (J.), European competitionpolicy and regulation : Differences, overlaps and constraints, discours

prononcé dans le cadre de la 3ème conférence internationale en droit anti-trust, organisée par l‟Ecole des mines de

Paris et l‟Université of California at Berkeley, à Paris, le 12-13 janv. 2006, téléchargeable sur le site de CERNA,

www.cerna.ensmp.fr/cerna_regulation/Prog/PastEvents.html, p.13.Sur : GALANIS, Theodoros. Le contrôle du pouvoir de marché dans le secteur des communications électroniques. Thèse Doctorale sous la Direction de M. le professeur Gilbert PARLEANI. Université Panthéon Sorbonne Paris I. Paris France. 2009. P. 38

l‟ancien Président, où faut-il consigner ces accords concernant les prix finaux ? A son avis, il n‟était pas opportun d‟analyser une possible entente, la priorité étant de réviser les clauses du contrat d‟interconnexion des réseaux concernés. « Si cela constitue ou non une pratique

anticoncurrentielle, nous le verrons au fur et à mesure de l’application postérieure d’une régulation de la concurrence ». Il considère, dans cet entretien, que les entreprises étaient focalisées sur la recherche d‟accords de bonne foi. Bien évidemment, l‟avocat de Telefonica, Maître Claudio Donato –ancien Président de la COPROCOM-, était satisfait des déclarations de Miley. Il savait bien que l‟accord était interdit et que son entreprise avait échappé une sanction importante298.

Cette affaire met en évidence l‟absence d‟un « esprit » de contrôle des comportements anticoncurrentiels. Selon l‟article 53 de la LGT, cet accord est absolument anticoncurrentiel et devrait être sanctionné à l‟aide de l‟article 68. Ceci aurait été la position de la COPROCOM sans aucun doute. Or, la COPROCOM, en tant qu‟organe de consultation dans les procédures des pratiques anticoncurrentielles, ne peut pas dénoncer des comportements anticoncurrentiels. La SUTEL est non seulement la seule à appliquer les outils de régulation ex ante propres à une autorité nationale de régulation, mais aussi la seule qui dispose de la faculté d‟initier d‟office une enquête (auto saisine). La COPROCOM de son côté reste en marge de la course, et doit se conformer une fois de plus, à l‟avis technique de l‟article 55 de la LGT et aux procédures concernant les pratiques anticoncurrentielles ou les opérations de concentration. Il est par conséquent très important qu‟il y ait une coordination entre les deux autorités, afin que le régulateur puisse profiter de l‟expérience et du pouvoir de contrôle de l‟autorité de concurrence.

Section 2.- La coordination lors de la définition des mécanismes d’adjudication des

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