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Les limites du droit général de la concurrence à l’origine de la naissance d’un régime sectoriel de la concurrence

Mario Umaña, représentant de la Banque Inter Américaine de Développement (BID), reconnaît que la Coprocom fait partie des principales autorités régionales. Cependant, il est également conscient qu‟il y a encore beaucoup à faire pour que l‟autorité nationale de concurrence soit pourvue de moyens d‟intervention plus efficaces87. Le droit costaricien de la concurrence est loin d‟être aligné sur les normes des principaux régimes de droit et des meilleures pratiques internationales. Comme la Commission européenne, l‟agence nationale de concurrence a établi des relations avec diverses organisations internationales telles que l‟UNCTAD, l‟OCDE, et l‟International Competition Network (ICN). L‟activité déployée au sein de ces organismes est 86 Parmi les professionnels présents qui ont fait référence au bilan de la Coprocom lors de son quinzième

anniversaire, il faut distinguer la présence du Président de Comité de concurrence de l‟OCDE et Juge à la Cour de Cassation (Paris), M. Frederick Jenny ; L‟ancien Président de l‟autorité australienne de concurrence, M. Allan Fels ; le Président de l‟autorité chilienne de concurrence, M. Tomas Menchaca ; le Président de l‟autorité espagnole de concurrence, M. Luis Berenguer ; le Directeur des programmes des politiques de coopération pour le développement de la Banque Inter Américaine de Développement, M. Mario Umaña ; le Président de la Coprocom, M. Stephan Brunner ; l‟ancienne Directrice Exécutive de la Coprocom, Mme. Pamela Sittenfeld ; la Ministre de l‟Economie, de l‟Industrie et du Commerce du Costa Rica, Mme. Mayi Antillon, et le Vice-président de la République du Costa Rica, M. Luis Liberman.

87 UMAÑA, M. Discours du représentant du la Banque Inter Américaine du Développement, lors de la

commémoration du quinzième anniversaire de la Coprocom. Hôtel Real Intercontinental. San José, Costa Rica. 8 août 2010.

loin d‟être négligeable. Ainsi, pour ne prendre que l‟exemple de l‟ICN, c‟est à la suite d‟une recommandation de ce forum informel que l‟Union Européenne et la France ont modifié leur réglementation en matière de contrôle des concentrations afin de rendre possible la notification de simples projets de concentration88. Les autorités de concurrence - la Coprocom y compris - veillent particulièrement à ce que leur droit soit parfaitement en conformité avec les recommandations de l‟ICN établies par les principales autorités de concurrence mondiale.

La Coprocom, tout au long de son existence, a rencontré des obstacles dans l‟exercice de son activité. Des limitations financières, des enquêtes qui, malgré des pratiques anticoncurrentielles suspicieuses, n‟aboutissent à rien, des affaires non condamnées du fait que l‟Agence se trouve dans l‟impossibilité de prouver les faits, et surtout, les exceptions à l‟application de la loi à l‟origine des secteurs dits intouchables. Ceux qui connaissent ces limitations comprennent la difficulté et comme la plupart des spécialistes, reconnaissent malgré tout l‟effort de la Coprocom. Pourtant, l‟opinion publique s‟est formée une autre opinion du bilan de la Coprocom. Il s‟agit de celle qui est soutenue par les législateurs lors de l‟étude du Projet de loi pour l‟ouverture du secteur des télécommunications. A son avis, l‟expérience de la Coprocom sur d‟autres secteurs était encore insuffisante et représentait un risque que l‟on ne pouvait pas assumer au cours du processus de libéralisation du marché89.

Le critère du législateur met en évidence la justification à priori de la création d‟un régime sectoriel de concurrence propre pour le secteur des télécommunications. Désormais, les compétences en matière de contrôle et sanction des pratiques anticoncurrentielles reposent exclusivement sur l‟Autorité de régulation, la Sutel. Cependant, à première vue, la lecture du choix politique semble erronée. Il faudrait tenir compte que ce n‟est pas nécessairement la délégation de compétences sur l‟autorité de régulation qui assure l‟efficacité du contrôle de la concurrence sur le marché, mais plutôt des réformes au niveau des règles qui affectent de manière décisive l‟efficacité du droit de la concurrence.

88 Voire Rédaction des Editions Francis Lefebvre. Ententes, abus de position dominante, concentrations

économiques. Droit communautaire et Droit Français. Editions Francis Lefebvre. Paris, France. 2004. No. 1190.

En tout cas, les rapports entre la régulation sectorielle et les règles du droit de la concurrence, se caractérisent parfaitement par la complémentarité. Ensemble, les deux sont souvent qualifiés d‟instruments complémentaires, mis en œuvre pour promouvoir le développement des marchés des communications effectivement concurrentiels au bénéfice des utilisateurs90. Mis à part les conflits potentiels entre les finalités purement économiques du droit de la concurrence et l‟accomplissement de missions extra économiques d‟intérêt général, assuré par la régulation sectorielle, la source des tensions entre les deux groupes de règles réside dans leur approche différente du traitement et contrôle du pouvoir de marché. Cette divergence d‟optique, révèle pour la plupart des auteurs leur caractère complémentaire91. En amont, la régulation sectorielle définit de manière préventive les conditions du jeu concurrentiel et en aval le droit de la concurrence sanctionne les comportements anticoncurrentiels et répare ex post les dommages causés par des pratiques illégales92.

Une brève typologie des modèles institutionnels normalement présents dans l‟expérience internationale, révèle la présence des deux acteurs principaux : l‟organe transversal responsable 90 Voir à ce sujet, la communication de la Commission du 6 février 2006 sur les analyses de marché en application du cadre réglementaire communautaire/Consolidation du marché intérieur sur les communications électroniques COM (2006) 28, p.4. Adde l‟étude thématique du Conseil de la concurrence sur les monopoles publics, Rapport pour 2003, p.79; GOSSET-GRAINVILLE (A.), GOSSET – GRAINVILLE (A.), Le cadre juridique de la détermination et de la mise en œuvre des remèdes en France et en Europe, in Atelier de la concurrence DGCCRF, Les remèdes dans les opérations de concentration : fondements, bilan et perspectives, n° 156. Paris, France. 2007. p.151.

91 GALANIS, Theodoros. Le contrôle du pouvoir de marché dans le secteur des communications électroniques. Thèse Doctorale. Université Panthéon Sorbonne Paris I. Paris France. 2009. P. 42. Pour M. GALANIS, ce schéma est justement une approche préventive vis-à-vis du pouvoir de marché qui est privilégiée, au détriment de l‟approche essentiellement curative du droit de la concurrence. La justification avancée pour cette option, invoque l‟intervention souvent tardive du droit des pratiques anticoncurrentielles et souligne l‟importance du facteur temps pour ces marchés hautement concurrentiels. Les règles spécifiques s‟appliquent alors ex ante, d‟une façon préventive, parce qu‟il y a une sorte de présomption d‟abus de position dominante et de forclusion des marchés, qui pèse notamment sur les opérateurs historiques. Dans la pratique, grâce à leur caractère prophylactique, les règles sectorielles préviennent l‟application du droit de la concurrence, une réalité qui met en lumière le choix fait entre les deux formes d‟intervention, qui constituent des voies alternatives d‟intervention sur les marchés. M. GALANIS fait aussi référence à différentes approches des formes d‟intervention : Le professeur IDOT (L.), Convergence des approches nationales ? Règles de concurrence et régulations sectorielles, op. cit., p.393, met en avant cette réalité et le fait que les textes sectoriels limitent le recours à la théorie des « facilités essentielles » (p.396). Les professeurs LAFFONT (J.- J.) et TIROLE (J.), Competition in telecommunications, The Munich lectures, 2000, p.277, plaident pour le caractère alternatif de la régulation sectorielle et du droit de la concurrence. Dans le même ordre d‟idées, les Professeurs Damien GERADIN et Gregory SIDAK, European and American approaches to antitrust remedies and the institutional

design of regulation in telecommunications in CAVE, MAJUMDAR, VOGELSANG (éd), Handbook of

telecommunications economics, vol. 2, Oxford University Press, 2004, p.2 (version téléchargeable sur le site

http://papers.ssrn.com) soulignent que la régulation sectorielle est une alternative aux remèdes issus de l‟application du droit antitrust („industry specific regulationis an alternative to reliance on antitrust-based remedies’).

92 Voir à ce sujet, CHEROT (J.-Y.), L‟imprégnation du droit de la régulation par le droit communautaire. LPA, N° 110, du 3 juin 2002. Paris, France. P.19.

pour la concurrence (Autorité Nationale de la Concurrence) et les régulateurs sectoriels (autorités de régulation nationales)93. Le risque élevé que l‟autorité chargée du contrôle de la concurrence sur le marché soit capturée - soit par l‟industrie, soit par le pouvoir politique - a suscité de sérieuses préoccupations au sein de la Commission Législative, auteur du projet de loi générale des télécommunications. La Commission Législative a cherché en principe, à établir les paramètres idéaux pour promouvoir le libre jeu de la concurrence dans le secteur des télécommunications. Le sentiment d‟une expérience encore décevante de la Coprocom et la pression sur la nécessité de garantir le libre jeu de la concurrence dans le secteur des télécommunications, sans oublier bien sûr, le simple choix politique comme principal fondement, sont à l‟origine de la création d‟un régime sectoriel de concurrence en charge de la SUTEL, autorité de régulation sectorielle. Mais, quels sont alors les fondements de la perception défavorable de la Coprocom auprès des législateurs ? Tout d‟abord, il faut faire référence aux limitations institutionnelles et normatives (Section 1), pour ensuite faire le point sur l‟absence des instruments et pouvoirs d‟enquête et de dissuasion des pratiques anticoncurrentielles (Section

2).

Section 1.- Les limitations institutionnelles et normatives à l’origine d’une expérience

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