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2. LE CONCEPT DE MODÉLISATION

2.1 La modélisation comme processus de mise en relation entre deux mondes

En sciences, la construction des modèles s’effectue selon un processus dynamique et cyclique. Elle nécessite de nombreux allers-retours entre le champ empirique et le champ théorique. Plus précisément, elle se fait progressivement par formulation de modèles explicatifs hypothétiques élaborés dans le champ théorique à partir de modèles existants, puis par confirmation de ceux-ci à travers le champ empirique (Robardet et Guillaud, 1997 ; Walliser, 1977).

52 À titre d’exemple, la modélisation d’objets matériels en MRUA ou en MB nécessite la mobilisation de relations

Les travaux fondateurs de ce processus sont ceux de Walliser (1977). Il a développé le schéma de la dynamique de la modélisation scientifique. Ce schéma se présente comme un cycle qui comporte quatre phases dont le point de départ est arbitraire : la phase déductive, la phase prévisionnelle, la phase de confirmation et la phase inductive (figure 4). Selon Walliser (1977), la

phase déductive consiste, à partir d’une situation proposée à l’analyse, à faire dériver d’un modèle

théorique initial un modèle empirique hypothétique, contenant aussi bien des variables observables que non observables, et donc susceptible d’être testé dans ses hypothèses. La phase prévisionnelle consiste, à partir du modèle empirique hypothétique, à imaginer des expériences permettant de le tester et de prédire des évènements dans le champ empirique dans lequel le modèle peut fonctionner. Quant à la phase de confirmation ou de description, elle permet de construire un modèle confirmé à partir des réponses expérimentales obtenues. C’est, en particulier, la comparaison entre des valeurs calculées dans le modèle et des valeurs mesurées dans l’expérience qui fournit le test essentiel de la validation du modèle. La phase inductive consiste à analyser les écarts entre le modèle hypothétique et le modèle confirmé et à en induire, en tenant compte d’autres modèles empiriques, les modifications à apporter au modèle théorique préalable ou la structure d’un modèle théorique nouveau. À partir de là, une situation nouvelle, mais dans le même domaine de validité que la précédente, étant proposée à l’analyse, le cycle reprend à la phase déductive.

Figure 4- La dynamique de la modélisation scientifique Walliser (1977)

En s’inspirant du schéma de la dynamique de la modélisation scientifique de Walliser (1977), plusieurs didacticiens de sciences ont adapté ce processus à l’éducation scientifique, parmi lesquels

MODÈLE CONFIRMÉ CHAMP THÉORIQUE axiomatisation MODÈLE HYPOTHÉTIQUE manipulation CHAMP EMPIRIQUE induction déduction prévision description formalisation expérimentation

Martinand (1996), Orange (1997) et Tiberghien (1994). Ce choix s’inscrit dans la préoccupation des auteurs à rapprocher les processus de modélisation pouvant être menés en classe de sciences avec ceux menés dans la communauté scientifique. Le choix serait tout autre dans une logique de transmission des savoirs qui préconise l’explication des modèles suivie de leur application dans des contextes de résolution de problèmes, ou au mieux, dans le cadre de laboratoires dont l’objectif est de vérifier la correspondance du modèle avec le phénomène à l’étude.

Martinand (1996) définit la manière avec laquelle l’articulation entre le référent empirique et le registre des modèles se fait dans la modélisation des phénomènes, et propose sur cette base un schéma de la modélisation qui permet de distinguer le « registre du référent empirique » du « registre des modèles » ou l’« élaboration représentative » et de la « matrice cognitive » (figure 5). Intégrant la notion de tâche ou problème impliquant la modélisation, ce schéma met l’accent sur « les processus de modélisation que les élèves peuvent prendre en charge, en tout ou en partie », et non sur « les modèles plus ou moins “arrangés” que nous pouvons leur présenter au nom de la science ou des programmes » (Ibid., p. 7). Dans sa distinction entre le référent empirique et le registre des modèles qui s’appuie sur la théorie du signe de Saussure et la théorie des champs conceptuels de Vergnaud, Martinand (1996, p. 7-8) tient à préciser ce qu’est le référent empirique en stipulant que celui-ci est constitué non « seulement d’objets et de phénomènes, ou d’actions sur des objets et d’interventions sur des phénomènes. Il y a “déjà là” des descriptions, des règles d’actions, des savoirs disponibles. Ils ont un statut “empirique”, même s’ils sont l’aboutissement de processus antérieurs d’élaboration conceptuelle, théorique ou modélisante, en ce sens qu’ils sont inconsciemment projetés sur la réalité. C’est ce que nous voulons désigner avec le syntagme “référent empirique” ». Dans son schéma de la modélisation, Martinand (1996) met en évidence les systèmes symboliques fournis par le modèle pour représenter, prévoir ou expliquer le référent empirique. Ce schéma permet de distinguer une description première (avant l’élaboration du modèle) pouvant être faite par les élèves, qui donnera subséquemment lieu à une construction consensuelle (phénoménographie), et une description seconde, où le modèle est mobilisé, appliqué pour rendre compte du référent empirique (phénoménologie). Cette distinction apparait comme nécessaire au niveau du référent empirique pour souligner que les élèves n’interprètent pas spontanément les situations du monde réel avec les outils conceptuels utilisés par l’enseignant (Bécu-Robinault, 2005). Selon Larcher (2003, p. 307), la conception du processus de modélisation

véhiculée par Martinand (1996) témoigne du statut évolutif des connaissances scientifiques qui sont peu à peu intégrées au référent empirique lorsqu’un élève modélise un phénomène : « Le statut des objets de pensée manipulés change au cours du temps, en fonction des besoins momentanés et de l’expertise acquise qui restructure les théories et intègre les descripteurs ou en change de façon radicale. Ce qui est référent à un moment n’est qu’une description première, mais néanmoins partagée qui remplace la réalité qu’on ne connaît pas ». De ce fait, l’intégration progressive des connaissances scientifiques au référent empirique peut se faire en concomitance avec l’évolution des modèles élaborés progressivement par les élèves (Bécu-Robinault, 2005).

Figure 5- Articulation entre référent empirique et registre des modèles et proposition d’un schéma de la modélisation de Martinand (1996, p. 7 et 10)

Tiberghien et ses collègues (Coince et al., 2008 ; Gaidioz et Tiberghien, 2003 ; Gaidioz et

al., 2004 ; Tiberghien, 1994 ; Tiberghien et Malkoun, 2010 ; Tiberghien et al., 2007a ; Tiberghien,

Veillard, Le Maréchal, Buty et Millar, 2001 ; Tiberghien et Vince, 2005) décrivent l’activité de modélisation en physique comme une mise en relation entre deux « mondes » différents : le monde

des objets et des évènements (MOE), celui du champ expérimental des objets et évènements, qui

renvoie à ce qui est accessible par la perception de façon directe (observation) ou par le biais d’instruments de mesure, et le monde des théories et des modèles (MTM), celui des constructions théoriques, qui renvoie aux concepts généraux et aux constructions abstraites permettant d’étudier des objets et évènements de la réalité empirique (Veillard, Tiberghien et Vince, 2011) (figure 6). Cette mise en relation consiste à sélectionner et traiter les éléments théoriques correspondant aux phénomènes et objets étudiés, d’une part, et à sélectionner des objets et évènements, à les décrire avec les mots de la physique ou à procéder à des expériences mesurables sur ces évènements, d’autre part (Veillard, Tiberghien et Vince, 2011).

Figure 6- Distinction entre deux mondes fondée sur la modélisation en physique (Tiberghien, 1994) Le choix d’ordre épistémologique de ces auteurs est fondé sur un aspect essentiel du fonctionnement de la physique qui place l’activité de modélisation du monde matériel au cœur de cette discipline (Bachelard, 1979 ; Bunge, 1973b ; Giere, 1988, 2004 ; Hacking, 2005/1983). Ce choix est guidé par deux idées fortes, à savoir le rôle de la modélisation comme lien entre les propositions théoriques et les expériences avec comme point central l’élaboration du modèle. En s’appuyant sur Bachelard (1979) et Hacking (2005/1983), Veillard, Tiberghien et Vince (2011, p. 206) relèvent que

l’articulation entre théories et expériences ne peut se faire directement, mais nécessite l’élaboration de modèles. La construction de modèles renvoie à deux processus : l’un partant de la théorie, pour la rendre plus concrète ; l’autre partant de l’expérience pour la rendre plus abstraite. Nous appelons modélisation ce double processus et modèle son résultat. De ce fait, un modèle est un intermédiaire entre la théorie et l’expérience et possède en quelque sorte deux facettes.

La deuxième idée forte évoquée par Tiberghien et ses collègues concerne le point de départ du processus de modélisation. À l’instar de Hacking (2005/1983), Veillard, Tiberghien et Vince (2011, p. 205-206) soulignent que

les activités d’observation et d’expérimentation sont loin d’être toujours guidées par la théorie physique. Plusieurs exemples dans l’histoire de cette discipline montrent que des observations n’ont pas été initiées par des hypothèses théoriques, mais par des qualités de curiosité, de réflexivité des scientifiques. Elles ont de fait précédé toute formulation théorique. De ce point de vue, les moments d’observation et d’expérience sont des activités fondamentales dans toute formation scientifique et ils ne peuvent être remplacés par des descriptions écrites.

Monde des théories et modèles

Monde des objets et événements

Ces propos sont en cohérence avec le caractère arbitraire du point de départ du processus de modélisation qu’évoque Walliser (1977). Si cette idée se réfère au statut accordé aux théories et à l’expérience dans la découverte scientifique et soulève certains questionnements (ex. : dans l’étude d’un phénomène, est-ce la théorie ou l’expérience qui vient en premier ?), elle a des conséquences importantes dans la construction des modèles en classe de physique, à savoir que le point de départ du processus peut être celui du MTM ou celui du MOE. Mais dans tous les cas, la modélisation ne se fait pas dans un vide conceptuel, uniquement sur la base d’observations neutres selon Bécu- Robinault (2005) qui rappelle que plusieurs épistémologues (ex. : Bachelard, 1979 ; Gooding, Pinch et Schaffer, 1989 ; Pickering, 1992) pensent que l’information que l’on peut tirer d’une expérience est toujours liée à une interprétation, et donc à la théorie ou au modèle. À ce sujet, elle cite Gooding (1989, p. 18) qui dit que « tous les faits de l’activité scientifique, même ceux enregistrés dans des cahiers de laboratoire, impliquent une reconstruction»53. Elle ajoute que ces épistémologues reconnaissent qu’il est possible d’opérer une dichotomie entre ce qui relève du champ expérimental et ce qui relève des théories et modèles.

Soulignons que le schéma développé par Tiberghiensur la base des travaux de Bachelard, distinguait initialement trois niveaux : les théories (ayant une fonction explicative), les modèles (ayant une fonction descriptive et interprétative) et les objets et évènements (Coince et al., 2008). Celui-ci a fait l’objet d’une modification afin de simplifier de travail de modélisation avec les enseignants du secondaire54. Le schéma a été réduit à deux mondes de manière à les rendre plus explicites pour les élèves lors des activités de modélisation. Afin de rendre compte de la place du savoir de sens commun dans la construction du savoir de la physique, Tiberghien (2000) émet l’hypothèse que lorsqu’une personne explique, interprète ou prédit des situations matérielles, il y a une activité de modélisation de ces situations. Elle suppose que les élèves, ou plus généralement les personnes dans la vie quotidienne formulent des explications ou des prédictions sur des phénomènes en s’appuyant sur leurs propres systèmes explicatifs ou cadres théoriques ; ces derniers se réfèrent aux théories naïves des élèves ou de la vie quotidienne selon certains travaux

53 Traduction libre : « All accounts of scientific activity, even those recorded in laboratory notebooks, involve

reconstruction » (Gooding 1989, p. 18).

54 Lors d’un stage de doctorat que nous avons effectué avec la Pr. Andrée Tiberghien au laboratoire ICAR de l’École

Normale Supérieur de Lyon, elle nous a expliqué que le schéma a été modifié du fait que les enseignants du secondaire avaient de la difficulté à distinguer la théorie du modèle.

de la psychologie cognitive (Carey, 1985 ; Vosniadou, 1994). D’un côté, les expériences de la vie quotidienne conduisent les personnes à faire des observations (ex. : la vitesse d’un train semble être beaucoup plus grande lorsque celui croise un autre train en sens inverse) ou prendre des mesures (ex. : l’indicateur de vitesse de la voiture indique une vitesse de 100 km/h) dans le MOE, et de l’autre, à formuler des idées explicatives de ces situations que nous pouvons relier au MTM. Les connaissances de la vie quotidienne entrant en jeu en fonction de la situation rencontrée et de la compréhension de l’élève du fonctionnement de la science scolaire ont alors un statut de modèle implicite (Bécu-Robinault, 2005). La théorie spécifique des deux mondes peut être utilisée à la fois pour analyser les savoirs de la physique et les connaissances issues de la vie quotidienne qui sont en jeu dans l’apprentissage de la physique. S’appuyant sur l’idée que les processus cognitifs en jeu dans la vie courante pour la compréhension du monde matériel peuvent également être appréhendés comme des processus de modélisation mettant en relation des théories plus ou moins naïves et des objets et évènements, Veillard, Tiberghien et Vince (2011) proposent une nouvelle configuration de la théorie des deux mondes (figure 7).

Figure 7- La théorie spécifique des deux mondes mettant en relation-tension les concepts de sens commun et les concepts scientifiques (Veillard, Tiberghien et Vince, 2011, p. 207)

Ce nouveau schéma de la modélisation met en exergue les relations potentielles entre les niveaux et catégories de connaissances en jeu dans les activités d’enseignement de la physique. Il permet d’être plus attentif aux différents savoirs et aux relations que les élèves peuvent et doivent en général construire entre différents niveaux et types de connaissances, et souligne la nécessité d’amener les élèves à expliciter les contextes d’utilisation des termes utilisés (Coince et al., 2008 ; Gaidioz et al., 2004). Ce schéma permet de distinguer les concepts qui relèvent de la physique de

ceux qui relèvent du sens commun. Un « freinage » en physique survient lorsque l’accélération et la vitesse sont de sens (de signe) contraire. Autrement dit, l’étude du signe du produit de la vitesse par l’accélération permet de préciser si le mouvement est accéléré ou retardé. En physique, contrairement à la réalité quotidienne, l’accélération inclut les situations où il y a décélération. Nous reviendrons sur cette distinction importante dans l’analyse des pratiques d’enseignement à l’échelle microscopique lorsque nous les appréhenderons à travers ce que nous appelons les « facettes de savoir » (Galili et Hazan, 2000 ; Minstrell, 1992a, 1992b).

La conception du processus de modélisation véhiculée par Tiberghien (1994) est différente et complémentaire à celle proposée par Martinand (1996) en ce sens qu’elle distingue modèle naïf et modèle scientifique. Contrairement à Martinand (1996), le monde des objets et évènements ne comporte que les descriptions et les actions sur les éléments de ce monde, dans une langue scientifique ou quotidienne, mais n’intègre pas les connaissances (scientifiques ou quotidiennes) sur ces éléments. En outre, l’approche proposée par Tiberghien ne fournit pas de détails sur la manière dont les élèves développent le modèle, mais met plutôt en avant le processus d’articulation et de distinction des deux mondes auquel l’enseignant se doit de porter une attention particulière dans les activités conduites par les élèves (Bécu-Robinault, 2005).

Malgré la grande diversité des schémas et des concepts utilisés par les auteurs pour conceptualiser le processus de modélisation d’un point de vue didactique, au moins deux constats importants se dégagent.

1. Les élèves arrivent en classe de physique non pas avec l’esprit vierge, mais avec une certaine capacité à décrire des objets et des évènements du monde réel dans une langue quotidienne. En poursuivant l’intention d’amener les élèves à se donner une compréhension plus approfondie des phénomènes, « les objectifs de l’enseignement [de la physique] sont d’inciter peu à peu les élèves à décrire les objets et évènements dans une langue scientifique, en mobilisant des connaissances relevant des théories et modèles de la physique » (Bécu-Robinault, 2005, p. 11). Les théories de la physique étant trop complexes et non directement accessibles, la compréhension des phénomènes ne peut se faire que par une approche sélective de la réalité en recourant aux modèles considérés comme objets intermédiaires entre phénomènes et théories et comme opérateurs

sélectifs de la réalité. Si le modèle constitue « un outil pour représenter et faire fonctionner la ou les théories auxquelles il est lié » (Coince et al., 2008, p. 7), et qu’il peut être considéré comme une « composante “opératoire” de la théorie », dans tous les cas, le modèle construit par les élèves en classe se doit d’être plus opératoire que leurs conceptions initiales au point de départ des situations expérimentales étudiées en classe. À la suite de Lemeignan et Weil-Barais (1988, p. 121), nous affirmons l’importance de passer d’un enseignement transmissif des modèles (où ceux-ci ont le statut de produits finis) à un enseignement « de et par » la modélisation de manière à développer chez les élèves « des représentations du monde plus opérantes que celles qu’ils ont pu construire dans leur vie quotidienne ». Dans cette seconde perspective, la modélisation devient à la fois une approche et un outil d’aide à la conceptualisation, en ce sens qu’elle favorise le passage des conceptions initiales des élèves à la construction de modèles plus scientifiques marqués par des différences significatives concernant la nature et le statut des descriptions faites par les élèves en regard des phénomènes étudiés : « Les élèves doivent passer d’une représentation des objets en jeu dans les expériences (les objets sont généralement définis par leurs propriétés et leurs fonctions), des manipulations qu’ils font (pousser, lancer, lâcher...) et des évènements perçus (les objets roulent, se déplacent, de heurtent, se séparent, explosent...) à une représentation des objets traduits en termes de systèmes dont les états sont décrits par des valeurs de grandeurs physiques » (Ibid., p. 124). Et ils ajoutent que « comparativement aux représentations premières des élèves qui se présentent comme un mélange de descriptions phénoménologiques et d’appel à des propriétés et à des fonctions des objets, la démarche physique consiste à ne retenir que les états qui peuvent être décrits à l’aide de grandeurs physiques reliées entre elles par une relation générale utilisée à titre de présupposé dans l’analyse » (Ibid., p. 127). Ainsi, la modélisation mathématique constitue une activité essentielle à la compréhension des phénomènes physiques.

2. Dans la plupart des travaux sur la modélisation et dans les schémas qui en découlent, le processus de modélisation donne lieu à au moins deux mouvements principaux. Dans le premier (description et induction), la pensée va du concret vers l’abstrait (ou du Particulier vers l’Universel). Dans le second (déduction et prévision), la pensée va dans le sens contraire, c’est-à- dire de l’abstrait vers le concret (ou de l’Universel vers le Particulier) (Riopel, Raîche, Potvin, Fournier et Nonnon, 2006). Autrement dit, c’est le couplage de ces deux mouvements de la pensée qui favorise le processus de modélisation en physique. Ainsi, au-delà de la connaissance des

énoncés théoriques relatifs aux lois, principes et modèles dans le champ théorique et au-delà de la connaissance des objets (expérimentaux et physiques) et de la maitrise des actions réalisées sur ces objets dans le champ empirique, il importe d’amener les élèves à construire des modèles en s’appuyant sur des propositions argumentées qui articulent à la fois des énoncés du champ empirique et du champ théorique. Ces deux mouvements de la pensée sont d’ailleurs évoqués dans le programme de physique de 5e secondaire, en ce sens que le modèle : « doit faciliter la compréhension de la réalité, expliquer certaines propriétés de ce qu’il vise à représenter et permettre la prédiction de nouveaux phénomènes observables. » (Gouvernement du Québec, 2009, p. 24). Pour autant, cette articulation entre les deux mondes ne veut pas dire que le point de départ d’une modélisation est l’expérience ou la théorie. Elle permet plutôt d’attirer l’attention de l’enseignant sur deux conditions essentielles au fonctionnement du processus de modélisation qui mettent en exergue le modèle comme résultat d’un double processus entre le concret et l’abstrait. La première condition est que la modélisation de tout phénomène physique n’est possible que si l’enseignant s’assure que les élèves disposent d’un capital d’expériences suffisamment riche dans le registre empirique. Ce capital se construit progressivement par l’exploration d’objets divers de ce registre (ex. : montages, matériels de laboratoire, procédures de recueils de données, etc.) et par leur mise en relation avec des évènements pertinents qui recouvrent les phénomènes physiques à l’étude, qu’ils relèvent d’expériences quotidiennes ou de situations expérimentales prototypiques menées en laboratoire. Cela veut dire que la construction du registre empirique ne peut donc se réaliser par un dispositif de formation transmissif où l’élève mémorise des résultats et des constats