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5. LE CONCEPT DE PRATIQUE D’ENSEIGNEMENT

5.6 La pratique d’enseignement comme activité multidimensionnelle

Enfin, la pratique d’enseignement est multidimensionnelle (Altet, 2001, 2002 ; Beillerot, 1996, 1998 ; Bru et al., 2004 ; Bru et Talbot, 2001 ; Lenoir et al., 2007 ; Lenoir et Vanhulle, 2006). Dans leurs travaux visant à construire un cadre conceptuel pour analyser les pratiques d’enseignement, Lenoir et al. (2007) ont développé le construit d’intervention éducative76 afin d’appréhender la pratique d’enseignement dans sa globalité et sa complexité multidimensionnelle (Lenoir et Vanhulle, 2006). Ces travaux ont permis d’identifier 10 dimensions de la pratique d’enseignement qu’ils regroupent en trois perspectives (figure 18) : une perspective socioéducative relative à l’évolution du système scolaire et aux réalités sociales (dimensions contextuelles et historiques) ; une perspective socioéducative relative au cadre de référence de l’enseignant, externe (dimensions curriculaires) et interne (dimensions épistémologiques, socioaffectives, morales et éthiques) ; une perspective opératoire qui représente l’actualisation de ce cadre de référence au sein des pratiques d’enseignement (dimensions didactiques, psychopédagogiques, organisationnelles, médiatrices). À cet égard, la pratique d’enseignement « est constituée d’une structure de rapports en tension entre les différentes dimensions qui la constituent, dont les dimensions curriculaires, les dimensions didactiques (rapport au savoir/aux savoirs/de savoirs), les dimensions psychopédagogiques (rapport aux élèves/à l’élève), les dimensions organisationnelles (rapport à la gestion de l’enseignement en tant que rapport à l’espace classe, au temps et aux moyens organisationnels), le tout ancré dans un contexte (rapport au social et à l’institution) spatiotemporellement déterminé » (Lenoir et al., 2007, p. 32). En conséquence, nous analysons la pratique d’enseignement des enseignants de notre échantillon sous l’angle de plusieurs dimensions que nous explicitons dans le cadre d’analyse développé dans la prochaine section.

76 Par intervention éducative, nous entendons dès lors, d’un point de vue opérationnel, l’ensemble des actes et des

discours singuliers et complexes, finalisés, motivés et légitimés, tenus par une personne mandatée intervenant dans une perspective de formation, d’autoformation ou d’enseignement dans un contexte institutionnellement spécifique – ici l’institution scolaire – en vue de poursuivre les objectifs éducatifs socialement déterminés (Lenoir et al., 2007, p. 30-31).

Figure 18- Dimensions du concept d’intervention éducative (Lenoir et Vanhulle, 2006, p. 230)

Les cinq attributs caractéristiques retenus pour caractériser la pratique d’enseignement constituent des éléments fondateurs du cadre d’analyse des pratiques d’enseignement des modèles et de la modélisation. Ainsi, dans le cadre d’analyse que nous développons dans la section suivante, la pratique d’enseignement est considérée comme une activité temporelle (se déroulant sur les phases préactive, interactive et postactive), finalisée (poursuivant des finalités plus ou moins explicites), multimodale (s’exprimant à travers des actions, discours et gestes), à la fois universelle et singulière (mettant en relation/tension pratiques sociales de référence et pratiques individuelles) et multidimensionnelle. Par ailleurs, la pratique d’enseignement est appréhendée dans le cadre de la théorie de l’action conjointe en didactique où la construction de significations partagées entre l’enseignant et les élèves s’actualise au travers de transactions didactiques produites de manière conjointe par ces acteurs et pour lesquelles le savoir lié aux modèles et à la modélisation est le principal objet qui structure ces transactions.

TROISIÈME CHAPITRE : LE CADRE D’ANALYSE DES PRATIQUES

D’ENSEIGNEMENT ORDINAIRES DES MODÈLES ET DE LA

MODÉLISATION

Se positionnant entre le cadre conceptuel et la méthodologie, le cadre d’analyse vise à présenter sommairement les choix opérés pour l’analyse des pratiques d’enseignement des modèles et de la modélisation. En mettant en relation les concepts de modèle et de modélisation avec le concept de pratique d’enseignement, ce cadre consiste en une transition opératoire du cadre conceptuel. De ce cadre d’analyse découlent des procédures d’analyse des données que nous présentons de manière détaillée dans la méthodologie.

Dans cette thèse, nous nous appuyons sur les travaux réalisés dans le monde francophone qui considèrent les pratiques d’enseignement du point de vue des actions conjointes de l’enseignant et des élèves en accordant une place centrale aux savoirs disciplinaires dans l’organisation de ces pratiques (Hasni et al., 2015 ; Hasni et Baillat, 2011 ; Mercier et al., 2002 ; Schubauer-Leoni, Leutenegger, Ligozat et Annick, 2007 ; Sensevy, 2001, 2007, 2008, 2011 ; Sensevy, Schubauer- Leoni, Mercier, Ligozat et Perrot, 2005), et plus particulièrement sur les travaux qui ont établi des relations fortes entre la spécificité des pratiques d’enseignement (ex. : nature des tâches prises en charge par l’enseignant et les élèves, diversité des notions enseignées, cohérence du savoir enseigné, etc.) et la compréhension conceptuelle des élèves en lien avec divers savoirs disciplinaires (ex. : Buty et al., 2004 ; Givry, 2003 ; Kelly, 2011 ; Malkoun, 2007 ; Niedderer et

al., 2005 ; Niedderer, Budde, Givry, Psillos et Tiberghien, 2007 ; Roth et al., 2006, 2011 ;

Tiberghien et Malkoun, 2007 ; Tiberghien et al., 2007a, 2008). Notre conception de la pratique d’enseignement inclut la « pratique d’enseignement déclarée » (ce que les enseignants prétendent faire en classe) et la « pratique d’enseignement observée » (celle observée par le chercheur).

Dans notre analyse des pratiques d’enseignement des modèles et de la modélisation, nous nous intéressons aux tâches que font l’enseignant et les élèves en relation avec les savoirs disciplinaires en jeu. Pour reprendre Tiberghien et al. (2008, p. 4), « il s’agit de décrire et d’analyser comment le savoir enseigné “vit” dans une classe, ses statuts, les enjeux dont il est l’objet, les formes qu’il prend, etc., et comment ce savoir intervient dans la compréhension des élèves. ». Nous

cherchons à voir le potentiel des pratiques d’enseignement des enseignants sur les apprentissages conceptuels des élèves dans le domaine de la cinématique. Si nous ne considérons pas pour autant que la relation entre enseignement et apprentissage soit directe en raison de la multiplicité des variables qui peuvent influencer les pratiques d’enseignement, nous postulons toutefois que les pratiques d’enseignement ont des effets importants sur les apprentissages des élèves et qu’il est possible de déterminer des caractéristiques de ces pratiques qui favorisent les apprentissages conceptuels chez les élèves.

S’il existe une grande diversité de dimensions possibles pour analyser les pratiques d’enseignement (Lenoir et al., 2007 ; Lenoir et Vanhulle, 2006), les dimensions retenues pour correspondent à celles considérées dans les travaux menés antérieurement au CREAS portant sur l’analyse des pratiques d’enseignement d’enseignants de sciences et technologies sous l’angle de la modélisation (Roy et Hasni, 2014) ou d’autres objets de recherche comme l’interdisciplinarité (Hasni et al., 2008 ; Hasni, Bousadra et Poulin, 2012) ou l’approche par projet (Hasni, Bousadra, et Marcos, 2011) : conceptuelle, opérationnelle, fonctionnelle et organisationnelle. Bien qu’elles soient reliées entre elles, ces dimensions seront présentées ici, par souci de clarté, de manière séquentielle.