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systèmes éducatifs à travers le monde ont connu des réaménagements importants dans leurs finalités, contenus et modalités d’enseignement-apprentissage, notamment en accordant une place plus importante aux démarches à caractère scientifique, et plus particulièrement à des approches de modélisation (« student-centred modelling approach »)5 visant à engager les élèves dans la construction de modèles pour l’étude de divers phénomènes (Portides, 2007).

En raison des fonctions importantes des modèles pour la représentation, la description, l’explication et la prédiction des phénomènes, les modèles sont considérés par plusieurs chercheurs comme étant des composantes essentielles des apprentissages scientifiques à l’école obligatoire (ex. : Coll, France et Taylor, 2005 ; Harrison, 2001 ; Hasni, 2010 ; Hestenes, 1997 ; Johsua et Dupin, 1993, 1989 ; Koponen, 2007 ; Martinand, 1992, 1994 ; Matthews, 2007 ; Orange, 1994, 1997 ; Robardet et Guillaud, 1997). Dans le champ de la physique, Tiberghien et ses collègues (Buty, Tiberghien et Le Maréchal, 2004 ; Gaidioz, Vince et Tiberghien, 2004 ; Gaidioz et Tiberghien, 2003 ; Malkoun, 2007 ; Malkoun, Vince et Tiberghien, 2007 ; Tiberghien et Malkoun, 2007 ; Tiberghien, 1994) signalent que si la modélisation constitue le fonctionnement essentiel de la physique savante, alors une certaine forme de modélisation devrait aussi être essentielle dans la physique enseignée.

Les justifications de recourir à un enseignement des modèles et de la modélisation en classe de sciences sont nombreuses et diversifiées. Parmi celles-ci figure au premier rang la compréhension des phénomènes naturels complexes (Acher, Arcà, et Sanmartí, 2007 ; Clement,

1989 ; Crawford et Cullin, 2004 ; Gobert et Clement, 1999 ; Khan, 2007 ; Izquierdo-Aymerich et Adúriz-Bravo, 2003 ; Koponen, 2007 ; Oh et Oh, 2012 ; Penner, 2001 ; Weil-Barais et Lemeignan, 1990 ; Windschitl et Thompson, 2006). C’est pourquoi plusieurs chercheurs plaident en faveur d’approches au sein desquelles les élèves sont en mesure de prendre en charge, en grande partie, les processus de modélisation. Ces approches partagent souvent certaines phases communes comme l’exploration, l’expression, la construction, l’application et la révision des modèles. En mettant à contribution les modèles par leurs fonctions épistémique (chercher à comprendre) et heuristique6 (explorer afin de comprendre), ces approches permettent aux élèves d’explorer les phénomènes dans une dynamique itérative par la re-construction des modèles à la lumière des résultats obtenus.

Le recours à des approches basées sur la modélisation pour l’enseignement des sciences favorise la mise en relation entre des éléments de savoir, ce qui permet un enseignement cohérent et intégré de ce domaine. À ce sujet, Robardet et Guillaud (1997) soulignent que dans une démarche de modélisation, les élèves sont appelés à mettre en relation des concepts en vue de la construction de modèles permettant de rendre intelligible les phénomènes à l’étude. Dans la construction du modèle du mouvement rectiligne uniforme en physique, les élèves peuvent être appelés à construire les concepts de position, de vitesse et d’accélération à travers l’étude du mouvement d’objets matériels dont la grandeur et l’orientation de la vitesse sont constantes en tout temps (ex. : mouvement d’une rondelle projetée sur une table à coussin d’air), et à mettre en relation ces concepts afin de construire des équations mathématiques associées à ce phénonème telles que la relation entre la vitesse, l’accélération le temps ( )7, la relation entre la position, la vitesse, l’accélération et le temps ( ) ou encore la relation entre la vitesse, l’accélération et la position ( ). Par ailleurs, l’idée d’intégration dépasse

6Les travaux de la psychologie cognitive de Johnson-Laird (1983) mettent en évidence la fonction heuristique des modèles en souligant que ceux-ci sont de précieux outils pour penser et comprendre divers phénomènes physiques. Il décrit la connaissance comme la capacité de l’humain à se construire un modèle mental de la réalité que l’on cherche à connaître : « Toute notre connaissance du monde dépend de notre capacité à construire un modèle de celui-ci » (p. 402).

7 Définition des variables : Vx : vitesse sur l’axe horizontal ; Vx0 : vitesse initiale sur l’axe horizontal, ax : accélération

sur l’axe horizontal ; t : temps.

0 ( ) x x x v t =v +a t 2 0 0 1 ( ) 2 x x x t =x +v t+ a t 2 2 0 0 ( ) 2 ( ) x x x v x =v + a x x-

largement celle de la mise en relation entre des savoirs au sein d’une même discipline (intradisciplinarité). En référant aux propos d’Hestenes (2007, 2010), qui dit que tout modèle permet de représenter un phénomène physique selon une double structure (une structure physique, qui se réfère à une intuition physique et relevant des objets et des évènements du monde réel ; une structure mathématique, qui se réfère à une intuition mathématique et relèvant des représentations symboliques), l’enseignement de la physique basé sur la modélisation met nécessairement en jeu une interdisciplinarité (Lenoir et Sauvé, 1998)8 forte entre les savoirs de la physique et les savoirs de mathématiques.

D’autres auteurs pointent l’acquisition et la mobilisation de savoirs conceptuels comme justification centrale du recours à un enseignement des modèles et de la modélisation en classe de sciences (Chomat, Larcher et Méheut, 1992 ; Coll et al., 2005 ; Coquidé et Le Maréchal, 2006 ; Halloun, 2007 ; Justi et Gilbert, 2002a, 2002b, 2003 ; Megalakaki et Tiberghien, 2011 ; Schwarz et White, 2005). En effet, Coquidé et Le Maréchal (2006) soutiennent que le principal objectif pédagogique d’un enseignement basé sur la modélisation est que les élèves construisent des savoirs conceptuels en modélisant des phénomènes scientifiques. En référant aux finalités éducatives de l’enseignement des sciences proposées par Hodson (1992, 1993), Justi et Gilbert (2002a, 2002b, 2003) soulignent que l’engagement des élèves dans une réflexion épistémologique sur la portée et les limites des modèles s’accompagne souvent d’une appropriation de savoirs conceptuels (concepts, modèles, lois, etc.). Quant à Megalakaki et Tiberghien (2011) ou Schwarz et White (2005), ils convoquent les travaux de la psychologie cognitive (ex. : Clement et Rea-Ramirez, 2008 ; Johnson-Laird, 1983 ; Jonassen, 2004) ; Nersessian, 1999, 2000) pour expliquer, du point de vue du changement conceptuel, la construction des savoirs conceptuels au cours des processus de modélisation. Ces auteurs appréhendent la modélisation en physique en tant qu’approche de changement conceptuel de premier choix pour amener les élèves à visualiser, valider, modifier et élaborer leurs théories personnelles qu’ils construisent sur la réalité empirique9. Sur le plan

8 Nous considérons ici l’interdisciplinarité au sens strict qui consiste en la « mise en relation de deux ou de plusieurs

disciplines scolaires (…) et qui conduit à l’établissement de liens de complémentarité ou de coopération, d’interpénétrations ou d’actions réciproques entre elles sous divers aspect (finalités, objets d’études, concepts et notions, démarches d’apprentissage, habiletés techniques, etc.), en vue de favoriser l’intégration des processus d’apprentissage et des savoirs chez les élèves » (Lenoir et Sauvé, 1998, p. 121).

9 Dans une perpective psychologique de l’apprentissage, il y a changement conceptuel si un élève passe d’un modèle

empirique, l’acquisition et la mobilisation des savoirs conceptuels au sein des approches de modélisation sont également démontrées. Dans son étude menée auprès d’élèves du secondaire dans le domaine de la physique mécanique, Halloun (2007) a comparé la compréhension qualitative de concepts entre des groupes d’élèves ayant suivi une approche de modélisation constructiviste (qu’il a lui-même développée) et d’autres ayant bénéficié d’un enseignement conventionnel de la modélisation mettant l’accent sur la transmission des modèles par des exposés magistraux et des démonstrations10. L’analyse de l’évolution des conceptions mesurées à partir d’une épreuve portant sur les connaissances conceptuelles de base en physique mécanique (« The Inventories of Basic Conceptions »)11 a montré que si des élèves sont engagés dans une approche de modélisation constructiviste, ils ont une compréhension qualitative des savoirs significativement plus élevée que des élèves engagés dans un enseignement conventionnel de la modélisation12. Au terme de son étude, Halloun (2007) conclut sur l’importance d’aller au-delà d’un enseignement transmissif des modèles afin de favoriser l’élaboration conceptuelle, notamment celle en lien avec l’acquisition des principaux modèles historiques.

L’acquisition et la mobilisation de savoirs conceptuels se font en concomitance avec celle des savoirs procéduraux. Justi et Gilbert (2002a, 2002b, 2003), en s’appuyant sur l’une des finalités de l’enseignement des sciences proposées par Hodson (1992, 1993) qui consiste à « apprendre à faire de la science » (« learning to do science »), mettent en exergue l’importance d’engager les élèves dans des activités de modélisation leur permettant de créer, exprimer et tester leurs propres modèles. Les descriptions des approches de modélisation faites par plusieurs auteurs mettent en

et Glynn, 1996). Les travaux de Johnson-Laird (1983) stipulent que tous les actes de compréhension impliquent la formation et l’utilisation de modèles mentaux : les activités d’apprentissage des modèles scientifiques existants (« model learning »), de révision des modèles (« model revision ») ou de production de nouveaux modèles (« model production ») impliquent toutes la modélisation mentale (« mental modelling »). Nersessian (1999, 2002), en s’inscrivant dans une perspective cognitive de la pratique scientifique, avance que le raisonnement basé sur les modèles et la modélisation (« model-based reasoning ») implique la construction et la modification des modèles. Dans le même sens, Clement et Rea-Ramirez (2008) décrivent l’investigation scientifique comme une construction et une révision progressives d’un modèle et proposent un processus cyclique itératif pour l’apprentissage des modèles par les élèves.

10 Dans le cadre conceptuel, nous distinguerons entre des approches ou démarches de modélisation s’inscrivant dans

des logiques transmissives et constructivistes.

11 Cette épreuve a été développée par Haloun qui s’est appuyé sur deux tests standardisés : le « Mechanics Diagnostic

Test ») (Halloun, 1984 ; Halloun et Hestenes, 1985b) et le « Force Concept Inventory » (Hestenes, Wells et Swackhamer, 1992).

12 Les élèves du premier groupe auraient obtenu sur les post-tests un score jusqu’à deux écarts-types en moyenne

évidence la place centrale des savoirs procéduraux (démarches, habiletés intellectuelles ou manuelles, etc.) dans les apprentissages scientifiques (Gilbert, 2004 ; Halloun, 2004 ; Hestenes, 1987, 1992, 1996 ; Khan, 2007 ; Schwarz et White, 2005 ; Schwarz et al., 2009). En effet, Halloun (2004)13, en s’inspirant du cycle d’apprentissage de Karplus (1977), conceptualise le processus de modélisation par un cycle d’apprentissage composé de cinq phases consécutives : l’exploration du modèle, l’adduction du modèle, la formulation du modèle, le déploiement du modèle et la synthèse paradigmatique. Gilbert (2004) suggère d’inscrire dans les nouveaux plans d’études de sciences des orientations plus explicites sur les processus de modélisation dans une perspective progressive à travers une séquence en 4 étapes : « Apprendre à utiliser des modèles », « Apprendre à réviser des modèles », « Apprendre à reconstruire un modèle » et « Apprendre à construire un nouveau modèle »14 (p. 120-122). De manière à développer des connaissances sur les pratiques de la modélisation (« knowledge of scientific modeling practices »), Schwarz et White (Schwarz et White, 2005 ; Schwarz et al., 2009) proposent d’engager les élèves dans l’approche didactique

Engage-Investigate-Model-Apply (EIMA) qu’ils ont développée dans le contexte des récentes

réformes scolaires en enseignement des sciences, et pour laquelle les élèves sont appelés à concevoir, exprimer, comparer, évaluer, tester et réviser des modèles. Enfin pour Hestenes (1992, p. 732), « le grand jeu de la science est la modélisation du monde réel, et chaque théorie scientifique établit un système de règles pour jouer le jeu. L’objectif de ce jeu est de construire des modèles valides des objets et des processus de la réalité. Ces modèles constituent le noyau de contenu du savoir scientifique. Comprendre la science, c’est savoir comment les modèles scientifiques sont construits et validés. Le principal objectif de l’enseignement des sciences doit donc être d’enseigner le jeu de modélisation »15. Plus précisément, Hestenes (1996, p. 7) affirme que « le principal objectif de l’enseignement de la physique devrait être de développer les compétences de modélisation des élèves afin qu’ils puissent donner un sens à leur propre

13 Nous développerons l’approche cyclique de modélisation d’Halloun dans le cadre conceptuel.

14 Traduction libre : « Learning to Use of Models », « Learning to Revise Models », « Learning the Reconstruction of

a Model », « Learning to Construct Models de novo » (Gilbert, 2004, p. 120-122).

15 Traduction libre : « The great game of science is modeling the real world, and each scientific theory lays down a

system of rules for playing the game. The object of the game is to construct valid models of real objects and processes. Such models comprise the content core of scientific knowledge. To understand science is to know how scientific models are constructed and validated. The main objective of science instruction should therefore be to teach the modeling game » (Hestenes, 1992, p. 732).

expérience physique et être en mesure d’évaluer les informations rapportées par leurs pairs »16, et ce, sachant que « la compréhension physique est un ensemble complexe de compétences de modélisation, c’est-à-dire de compétences cognitives pour concevoir et utiliser des modèles »17 (Ibid., p. 7). C’est pourquoi Hestenes (1987, 1992) développe à la fin des années 1980 la Modeling

Method of instruction18 qui consiste en une approche didactique de l’enseignement de la physique basée sur la modélisation dans le champ de la mécanique newtonienne, et dont le domaine de validité sera ultérieurement étendu à l’électricité. Dans le développement de son approche, Hestenes (1987) insiste sur le fait que celle-ci interpelle non seulement des savoirs conceptuels comme les concepts, les modèles, les lois, etc., mais aussi des savoirs procéduraux comme les tactiques, les stratégies, les techniques, etc., car ce sont ces objets de savoir qui permettent la mobilisation et l’acquisition de savoirs conceptuels.

L’acquisition de savoirs épistémologiques figure également parmi les principales justifications de l’enseignement de modèles et de la modélisation (Coll et al., 2005 ; Justi et Gilbert, 2002a, 2002b, 2003 ; Schwartz et Lederman, 2005 ; Schwarz et White, 2005 ; Schwarz et al., 2009). Justi et Gilbert (2002a, 2002b, 2003), en s’appuyant sur l’une des trois finalités de l’enseignement des sciences proposées par Hodson (1992, 1993), militent en faveur d’un apprentissage à propos de la science (« learning about science »). Cette référence épistémologique aux savoirs témoigne chez Schwarz et ses collègues (Schwartz et Lederman, 2005 ; Schwarz et White, 2005 ; Schwarz

et al., 2009) de l’idée de développer chez les élèves des « connaissances sur la métamodélisation »

(« metamodeling knowledge »). Ces connaissances portent sur la manière dont les savoirs scientifiques sont construits et sur des questions importantes qui relèvent de la philosophie et de l’histoire des sciences. Sous l’angle des modèles, elles concernent la nature des modèles (caractéristiques, fonctions, diversité, portée, limites, etc.) et des processus de modélisation (utilisation, validation, révision et construction des modèles) pris en charge par les scientifiques. Coll et al. (2005) évoquent que les élèves, et aussi le public en général, ont une compréhension

16 Traduction libre : « The primary objective of physics teaching should therefore be to develop student modeling skills

for making sense of their own physical experience and evaluating information reported by others. » (Hestenes, 1996, p. 7)

17 Traduction libre : « physical understanding is a complex set of modeling skills, that is, cognitive skills for making

and using models. » (Hestenes, 1996, p. 7)

limitée de la nature des sciences, et plus particulièrement de la manière avec laquelle les scientifiques utilisent les modèles pour représenter, expliquer et prédire des phénomènes microscopiques et macroscopiques du monde naturel. De ce fait, ces auteurs s’accordent à dire avec d’autres (ex. : Gilbert, 1991 ; Harrison et Treagust, 2000 ; Hestenes, 1992) que comprendre les sciences, c’est comprendre comment les modèles scientifiques sont construits, validés et utilisés par les scientifiques. En définissant la science comme un processus de construction des modèles, cela aide les élèves à comprendre que tout savoir scientifique est une construction humaine et sociale et que les modèles varient dans leur capacité à se rapprocher, expliquer et prédire des phénomènes, mais sans pourtant s’y confondre (Gilbert, 1991). Ainsi, l’acquisition d’une compréhension du rôle des modèles en sciences contribuerait à une éducation scientifique « authentique » dans laquelle la discipline scolaire s’apparenterait le plus possible à la discipline de référence (chimie, physique, etc.) (Gilbert et al., 2000). Sur le plan empirique, plusieurs travaux ont mis en évidence que les approches de modélisation centrées sur le développement de compétences épistémologiques favorisent non seulement la construction d’une meilleure représentation de l’activité scientifique, mais également l’appropriation des savoirs conceptuels chez les élèves (Driver, Leach, Millar et Scott, 1996 ; Gobert, 2003 ; Gobert et Discenna, 1997 ; Gobert et al., 2011 ; Gobert et Clement, 1999 ; Gobert et Pallant, 2004 ; Lederman, 1992, 2006 ; Lehrer et Schauble, 2006 ; Lesh et Doerr, 2000 ; Rotbain, Marbach-Ad et Stavy, 2006 ; Schwarz, 2002 ; Schwarz et White, 1999 ; Smith, Maclin, Houghton et Hennessey, 2000 ; Stewart, Cartier et Passmore, 2005 ; Treagust, Chittleborough et Mamiala, 2002 ; Wilensky et Reisman, 2006). En effet, lors des activités de modélisation, Gobert et Discenna (1997) et Schwarz et White (1999) ont montré que le degré de pertinence des modèles construits par les élèves pour appréhender les phénomènes à l’étude était positivement corrélé à leur compréhension de la nature des modèles. Ces constats ont amené Danusso, Testa et Vicentini (2010, p. 872) à dire que les enseignants devraient avoir non seulement une bonne connaissance des modèles utilisés dans la communauté scientifique, mais aussi une bonne compréhension de la nature des modèles en sciences : « En d’autres termes, les enseignants devraient être conscients du rôle des modèles dans le processus de construction des savoirs scientifiques et de la modélisation comme support essentiel à la

compréhension conceptuelle des concepts scientifiques. »19. Dans l’autre sens, l’engagement des élèves dans les processus de modélisation leur permet de se construire une meilleure représentation de la nature des modèles, et plus globalement de la nature des sciences (Coll et al., 2005 ; Hestenes, 1987 ; Megalakaki et Tiberghien, 2011). Ces affirmations s’inscrivent en cohérence avec les finalités éducatives associées à la modélisation proposée par Hestenes (1987, 1992) qui souligne qu’étant donné que le modèle est une représentation conceptuelle d’un système réel qui obéit aux lois de la physique, construire des modèles aide les élèves à se concentrer sur la reconstruction conceptuelle de la réalité et à se construire ainsi une vision plus cohérente des sciences.

Enfin, plusieurs chercheurs justifient le recours à un enseignement des modèles et de la modélisation en classe de sciences du fait qu’il favorise la communication des idées et des connaissances par le passage d’un modèle mental à un modèle matérialisé (Buckley et Boulter, 2000 ; Clement, 1989 ; Duit, 1991 ; Gilbert et al., 2000 ; Harrison et Treagust, 2000 ; Justi et Gilbert, 2000 ; Koponen, 2007 ; Nersessian, 1999 ; Penner, 2001 ; Schwarz et White, 2005). Si les références aux philosophes fondamentalistes Bunge (1983), Popper (2002/1935), Kuhn (1962) et Lakatos et Musgrave (1970) sont fréquemment invoquées par des chercheurs qui proposent des approches d’enseignement de la modélisation, les aspects social et sociologique de l’utilisation des modèles pour communiquer et exprimer des connaissances et des idées sont également mis en évidence par plusieurs d’entre eux. En s’engageant dans des activités de conception, de validation, de révision et d’utilisation de modèles externes (« external models »), appelés aussi modèles exprimés (« expressed models ») 20 , les élèves peuvent exprimer leurs propres modèles mentaux (« mental models ») (France, 2000 ; Mellar, Bliss, Boohan, Ogborn et Tompsett, 1994 ; Nersessian, 1999 ; White et Frederiksen, 1990 ; Zimmermann, 2000). Ainsi, la modélisation peut aider les élèves non seulement à extérioriser leur pensée, mais aussi à visualiser et tester les composantes de leurs idées conceptuelles, ce qui peut les aider à faire progresser leur réflexion et à développer leur compréhension du monde matériel (Schwarz et White, 2005). De ce fait, les

19 Traduction libre : « In other words, teachers should be aware of the role of models in the process of constructing the

scientific body of knowledge and modelling as a key support to conceptual understanding of scientific concepts. » (Danusso, Testa et Vincenti, 2010, p. 872)

20 À l’instar de Nersessian (1999), nous pensons toutefois que les modèles externes produits par les élèves ne

recouvrent pas nécessairement les modèles mentaux. Ces derniers ne sont pas communicables en totalité et une part d’implicite subsiste nécessairement.

modèles externes peuvent consister en de véritables modèles pour l’enseignement (« teaching models ») (Coll et al., 2005) et contribuer au développement des modèles mentaux des élèves comme l’évoque Nersessian (1999, p. 17).

Ils [les modèles externes] aident de manière significative à organiser l’activité cognitive au cours du raisonnement, en fixant l’attention sur les aspects pertinents d’un modèle, en permettant la récupération et le stockage des informations pertinentes et en présentant des interconnexions structurelles et causales pertinentes. Par ailleurs, ces représentations visuelles externes […] facilitent la construction de modèles mentaux partagés dans une communauté.21

En s’appuyant sur les travaux de Nersessian (1999), Buckley et Boulter (2000) expliquent que les modèles externes construits par les élèves leur permettent d’exprimer leurs conceptions et peuvent constituer des supports au débat scientifique dans la classe, débat dont les interactions favorisent l’apprentissage. Penner (2001) soutient l’importance d’engager les élèves dans la conception de modèles physiques explicatifs (« physical model-explanatory ») pouvant faire l’objet d’une médiatisation sociale en classe. Cet auteur stipule que pour aider les élèves à améliorer leur compréhension du monde naturel, il est nécessaire de les engager dans la conception de ce type particulier de modèle, car il leur permet de s’exprimer et de débattre sur leur compréhension des phénomènes. Des expérimentations conduites pour l’enseignement des sciences physiques ont amené Johsua et Dupin (1989) à organiser des activités de débat scientifique dans la classe de