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Des facettes de savoir pour accéder à la compréhension des phénomènes physiques par

4. LA CINÉMATIQUE COMME DOMAINE RICHE POUR LA CONSTRUCTION DE

4.4 Des facettes de savoir pour accéder à la compréhension des phénomènes physiques par

Comme nous l’avons souligné, l’engagement des élèves dans des démarches de modélisation entraine une double conceptualisation : l’élaboration conceptuelle des modèles associés aux phénomènes physiques à l’étude, d’une part, et l’élaboration des faits scientifiques qui découlent des modèles construits, d’autre part. Ces faits portent sur les variables en jeu dans la modélisation des objets matériels (la position, le déplacement, la vitesse, la variation de la vitesse, et l’accélération), et plus directement sur le comportement des phénomènes physiques modélisés par les modèles du MRU, du MRUA ou du MB. En physique, comme c’est le cas dans d’autres disciplines scientifiques, les faits pouvant être construits par les élèves ne se présentent pas uniquement sous une forme conceptuelle et ne s’expriment pas uniquement à travers le registre langagier usuel (les mots, les phrases, etc.), mais plutôt sous diverses formes : algébrique, graphique, vectorielle, etc. Ces faits, lorsqu’ils sont mobilisés par les élèves, sont des témoins précieux pour évaluer leur compréhension des phénomènes physiques.

Pour accéder à la compréhension des phénomènes physiques par les élèves, nous nous appuyons sur les travaux de Minstrell (1992a, 1992b) et de Galili et Hazan (2000), dont l’objectif consiste à caractériser les connaissances d’élèves du secondaire dans le champ de la physique à partir de « facettes de savoir » (« Facet of knowledge »). Ce concept a été développé sur la base des travaux en épistémologie de la physique menés par diSessa (1993) qui appréhende le savoir en tant que petits éléments fragmentés (« Knowledge in Pieces »). Dans leur description des connaissances des élèves, Minstrell (1992a, 1992b) et Galili et Hazan (2000) identifient et cataloguent les facettes de savoir que les élèves semblent appliquer dans des situations problématiques68. Ces éléments, formulés dans le langage des élèves, sont des énoncés qui ont la taille d’une phrase et qui se réfèrent à ce que « les élèves disent ou font face à une situation dans laquelle ils sont invités à prédire ou expliquer un phénomène physique »69. Ils constituent « une tentative d’organiser la compréhension conceptuelle des phénomènes chez les élèves »70 (Minstrell, 1992b). Pour Minstrell (1992a, 1992b), les facettes représentent des constructions théoriques alternatives à la connaissance scientifique et peuvent se rapporter au contenu, à des stratégies de résolution, ou un élément générique de raisonnement, telles une relation causale, une déduction. En nous appuyant sur divers travaux menés dans le champ de la physique, nous retenons quatre catégories de facettes de savoir (Galili et Hazan, 2000 ; Malkoun, 2007 ; Minstrell, 1992a, 1992b ; Tiberghien et al., 2007a) : les facettes de savoir conceptuelles, de représentation symbolique, langagières et procédurales. Ces facettes peuvent être formulées par les acteurs de la classe à travers leurs discours et gestes tout au long des séquences d’enseignement.

Les facettes conceptuelles sont des composantes de concepts ou de relations entre des concepts qui permettent de donner sens à ces constructions théoriques. Dans la description des facettes de savoir, nous nous limitons à celles qui appartiennent au domaine de la cinématique en les catégorisant selon les groupes de concepts prescrits de cinématique dans le programme de physique de 5e secondaire : temps, référentiel, position, trajectoire, distance parcourue,

68 Pour plus de détails sur les codes de facette de Minstrell, voir à l’adresse Internet

http://depts.washington.edu/huntlab/diagnoser/facetcode.html#edf.

69 Traduction libre : « students say or do when confronted with a situation in which they are asked to predict or explain

a physical phenomenon » (Minstrell, 1992b)

70 Traduction libre : The Facet Codes are our attempt to organize the phenomena of students’ conceptual

déplacement, vitesse, vitesse moyenne, vitesse instantanée, variation de la vitesse, accélération, accélération moyenne, accélération instantanée, mouvement, mouvement rectiligne uniforme, mouvement rectiligne uniformément accéléré et mouvement balistique. À titre d’exemples, on peut considérer les facettes conceptuelles « La position d’un mobile sur l’axe des x est positive s’il se trouve à droite de l’origine du référentiel », « Un mobile en mouvement dans le sens de la référence (vers la droite) sur l’axe des x a un déplacement positif », « La vitesse instantanée (scalaire ou vectorielle) tient compte d’un ∆t qui tend vers 0 », « Un mobile en accélération a une position qui varie de plus en plus vite ou de moins en moins vite dans le temps », « Dans un mouvement rectiligne uniformément accéléré, la distance parcourue entre deux intervalles de temps égaux consécutifs est constante », « Dans un mouvement balistique, la vitesse verticale diminue dans le mouvement ascendant ».

Les facettes de représentations symboliques recouvrent les règles de construction de différents registres de représentation sémiotique. Ces facettes imprègnent l’enseignement de la physique, car « tous les modèles de la physique, scientifiques ou scolaires, s’appuient sur des représentations » (Bécu-Robinault, 2005, p. 57), et les élèves donnent du sens aux modèles en s’appropriant et en articulant divers registres de représentation des concepts lors de la modélisation d’un phénomène. Ainsi, les facettes jouent un rôle important dans la construction des savoirs disciplinaires en sciences, celles-ci étant inséparables de la construction des symbolismes spécifiques pour représenter les objets de savoir et leurs relations (Duval, 1993, 1995). Dans le domaine de la cinématique, nous distinguons 5 sous-groupes de facettes de représentation symbolique suivants : les facettes algébriques, les facettes graphiques, les facettes vectorielles, les facettes de symbole et les facettes unités. À titre d’exemples illustratifs, on peut considérer les facettes de représentation symbolique « Dans un mouvement en chute libre, la formule mettant en relation la vitesse, l’accélération et la position est ou une relation équivalente », « La pente de la tangente du graphique vitesse-temps entre deux instants très près donne la vitesse instantanée d’un mobile », « Le vecteur déplacement est la différence entre les vecteurs position finale et position initiale », « Le symbole de la position est X, Y ou S », « L’unité de mesure usuelle de l’accélération est le m/s2 ».

vf2 = v

i

Les facettes procédurales consistent en des procédures, des stratégies, des opérations, etc. à mettre en œuvre en relation avec les savoirs disciplinaires. Nous sommes conscients de l’existence de facettes procédurales générales associées à la modélisation en physique telles que : « On doit effectuer plusieurs mesures à l’aide d’un instrument afin de recueillir des données qui permettent de construire un modèle ». Cependant, dans cette thèse, nous ne considérons que les facettes procédurales en lien avec la construction des concepts prescrits au programme. À titre d’exemples, nous considérons les facettes procédurales « On détermine le déplacement d’un mobile entre deux instants en calculant l’aire sous la courbe du graphique vitesse-temps », « On détermine la distance parcourue par un mobile entre deux instants en calculant l’aire sous la courbe du graphique vitesse- temps », « On détermine la vitesse instantanée d’un mobile en calculant la pente du graphique position-temps entre deux instants très près », « On détermine la variation de la vitesse d’un mobile en calculant l’aire sous la courbe du graphique accélération-temps », « On détermine l’accélération d’un mobile en calculant la pente du graphique vitesse-temps », « Pour voir si un objet est en mouvement, on calcule sa variation de position dans le temps ».

Les facettes langagières correspondent aux énoncés qui interpellent l’utilisation de la langue naturelle pour représenter les savoirs disciplinaires de la physique. Comme le progrès des connaissances en sciences s’accompagne toujours de la création et du développement de systèmes sémiotiques qui coexistent avec la langue naturelle, nous pensons que la langue naturelle joue également un rôle déterminant dans l’apprentissage des savoirs disciplinaires de la physique. Rappelons ici le schéma de la théorie spécifique des deux mondes qui met en exergue la place du savoir commun dans la construction du savoir en physique (Veillard et al., 2011) (figure 7). Ainsi, les facettes langagières permettent de distinguer les savoirs quotidiens des savoirs disciplinaires de la physique. À titre d’exemples, nous considérons les facettes langagières « En physique, contrairement dans le langage courant, le déplacement se distingue de la distance parcourue »71 et « Dans le langage courant, l’accélération signifie une augmentation de la vitesse alors qu’en physique, l’accélération inclut les situations où il y a diminution de la vitesse ».

71 Remarque : les élèves confondent souvent entre le déplacement et la trajectoire alors que le déplacement d’un objet

En nous appuyant sur divers ouvrages scientifiques francophones et anglo-saxons portant sur la physique mécanique (Alonso et Finn, 1986 ; Gibaud et Henry, 1999 ; Hecht, 2000 ; Kane et Sternheim, 1997 ; Mercier, 1945 ; Pérez, 1989 ; Serway et Boisvert, 1992) et sur des matériels didactiques pour l’enseignement de la physique en 5e secondaire (Bensaada et Ouellette, 2010 ; Champagne, Séguin, et Cossette, 2017a, 2017b), nous avons réalisé une analyse conceptuelle du domaine de la cinématique en vue de dégager les facettes de savoir que nous jugeons fondamentales pour l’apprentissage de ce domaine de la physique (annexe 2)72. Cette analyse à priori met en jeu des facettes de savoir associées aux groupes de concepts prescrits du domaine de cinématique dans le programme de physique de 5e secondaire : temps, référentiel, position, trajectoire, distance parcourue, déplacement, vitesse, vitesse moyenne, vitesse instantanée, variation de la vitesse, accélération, accélération moyenne, accélération instantanée, mouvement, mouvement rectiligne uniforme, mouvement rectiligne uniformément accéléré et mouvement balistique. Ces facettes, formulées selon le « niveau de formulation » (Astolfi et Develay, 2002) approprié pour la fin de l’enseignement secondaire, servent de base à l’analyse des pratiques d’enseignement des modèles et de la modélisation dans les deux classes.

Dans la prochaine section, nous définissons le concept de pratique d’enseignement de manière opérationnelle, en soulignant les aspects essentiels retenus à des fins méthodologiques et qui seront développés ultérieurement dans la cadre d’analyse. Ce cadre fournit les balises nécessaires à l’analyse des pratiques d’enseignement des modèles et de la modélisation en physique.