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L’activité de conduite relève du registre individuel et collectif.

La dimension psychophysiologique concerne les mécanismes de l’attention qui ont des conséquences sur les délais de traitement de l’information et la coordination psychomotrice des actions.

La dimension psychologique se manifeste en fonction d’un profil de personnalité sur la perception et la représentation des situations de conduite de l’usager de la route, avec des notions de prise de risque ou de surestimation des capacités de conduite variables.

La dimension sociologique inscrit le conducteur dans l’espace social de la route et sa réglementation ; il est contraint d’interagir avec les autres conducteurs pour éviter les conflits. Les déterminants du comportement sont de l’ordre du tempérament, en étroite relation avec les variables émotionnelles, psychobiologiques (la variable recherche de sensation détermine la prise de risque), psychosociale (estime de soi) et sociale. Sur la route, la détermination du comportement se fait sous pression de l’espace et du temps. L’erreur de comportement porte sur la nature de la réponse du sujet ; l’erreur peut alors être de deux types : les erreurs de perception et les erreurs d’action. Pour Sanders, conduire c’est [cité dans un collectif de 2001 p. 259 (Sanders 1998)]:

- étape sensorielle,

- étape d’identification perceptive,

- étape de transposition perceptivo-motrice (sélection de la réponse), - étape de planification et de programmation motrice et

- étape d’exécution de la réponse1.

Les mécanismes nerveux périphériques (étapes sensorielle et d’exécution de la réponse) se distinguent des mécanismes centraux (étapes d’identification perceptive, d’intégration perceptivo-motrice, de planification et de programmation motrice). Seule la dernière phase se donne à voir dans le comportement observable. Quatre variables intermédiaires définissent la globalité des modèles cognitivistes du traitement de l’information sensorimotrice : les états a

priori, les représentations, les transformations et les transmissions [(Miller 1988) cité dans

collectif, p. 242].

Les états a priori définissent l’état dans lequel se trouve le système à l’instant où le signal se présente, sous influence de l’état physiologique et de la vigilance, associé aux stratégies d’attention. Les variables de représentation, transposition, intégration et transmission permettent de décrire les traitements effectués au cours de la période de réaction. Les représentations désignent les codes internes des événements sensoriels et moteurs, les transformations désignent les opérations qui modifient ou engendrent des représentations et les transmissions correspondent aux modalités selon lesquelles les représentations sont transmises d’une étape à l’autre.

4.1.1

Schéma explicatif des facteurs de comportement

Le traitement de l’information n’est pas unidirectionnel ; un contrôle d’exécution en ligne qui permet au système de détecter et corriger ses erreurs potentielles s’opère par rétroaction avant leur manifestation au niveau du comportement. La Figure 2 reprend les idées clés du développement ci-dessus mais ne constitue pas un schéma cognitif d’une organisation séquentielle du comportement, étant donné que l’aspect synchrone avec ses boucles de rétroaction n’y figure pas.

1 Il s’agit d’un découpage d’une partie des fonctions exécutives. L’attention se trouvant en amont. Précisons qu’il

Figure 2 : Les variables à l'origine du comportement

Milieu

Sujet Variables de personnalité Dispositions émotionnelles Etats émotionnels (pré-comportement) Etats émotionnels (post-comportement) Prise de risques Recherche de sensations Facteurs vulnérabilisants Facteurs favorisants Comport e ment

Milieu

Sujet Variables de personnalité Dispositions émotionnelles Etats émotionnels (pré-comportement) Etats émotionnels (post-comportement) Prise de risques Recherche de sensations Facteurs vulnérabilisants Facteurs favorisants Comport e ment

4.2 « L’accident proneness », aspect statistique

Les Américains sont les précurseurs en matière de recherches sur le comportement du conducteur. Aux États-Unis, dès les années 1940, la croissance exponentielle du phénomène de l’automobile a engendré un nombre important d’accidents de la circulation. L’intérêt pour la psychologie du conducteur s’est rapidement étendu à l’Angleterre qui déplorait un manque de discipline face au code de la route, puis au Japon. L’arrivée du concept en France date des années 1970. L’ « accident proneness » est un concept large qui traite des déterminants comportementaux de l’accident au sens général du terme (pas seulement routier). Nous aurions pu l’aborder dans le chapitre sur la personnalité, néanmoins nous le développons ici car l’évolution de ce concept a donné progressivement naissance au comportement de base du conducteur dont l’appellation, plus que l’approche, est de nature comportementaliste.

L’ « accident proneness » trouve son fondement dans les statistiques : il repose sur le fait que la distribution des accidents n’est pas aléatoire et relève d’un modèle dont l’hypothèse de base est la propension inégale à l’accident. Les auteurs parlent de disposition ou de « prédisposition » à

l’accident. À partir des années 1990, en France, les termes seront remplacés par l’expression « comportement de base ».

Dès son émergence, ce concept a suscité une phase d’engouement puis de maturation. Un réel discernement semble adopté aujourd’hui. Shaw, dans les années 1970, tente de mettre en place les preuves de l’existence du concept et réactive la polémique (Shaw and Sichel 1971).

Au sein de divisions, il résume ainsi les positions :

- Les « statisticiens », proches des premières formes du behaviorisme, nient l’influence de l’individualité sur le comportement et s’opposent résolument au concept.

- Les psychiatres et psychologues présentent une approche clinique et souscrivent à l’existence du concept.

De tous temps, l’assureur a cherché à identifier le conducteur à risque, c’est d’ailleurs l’une de ses préoccupations premières en assurant non pas une personne mais un risque. Il se rapproche volontiers des psychiatres et des psychologues et adhère à l’existence (sans le médiatiser pour autant) du concept. Il ne se base pas sur la personnalité du sujet, pour reconnaître un profil à risque (n’y ayant pas accès), mais sur les accidents de vie antérieurs, pour en déduire un profil. D’autre part, il oriente son portefeuille de clientèle par typologie de risque (moto, grosses cylindrées, jeunes, personnes âgées…) s’octroyant ainsi une part du marché.

Entre ces pôles, certains chercheurs, plutôt « anti-proneness », restent réservés, faute d’éléments convaincants.

La chronologie éclaire l’évolution du concept.

L’accident peut être considéré comme un événement ayant lieu par « hasard », la distribution des fréquences d’accidents sur une assez longue période devrait dans ce cas, suivre une distribution aléatoire. Or, il s’avère que la distribution observée accuse une dissymétrie particulière, du fait de la forte fréquence d’accidents attribuables à un petit nombre de sujets.

Pour les tenants de l’accident proneness, la survenue des accidents n’est pas aléatoire. L’étiologie de l’accident est liée aux variables individuelles du domaine de la personnalité. Pour illustrer ce propos, dès les années 1920, l’équipe de Greenwood, sur un public d’ouvrières, mettait en évidence que ces dernières encourent des risques constants mais différents, liés à leur personnalité, leur milieu de vie, alors même que dans l’expérimentation, les auteurs ont pris soin de contrôler l’exposition au risque (durées et périodes de travail identiques) (Greenwood and Woods 1919). Greenwood émet l’idée d’une disposition individuelle à l’accident.

Dans le même sens Newbold, sur une enquête d’envergure (plus de 8 000 travailleurs), remarque qu’un petit nombre de travailleurs influence de façon remarquable la distribution des accidents dans la population étudiée (Newbold 1926). Elle précise qu’avec l’âge et l’expérience, le nombre d’accidents décroît mais pas leur gravité ; les plus graves surviennent sur les personnes les plus âgées. Aux vues des résultats,elle recommande l’adjonction de la psychologie expérimentale aux statistiques.

Parallèlement aux études qui mettent en évidence l’existence chiffrée de l’ « accident

proneness », d’autres réfutent le concept en arguant qu’une petite minorité de conducteurs

impliqués dans une forte proportion d’accidents est compatible avec une distribution purement aléatoire. En outre, pour eux, ce critère ne saurait suffire à fournir un support à l’hypothèse de propension.

Arbous fait partie des détracteurs : il remet en cause l’idée de prédisposition et appuie ses arguments sur le manque de rigueur des procédures statistiques utilisées. Il montre que les fondements mathématiques sont insuffisants (Arbous and Kerrich 1951). Srour précise que la distribution binomiale négative peut être obtenue sous au moins deux représentations autres que celle d’accident proneness, (Srour 1969) :

[…] Non seulement une bonne adéquation de la loi binomiale négative n’est pas un indicateur irréfutable de la prédisposition aux accidents, en outre, la correspondance des observations avec une loi de Poisson de paramètre constant n’exclut pas forcément l’existence éventuelle de différences individuelles dans les propensions aux sinistres.

Holroyd affirme que la prédisposition à l’accident ne suit pas une loi de Poisson, chaque conducteur accidenté est randomisé avec un taux de prédisposition qui varie dans le temps (Holroyd 1992). Enfin, l’équipe de Decker réfute l’hypothèse du lien entre accident et profil de personnalité (Decker and Lester 1990).

Pour sortir de l’impasse, l’utilisation de techniques épidémiologiques est alors recommandée pour mesurer l’intensité du lien entre : infraction, milieu social, exposition au risque et implication dans l’accident. Le lien se décline en deux champs : d’une part, les violation, et d’autre part, les erreur et fautes. Les fautes et les erreurs sont d’ordre cognitif alors que les violations sont d’ordre social et plus en lien avec la volonté du sujet (Elander, West et al. 1993; West 1995; Sullman, Meadows et al. 2002; Mc Kenna 2004).

De 1940 à 1970, l’accident proneness a suscité de nombreux écrits de la part des détracteurs et partisans. Les critiques relatives aux études reposent essentiellement sur les doutes méthodologiques, notamment sur les biais de mesure. Une confusion provient également du manque de précision relatif à la responsabilité de l’accident, qui se réfère à des facteurs

personnels et environnementaux et à la disposition à l’accident qui porte uniquement sur des facteurs personnels. Les variations d’acception du concept nuisent à une étude homogène de la disposition ou de sa détection. Les polémiques reposent sur le « pré » de prédisposition qui induit un étiquetage et donc une exclusion du système d’une partie de la population (dite à risque). Nous employons les mots disposition ou propension, qui ne font pas référence à l’inné/acquis et qui peuvent donc éventuellement être transitoires. La modélisation statistique ne peut rien si au préalable une définition stricte de la sémantique n’a pas été posée, et si la mesure n’est pas pratiquée dans des conditions reproductibles dans le temps (standardisées). Ce n’est pas l’outil qui est inefficace mais son utilisation et/ou la demande des utilisateurs trop exigeante. La psychométrie vient au secours des sciences dures : Amalberti précise que la conception des modèles a longtemps privilégié la règle mathématique mais il souligne la nécessité d’avoir au préalable une compréhension exhaustive du système avant même d’envisager le fonctionnement du modèle ; la seule compréhension est le pré-requis indispensable à une bonne conception (Collectif 2001) p.328.