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Notre acception du concept de personnalité est résolument psycho-sociocognitive. L’expression « chacun conduit comme il se conduit » fait figure de slogan ; il s’agit pourtant d’une réalité mille et une fois observée : l’homme est souvent en action et trouve en lui-même les sources de ses ajustements. Ce serait à travers l’histoire de ses conduites que s’expliqueraient sa conduite générale et l’évolution de sa personnalité.

1 La réussite scolaire est à entendre comme une adaptation à un cadre plus qu’à relier à des aptitudes à lire dans un

La personnalité est, se forme, s’éduque, et les conduites expriment ladite personnalité. Les transformations de la conduite s’effectuent alors sur la base de tendances (innées ou acquises) qui dirigent les actions, compte tenu des contraintes situationnelles, sous le contrôle d’états émotionnels. Ces derniers sont la traduction de l’effet subjectif des comportements propres du sujet. L’estime de soi, dimension stable de la personnalité est en relation avec les estimations subjectives du sujet, elles-mêmes dépendantes des affects positifs. Les traits de personnalité (notamment extraversion, névrosisme) entretiennent des relations entre eux mais aussi avec les variables émotionnelles (boucle rétroactive) qui définissent un style général d’expression de la personnalité. Les états émotionnels peuvent s’envisager comme des opérateurs entre les dispositions (traits) et le comportement. Ils n’ont pas le caractère stable des variables dimensionnelles mais ils précèdent les conduites ; leur sensibilité au changement leur permet vraisemblablement de jouer le rôle d’interface entre les traits et les comportements. Les états émotionnels sont à la fois sensibles au déterminisme des modèles structuralistes et aux réponses des modèles rétroactifs. Le lien entre les états émotionnels et les traits de personnalité rendent compte en partie, avec le temps, de l’atténuation de certaines conduites chez le sujet. Pour beaucoup d’auteurs comme pour nous même le débat entre inné et acquis est largement dépassé. En effet, le lien entre le physiologique et le comportement est complexe. Admettre que la génétique influence le comportement n’implique pas que les gènes soient les seuls déterminants du comportement. A titre d’illustration, nous ferions volontiers une analogie dans le domaine de la nutrition. Les aliments sucrés ou à forte valeur énergétique étant assimilables aux traits de personnalité et l’alimentation au comportement au même titre que le comportement sur la route. Le goût pour le sucré, ou certains aliments est vraisemblablement inné (Ludwig 2008). Il existe un mécanisme cognitif qui nous fait rechercher préférentiellement les aliments les plus riches en calories (survie de l’espèce.) Le goût pour le sucre ou les aliments gras est ainsi biologiquement déterminé. On ne déduit toutefois pas une absence de liberté de choix pour manger ou pas un ou plusieurs gâteaux. Si l’envie de reprendre du gâteau pour la troisième fois se fait sentir et si ce désir détermine l’action, alors, l’action trouve son origine dans la volonté (le libre arbitre) et non pas dans une source extérieure à l’esprit bien que la norme sociale, les usages jouent également leur rôle. Que le mécanisme trouve sa source dans un mécanisme biologique n’y change rien, le libre arbitre n’est pas incompatible avec le déterminisme biologique. Même si les corrélations entre conduites et personnalité sont faibles, elles restent directes et robustes mais ne rendent pas pour autant compte du processus complet de détermination du comportement. Même si l’identification de l’effet d’un composant d’un ensemble, dont les variations s’accompagnent de variations dans le même sens ou en sens inverse d’autres composantes ainsi que des variations du

tout, rendent difficile l’approche, l’étude des liens reste nécessaire. Toute la difficulté du concept de personnalité résulte dans la nécessité de traiter simultanément l’unité et la plasticité des comportements. Le conflit n’est ni nouveau ni fécond ; il oblige néanmoins à préciser la nature de l’objet « personnalité » et incite à davantage de circonspection. La cohérence des conduites est à rechercher dans La combinaison des facteurs cognitifs, conatifs et contextuels ; en ce sens, nous nous rapprochons des travaux de Shweder, Lamiell et Cervone pour qui des paires de comportements faisant référence à une même dimension peuvent être très peu reliés entre eux (Shweder 1977; Lamiell 2003; Cervone 2004). Par exemple, arriver à l’heure au travail et arriver à l’heure à une activité de loisir sont deux comportements normalement reliés par l’adjectif « ponctuel ». Leur corrélation est faible, bien évidemment, les concepts mentaux doivent, selon nous, être utilisés comme base de connaissance mais s’enrichir de l’approche sociocognitive. L’idée principale est que les personnes produisent des patterns comportementaux cohérents mais que la cohérence ne relève pas uniquement du lexical. La personnalité se définit alors par une dynamique qui trouve sa source dans les traits et comprend les croyances et les affects régis par la règle du « si…alors… ». Le contexte permet une adaptation (acquise et développée pour répondre à des exigences) qui rend une personne singulière dans son milieu. Si l’on considère que la personnalité comporte, au moins en partie, un fondement inné, il devient difficile de parler de changement radical. Le compromis consiste à travailler, non pas sur les traits de personnalité eux-mêmes, mais sur les formes adaptatives (patterns de cognitions/affects/actions) qui entretiennent et sous-tendent le trait. C’est donc par le biais de l’affect, de la cognition, que l’on peut faire évoluer une personnalité et par la même modifier un comportement.

Il est difficile de nier que la personnalité et les dispositions émotionnelles aient un impact sur l’accidentologie, ainsi que le fait qu’un antécédent d’aboutissement négatif d’une conduite modifie l’évaluation subjective du sujet de son propre état émotionnel et de ses représentations liées à la prise de risque. Le plus difficile étant de déterminer les valeurs seuils des dimensions afin de distinguer le normal du pathologique.

La personnalité s’anime dans une dialectique : changement/stabilité inscrite dans un milieu ; elle se compose d’une part, d’un ensemble de mécanismes de défense tels que : les concepts de fuite dans le fantasme, la négation, la sublimation, la régression, l’évitement, l’ajustement, l’adaptation, le refoulement, l’identification, l’introjection1 ; et d’autre part, des mécanismes de contrôle, locus de contrôle, inhibition …

1L’introjection désigne le résultat de l’identification par laquelle des caractéristiques initialement étrangères font

Les forces de défense du moi sont nombreuses ; les décrire en détail nous éloignerait de notre sujet. Toutefois, il est important de noter que la conduite située n’est pas le résultat du hasard mais survient à la suite de conditionnements, identifications, frustrations, refoulement. La personnalité ne peut s’envisager de façon linéaire et nous devons l’aborder à travers des boucles de rétroaction.

La personnalité est une intégration progressive vers plus d’unité, malgré le temps et par le temps : les premières réactions de l’enfant vis-à-vis de l’attitude contingente de son entourage forment en lui un ensemble de conditionnements, d’habitudes et de voies réactionnelles aux conflits et définissent ce qu’on peut appeler ébauche de sa personnalité. Or cette ébauche rend déjà impossible certaines réactions à des situations futures spécifiques et certaines perceptions et stimulations ultérieures de l’environnement.

La consolidation d’une personnalité dépend de son ébauche et de son contexte de développement. Sa forme définitive dépend des types de réponses apportés par le sujet et son entourage, au fil du temps. Toute « modification » de la personnalité ne peut prendre racine que dans le cadre du « déjà là ». Il s’agit alors d’adaptation et non de modification. La neuro- imagerie permet aujourd’hui une meilleure compréhension des phénomènes mentaux ; l’acceptation des phénomènes épigénétiques1 permet de sortir du déterminisme.

Évaluer une personnalité c’est prédire des attitudes futures, dans la mesure où l’évaluation qualifie le sujet présent tout en lui permettant d’évoluer. Être le même, c’est transférer sans cesse sur d’autres objets, dans d’autres situations, un mode de conduite primordial.

En introjectant de nouveaux rôles (en complétant son moi), l’individu reste néanmoins toujours le même. Bâtir un schéma conceptuel, sur la base d’un ensemble de données et ensuite tenter d’extrapoler, en prévoyant qu’une réaction identique se produira si une circonstance identique (probabiliste) se présente, semble néanmoins avoir du sens bien que l’étude de la personnalité à des fins prédictives ne puisse permettre l’anticipation du destin du sujet.

L’état actuel des recherches sur les relations entre les traits et leurs troubles permet de proposer un modèle intégré, dans lequel les éléments de base sont des configurations relativement stables

consiste pour le Moi à considérer comme sienne une caractéristique, un trait, qu’il aura perçu à l’extérieur. Il s’agit donc d’une appropriation, à distinguer de l’identification qui est plus élaborée. L’introjection et la projection renvoient au statut du moi, en tant que représentation du dedans et du dehors. C’est l’une des fonctions moïques de différencier interne et externe. L’introjection ne s’appuie pas autant sur le corporel, sur l’image du physique que l’identification. Il peut y avoir introjection par exemple, dans l’idéal du moi.

1Les phénomènes épigénétiques regroupent les mécanismes de modification des gènes par des séquences

d’événements dans la première enfance (modification de l’ADN par imprégnation sociale, notamment sur la taille des allèles 5-htt liées à l’anxiété).

et consistantes de dispositions à des configurations de cognitions (sur soi, les autres, la réalité, les événements…), d’émotions (peur, colère, anxiété, honte, joie, fierté…) et d’actions qui constituent les blocs élémentaires des traits de personnalité que l’on peut regrouper.

Nous sommes convaincus que la personnalité joue un rôle dans les conduites humaines et les conséquences complexes qui peuvent en résulter. La personnalité comporte une composante innée substantielle (Borkenau and Riemann 2001; Mc Crae and Jang 2001; Spinath and Angleitner 2002; Borkenau and Riemann 2006). La stabilité temporelle des traits s’illustre en partie par le caractère héréditaire. Cependant, cette stabilité reste relative car elle évolue dans le temps et également avec l’âge, pour atteindre des paliers. Cela peut s’expliquer par une capacité de changement et une adaptation différenciée en fonction des époques de la vie. Il y aurait bien une base de tempérament héritée qui sous-tend les traits de personnalité.

Quel que soit l’outil psychométrique utilisé, il ne peut évaluer toutes les dimensions et s’intéresser simultanément au fond et à la forme. Les modèles optent donc pour un nombre réduit de traits, ou manifestations observables, qui permettent de construire un profil fiable du sujet sur les grandes lignes. Le modèle en cinq facteurs1 utilisé dans les « big-five », (quelquefois critiqué sur la difficulté de dissociation des aspects affectifs et motivationnels) nous paraît intéressant. La dimension de l’extraversion/introversion constitue une part fondamentale de ces outils ainsi que de toute taxonomie de la personnalité, et la plus en lien avec la conduite à risque. C’est pourquoi nous avons développé ce trait (extraversion/introversion) plus avant. Selon nous, il constitue un fondamental.

La personnalité est une intégration progressive vers plus d’unité, malgré le temps et par le temps Les traits entretiennent des relations entre eux, avec les variables émotionnelles et la volonté (boucle rétroactive). Les états émotionnels s’envisagent comme des opérateurs entre les dispositions (traits) et le comportement.

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Les 5 facteurs sont :

* le Névrosisme mesure les sub-traits - (anxiété, colère-hostilité, dépression, timidité) et se décline sur une échelle (stabilité vs instabilité émotionnelle)

* L’Extraversion mesure les sub-traits – (Chaleur, grégarité, assertivité, activité, recherche de sensations, émotions positives et se décline sur une échelle (extraversion vs introversion)

* L’Ouverture mesure les sub-traits – (Ouverture aux rêveries, à l’esthétique, aux sentiments, aux actions, aux idées, aux valeurs) et se décline sur une échelle (ouverture vs conformisme)

* L’Agréabilité mesure les sub-traits – (Confiance, droiture, altruisme, compliance, modestie, sensibilité ; (agréabilité vs antogonisme)

* La Conscience mesure les sub-traits – (Compétence, ordre, sens du devoir, recherche de réussite, autodiscipline, délibération ) et se décline sur une échelle (consciencieux vs impulsif).