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3. ACTIVATION DE LA DIFFUSION DANS LES POLYMERES

3.3. Modèles cinétiques de Monte Carlo

Les distributions des longueurs des sauts et des temps d’attente entre sauts identifiées à l’échelle moléculaire sont utilisables pour définir à une échelle plus grande les coefficients de diffusion asymptotiques, notamment par l’intermédiaire des modèles cinétiques de Monte Carlo.

La technique de Monte Carlo est une méthode stochastique de simulation numérique, basée sur la mécanique statistique [Glotzer et Paul, 2002]. Elle permet de calculer des grandeurs macroscopiques en exploitant directement des résultats obtenus à l’échelle moléculaire (simulations moléculaires ou expériences spectroscopiques). Ainsi la longueur de saut l estimée par les simulations de dynamique moléculaire sert à fixer le pas de la grille de Monte Carlo (avec un pas prédéfini et fixe).

Une particularité de la méthode repose sur la description d’un modèle capable d’atteindre toutes les configurations accessibles par le système. De plus, la description de l’ensemble de l’espace des configurations possibles peut être accompagnée d’une loi de probabilité (pondération). Les propriétés thermodynamiques et structurales de l’ensemble des conformations sont obtenues en prenant la moyenne sur l’ensemble des configurations échantillonnées [Allen et Tildesley, 1987]. Le processus aléatoire de diffusion étant considéré comme une succession de sauts non corrélés entre eux, l’ensemble des configurations du système est progressivement construit en formant une chaîne de Markov [Fouque, 2001].

Plusieurs modèles ont été proposés [Vacatello et al., 1980 ; Boyd, 1989 ; de Pablo et al., 1992]. Un modèle simplifié à 2 états en 1D est ici proposé en s’appuyant sur le formalisme détaillé dans Vitrac et Hayert [2007]. Pour cela, considérons le cas simplifié d’une topologie comprenant seulement deux états (figure I.25) :

• un état (ou une position) très probable, d, d’énergie libre Gd ;

• un état très peu probable, c, d’énergie libre Gc (avec Gc > Gd).

Figure I.25 : Modèle simplifié en 1D constitué de 2 états c et d.

La figure I.26 présente le potentiel harmonique (énergies libres) et le passage d’un site de sorption d à un site de sorption c en passant par un état de transition (d’énergie G). Ce potentiel est exprimé en fonction du chemin de réaction qui représente l’organisation du système et son évolution. L’énergie GΔ représente l’énergie minimale nécessaire pour passer d’un site de sorption à un site de sorption adjacent.

Figure I.26 : Potentiel harmonique simplifié correspondant à l’équation (I.29) dans l’ensemble canonique NPT. Le symbole ‡ représente l’état de transition. K représente le rapport de probabilité à

l’équilibre thermodynamique entre les états c et d.

La fréquence de saut νd d’une molécule d’un site d vers un autre site d (ou vers lui-même), en passant par un site c, s’exprime par :

1 1 1

Les propriétés de la microréversibilité, définie comme l’invariance des équations du mouvement au niveau microscopique lors d’un renversement ou retournement du temps [Martin, 2004], impliquent :

⋅ = ⋅

d d c c c d

p k p k (I.25)

L’utilisation des fonctions de partition entraîne :

+ = + ⋅ =1

c d c

P P P K P (I.26)

La théorie de l’état de transition définit les taux de passage d’un site c à un site d par :

B exp

Le coefficient de diffusion défini par l’équation (I.23) peut donc prendre la forme suivante :

ν Δ

K représente le rapport de probabilité à l’équilibre thermodynamique entre les états c et d. L’équation (I.29) montre que ce paramètre, lié à une contribution entropique non locale, est susceptible de diminuer la valeur du coefficient de diffusion de façon significative. Et cela d’autant plus que K est très supérieur à 1 pour les molécules de type additif.

Les travaux de Vitrac et Hayert [2007] se sont en particulier focalisés sur la topologie et la dispersion des sites de sorption, avec un modèle cinétique de Monte Carlo. Leurs résultats montrent que les distributions des barrières énergétiques dans des milieux désordonnés (valeurs aléatoires d’occupation des sites) ont des formes similaires à celle calculées pour le transport de petites molécules à l’échelle atomique. La dispersion des fréquences de sauts est élevée, en particulier pour les plus petites fréquences. Une large distribution des valeurs de probabilité d’occupation des sites est obtenue en raison des fortes interactions avec les chaînes de polymère. Elle est responsable de marches aléatoires présentant des boucles fermées pour différentes échelles de temps (enroulement des trajectoires). Ces marches aléatoires « fermées » apparaissent dans des volumes confinés et sont identifiés par des mouvements locaux partiellement corrélés. Le mécanisme de transport asymptotique de molécules dans des matériaux caractérisés par une forte dispersion en énergies libres ne semble pas être très sensible à la topologie des sites de sorption.

Conclusions de la partie 3.

Cette partie a proposée une interprétation des paramètres d’activation (énergie d’activation, volume d’activation) à l’échelle moléculaire. Ainsi dans le cadre de la théorie harmonique de l’état de transition, la fréquence de sauts des molécules et la longueur caractéristique du saut sont respectivement corrélées à l’énergie et au volume d’activation macroscopiques.

La mise en évidence des sites de sorption dans les polymères permet d’introduire la notion de micro- et de macro-états. Les sites de sorption sont assimilés à des macro-états qui affectent les propriétés macroscopiques (comme le coefficient de diffusion), tandis que les micro-états correspondent à tous les états microscopiques des molécules représentés par des conformations différentes mais qui n’affectent pas les propriétés macroscopiques.

Sur la base d’une séparation des échelles entre les fréquences de vibrations des atomes et les fréquences de translation de la molécule, une interprétation extrêmement générale dans le cadre de la théorie harmonique de l’état de transition est présentée. Cette interprétation a permis de comprendre de très nombreux phénomènes propres aux mécanismes de transport dans les polymères :

- contribution des mouvements collectifs peu fréquents des chaînes du polymère ; - effet des propriétés de sorption : distribution, connectivité, énergie d’activation ;

- effets de désordre : dans le temps (distribution des sauts en fréquence) et dans l’espace (obstacles fixes ou mobiles).

C’est à ce jour une des théories les plus prometteuses, aisément alimentée à partir de résultats obtenus à l’échelle moléculaire (simulations moléculaires ou expériences spectroscopiques).

Les trois premières parties abordées dans ce chapitre bibliographique nous permettent maintenant de dresser un bilan.

L’observation de la structure et de l’organisation des matériaux thermoplastiques à différentes échelles a mis en évidence :

¾ le rôle des zones cristallines du matériau en tant qu’obstacle à la diffusion ;

¾ l’importance des déplacements coopératifs pour permettre la diffusion des additifs ;

¾ un régime de diffusion des additifs de type activé et contrôlé par des barrières entropiques.

L’analyse des mécanismes connus de diffusion associée à une interprétation en loi d’échelle a montré que :

¾ le comportement diffusif des additifs changerait en fonction de son environnement ;

¾ la combinaison des contraintes géométriques (imposées par l’environnement) et des mouvements collectifs des chaînes de polymère contrôlerait la diffusion des additifs ;

¾ le déplacement des additifs serait contrôlé par des effets entropiques de type "piégeage".

La mise en évidence des sites de sorption et la caractérisation des barrières énergétiques ont mis en avant :

¾ une contribution entropique définie dans le cadre de la théorie harmonique de l’état de transition ;

¾ une marche aléatoire confinée pour des petites échelles de temps et caractérisée par des mouvements locaux partiellement corrélés.

Tous ces résultats contribuent à la proposition d’un mécanisme de diffusion des additifs dans les matériaux polymères, illustré sur la figure I.27. La représentation du déplacement quadratique moyen, log(msd), en fonction de l’échelle d’observation, propose un mécanisme où sont associés :

• des déplacements non corrélés correspondant à des évènements translatifs, caractérisés par le passage d’un macro-état à un autre et le franchissement d’une barrière énergétique ;

• des déplacements partiellement corrélés à l’origine d’un régime sous-diffusif, parfois appelé diffusion "anormale", qui affectent la diffusion des additifs, et qui sont essentiellement dus à l’exploration des conformations du diffusant, aux contraintes géométriques imposées par le polymère et aux hétérogénéités de la structure).

Figure I.27 : Proposition d’un mécanisme de diffusion des additifs dans les matériaux polymères.

Les déplacements parallèles à la pente unitaire correspondent à des déplacements non corrélés.

Les autres déplacements sont partiellement corrélés et affectent la diffusion sur des petites échelles de temps (exploration des conformations du diffusant, effet désordre, fluctuations de densité, contraintes

géométriques, hétérogénéités de la structure, …).

Les deux prochaines parties vont maintenant s’intéresser respectivement à la mesure expérimentale des coefficients de diffusion des additifs dans les polymères et à la simulation de leur dynamique moléculaire.