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1. ORGANISATION DES MATERIAUX THERMOPLASTIQUES

1.3. Facteur contrôlant la cohésion du système macromoléculaire

Les angles θ et Φ et la longueur de persistance lp dépendent à la fois des liaisons covalentes le long de la chaîne et des interactions faibles entre monomères voisins d’une même chaîne ou d’une chaîne voisine. Ces interactions se décomposent en interactions électrostatiques et en interactions de Van-der-Waals [Soldera, 2003 ; Malliavin, 2003], et imposent le degré de friction entre les monomères. Puisque que les contraintes intra-et inter-chaînes ne se distinguent pas, les propriétés des polymères peuvent être simulées à partir d’une seule et unique chaîne périodique [Karlsson, 2002]. Cette approximation néglige toutefois les effets des bouts de chaîne.

Le tableau I.4 regroupe les ordres de grandeur des principales énergies d’interactions mises en jeu dans les polymères.

Tableau I.4 : Ordre de grandeur des principales énergies mises en jeu dans les polymères [Pannetier, 1966 ; Israeachvili, 1991], et potentiel d’interaction associé [Sun, 1998].

Energie

×k TBContribution Représentation Potentiel d’interaction en

kJ·mol-1 T = 25°C T = 150°C

avec kB la constante de Boltzmann, b la longueur d’une liaison covalente, b0 sa longueur minimale, ε0

la permittivité relative (ou constante diélectrique), qi et qj les charges partielles portées par les atomes i et j en interaction et séparés par une distance rij, ε la profondeur du potentiel, r la distance entre atomes non liés, et r0 le diamètre de collision relié au rayon de Van-der-Waals des atomes.

Les interactions de Van-der-Waals sont du même ordre de grandeur que l’énergie cinétique des fluctuations thermiques (k TB⋅ ) et peuvent donc être "cassées" par l’agitation thermique. Les interactions électrostatiques limitent fortement la capacité des chaînes à glisser les unes par rapport aux autres. Le matériau ne peut alors être modifié qu’à très haute température. Les polyoléfines ne présentent pas d’interaction électrostatique entre chaînes (sauf lors d’ajout de certains additifs). Les interactions de Van-der-Waals, faibles et de courte portée [Kausch et al., 2001], assurent ainsi la cohésion de l’ensemble des polyoléfines.

1.3.2. Energie de cohésion

De manière formelle, l’énergie de cohésion Ecoh d’un polymère dans un état condensé est définie par la différence d’énergie entre l’état condensé (solide ou liquide) et l’état gazeux, c'est-à-dire en supposant que les chaînes sont suffisamment distinctes des unes des autres pour ne pas interagir entre elles [van Krevelen, 1990]. Dans le cas de liquides, l’énergie de cohésion est propre à la chaleur latente de vaporisation. Dans le cas des polymères, l’énergie de cohésion doit être moyennée sur l’ensemble des conformations des chaînes du polymère :

2

int int δ

= = − = ⋅

coh er tot ra

E U U U V (I.1)

inter

U étant l’énergie intermoléculaire, Utot l’énergie totale, Uintra l’énergie intramoléculaire, δ le paramètre de solubilité, V le volume molaire de l’espèce considérée, et la moyenne sur l’ensemble des conformations des chaînes.

Les interactions sont faibles à l’échelle d’un monomère, mais leur répétition tout au long des chaînes du polymère engendre une énergie de cohésion très élevée. L’énergie de cohésion rapportée au volume d’une chaîne du polymère augmente toutefois non linéairement avec le nombre de monomères pour tendre vers une valeur asymptotique quand on augmente la masse moléculaire du polymère.

Comme les polymères se dégradent avant d’être vaporisés, les énergies de cohésion sont essentiellement calculées par des méthodes indirectes [van Krevelen, 1990]. Ces méthodes s’appuient sur des techniques de contribution de groupes ajustées sur des données expérimentales, et sur une décomposition des interactions moléculaires en trois contributions:

Van-der-Waals, polaire et hydrogène. La validité des hypothèses d’additivité de l’énergie cohésive molaire est discutée par Fontanille et Gnanou [2002]. Les valeurs de l’énergie de cohésion, largement tabulées dans la littérature [van Krevelen, 1990], sont reprises dans le tableau I.5 pour quelques polymères.

Tableau I.5 : Energie de cohésion pour quelques polymères [van Krevelen, 1990].

Système Paramètre de solubilité δ ((J·cm-3)1/2)

Volume molaire V (cm3·mol-1)

Energie de cohésion Ecoh (kJ·mol-1) polyéthylène (PE) 15.8-17.1 38,5 10-11 polypropylène (PP) 16.8-18.8 49.1 14-17 polystyrène (PS) 17.4-19.0 98.0 30-35

1.3.3. Enchevêtrement des chaînes de polymère

L’enchevêtrement des chaînes de polymère, ou boucles topologiques (figure I.3), contribue fortement à l’énergie de cohésion totale du système et réduit le glissement des chaînes. La formation de ces boucles plus ou moins rigides est analogue à une réticulation physique [Fontanille et Gnanou, 2002]. Ces contraintes topologiques de torsion et d’encombrement sont générées par les repliements de segments de chaînes lors de la mise en forme du matériau.

Figure I.3 : Représentation schématique de chaînes de polymère enchevêtrées les unes dans les autres (formation de nœuds d’enchevêtrement), avec le la longueur d’enchevêtrement.

La longueur d’enchevêtrement est définie de façon géométrique comme la longueur minimale pour avoir un repliement topologique de la chaîne. Elle caractérise la courbure moyenne d’une chaîne et s’exprime en nombre d’unités monomères ou en masse critique d’enchevêtrement [Grosberg et Khokhlov, 1991] (tableau I.6).

Tableau I.6 : Masses d’enchevêtrement et nombre d’unités monomères mises en jeu lors d’un enchevêtrement pour quelques polymères [Etienne et David, 2002].

Polymère Masse d’enchevêtrement

1.3.4. Volumes libres des régions amorphes

Les espaces accessibles ou volumes libres répartis entre l’espace disponible entre les atomes (entre les volumes de Van-der-Waals), et des espaces associés aux extrémités des chaînes. Les travaux de Fox et Flory [1950] ont montré que la densité du polymère amorphe, da, dépendait du nombre de bouts de chaînes et donc de la masse molaire, M, du polymère :

1 1 2 e volume molaire autour d’une extrémité de chaîne.

Les volumes libres au sein du matériau sont estimés expérimentalement par des sondes photochromiques [Victor et Torkelson, 1987] ou paramagnétiques [Wasserman et Kovarskii, 1986], ou encore par spectroscopie d’annihilation de positrons (PALS) [Liu et al., 1993 ; Suvegh et al., 1999 ; Hofmann et al., 2002].

Les volumes libres et leur distribution sont également déterminés à l’aide de simulations moléculaires par des techniques de grilles fines [Misra et Mattice, 1993] ou des tessellations de Delaunay-Voronoï [Rigby et Roe, 1990 ; Arizzi et al., 1992 ; Greenfield et Theodorou, 1993 ; Theodorou, 1996] et une analyse géométrique de l’espace par insertion de sondes sphériques dures et de différents diamètres. Les travaux pionniers de Greenfield et Theodorou [1993] démontrent que les approches par simulation sont prédictives de la distribution expérimentale des volumes libres des polymères. La topologie des espaces libres

dans une matrice PP atactique est représentée sur la figure I.4. Les volumes libres deviennent pratiquement inexistants dès que le rayon de la sonde est supérieur à 1,5 Å.

Figure I.4 : Volumes accessibles à des sondes de rayon (a) 2,09 Å (méthane), (b) 1,28 Å (hélium), (c) 1,1 Å et (d) 0,9 Å dans une matrice de PP. Les différentes couleurs représentent différents groupes

discontinus d’espace accessible. [figure de Greenfield et Theodorou, 1993].

La figure I.5 présente les distributions des volumes libres dans des matrices de PE linéaires. Les volumes sont déterminés par tessellations de Voronoï [Dong et Jacob, 2003]. La distribution est nettement dissymétrique à droite. Les volumes médians sont de 50 A3 au niveau des extrémités avec des maximums au-delà de 75 A3 (figure I.5(a)). Le long de la chaîne, l’empilement des monomères est plus compact avec un volume médian de 30 A3 et un maximum inférieur aux volumes médians des extrémités (figure I.5(b)).

Figure I.5 : Distributions des volumes libres déterminées par tessellations de Voronoï au sein d’une matrice simulée de PE : (a) autour et (b) loin des extrémités des chaînes [d’après Dong et Jacob, 2003].

Les résultats de simulation de la dynamique des polymères [Barbieri et al., 2004]

montrent que les volumes libres généralement associés aux bouts de chaînes sont localisés de manière dynamique principalement au voisinage immédiat du premier/dernier monomère.

L’augmentation du temps de relaxation de la structure enchevêtrée, τ, avec la longueur des chaînes est directement corrélée à la proportion des extrémités avec une loi de type :

logτ ∝ − 1

M (I.3)

La distribution des volumes libres et les fluctuations des volumes au cours du temps contrôlent les capacités de relaxation des contraintes des chaînes de polymère.