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En 1978, Chapple reprend les données géophysiques des principaux piémonts et prismes d’accrétion et remarque plusieurs propriétés communes aux différentes coupes (fig.I.4.B). On observe en effet très souvent :

• une surface basale de détachement (ou décollement), en dessous de laquelle aucune déformation n’est observée. La vergence est vers l’extérieur de la chaîne.

• Une importante quantité de raccourcissement accommodée au-dessus de ce décollement.

• Une allure globale caractéristique en forme de prisme s’effilant vers l’avant-pays non-déformé.

Comme plusieurs autres auteurs (Davis, 1978 ; Davis & Suppe, 1980 ; Davis et al., 1983 ; Dahlen, 1990), Chapple considère que la mécanique globale de ces prismes se développant aux frontières de plaques convergentes peut être assimilée, en première approximation, à un prisme d’accrétion déformé au front d’un bulldozer (fig.I.9). Selon ce schéma, un bulldozer racle une épaisseur h de sédiment (ou de neige) qui recouvre une surface inclinée d’un angle !. Un prisme d’allure triangulaire avec une pente de surface " se forme en glissant sur un niveau de décollement basal en dessous duquel aucune déformation n’a lieu.

La théorie du prisme critique (Chapple, 1978 ; Davis et al., 1983, Dahlen et al., 1984, Dahlen, 1984, Dahlen, 1990), montre que le prisme se déforme jusqu’à atteindre un état stationnaire/critique dynamique caractérisé par une ouverture "+! constante (fig.I.9). Cette ouverture est appelée biseau critique (critical taper). Si les conditions d’accrétion sont

stationnaires (apports frontaux constants et aucune perte de matière), le prisme conserve un biseau constant et croît de façon auto-similaire (augmentation linéaire de l’aire de la section au cours du temps). Cette théorie suppose que le matériau du prisme est partout dans un régime de contrainte proche de la rupture. Le prisme réagit aux variations de flux entrant et sortant par une déformation frontale et/ou par une déformation interne adaptées permettant de conserver sa pente critique. Nous verrons au chapitre III quels sont ces mécanismes.

Fig.I. 9. Formation d’un prisme d’accrétion au front d’un bulldozer (modifié d’après Dahlen, 1990). Le bulldozer racle une épaisseur h de sédiment (ou de neige) qui recouvre une surface inclinée d’un angle !. Glissant sur un niveau de décollement, un prisme triangulaire se forme avec une pente de surface ". Si h et " demeurent constants, un état d’équilibre dynamique est atteint et l’ouverture "+! reste constante. Le prisme croît alors de façon auto-similaire.

(1) Matériaux Coulombiens

La rhéologie des matériaux de la croûte supérieure continentale (i.e. croûte granodioritique et roches sédimentaires) peut être en première approximation considérée comme obéissant à la loi de comportement frictionnel définie par Coulomb au XVIIIème siècle sur des avalanches de sable (Coulomb, 1773 ; Byerlee, 1978). Selon cette loi, un matériau solide (ou sableux) peut emmagasiner des contraintes sans rompre tant que celles-ci ne dépassent pas un certain seuil. Cette définition de la rupture, appelée critère de Mohr-Coulomb, s’écrit :

!

"r= C0+µ.#n Eq.I. 1

Elle relie la contrainte cisaillante à la rupture #r [M.L-1.T-2] à la contrainte normale $n [M.L-1.T-2] via la cohésion C0 [M.L-1.T-2] et le coefficient de friction interne µ du matériau [sans dimensions]. Par définition, µ = tan % avec % l’angle de friction interne. On nomme souvent «terme frictionnel » l’expression µ.$n.

En présence de fluides (voir au sous-chapitre suivant pour une définition), la contrainte normale de l’expression de la loi de rupture devient une contrainte effective $n* définie telle que $n* = ($n - Pf). Pf est la pression de fluide présente dans les pores du matériau qui supporte une partie de la charge normale lithostatique $n. L’expression Eq.I.1 devient alors :

!

(2) Mécanique des prismes sans érosion (a) Prisme non-cohésif

(i) Formulation de la théorie

Dans la mécanique des prismes d’accrétion océaniques ou continentaux, la cohésion C0 des roches est souvent jugée négligeable face au terme frictionnel (Hoshino et al., 1972). L’expression de la loi de rupture est alors simplifiée et devient :

!

" = µ.#n* Eq.I. 3

Remarque : Le terme de cohésion dans la formulation de la loi de rupture n’est pas négligeable au front du prisme (Zhao et al., 1986). Cela ajoute une résistance supplémentaire qui génère un profil de prisme concave vers le haut (Dahlen et al., 1984).

A partir d’un bilan des forces (Davis et al., 1983 ; Dahlen, 1990 ; Lallemand, 1999), il est possible d’évaluer la géométrie du prisme critique en calculant la valeur du biseau critique "+! (fig.I.9). Celle-ci dépend uniquement des valeurs des paramètres physiques caractérisant le matériau et le niveau de décollement basal. Ces paramètres sont les coefficients de friction (µ et µb) et les paramètres de pression de fluide (& et &b) ; l’indice « b » caractérisant le décollement basal. Le paramètre de pression de fluide & est un nombre sans dimension qui prend la forme (Hubbert & Rubey, 1959) :

!

" = Pf #z

Eq.I. 4

Avec $z [M.L-1.T-2] la contrainte totale (charge lithostatique) suivant l’axe z perpendiculaire à la surface du prisme et Pf [M.L-1.T-2] la pression de fluide. Si & = 0, il n’y a pas de fluide. Au contraire, si & = 1, l’intégralité de la charge du prisme est supportée par la pression de fluide. La friction basale est donc réduite drastiquement et favorise la formation d’un niveau de décollement efficace.

Dans le cas d’un prisme d’accrétion immergé (fig.I.10), il faut corriger & de la charge hydrostatique recouvrant le prisme. L’expression de & prend alors la forme :

!

" = Pf #$eau.g.D %z#$eau.g.D

Eq.I. 5

Où 'eau [M.L-3] représente la densité de l’eau, g [M.L.T-1] l’accélération de la pesanteur et D [L] l’épaisseur d’eau au-dessus du prisme.

Dans l’hypothèse d’un prisme d’accrétion non cohésif (Davis et al., 1983 ; Dahlen et al., 1984) et pour des angles de surface et de base suffisamment petits (pour que les approximations des petits angles sin" ( " et sin! ( ! soient valables), la valeur critique du biseau "+! !est entièrement définie analytiquement à partir des coefficients de friction (µ et µb), densités (' et 'eau) et paramètres de pression de fluide (& et &b), supposés constants dans le prisme.

!

"+#=(1$%b).µb + (1$&eau/&).#

(1$&eau/&) + (1$%).K Eq.I. 6

K est une grandeur sans dimension définie par (Davis et al., 1983) :

! K = 2 H dz 1 sin".cos2#(z ) $1 0 H

%

Eq.I. 7

avec H [L] l’épaisseur locale du prisme et )(z) l’angle entre la contrainte principale $1 et l’axe des x à la profondeur z.

Fig.I. 10 : Contraintes dans le prisme de Coulomb (modifié d’après Dahlen, 1984). A) Diagramme schématique d’un modèle de prisme de Mohr-Coulomb non cohésif. #b et #0 sont les angles entre la contrainte compressive maximum $1 et le décollement de base et la surface du prisme, respectivement. B) Evolution du profil des contraintes et pressions de fluide au travers de la section du prisme. La résistance à la déformation est proportionnelle à la contrainte effective matérialisée par l’aire grisée.

L’expression Eq.I.6 définit une relation linéaire entre " et ! de la forme :

! "+ R#= F Eq.I. 8 avec ! R = (1"#).K (1"$eau/$) + (1"#).K Eq.I. 9 ! F = (1"#b).µb (1"$eau/$) + (1"#).K Eq.I. 10

Quelques observations simples se dégagent de l’expression Eq.I.6. En particulier :

• Si le coefficient de friction du matériau µ augmente, alors le biseau critique diminue (en effet, K augmente lorsque % augmente ; Eq.I.7).

• Si le coefficient de friction basale µb augmente, alors le biseau critique "+! augmente (K indépendant de µb).

Si le prisme est sub-aérien (ou composé de sable sec, comme dans beaucoup de modèles expérimentaux), & = 'eau = 0. L’expression du biseau critique se simplifie et devient :

!

" + # =µb+#

1+ K Eq.I. 11

Cette relation est vérifiée avec succès pour un sable standard sec (Davis et al., 1983).

Si le prisme est considéré comme uniforme, alors la contrainte principale $1 possède une orientation constante à l’intérieur du prisme et )b = )0. L’expression du biseau critique possède alors une solution exacte de la forme :

! "+#= $b% $0 Eq.I. 12 où ! "0 =1 2arcsin sin#* sin$ % & ' ( ) * +1 2# * Eq.I. 13 ! "b =1 2arcsin sin#b* sin# $ % & ' ( ) *1 2#b * Eq.I. 14

"* et %b* sont des expressions effectives des angles de surface " et de l’angle de friction basal %b. Ils sont définis suivant Dahlen (1984 & 1990) tels que :

! "* = arctan 1# $eau/$ 1# % & ' ( ) * + tan" , - . / 0 1 Eq.I. 15 ! "b* = arctan 1# $b 1# $ % & ' ( ) * .µb + , - . / 0 Eq.I. 16

En résolvant le système d’équations Eq.I.12, 13 & 14, il est possible d’établir l’orientation des contraintes principales au sein du prisme pour différents angles de biseau critique. En d’autres termes, cette relation prédit le régime tectonique du prisme (extension ou compression) quelle que soit sa géométrie. C’est ainsi que l’on peut définir « les domaines de stabilité » des prismes d’accrétion (fig.I.11 ; Dahlen, 1984, Lallemand et al., 1994).

(ii) Domaines de stabilité

Les domaines de stabilité des prismes d’accrétion ont été définis grâce à un certain nombre d’hypothèses qui ont permis de résoudre de façon exacte le régime de contrainte dans le prisme et par conséquent de prédire son comportement mécanique. Ces simplifications sont :

• Une cohésion négligeable : C0 = 0

• Un prisme homogène : pente de surface ("), lithologie ('), pression de fluide (&), angle de friction (µ) et régime de contrainte (orientation de $1) constantes.

• Un niveau de décollement homogène : pente (!), pression de fluide (&b) et angle de friction (µb) constants.

En fixant ', & et &b, % et %b, et en se déplaçant dans l’espace des valeurs " et !, il est possible de calculer les angles ) et )b (orientation de la contrainte maximale compressive) et donc de caractériser le régime tectonique du prisme (Dahlen, 1984 ; Lallemand et al., 1994). Afin de présenter le concept de stabilité, considérons un prisme expérimental non cohésif formé de sable sec. Pour le sable sec, l’absence de fluide conduit à & = &b = 0. Les propriétés

mécaniques typiques d’un sable sont : % = 30° et C0 * 0. Enfin, on fixe arbitrairement une faible friction basale : %b = 10°. La résolution des équations Eq.I.12, 13 et 14 définit dans un repère ! != f(") un diagramme théorique en lentille délimitant les différents domaines de stabilité (ou d’instabilité) du prisme (fig.I.11).

Fig.I. 11 : Domaine de stabilité (et instabilité) d’un prisme de sable sec (d’après Dahlen, 1984). Pour cet exemple, les angles de friction interne et basale sont respectivement de 30° et 10°. L’intérieur de la « lentille » définit le régime de stabilité du prisme où il ne se déforme pas. Sur l’enveloppe de la lentille, le prisme est à l’état critique et croît de façon auto-similaire. A l’extérieur, il est dans un état sur ou sous-critique. Dans l’espace des valeurs réalistes des angles " et ! (encadré en pointillé), le domaine sous-critique favorise les processus compressifs alors que le domaine sur-critique développe de l’extension. Ces réajustements visent à rétablir la pente de stabilité du prisme (flèches).

Lorsque le prisme se situe à l’intérieur de cette lentille, il est stable, c’est-à-dire que si aucun matériel n’est apporté en avant du prisme, celui ci ne se déforme pas et glisse librement. S’il se trouve sur l’enveloppe de la lentille, il est dans un état critique et va donc croître de façon auto-similaire afin de conserver sa pente de surface. A l’extérieur du domaine de stabilité, l’état hors-équilibre est défini par des domaines sur-critiques et sous-critiques qui correspondent à des régimes cinématiques respectivement en extension et en compression. En effet, un prisme se trouvant dans un état sur-critique (pente topographique " trop élevée) va être affecté par des processus d’extension (faille normale ou glissements massifs) afin de diminuer sa pente de surface " et rejoindre la valeur critique. S’il se situe dans un état sous-critique, sa pente topographique " va augmenter jusqu’à atteindre l’équilibre. Ceci se produira par différents mécanismes de déformation (accrétion frontale, sous-placage, duplexing, chevauchement hors-séquence) que j’aborderai dans la prochaine section. Dans la nature, les prismes d’accrétion occupent un domaine restreint de cet espace (1° < ! < 18° ; 0° < " < 14° ; encadré en grisé fig.I.11 ; Lallemand et al., 1994 ; Lallemand, 1999).

(b) Prisme cohésif

La présence de cohésion modifie le comportement mécanique et la géométrie d’un prisme d’accrétion.

• Si la cohésion est homogène au sein du prisme, son influence sur la résistance frictionnelle globale du matériau est significative à la pointe du prisme mais négligeable vers l’intérieur (Dahlen et al., 1984). Les équations de la mécanique du prisme n’aboutissent alors à aucune solution exacte mais prédisent un objet avec une section légèrement concave.

• Si la cohésion augmente linéairement avec la profondeur (en raison d’une lithification des roches et d’une diminution de la porosité), alors une solution exacte pour la mécanique du prisme peut être à nouveau trouvée (Zhao et al., 1986). Elle définit alors une forme de prisme convexe.

Cette hypothèse de relation linéaire entre la cohésion et la profondeur est dictée par les relations exponentielles qui existent entre la porosité et la profondeur (Eq.I.17 ; Athy, 1930 ; Magara, 1978) et entre la porosité et la cohésion (Eq.I.18 ; Hoshino et al., 1972)

! " = "0.e#az Eq.I. 17 ! " = "0.e C0 C0* Eq.I. 18 avec + la porosité, +0, C0* et « a » des constantes.

En réarrangeant ces expressions, on trouve facilement l’expression :

!

C0= k.z Eq.I. 19

avec k une constante équivalente au gradient de cohésion avec la profondeur et exprimée simplement comme fonction des constantes a et C0* (k = a.C0*).

L’expression de la loi de rupture (Eq.I.2) devient alors :

!

"r= k.z +µ.#n* Eq.I. 20

De même que dans le cas sans cohésion, l’ouverture du biseau critique est déterminée par l’équation Eq.I.12 :

!

"+#= $b% $0 Eq.I. 12

avec )0 identique à la formulation de l’équation Eq.I.13 et )b définie par :

! "b =1 2arcsin sin#b* k $.g.µ % & ' ( ) * .cos2+0+

(

1, -

)

.cos. sin# k $.g.µ % & ' ( ) * + 1, -

( )

.cos. % & ' ' ' ' ( ) * * * * / 0 1 1 1 1 2 3 4 4 4 4 ,1 2#b * Eq.I. 21

De même que pour l’expression sans cohésion, l’équation Eq.I.12 définit une relation trigonométrique simple entre la pente de surface du prisme ", le pendage du décollement basal ! et l’orientation des contraintes au sein du prisme ()0 et )b) à partir des coefficients sans dimension de friction (µ et µb), de pression de fluide (& et &b), de densité ('eau/') et de gradient de cohésion (k/'g).

(c) Prisme et fluides

Avant-propos : Les informations présentées ici sur les fluides et leurs surpressions dans les prismes d’accrétion (formation, physique des écoulements, etc.) sont extraites de la thèse de R. Mourgues (2003). Il est conseillé de la consulter afin d’avoir une synthèse plus détaillée sur le sujet.

Dans la nature, les fluides (eau, gaz) sont fréquemment présents dans les roches des prismes d’accrétion. Leur effet sur la dynamique du prisme n’est pas significatif lorsque leurs pressions sont équilibrées vis-à-vis de l’encaissant. Il devient au contraire très important lorsque leurs états de pression sont anormalement élevés : on parle alors de « surpression de fluides ». Ces surpressions de fluides peuvent être générées selon deux mécanismes (voir Mourgues, 2003, chapitre 1 et références s’y rapportant). Le premier est la réduction mécanique de la porosité du solide qui provoque une compaction du fluide. Cela résulte par exemple d’un chargement horizontal ou vertical d’origine tectonique ou sédimentaire. Le second correspond à l’augmentation de volume du fluide qui, prisonnier dans une roche peu perméable, ne peut s’échapper et voit sa pression augmenter. Cela résulte par exemple de réactions de déshydratation de minéraux argileux, de la production d’hydrocarbures ou du crackage des huiles en gaz. Lorsque ces surpressions de fluides ne peuvent se dissiper rapidement (sédiments peu perméables, barrières de perméabilité), elles peuvent avoir une importance majeure sur la dynamique du prisme d’accrétion.

D’un point de vue mécanique (voir Mourgues, 2003 ; chapitre 2), les surpressions de fluide sont des gradients qui poussent le fluide à s’écouler. Ce gradient peut être décrit comme la somme d’une composante hydrostatique (poids de la colonne d’eau) et d’une composante non-hydrostatique (force motrice de l’écoulement). Le gradient de pression non-hydrostatique est appelé « force de courant » (seepage force). Cette force de courant ne dépend pas de la porosité, ni de la perméabilité, ni de la vitesse d’écoulement. Elle peut prendre n’importe quelle direction et peut ainsi modifier le régime de contrainte dans le matériau.

Les fluides sont naturellement présents dans la quasi-totalité des prismes d’accrétion. C’est un paramètre qui est incorporé dans les équations des prismes critiques (avec ou sans cohésion) avec l’utilisation du paramètre de Hubbert-Rubbey (Eq.I.4). Il est défini pour les matériaux du prisme (&) ou le décollement basal (&b). Pour un prisme immergé, l’équation du paramètre & (Eq.I.5) peut être sensiblement modifiée pour donner au niveau du décollement basal (Saffer & Bekins, 1998 ; Shi & Wang, 1988 ; Mourgues, 2003) :

!

"*= Pf # Ph

$z# Ph Eq.I. 22

avec

!

Ph la composante hydrostatique de la pression de fluide au niveau du décollement basal. Elle est définie par : !

Ph ="eau.g. z.cos# + D

( )

Eq.I. 23

avec D la hauteur d’eau au-dessus du prisme (fig.I.10). Dans le cas hydrostatique,

!

Pf = Ph, d’où &* = 0. Les isobares de pression sont horizontaux (fig.I.12.A). Dans le cas non-hydrostatique (présence de pressions de fluide), Mourgues (2003) trouve :

!

"* = #eau.g.z.cos$ + P(x,z)nh

#b.g.z.cos$ Eq.I. 24

avec

!

P(x,z)nhla composante non-hydrostatique de la pression de fluide en un point quelconque (x,z) du prisme. Si &* est constant dans le prisme, alors le gradient de pression est constant selon x et z. Cela définit des isobares de surpression parallèles à la surface du prisme (fig.I.12.B). La force de courant est perpendiculaire à cette surface de

prisme. Si &* > 0, il y a surpression et la force de courant est orientée vers l’extérieur. Si &* < 0, il y a sous-pression et la force de courant est orientée vers l’intérieur.

Fig.I. 12 : Effet des pressions de fluides sur l’équilibre mécanique des forces de volume dans un modèle de prisme critique (d’après Mourgues, 2003). A) Dans le cas hydrostatique, l’absence de pression de fluide génère un gradient de pression

horizontal. B) Dans le cas non-hydrostatique, les surpressions de fluides génèrent une force de volume (force de courant) capable de supporter une partie du poids du prisme. Les isobares de pressions non-hydrostatiques sont parallèles à la surface du prisme.

Dans le modèle du biseau critique exposé précédemment, l’expression de l’ouverture du biseau est décrite par l’expression (Eq.I.6):

!

"+#=(1$%bb + (1$&eau/&).#

(1$&eau/&) + (1$%).K Eq.I.6

On constate qu’une diminution de la friction basale µb a le même effet qu’une augmentation de la pression de fluide sur le décollement basal &b. Augmenter la pression de fluide revient à diminuer le coefficient de friction

basal. En revanche, la relation entre & et µ n’est pas aussi simple.

(3) Mécanique des prismes avec érosion

L’érosion a été rapidement incorporée à la théorie du biseau critique afin d’analyser les effets de ce paramètre majeur sur la dynamique des prismes d’accrétion (fig.I.13.A ; Dahlen & Suppe, 1988 ; Dahlen, 1988, 1990 ; Dahlen & Barr, 1989). Fondamentalement, elle exerce un contrôle significatif sur la mécanique des prismes d’accrétion car, en enlevant continuellement de la matière au toit du prisme, elle provoque une déformation continue du prisme qui permet de maintenir un état critique. Si les conditions tectoniques (raccourcissement) et climatiques (précipitation) restent constantes, le prisme atteint un état stationnaire dynamique durant lequel les flux entrants de matériaux à l’avant du prisme sont exactement compensés par les flux sortants. La largeur d’un tel prisme critique ne dépend pas des propriétés de résistance frictionnelle du matériau mais des volumes de flux entrant et de flux sortant. En supposant qu’aucune variation significative de la densité du matériau ne se produise durant son accrétion (i.e., la compaction est mineure), il est possible d’établir des modèles cinématiques simples décrivant les flux de matière à l’intérieur du prisme. Cela donne accès à des paramètres caractéristiques très intéressants pour la compréhension de la dynamique des prismes, comme les trajectoires et les temps de résidence des échantillons rocheux (fig.I.13.B).

Fig.I. 13 : Erosion et modèle de prisme critique. A) Prisme critique ayant atteint un état d’équilibre dynamique

entre le flux entrant et le flux sortant (d’après Dahlen, 1990). B) Modélisation des trajectoires des roches au sein du prisme de Taiwan (d’après Dahlen & Suppe, 1988). Considérant un flux en entrée de 500 km2/Ma, un taux d’érosion de 2,9 km/Ma, une largeur de prisme égale à 87 km, les trajectoires des roches dessinent des courbes dont la longueur dépend de la profondeur de l’échantillon. En moyenne, une roche typique réside 2 à 3 Ma dans le prisme. C) Explication de l’effet de l’érosion sur la dynamique des prismes d’accrétion critique grâce au diagramme des domaines de stabilité (d’après Leturmy et al., 2000).

Si l’on exprime l’effet de l’érosion dans un diagramme du domaine de stabilité (voir fig.I.11 pour une définition), celle-ci diminue la pente de surface du prisme d’accrétion. Cela modifie sa stabilité en le faisant passer d’un domaine stable à un domaine sous-critique (fig.I.13.C). De même, la sédimentation en pied de prisme d’accrétion diminue la pente de surface et le conduit dans le domaine sous-critique (fig.I.13.C). Le prisme se déforme alors dans les zones internes et s’épaissit afin de retrouver sa pente d’équilibre (Leturmy et al., 2000). Noter que ces influences de l’érosion et la sédimentation seront abordées en détail dans le chapitre III sur les résultats expérimentaux des prismes d’accrétion.

(4) Points forts et limites du modèle

Parmi les points forts du modèle de prisme de Coulomb, on peut citer :

• La prédictibilité de la géométrie et des paramètres mécaniques d’un prisme d’accrétion :

Le modèle de prisme critique de Coulomb explique bien la géométrie des prismes d’accrétion. En choisissant des paramètres raisonnables pour la friction basale µb, la friction interne µ et les fluides &, il est possible de reproduire assez fidèlement les pentes topographiques des prismes d’accrétion continentaux (Taiwan, Himalaya) ou sous-marins (Barbades, Aléoutiennes, Pérou, Java, Sonde, Japon, Makran, etc. ; Davis et al., 1983). En retour, avec les données de pentes de surface, pentes de décollement et quelques hypothèses sur les paramètres de friction, il est possible de proposer des valeurs de pression de fluides ou de retrouver les mesures effectuées en forage (Davis et al., 1983 ; Dahlen et al., 1984 ; Dahlen, 1984 ; Dahlen, 1990).

• Un cadre mécanique rigoureux pour étudier la dynamique des prismes d’accrétion : Ce modèle offre un cadre mécanique simple et rigoureux permettant d’expliquer la dynamique des prismes d’accrétion (en modélisation numérique ou analogique). Grâce notamment aux domaines de stabilité (Dahlen, 1984, Lallemand, 1994), il est possible d’expliquer la dynamique des prismes d’accrétion en fonction des paramètres externes. Ce peut être les variations de flux entrant ou sortant (Gutscher et al., 1998a), les ajustements isostatiques (Davis et al., 1983) ou les processus de surface (Davis et al., 1983 ; Dahlen &