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Erosion et Sédimentation

A. La chaîne du Tian Shan

1. Géographie, topographie et hydrographie

Le Tian Shan (ou Tien Shan : du chinois signifiant « Monts Célestes ») est une chaîne de montagnes intracontinentale d’Asie centrale située au nord des reliefs de l’Himalaya, du Tibet et du Kunlun et au sud des chaînes mongoles et russes de Sayan et de l’Altaï (fig.II.1). Il s’étend d’est en ouest sur près de 2 000 kilomètres en traversant les frontières de la Chine, du Kirghizstan et du Kazakhstan. La moitié de sa superficie se situe sur le territoire chinois, plus précisément dans la province du Xinjiang. D’est en ouest, la largeur de la chaîne change : elle passe de près de 400 km dans sa partie occidentale à seulement 200 km dans sa partie orientale, lui donnant une forme triangulaire caractéristique pointant vers l’est (fig.II.1). Au cours de ce travail, je me suis intéressé à la partie orientale du Tian Shan (encadré rouge ; fig.II.1).

Fig.II. 1 : Carte topographique de localisation de la chaîne du Tian Shan (données NASA-SRTM 90 mètres).

Avec des sommets pouvant atteindre près de 7 500 m à l’ouest (Mont Pobedy) et 5 500 m à l’est, pour une altitude moyenne supérieure à 2000 m, le Tian Shan représente un imposant massif topographique surplombant deux déserts (fig.II.1&2). Il s’agit au nord, du désert du Junggar (altitude moyenne autour de 500 m) et au sud, du désert du Tarim (ou désert du Taklamakan ; altitude moyenne : 1000 m). Les transitions entre ces domaines topographiques contrastés correspondent aux piémonts (voir définition au chapitre I). Contrairement aux chaînes voisines (le Pamir ou l’ensemble Himalaya-Tibet-Kunlun par exemple), qui présentent de vastes étendues de reliefs de haute altitude (des plateaux), la chaîne du Tian Shan est marquée par plusieurs segments topographiques d’orientation WNW/ESE et WSW/ENE séparés par de vastes dépressions intra-montagneuses (les bassins de Bayanbulak ou Yili par exemple) pouvant parfois se situer en dessous du niveau marin (exemple du bassin de Turfan ; altitude -154 m).

Fig.II. 2 : Carte topographique de la partie orientale de la chaîne du Tian Shan (données NASA-SRTM à 90 mètres ; illumination N170°E).

Fig.II. 3 : Carte de pentes (gradient topographique) de la partie orientale de la chaîne du Tian Shan (données NASA-SRTM à 90 mètres ; illumination N170°E).

L’analyse de la carte de pente (ie, représentation du gradient topographique ; fig.II.3), permet de distinguer les différents chaînons topographiques (pentes supérieures à 30° ; couleur noir et rouge) et des bassins intra-chaînes ou plaines d’avant-pays (pentes inférieures à 3° ; représentés en bleu et blanc). Les piémonts nord et sud possèdent pour leur part des pentes moyennes (autour de 5-20° ; couleurs vert-jaune), avec quelques reliefs localement très pentus et des domaines relativement plats. Par exemple, on peut citer comme reliefs de piémonts la ceinture orangée du piémont sud (environ 20° en moyenne) au niveau de Kuqa et son équivalent jaune-vert (pentes de 5-10°) dans le nord, au niveau de Manas. Nous verrons par la suite que ces reliefs correspondent à des plis actifs qui traduisent l’élargissement de la chaîne de montagnes et la déformation de ses bassins d’avant-pays. Les zones de replat au niveau du piémont s’observent généralement en arrière des plis. Ils correspondent aux bassins piggy-back piégeant, en arrière des structures plicatives, les produits de l’érosion de la haute chaîne.

Sur des profils topographiques sériés nord-sud réalisés au travers de la chaîne (fig.II.4.A) on distingue très nettement la brusque augmentation du relief aux deux fronts de la chaîne et de vastes dépressions au cœur (Charreau, 2005). On note également la différence d’altitude des bassins d’avant-chaîne entre le nord (Junggar) et le sud (Tarim). Cette différence est généralement considérée comme la conséquence d’une histoire de remplissage sédimentaire contrastée entre un bassin du Tarim entouré de toute part par de très hauts reliefs (et recevant de fait d’importantes quantités de sédiments) et le bassin du Junggar bordé essentiellement par les reliefs du Tian Shan (et donc beaucoup moins alimenté en sédiments).

Afin de moyenner les biais pouvant être induits par des tracés topographiques tirés entre deux points singuliers dans une direction simplement nord-sud, j’ai effectué un profil topographique sur une bande de 50 km de largeur et perpendiculairement à la chaîne (fig.II.4.B ; localisation du tracé sur fig.II.4.A). Ce tracé rejoint les villes de Yeyungou au sud à Manas au nord. Suivant la démarche présentée par Lavé & Avouac (2001) sur le front Himalayen, j’ai représenté uniquement les altitudes maximales, minimales et moyennes mesurées sur des bandes de 5 km échantillonnées tous les 3 km (fig.II.4.B). Le résultat indique tout d’abord un profil topographique maximum de forme bimodale (ie à deux « bosses »; tracé en tireté bleu). L’amplitude des oscillations est proche de 1 000 m pour une longueur d’onde d’environ 100 km. En outre, les deux « bosses » atteignent la même altitude maximum (environ 5 000 m ; Hmax). La courbe des altitudes moyennes se révèle sensiblement constante autour d’une altitude comprise entre 3 000 et 3 500 m (Hmoy) sur près de 250 km de largeur de chaîne. La courbe des altitudes minimum montre pour sa part un profil beaucoup plus contrasté. On distingue une partie centrale culminant autour de 2 500-3 000 m et un pic au sud beaucoup plus fin mais atteignant tout de même près de 2 500 m. On peut noter que les distances horizontales entre les sommets de la courbe des minima et les bassins d’avant-pays sont différentes dans les deux piémonts. Au sud (LS), elle représente environ une cinquantaine de kilomètres. Au nord (LN), elle est trois fois plus importante (environ 150 km). Dans les deux cas, les profils des minima possèdent une allure hyperbolique très resserrée au sud et plus évasée au nord. Ils représentent en quelque sorte un profil de thalweg moyen pour chacun des piémonts. Les sommets des minima représentent quant à eux une ligne de partage des eaux divisant les précipitations s’écoulant vers le nord de celles s’écoulant vers le sud.

Fig.II. 4 : Profils topographiques A) sériés et B) moyen sur une bande de 50 km de large (A : données NASA - GTOPO30 issues de Charreau, 2005 ; B) données NASA-SRTM à 90 mètres).

Enfin, la localisation du Tian Shan à près de 2 500 km de l’Océan Indien et 3 000 km de l’Océan Pacifique et son climat particulièrement aride (voir sous-chapitre suivant dédié au Climat), font de cette chaîne un territoire caractérisé par une hydrographie exclusivement endoréique (les rivières ne rejoignent jamais la mer ; fig.II.1). Les cours des rivières drainant les reliefs s’achèvent dans les déserts du Tarim au sud, du Junggar au nord ou dans des lacs de la plate-forme Kazakh (au Nord-Ouest ; fig.II.1). Les tracés des rivières des piémonts nord et sud sont globalement perpendiculaires au front topographique tandis que les cours d’eau drainant les domaines internes s’écoulent parallèlement à la direction des chaînons mentionnés précédemment. Cette hydrographie des piémonts sera discutée plus en détail dans une section ultérieure.