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Le piémont nord du Tian Shan s’étend sur près de 300 km entre les villes d’Urumqi (à l’est) jusqu’au lac Ebinor (à l’ouest ; fig.II.15 ; emprise sur fig.II.2). Il présente une géométrie relativement rectiligne orientée WNW/ESE associée au contact chevauchant majeur entre les roches paléozoïques d’arc de la chaîne interne et la couverture mésozoïque et cénozoïque plissée de l’avant-pays. Le point le plus haut se situe à la limite entre les bassins versants des rivières Manas, Taxi et Qiuergou. Il culmine à 5138 m. Un autre point topographique remarquable se situe à la limite des bassins versants des rivières Anjihai, Jingou et Manas au sein d’un massif dépassant les 4000 m (point culminant autour de 4650 m). Le point le plus bas se situe dans la partie ouest de la plaine d’avant-pays en direction du lac Ebinor (le niveau de base ultime de plusieurs rivières de la portion ouest du piémont). Son altitude est d’environ 250 m.

Le piémont nord est drainé par une vingtaine de rivières s’écoulant en général du sud vers le nord. J’ai choisi de reprendre la même dénomination des bassins versants et rivières que celle proposée par Poisson (2002) pour faciliter les comparaisons avec cette étude. Lorsque cela était possible, j’ai indiqué les noms chinois des rivières afin d’identifier plus facilement chacun des bassins hydrographiques.

Parmi toutes les rivières du piémont nord, une dizaine environ possèdent des longueurs atteignant 100-200 km (fig.II.15). Leurs bassins versants sont de taille très variable (en moyenne autour de 1 200 km2) avec le plus grand correspondant à la rivière Manas (5 800 km2) et les plus petits faisant environ 75-100 km2 (limites de bassin versant tracées en rouge sur la figure.II.15). La quasi-totalité des bassins versants sont allongés dans une direction nord-sud et présentent un seul drain majeur. Deux rivières (la Kuytun et la Manas) possèdent une géométrie à deux branches (en forme de « Y ») avec deux segments d’égale longueur. La ligne principale de partage des eaux (main divide ; ligne verte sur la fig.II.15) séparant les précipitations qui se déversent vers le bassin de Junggar (au nord) de celles s’écoulant vers le bassin intramontagneux de Bayanbulak ou le bassin de Yili (au sud et vers l’ouest) se trouve à une distance variable par rapport au front de déformation. Au centre (au niveau de la Manas), elle se situe à ~ 115 km du front de déformation alors qu’à l’ouest (au niveau de la rivière 4), elle ne se situe plus qu’à ~ 35 km (voir section II.B.3.c pour une analyse plus détaillée). Cette observation va de paire avec des bassins versants et rivières plus petits à l’est que dans la partie centrale (cela sera commenté ultérieurement). Enfin, on peut signaler l’étrange position des points culminants non pas sur la ligne principale de partage des eaux mais au milieu du flanc du piémont.

Fig.II. 15 : Carte topographique du Piémont nord du Tian Shan. Les limites des principaux bassins versants sont en rouge.

b) Lithologie

La lithologie du piémont nord est caractérisée par deux ensembles majeurs. L’essentiel des roches des hauts-reliefs est d’âge dévonien-carbonifère et de nature volcanique (andésites, rhyolite), volcano-sédimentaire ou granitique. Les roches du piémont sont pour leur part essentiellement de nature sédimentaire détritique d’âge triasique à plio-quaternaire (silt, grès et conglomérats ; fig.II.16A&B). Elles forment la couverture plissée et faillée du piémont nord. Enfin, la plaine d’avant-pays est recouverte d’une formation quaternaire non-déformée.

Fig.II. 16 : Géologie du Piémont nord du Tian Shan. A) Carte géologique synthétique (d’après Deng et al., 2000. B) Log stratigraphique synthétique des séries mésozoïques et cénozoïques (d’après Charreau, 2005).

Les lithologies du mésozoïque et cénozoïque sont caractérisées par l’alternance de niveaux de compétence très variable (niveaux argilo-silteux faiblement compétents et niveaux

conglomératiques très résistants par exemple ; fig.II.16.B). L’essentiel des faciès est marqué par une très forte continentalité avec quelques rares passages carbonatés attestant d’environnements de dépôt lacustres occasionnels (notamment au crétacé supérieur et à l’éocène). Les conditions d’oxydo-réduction du dépôt étaient très variables comme l’indiquent les variations de couleurs entre les différentes formations observables sur des prises de vues satellites ou sur le terrain (fig.II.17). Le fer ferrique (rouge) indique des conditions de dépôt oxydantes tandis que le fer ferreux (vert) traduit un environnement de dépôt réducteur. Ces séries détritiques sont divisées selon différentes formations sur la base d’analyse des faciès lithostratigraphiques (voir log stratigraphique synthétique ; fig.II.16.B ; Charreau, 2005). Quelques rares fossiles donnent des âges pour ces formations mais les incertitudes sont grandes. De plus, les conditions continentales de dépôt entraînant des variations latérales potentielles d’épaisseur et de faciès, les limites des différentes formations et leurs âges doivent être prises avec précautions.

Enfin, plusieurs épisodes de dépôt de sable éolien (loess) se produisent dans le piémont nord du Tian Shan (fig.II.17). Leur mise en place débute au pléistocène moyen (320 000 ans ; âge TL) et les plus jeunes datent de l’holocène (2800-2900 ans ; Liu, 1985). Leur mise en place correspond en grande partie aux phases glaciaires s’étant produites au cours du quaternaire. Sur la base de comparaisons entre leur minéralogie, leur géochimie et les trajectoires des vents dominants lors des tempêtes de sables actuelles, la provenance de ces loess est rattachée au désert du Junggar (Sun, 2002). Ce désert n’est lui-même qu’un réservoir intermédiaire alimenté par les tempêtes de sables échantillonnant les silts des dépôts alluviaux des chaînes voisines (Altaï, Tian Shan, etc.). Dans le piémont nord, ce loess constitue un très bon marqueur qui scelle les topographies et certaines terrasses (fig.II.17). S’étant déposés durant les différents cycles glaciaires du quaternaire, ils sont fréquemment remaniés lors des épisodes interglaciaires et peuvent se retrouver en lentilles dans des dépôts fluviatiles grossiers (notamment les terrasses). Ils constituent alors un support intéressant pour dater ces dépôts par OSL ou TL.

Fig.II. 17 : Panorama des lithologies néogènes du piémont nord du Tian Shan (gorges de la rivière Jingou).