• Aucun résultat trouvé

V.2.1 Description du modèle de cluster

A partir des interprétations dont nous venons de discuter, nous avons mis en place un modèle de compaction du milieu granulaire à trois phases dont le schéma est ex- pliqué en figure V.7a : une cavité où φ = 0, une zone compactée (ou cluster) où nous ferons l’hypothèse que la compacité est égale à la compacité de blocage φc et une

zone loin de l’intrus où nous supposons que la compacité est homogène et égale à la compacité de départ φ0. L’interprétation est basée sur le modèle à 3 phases développé

pour les expériences avec un intrus cylindrique rigide [33]. Il reprend également des arguments similaires à ceux développés pour la longueur critique de basculement dans la première partie de ce chapitre.

Nous allons de plus supposer que la zone compactée se développe en amont selon la portée transverse de la fibre. De ce fait, la largeur de la zone compactée est égale à la déflexion de l’intrus δ (zone grise sur le schéma). Ce modèle n’est valable qu’à partir du régime de basculement II où la zone compactée est déjà créée. On se place dans le référentiel du plateau comme si le point d’ancrage de la fibre avançait à la vitesse V0.

Cette avancée de la fibre va pousser un peu plus la zone déjà compactée et l’interface entre zone compactée et zone non compactée avance également à une vitesse que l’on notera Vcluster. La conservation du nombre total de grains impose que :

Vcluster=

φ0

φc− φ0

V0

Lorsque l’intrus avance d’un petit incrément dℓ, la surface du cluster augmente de

V.2. Modèle de compaction 93

dN = φc.Vcluster.dℓ.δ/s

où s est la surface moyenne d’un grain individuel. Par la suite, nous supposons que le cluster de grains agit comme un bloc solide cohérent frottant essentiellement sur le support du plateau. Les forces qui empêchent la fibre de revenir à une position droite sont donc dues dans ce modèle aux frottements du cluster en contact avec la fibre. Or, via l’augmentation de la taille du cluster, le frottement total du cluster augmente de :

dFf rott= µmgdN =

µmgφcVclusterδdℓ

s

où µ = 0.49 est le coefficient de friction grain/verre, m = 0.265 g la masse moyenne des grains et g l’accélération de la pesanteur. dFf rott est donc couplé à la déflexion

latérale δ. En régime quasi-statique, la force de rappel élastique de la fibre (Fel) est

équilibrée par la force de frottement du cluster sur le fond (Ff rott). On arrive à la

relation suivante : dFf rott dℓ = A(φ0).δ = dFel dl (V.4) où A(φ0) = φ0.φc φc− φ0 µmg s = φ0.φc φc− φ0 τ (V.5)

est un paramètre homogène à une contrainte qui ne dépend que de la compacité initiale φ0 et de la valeur de la compacité de blocage φc. On remarque en particulier

que A(φ0) a une forte dépendance à l’écart au jamming φc− φ0. A est proportionnel

à τ = µmg

s qui est la contrainte de frottement appliquée sur la surface d’un grain.

V.2.2 Résolution du modèle à faible déflexion.

La relation (V.4) fait intervenir trois variables que sont la force exercée sur l’intrus

F , l’avancée ℓ de l’intrus et sa flèche δ. La solution du modèle à petites déflexions

est simple car on peut avoir des relations analytiques entre F et δ dans ce cas-là. Si l’on suppose par exemple que les forces entre grains et fibre sont orthogonales et homogènes, on sait qu’à petites déflexions, Ff rott= 8EIδ/L3. On a alors une équation

différentielle du premier ordre sur δ dont la solution est une exponentielle croissante :

δ(ℓ) = δ0.exp(ℓ/ξ)

où ξ est une longueur caractéristique telle que : ξ = 8EI

A(φ0)L3. Cette solution en

exponentielle est rassurante. En effet, nous avions montré dans le chapitre 3 qu’il était possible d’ajuster les courbes expérimentales δ(ℓ) par une exponentielle (voir figure V.4a) ; cet ajustement était valable dans le début du régime de basculement, pour des déflexions pas trop importantes.

Dans le cas où δ n’est pas petit devant L, il n’existe pas de solution analytique du modèle. Il est nécessaire d’éliminer une des veriables de la relation (V.4). Or les

94 Chapitre V. Discussion

(a)

(b)

Figure V.7 – (a) Schéma du modèle de compaction à trois phases : une cavité où la compacité est nulle, une zone compactée à φc et une zone loin de l’intrus ou elle est

égale à la compacité initiale φ0. (b) En rouge : évolution expérimentale de δ en fonction

de ℓ − ℓα moyennée sur 10 expériences (avec L = 3 cm et φ0 = 80.94%). En bleu :

résolution du modèle pour la valeur théorique du paramètre A. En noir : résolution du modèle pour la valeur de A qui ajuste le mieux la courbe expérimentale.

V.2. Modèle de compaction 95 simulations nous donnent une relation entre F et δ. En injectant cette relation dans l’équation (V.4), on obtient une relation du type :

dδ(F ) dℓ = A(φ0).δ. L3 8EI = δ ξ (V.6)

où δ(F ) est donnée par la simulation. On a donc maintenant une équation diffé- rentielle simple entre δ et ℓ que l’on peut résoudre numériquement.

V.2.3 Résolution du modèle pour une expérience individuelle.

Pour une expérience avec L = 3 cm, φ0 = 80.94% et t = 350 µm, nous calcu-

lons la courbe moyennée de δ en fonction de ℓ − ℓα comme décrit dans le chapitre 3.

Nous effectuons une simulation sur une fibre de 3 cm avec une répartition de forces orthogonales et homogènes dont nous extrayons une relation δ(F ). Nous injectons en- suite cette relation δ(F ) dans l’équation (V.6). Pour calculer la valeur de A(φ0) qui

intervient dans cette équation, nous utilisons l’expression (V.5). Les paramètres ex- périmentaux nous donne une valeur de A(φ0) qui vaut 1840 Pa et que l’on notera

A(φ0)th. Le seul élément qui nous manque pour résoudre numériquement l’équation

(V.6) est une condition initiale. Nous avons décidé d’imposer que la déflexion de la courbe expérimentale et de la résolution numérique soient égales pour ℓ = ℓα quand la

fibre atteint la moitié de sa déflexion maximale. Nous avons alors tous les ingrédients pour résoudre numériquement le modèle.

La figure V.7b compare la courbe expérimentale moyennée (en rouge) avec le ré- sultat de la résolution numérique du modèle avec A(φ0) = 1840 Pa (en bleu). On peut

observer que qualitativement, la solution trouvée est assez proche de la forme de la courbe expérimentale mais que leurs largeurs sont assez distinctes. Étant donné que cette comparaison entre résultats expérimentaux et numérique est faite sans paramètre ajustable, nous nous sommes demandé si l’on pouvait obtenir un meilleur accord en faisant varier un paramètre numérique. Pour cela, nous avons décidé de faire varier le paramètre A(φ0).

En effectuant plusieurs résolutions du modèle pour plusieurs valeurs du paramètre

A(φ0), nous avons trouvé que pour une valeur de ce paramètre, on obtenait un bon

ajustement de la courbe expérimentale. Dans le cas de la courbe expérimentale de la figureV.7b, la valeur optimale du paramètre A(φ0) est A(φ0) = 740 Pa (courbe noire

de la figureV.7b). On observe que l’on a un bon accord entre la courbe expérimentale et la solution numérique avec ce paramètre optimal. Le seul écart que l’on observe est à grande déflexion. Cependant, rappelons qu’à grandes déflexions, l’encastrement expérimental n’est pas parfait et qu’il y a probablement un début de plastification. On remarque qu’il y a un rapport 2.5 entre la valeur de A(φ0) qui ajuste au mieux la

courbe (740 Pa) et la valeur théorique de A(φ0)th (1840 Pa).

V.2.4 Résultats du modèle pour plusieurs séries d’expériences.

Nous effectuons le même travail d’ajustement du modèle pour plusieurs séries d’ex- périences. A chaque fois, nous cherchons quel paramètre du modèle A(φ0) permet le

96 Chapitre V. Discussion

(a) (b)

Figure V.8 – (a) Paramètre du modèle A(φ0) ajustant le mieux les données expé-

rimentales en fonction de φ0. (b) A(φ0) en fonction de sa valeur théorique calculée

d’après (V.5). Les pointillés correspondent à A(φ0)=A(φ0)th

est possible d’ajuster de manière satisfaisante la courbe expérimentale δ/L vs ℓ − ℓα (comme sur la figureV.7b). Par ailleurs, on peut s’intéresser à la valeur de A(φ0) qui

ajuste le mieux chaque courbe expérimentale (voir figureV.8a). La remarque que l’on peut faire est que l’on s’attendrait à ce que A ne dépende que de la compacité φ0; or

on n’obtient pas les mêmes valeurs pour les séries d’expériences à L = 3 cm et à L = 4 cm. Pour être plus précis, nous traçons les valeurs de A obtenues en fonction de leur valeur théorique que nous calculons à partir de l’équation (V.5). Il n’y a pas égalité entre la valeur ajustée et la valeur théorique ; cependant, nous avons le bon ordre de grandeur puisque le rapport entre les deux est au mieux égal à 2.5 et au pire égal à 10. L’écart entre A(φ0) ajusté et A(φ0)thn’est pas étonnant compte tenu des extrèmes

simplifications du modèle. Nous avons d’abord considéré que le cluster de grains était une zone homogène et bien délimitée à la compacité de blocage φc. D’autre part, nous

avons pris φc = 83.56% et il y a une incertitude sur cette valeur qui peut conduire à

des variations très importantes sur A(φ0) ≈ φc−1φ0.

Nous supposons également que la largeur du cluster est égale à δ et que ses limites latérales sont parallèles à l’axe y ; en réalité le cluster a plutôt une forme de cône mais ne connaissant pas l’angle de ce cône, nous avons choisi de simplifier le modèle. Enfin, nous avons fait un bilan de forces sur le cluster en équilibrant la force de rappel élastique de la fibre sur les grains à la force de frottement que la paroi basale en verre exerce sur le cluster ; nous avons donc négligé la friction sur le pourtour du cluster avec les grains extérieurs.