• Aucun résultat trouvé

Densité latérale au voisinage de la fibre

III.1 Compacité granulaire

III.1.2 Densité latérale au voisinage de la fibre

Nous souhaitons à présent nous intéresser au comportement des grains qui sont proches de l’intrus. La méthode de calcul de la compacité locale du milieu granulaire décrite précédemment est peu satisfaisante si l’on s’intéresse à des zones proches de parois solides ou de l’intrus. Nous avons mis au point une autre méthode, inspirée de celle de coarse graining mais adaptée pour calculer la densité des grains le long de l’intrus, à gauche ou à droite de celui-ci.

a Méthode de calcul

Le principe de cette méthode de calcul est illustré sur la figure III.4. On définit deux zones qui sont localisées le long de l’intrus, l’une à gauche et l’autre à droite de celui-ci et situées à une distance inférieure à un paramètre rcut qui est, de même que

44 Chapitre III. Réorganisation du milieu granulaire

Figure III.2 – Cartes de densités calculées sur une grille de pas 0.5 d2 avec un pa-

ramètre de coarse-graining σ = 1 d2. Les 4 cartes correspondent à une expérience où

L = 3 cm et φ0 = 80.94%. On exclut une bande d’une largeur de 4 d2 au niveau

des bords de l’image pour éviter que les zones de calcul de la densité coarse-grainée ne sortent de l’image. En haut à gauche se trouve la carte de densité initiale (soit ℓ = 0) et l’image du granulaire correspondante. En haut à droite, on est dans le régime de petites fluctuations (ℓ = 13.3 d2). En bas à gauche dans celui de basculement (ℓ = 21.7 d2).

III.1. Compacité granulaire 45

FigureIII.3 – Évolution de la compacité moyenne du milieu granulaire φcelluleloin de

l’intrus pour une expérience (avec L = 3 cm et φ0= 80.94%) en fonction de ℓ pour un

paramètre de coarse-graining σ = 1 d2. φerr correspond à l’erreur type de la moyenne.

inférieure horizontale correspondant à la localisation du porte-fibre. Pour éviter une coupure brutale à l’extrémité libre de la fibre, chaque zone est prolongée par un quart de cercle ayant pour centre cette extrémité et pour rayon rcut.

Pour chaque grain i de l’image dont le centre a pour coordonnées Xi, nous déter- minons quel est le point le plus proche m appartenant à la fibre (de coordonnée Xm, voir schéma de la figureIII.4a) puis nous calculons le produit vectorielX−−mXi×tm

−→

tm est le vecteur tangent à la fibre en m. Le signe de ce produit vectoriel nous indique

si le grain est situé à gauche ou à droite de la fibre (il est négatif pour un grain situé à gauche et positif pour un grain situé à droite). La norme du vecteur X−−mXi est la

distance entre le grain i et la fibre ; nous la noterons di. En s’inspirant de la méthode

de coarse-graining, la compacité le long de la fibre à gauche de celle-ci φlat,g s’écrit :

φlat,g = 1 α′ X di<rcut,i∈g Ai.exp(− d2 i σ2) (III.2)

où i ∈ g correspond aux grains situés à gauche ; Ai l’aire du grain i ; σ est toujours

le paramètre de coarse-graining ; rcut sera pris égal à 4σ comme précédemment. La

même somme sur les grains situés à droite nous permet de calculer la compacité φlat,d

à droite de la fibre.

Constante de normalisation αLa constante de normalisation αpeut être dé-

composée en deux parties α= α

1+ α′2 où α′1 correspond à la contribution de la zone

le long de la fibre et α

2 la contribution du quart de cercle. α′2 vaut donc simplement

46 Chapitre III. Réorganisation du milieu granulaire

(a)

(b)

FigureIII.4 – (a) Schéma des zones dans laquelle sont calculées les densités latérales

φ+ et φet définition du paramètre de coarse-graining σ. (b) Définition de la zone

infinitésimale servant pour le calcul du paramètre de normalisation de la densité α1

de l’expression (III.3). α′ 2 = π.σ2 4 1 − exp(− rcut2 σ2 ) ! Le calcul de α

1 est plus compliqué car il faut estimer l’intégrale suivante le long de

la fibre dont le profil évolue au cours du temps :

α′ 1 = L Z s=0 rcut Z ξ=0 exp(−ξ2 σ2)dξ ds(III.3)

où dξ.dsest l’aire infinitésimale située à une distance ξ de l’intrus et représentée

sur la figureIII.4b. La longueur infinitésimale dspeut s’exprimer en fonction de l’in-

crément d’abscisse curviligne le long de l’intrus ds et du rayon de courbure local de l’intrus R(s) comme (voir schéma III.4b) :

ds= ξ + R(s)

R(s) ds = (1 + ξ.C(s)) ds

où C(s) = 1/R(s) est la courbure locale. Notons que cette relation est aussi bien valable dans le cas d’une fibre convexe comme sur l’exemple de la figure III.4b que pour une fibre concave à condition de prendre C(s) < 0. En effectuant le changement de variable de sen s, on a alors : α′ 1= rcut Z ξ=0 L Z s=0 (1 + ξ.C(s)) exp(−ξ2 σ2)dξ ds soit

III.1. Compacité granulaire 47 α′ 1= π 2 erf ( rcut σ ) + 2 2 1 − exp(− r2cut σ2 ) ! 1 L L Z s=0 C(s)ds (III.4)

On remarque que cette expression fait intervenir la courbure moyenne de la fibre

< C >= L1 RL

s=0

C(s)ds que nous avons dû déterminer. Il a été possible de la calculer

puisque nous avons relevé le profil de la fibre (déformée) pour chaque image. Cette déformée y(x) est alors approximée par un polynôme d’ordre 4 (yf it4= p4x4+ p3x3+

p2x2+ p1x + p0). Par la suite, on a : < C >= 1 L L Z s=0 C(s)ds = 1 L x(L) Z x=0 C(x)q1 + y(x)2dx Or C(x) = y′′(x) (1+y(x)2)3/2 D’où : < C >= 1 L L Z s=0 C(s)ds = 1 L x(L) Z x=0 y′′(x) (1 + y(x)2)dx (III.5)

La détermination de yf it4 nous donne une approximation de y′′(x) (voir figure

III.5a) et de y(x) ce qui nous permet d’estimer la courbure grâce à l’expression (III.5).

L’évolution de la valeur moyenne de la courbure < C > pour une expérience (avec

L = 3 cm, φ0 = 80.94% et t = 350 µm) est présentée en figure III.5b. On remarque

que < C > commence par fluctuer autour de 0 avant d’évoluer de manière régulière puis de saturer vers des valeurs proches de 1/L avec d’importantes fluctuations. Autrement dit, les 3 régimes de déflexions sont également caractérisés par cette courbure moyenne. Une fois la courbure moyenne de la fibre déterminée, on peut l’injecter dans l’ex- pression (III.4) pour déterminer la constante de normalisation α

1. Nous avons alors

tous les ingrédients nécessaires au calcul de φlat selon l’expression (III.2).

Le fait d’utiliser une méthode inspirée du coarse-graining nous permet de limiter les discontinuités de compacité lorsque des grains entrent ou sortent de la zone de calcul. Cependant, au vu de la manière dont nous définissons cette zone de calcul, il reste deux endroits où ces effets d’entrée et de sortie des grains peuvent être non négligeables : d’une part au niveau du porte-fibre où la zone est coupée de manière brute et sans lissage du fait que l’on ne peut pas détecter les grains passant sous le porte-fibres et d’autre part au niveau de la limite entre la zone gauche et la zone droite au bout de l’extrémité libre de la fibre.

b Évolution de la densité latérale pour une expérience unique

A l’aide de la méthode décrite précédemment, on est donc capable de calculer la densité de grains le long de l’intrus soit à gauche, soit à droite de celui-ci. Pour les expériences où l’intrus finit par se défléchir vers la droite lors du régime de basculement, nous notons φ+ la compacité du côté gauche et φ− la compacité du côté droit. Ces

48 Chapitre III. Réorganisation du milieu granulaire

(a) (b)

Figure III.5 – (a) Profil d’une fibre de longueur L = 3 cm issu d’une expérience (en noir) et ajustement local par un polynôme d’ordre 4 (en rouge). (b) Evolution de la courbure moyenne adimensionnée par 1/L en fonction de l’avancée de la fibre ℓ.

de φ+ et de φ− pour une expérience typique est représentée en figure III.6. Dans un

premier temps, les deux quantités φ+ et φ− oscillent autour d’une valeur de 60% puis

on observe que φdécroît jusqu’à s’annuler alors que φ+ semble rester constant. φ+ a

une valeur inférieure à la compacité moyenne macroscopique du milieu granulaire qui est de φ = 80.94%. Cela est dû à la fibre qui joue un rôle de paroi le long de laquelle les grains ne peuvent s’arranger de manière compacte. Le fait que φ− décroisse jusqu’à

s’annuler indique qu’une cavité se forme au cours de la déflexion de l’intrus et que celle-ci se trouve du côté vers lequel la fibre se défléchit.

La figure III.7correspond à la superposition des évolutions de φ+(figure III.7a) et

φ− (figure III.7b) pour 4 expériences avec les même conditions expérimentales (L =

3 cm et φ = 80.94%). φ+ évolue autour de 60% en début d’expérience et augmente en

fait légèrement et vaut plutôt 70% en fin d’expérience. Cela est dû à la préparation du milieu granulaire que nous effectuons dans laquelle les grains sont initialement écartés de la fibre. D’autre part, on observe que la décroissance de φ−commence à des moments

différents pour les 4 expériences et que les différentes courbes sont décalées les unes par rapport aux autres. Ce comportement est à comparer à celui de la déflexion latérale δ et est dû au fait que le régime de basculement de la fibre commence à des moments différents.

c Moyennage des densités latérales

Afin de moyenner les évolutions des densités latérales φ+ et φ−, il est nécessaire de

prendre en compte le fait que les décroissances de φ− sont décalées entre les différentes

expériences comme discuté précédemment. L’évolution de φ− étant corrélée à celle de

δ, nous avons choisi d’utiliser le même critère ℓα basé sur le moment où δ atteint la

moitié de son maximum. La figureIII.8 correspond à l’évolution de φ+ et φ− pour 10

expériences avec les mêmes conditions expérimentales (L = 3 cm et φ = 80.94%) mais représentée cette fois en fonction de (ℓ − ℓα)/d2, ℓα étant propre à chaque expérience.

On peut remarquer que les décroissances de φ− sont désormais simultanées, ce qui

III.1. Compacité granulaire 49

Figure III.6 – Densités latérales φ+ du côté opposé à celui vers lequel l’intrus se

défléchit et φen fonction de l’avancée ℓ pour une expérience avec L = 3 cm et

φ = 80.94%. Le paramètre de coarse-graining vaut σ = 1 d.

(a) (b)

Figure III.7 – (a) φ+ en fonction de l’avancée ℓ pour 4 expériences avec les mêmes

conditions expérimentales (L = 3 cm et φ = 80.94%). (b) φen fonction de ℓ pour les

50 Chapitre III. Réorganisation du milieu granulaire

(a) (b)

Figure III.8 – (a) φ+ en fonction de (ℓ − ℓα)/d2 pour 10 expériences avec les mêmes

conditions expérimentales (L = 3 cm et φ = 80.94%). (b) φen fonction de (ℓ−ℓα)/d2

pour les 10 mêmes expériences.

10 courbes de la figure III.8 puis effectué un lissage de cette moyenne sur des fenêtres de 10 points. On obtient les deux courbes de la figureIII.9. L’augmentation de φ+ en

début de parcours est bien plus visible sur cette courbe moyennée. Le résultat essentiel est qu’à partir d’une certaine avancée de l’intrus, on obtient une différence de compacité entre les deux côtés de l’intrus.

Influence du paramètre de coarse graining σ. Les courbes étudiées précédem- ment ont été obtenues pour une valeur de paramètre de coarse-graining fixée à σ = 1 d2.

La figureIII.10indique comment évolue φ+et φ−lorsque l’on augmente ce paramètre.

On observe que φ+ comme φaugmentent avec σ mais que l’allure des évolutions est

la même. Lorsque σ augmente, on prend en compte un plus grand nombre de grains dans le bulk c’est à dire dans le cœur de la surface considérée. Ainsi, le rapport entre le nombre de grains comptés qui sont dans le bulk et ceux qui sont en contact avec la fibre augmente. L’impact de l’effet de paroi dû à la fibre est alors diminué et la compacité se rapproche de sa valeur moyenne macroscopique imposée qui est de 80.94%. D’ailleurs la valeur initiale de φ+ et de φdevrait tendre vers φ0 pour de grandes valeurs de σ.

On remarque que pour σ > d2, φ+ peut prendre des valeurs supérieures à φ0, ce qui

indique que le milieu granulaire s’est compacté à proximité de l’intrus du côté opposé à la cavité. Le fait que l’on ait une compaction d’un côté et la formation d’une cavité de l’autre permet de satisfaire la condition de conservation du nombre de grains qui impose que la compacité moyenne macroscopique reste constante (et égale à φ0).

Étant donné que la valeur σ ne modifie pas l’allure des évolutions des compacités, le choix de σ n’est pas primordial. Cependant, il est préférable que σ soit au moins égal à 1 pour que l’on effectue le calcul sur un nombre de grains suffisamment important. Nous avons choisi de prendre σ = 1 d2 pour nous focaliser sur les événements ayant

III.1. Compacité granulaire 51

Figure III.9 – Moyenne glissante sur des fenêtres de 10 points de φ+ et φ− sur 10

expériences correspondant à L = 3 cm et φ = 80.94%

(a) (b)

FigureIII.10 – (a) Moyenne glissante sur des fenêtres de 10 points de φ+ pour trois

valeurs du paramètre de coarse-graining σ. (b) Moyenne glissante sur des fenêtres de 10 points de φpour trois valeurs du paramètre de coarse-graining σ.

52 Chapitre III. Réorganisation du milieu granulaire

(a) (b)

Figure III.11 – (a) Moyenne glissante sur des fenêtres de 10 points de φ+ pour des

expériences où φ varie pour une longueur de fibre fixée (L = 25mm). (b) Mêmes courbes pour φ−.

d Influence des paramètres de contrôle L et φ

Le travail décrit dans la partie précédente peut être réalisé sur d’autres séries d’expériences pour d’autres valeurs des paramètres de contrôle. Sur la figure III.11, nous avons tracé les évolutions des moyennes de φ+et φ−pour des séries d’expériences

où L est constant et égal à 25 mm mais où φ0varie. On peut observer que l’évolution de

φ+ est quasiment la même sur les 4 séries d’expériences si on excepte la valeur initiale

qui est assez peu reproductible à cause de la préparation. En ce qui concerne φ−, la

décroissance est de plus en plus retardée lorsqu’on augmente φ0. L’explication que l’on

peut en donner est que lorsque l’on se rapproche du jamming, l’aire libre disponible (somme des aires des pores entre grains) diminue et qu’il est de plus en plus difficile de créer une cavité en aval de la fibre.

Sur la figure III.12, cette fois-ci φ0 est fixe et c’est la longueur L qui varie. En

ce qui concerne φ+ on a de nouveau une variabilité importante de la valeur initiale à

cause de la préparation mais on tend vers la même valeur en fin d’expérience. Cela indique que la manière dont se réorganisent les grains du côté opposé à la cavité est la même quelles que soient la longueur et la compacité initiale. Pour L = 5 cm, les résultats concernant φ− sont moins exploitables car les expériences s’arrêtent trop tôt

à cause de problèmes de déflexion hors plan de la fibre. En ce qui concerne les autres longueurs, la décroissance de la courbe à L = 4 cm est en retard par rapport au deux autres. Si on reprend l’argument d’aire libre, plus L est grand, plus l’aire de la cavité que l’on doit créer est grande et plus il est difficile de la former.

e Discussion

L’étude de l’évolution de la compacité latérale de part et d’autre de la fibre nous a permis de mettre en avant un certain nombre de comportements du milieu granulaire. Premièrement, nous avons mis en évidence une brisure de symétrie de la densité qui correspond à la transition entre régimes de petites fluctuations et de basculement. Ainsi, la différence de densité entre les deux côtés de la fibre est un bon paramètre