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1.1 Objectifs et contraintes

Comme nous l’avons vu pr´ec´edemment, l’objectif principal de ce travail est l’in-troduction d’un ph´enom`ene non-lin´eaire au sein d’une petite r´egion d’un mod`ele ´el´ements finis ´elastique lin´eaire et sa prise en compte de mani`ere non-intrusive et exacte ; nous nous int´eressons tout particuli`erement au cas de la plasticit´e locale, bien que ce cadre ne soit pas limitatif.

Plus pr´ecis´ement, nous consid´erons la situation suivante : nous disposons d’un mod`ele ´el´ements finis d’une structure complexe, r´ealis´e au moyen d’un logiciel de calcul g´en´eraliste du commerce, et faisant intervenir un jeu de donn´ees (maillage, chargements, relation de comportement...) tr`es lourd. Une premi`ere analyse grossi`ere a montr´e que la quasi-totalit´e de la structure conserve un comportement ´elastique lin´eaire et que les non-lin´earit´es g´eom´etriques ont un effet n´egligeable, mais qu’une petite partie de la structure est susceptible d’entrer en plasticit´e ; toutefois, le mod`ele ´etant de taille cons´equente, une analyse non-lin´eaire de toute la structure s’av´ererait trop coˆuteuse. En outre, la zone plastique peut se situer au voisinage de d´etails struc-turaux non repr´esent´es dans le maillage pour des raisons pratiques, mais susceptibles d’influer notablement sur la solution locale. Le choix est donc fait d’analyser la struc-ture en ´elasticit´e lin´eaire, puis de traiter s´epar´ement les non-lin´earit´es locales.

Afin de pouvoir traiter une telle situation, il est n´ecessaire de rendre compte de l’effet des trois modifications suivantes sur la r´eponse de la structure :

– modification de la relation de comportement (remplacement d’une loi ´elastique lin´eaire par une loi ´elasto-plastique non-lin´eaire) ;

– modification du maillage (le plus souvent un raffinement) ;

– modification de la g´eom´etrie (ajout de trous, de fissures, de cong´es, de d´etails d’une liaison...).

en supposant que ces modifications sont localis´ees, c’est-`a-dire qu’elles se pro-duisent toutes au sein d’une petite partie de la structure, dite zone d’int´erˆet.

Une classe d’approches permettant de traiter ce probl`eme avec les outils du monde industriel est celle des approches descendantes ´evoqu´ees en introduction et d´ecrites au chapitre pr´ec´edent ; cependant, nous avons vu que ces techniques peuvent

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introduire d’importantes erreurs dans le cas de non-lin´earit´es locales, et nous mon-trerons une illustration d´etaill´ee de ce point au Chapitre 6. Nous nous proposons donc de mettre au point une technique d’analyse utilisable lorsque les approches descendantes ´echouent — ou permettant tout simplement d’en tester la validit´e.

Pour ce faire, la technique doit satisfaire `a un certain nombre d’exigences, que nous d´etaillons maintenant.

 Approche exacte

La premi`ere exigence que nous nous imposons est que l’approche doit ˆetre exacte, c’est-`a-dire que le traitement local s´epar´e de la non-lin´earit´e (et des ´eventuels d´etails structuraux) ne doit pas introduire d’erreur. Autrement dit, l’approche doit donner la solution exacte du probl`eme global incluant les non-lin´earit´es — ou, plus exactement, elle doit permettre de s’en approcher aussi pr`es que voulu, puisque la r´esolution se fait en pratique de mani`ere it´erative.

 Approche non-intrusive

La seconde exigence essentielle est que l’approche doit ˆetre non-intrusive, ce qui regroupe en pratique deux aspects diff´erents mais compl´ementaires :

– Non-intrusive par rapport au solveur : les calculs doivent pouvoir ˆetre ef-fectu´es `a l’aide d’un logiciel ´el´ements finis g´en´eraliste du commerce. Cela implique notamment que tous les probl`emes discrets `a r´esoudre soient des probl`emes ´el´ements finis traditionnels, que leurs donn´ees soient des entr´ees et sorties standard, et que leur r´esolution puisse ˆetre men´ee par les techniques habituelles. Les d´eveloppements externes sont ainsi r´eduits au minimum. – Non-intrusive par rapport aux mod`eles : la m´ethode ne doit n´ecessiter aucune

modification des maillages, relations de comportement, conditions aux limites ou chargements d´efinissant le mod`ele global. Les calculs globaux doivent ainsi se limiter `a la prescription de chargements suppl´ementaires, permettant si possible de conserver la matrice de rigidit´e globale et d’en r´eutiliser la factori-sation. On ´evite ainsi de lourdes modifications des jeux de donn´ees existants. Concernant ce dernier point, nous pouvons mˆeme aller plus loin : nous verrons aux Chapitres 5 et 6 que, partant d’un jeu de donn´ees con¸cu pour une analyse descendante (submodeling), notre strat´egie peut ˆetre mise en œuvre avec tr`es peu de modifications.

 Optimisation des performances

Enfin, une derni`ere exigence est que l’approche atteigne un niveau de perfor-mance raisonnable, de sorte `a pouvoir traiter des probl`emes pour lesquels une analyse non-lin´eaire compl`ete serait trop coˆuteuse. Naturellement, le niveau de performance attendu n’est pas celui d’une strat´egie d´edi´ee, qui ne serait pas soumise aux exigences ci-dessus ; la prise en compte des non-lin´earit´es locales et de leur effet sur toute la structure doit n´eanmoins ˆetre r´ealis´ee de la fa¸con la plus efficace possible. Ce point passe notamment par la minimisation du nombre d’appels au solveur global et, pour

ce faire, par un traitement pertinent de la non-lin´earit´e locale et de ses ´eventuels effets globaux.

1.2 Points cl´es de la d´emarche

Pour r´epondre `a ces objectifs, la strat´egie ´etudi´ee repose sur trois points cl´es, r´esum´es sur la Figure 2.1. Premi`erement, les calculs sont r´ealis´es sur deux mod`eles ´el´ements finis : un mod`ele global ´elastique lin´eaire repr´esentant la struc-ture enti`ere, et un mod`ele local ´elastoplastique (donc non-lin´eaire) repr´esentant la zone d’int´erˆet seule. Le mod`ele local est d´efini `a l’issue d’un premier calcul global ´elastique, `a l’aide d’un indicateur d’erreur en mod`ele a posteriori qui d´epend de la re-lation de comportement non-lin´eaire `a introduire ; sa d´efinition peut ´egalement faire intervenir des connaissances a priori sur la localisation de la zone plastique. En outre, il peut ˆetre utilis´e pour introduire des d´etails ou des modifications g´eom´etriques (trous, fissures, h´et´erog´en´eit´es...) absents du mod`ele global. Il peut enfin ˆetre trait´e `a l’aide d’un code m´etier diff´erent du logiciel utilis´e pour l’analyse globale, et ˆetre agrandi de mani`ere adaptative en cas de croissance de la zone plastique, bien que ce ne soit pas le cas des exemples ´etudi´es dans cette th`ese.

Deuxi`emement, le mod`ele local a pour vocation de remplacer — et non d’ en-richir ou de raffiner— une partie du mod`ele global. En d’autres termes, le recouvrement des deux mod`eles n’est pas utilis´e, sauf sur la fronti`ere d´elimitant la zone d’int´erˆet ; la repr´esentation globale de cette derni`ere n’est pas consid´er´ee comme une repr´esentation grossi`ere que l’on cherche `a enrichir, mais comme une repr´esentation inexacte que l’on cherche `a remplacer. Ce point de vue, qui diff`ere de la plupart des strat´egies multi-´echelles actuelles, conduit `a d´efinir la solution globale/locale sGL par substitution :

sGL = 

sL dans la zone d’int´erˆet

sG ailleurs

o`u sL et sG d´esignent respectivement les solutions locale et globale. Nous verrons par la suite que ce choix joue un rˆole essentiel dans la flexibilit´e et les performances de la m´ethode.

Enfin, les deux mod`eles sont coupl´es `a l’aide d’une technique d’´echange it´ e-rative, raccordant le mod`ele local avec la zone valide du mod`ele global. Les ´echanges sont initialis´es `a l’aide de la solution globale ´elastique servant `a d´efinir le mod`ele local ; par la suite, chaque it´eration comprend trois ´etapes :

1. Analyse locale. Un calcul non-lin´eaire est men´e sur le mod`ele local, pilot´e par une condition aux limites faisant intervenir la solution globale courante ; 2. Calcul du r´esidu. Un r´esidu mesurant le d´es´equilibre des efforts et/ou la

discontinuit´e des d´eplacements entre les deux mod`eles est calcul´e. Ce r´esidu prend la forme d’un second membre ´el´ements finis traditionnel ; si sa norme est suffisamment faible, les it´erations sont stopp´ees ;

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3. Correction globale. Autrement, le r´esidu est inject´e dans le mod`ele global en tant que chargement suppl´ementaire, afin de tenir compte de l’influence des d´etails locaux sur la solution globale. La relation de comportement et les conditions aux limites du probl`eme global ne sont pas modifi´es. Des techniques d’acc´el´eration de la convergence peuvent ˆetre mises en œuvre `a cette ´etape ; la solution globale est ensuite mise `a jour et le proc´ed´e est r´ep´et´e.

Condition

aux limites Résidu

converge vers la solution de Global élastique linéaire Local élasto-plastique non-linéaire

Figure 2.1: Sch´ema de principe de la strat´egie ´etudi´ee.

Une propri´et´e essentielle de ce mode op´eratoire est que si la solution globale/locale sGL converge, alors elle converge forc´ement vers la solution de r´ef´erence, ie. la so-lution que l’on obtiendrait en substituant r´eellement le mod`ele local au sein du mod`ele global et en r´esolvant le probl`eme non-lin´eaire ainsi obtenu. Ceci assure le caract`ere exact de la m´ethode, puisque l’erreur introduite par la d´ecomposition globale/locale peut ˆetre amen´ee `a un niveau aussi faible que voulu ; le caract`ere non-intrusif est quant `a lui garanti par le fait que toutes les analyses sont des calculs par ´el´ements finis standard, que les mod`eles ne sont jamais modifi´es et que les ´echanges ne font intervenir que des quantit´es accessibles dans la plupart des logiciels ´el´ements finis g´en´eralistes (d´eplacements et efforts nodaux).

En pratique, deux variantes importantes de la m´ethode peuvent ˆetre distingu´ees, selon le type de la condition aux limites utilis´ee pour piloter l’analyse locale (´etape 1). Le choix le plus simple est d’imposer la continuit´e des d´eplacements entre les deux mod`eles ; cette variante est nomm´ee approche en d´eplacement ou, par analogie avec le vocabulaire des m´ethodes de d´ecomposition de domaine, approche primale. Un autre choix, plus complexe `a mettre en œuvre mais menant `a des performances sup´erieures, est de n’imposer ni la continuit´e des d´eplacements ni l’´equilibre des efforts, mais une combinaison lin´eaire des deux (condition de Robin) : cette variante est nomm´ee approche mixte.

Le reste du chapitre est organis´e comme suit. Dans la Section 2, nous pr´esentons une formulation g´en´erale, au niveau continu, de la m´ethode. Dans la Section 3, nous transposons cette formulation au niveau discret dans le cas des ´el´ements finis tradi-tionnels, et mettons en ´evidence quelques propri´et´es de la m´ethode. Enfin, la Section 4 donne quelques ´el´ements de comparaison avec d’autres approches existantes.