2 Formulation continue
2.2 D´ ecomposition globale/locale
F ǫ(u), X
K : ǫ(u) dans Ωdans ΩIC (2.2) u= ud sur ∂1Ω (2.3) σ· n = Fd sur ∂2Ω (2.4) o`u U et S d´esignent les espaces respectifs des champs de d´eplacement et de contrainte r´eguliers ; F d´esigne formellement la relation de comportement ´elasto-plastique sous forme incr´ementale avec les variables internes X ; ǫ(u) d´esigne la partie sym´etrique du gradient de u ; K d´esigne le tenseur de Hooke, et n d´esigne le vecteur normal unitaire sortant.
2.2 D´ecomposition globale/locale
2.2.1 Substitution des solutions
Afin de r´esoudre le probl`eme ci-dessus, nous nous proposons d’utiliser deux mod`eles : un mod`ele global repr´esentant toute la structure mais susceptible d’ˆetre inexact dans ΩI, et un mod`ele local repr´esentant ΩI de mani`ere exacte. Comme nous l’avons indiqu´e pr´ec´edemment, la solution s = (u, σ) du probl`eme est cherch´ee sous la forme d’une substitution de la solution locale au sein de la solution globale, c’est-`a-dire que l’on pose :
s(x) =
sL(x) si x ∈ ΩI
sG(x) si x ∈ ΩC (2.5)
o`u les exposants L et G d´esignent respectivement des quantit´es appartenant au mod`ele local, et au mod`ele global. Nous ne faisons pour l’instant aucune hypoth`ese sur la discr´etisation ou sur la nature des mod`eles.
2.2.2 R´e´ecriture du probl`eme de r´ef´erence
La formulation globale/locale consiste simplement `a introduire la d´ecomposition par substitution (2.5) dans les ´equations du probl`eme de r´ef´erence (2.1–2.4). On obtient ainsi les trois groupes d’´equations suivants :
– La solution locale doit ˆetre r´eguli`ere et v´erifier toutes les ´equations s’appli-quant `a l’int´erieur de ΩI et sur ∂Ω ∩ ΩI :
div σL+ fd = 0 dans ΩI σL= F ǫ(uL), X dans ΩI uL = ud sur ∂1ΩI σL· n = Fd sur ∂2ΩI
o`u ∂1ΩI = ∂1Ω∩ΩI et ∂2ΩI = ∂2Ω∩ΩI. En notant UAd
I l’espace des champs de d´eplacement cin´ematiquement admissibles sur ΩI (ie. r´eguliers et ´egaux `a ud sur ∂1ΩI) et UIAd,0 l’espace vectoriel associ´e, ce groupe d’´equations se r´e´ecrit sous la forme faible suivante :
uL∈ UIAd ∀v∗ ∈ UIAd,0, Z ΩI TrhσLǫ v∗idΩ = Z ΩI f d· v∗dΩ + Z ∂2ΩI Fd· v∗dΓ + Z Γ σL nI· v∗dΓ σL = Fǫ(uL), X (2.6)
o`u l’indice I de nI indique que la normale est sortante par rapport `a ΩI. Γ d´esigne la fronti`ere d´elimitant ΩI et ΩC et sera appel´ee interface dans la suite de ce document, l`a encore par analogie avec les m´ethodes de d´ecomposition de domaine.
– De mˆeme, la solution globale doit ˆetre r´eguli`ere et v´erifier toutes les ´equations s’appliquant `a l’int´erieur de ΩC et sur ∂Ω ∩ ΩC :
div σG+ fd = 0 dans ΩC σG = K : ǫ(uG) dans ΩC uG= ud sur ∂1ΩC σG· n = Fd sur ∂2ΩC
o`u ∂1ΩC = ∂1Ω ∩ ΩC et ∂2ΩC = ∂2Ω ∩ ΩC. De mˆeme que pr´ec´edemment, en notant UAd
C l’espace des champs de d´eplacement dont la restriction `a ΩC est cin´ematiquement admissible et UCAd,0 l’espace vectoriel associ´e, ce groupe d’´equations se r´e´ecrit sous la forme faible suivante :
uG ∈ UCAd ∀v∗ ∈ UCAd,0, Z ΩC TrhσGǫ v∗idΩ = Z ΩC f d· v∗dΩ + Z ∂2ΩC Fd· v∗dΓ + Z Γ σGC nC · v∗dΓ σG = K : ǫ(uG) (2.7)
o`u l’indice C de nC indique que la normale est sortante par rapport `a ΩC. La notation σG
C est quant `a elle employ´ee pour pr´eciser que la contrainte globale doit ˆetre consid´er´ee du cˆot´e de l’interface correspondant `a ΩC; cette pr´ecision est n´ecessaire car nous verrons par la suite que l’algorithme de r´esolution employ´e rend la contrainte globale discontinue `a la travers´ee de l’interface.
Formulation continue 65
– Enfin, la r´egularit´e de la solution d´efinie par (2.5) entraˆıne des conditions de raccord sur l’interface, `a savoir la continuit´e des d´eplacements :
uL = uG sur Γ (2.8)
et l’absence de chargement surfacique concentr´e sur l’interface1entraˆıne l’´equilibre des efforts d’interface, ie. des contraintes normales :
σLnI+ σG
CnC = 0 sur Γ
En introduisant UΓAd,0, l’espace des champs de d´eplacement r´eguliers sur Γ s’annulant sur Γ ∩ ∂1Ω (si une telle r´egion existe), cette derni`ere ´equation se r´e´ecrit de la mani`ere suivante :
∀v∗ ∈ UΓAd,0, Z
Γ
σLnI+ σGCnC· v∗dΓ = 0 (2.9) La formulation globale/locale du probl`eme est d´efinie par les ´equations (2.6) `a (2.9). On a la propri´et´e suivante :
Propri´et´e 1. Compte tenu de la d´ecomposition par substitution (2.5), la formulation globale/locale (2.6)–(2.9) est ´equivalente au probl`eme de d´epart (2.1)–(2.4).
D´emonstration. Nous venons de montrer que compte tenu de (2.5), le probl`eme de d´epart entraˆıne la formulation globale/locale. Pour montrer la r´eciproque, on commence par constater que UIAd,0 et UCAd,0 ont tous deux une trace sur Γ ´egale `a UΓAd,0. Compte tenu de ce fait, en additionnant les deux ´equations d’´equilibre dans (2.6) et (2.7) et en choisissant un champ test v∗ ≪admissible `a z´ero≫ sur toute la structure et continu sur Γ, les int´egrales sur Γ s’annulent grˆace `a (2.9) ; en utilisant la d´efinition (2.5) de la solution et en remarquant que le champ de d´eplacement ainsi reconstruit est r´egulier grˆace `a (2.8), on obtient donc la forme faible habituelle du probl`eme de d´epart, ce qui termine la preuve.
Dans tout ce qui suit, l’espace des solutions locales sL= (uL, σL) v´erifiant (2.6) sera not´e AdI, et une telle solution sera dite admissible dans la zone d’int´erˆet ; de mˆeme, l’espace des solutions globales sG = (uG, σG) v´erifiant (2.7) sera not´e AdC, et une telle solution sera dite admissible dans la zone compl´ementaire.
On peut donc r´esumer la formulation globale/locale de la mani`ere suivante : trouver (uL, σL) ∈ AdI et (uG, σG) ∈ AdC v´erifiant les conditions de raccord sur l’interface (2.8) et (2.9).
1. Ce cadre n’est pas limitatif ; si le probl`eme de d´epart contenait un tel chargement, on pourrait d´eduire des propri´et´es analogues, avec une ´ecriture plus complexe.
2.2.3 Remarque sur la d´efinition des deux mod`eles
Dans les faits, pour que le raisonnement pr´ec´edent soit valide, il est n´ecessaire que la continuit´e des d´eplacements (2.8) puisse ˆetre appliqu´ee exactement, ce qui signifie en pratique que les deux discr´etisations doivent ˆetre compatibles sur l’in-terface. Il s’agit cependant de la seule contrainte de compatibilit´e portant sur les mod`eles. En particulier, le mod`ele global n’est soumis `a aucune condition `a l’int´erieur de la zone d’int´erˆet ; aucune des ´equations portant sur cette zone ne concerne d’ailleurs la solution globale. Cela signifie que la d´efinition du mod`ele global en dehors de la zone compl´ementaire est compl`etement libre — ou, ce qui revient au mˆeme, que le mod`ele local peut servir `a introduire n’importe quels types de modifications dans la zone qu’il recouvre. Ainsi :
– les deux relations de comportement peuvent ˆetre diff´erentes (la plupart des exemples pr´esent´es ici comportent un mod`ele global ´elastique lin´eaire ho-mog`ene et un mod`ele local ´elasto-plastique, mais on pourrait ´egalement envi-sager d’ajouter d’autres types de non-lin´earit´es mat´erielles et/ou de modifier localement les propri´et´es ´elastiques du mat´eriau) ;
– les deux g´eom´etries peuvent ˆetre diff´erentes (le mod`ele local peut contenir des d´etails topologiques absents du mod`ele global) ; cela se traduit par le fait que le probl`eme global n’est pas forc´ement pos´e sur le mˆeme domaine Ω que le probl`eme de r´ef´erence, mais sur un domaine ΩG = ΩC ∪ ΩG
I o`u ΩG
I peut, en pratique, ˆetre quelconque ;
– enfin, le chargement et les conditions aux limites des deux repr´esentations de la zone d’int´erˆet peuvent, l`a encore, ˆetre diff´erents (il convient toutefois de s’assurer que le probl`eme global est bien pos´e).
La Figure 2.3 illustre une d´efinition possible du probl`eme de r´ef´erence et des deux mod`eles. Cette flexibilit´e est due en grande partie `a la formulation par substitution employ´ee (2.5) : en stipulant que le rˆole du mod`ele local est de remplacer, et non d’enrichir ou de raffiner, une partie du mod`ele global, une telle formulation ne cr´ee in-trins`equement aucune d´ependance entre les deux mod`eles au sein de la zone d’int´erˆet, et permet donc d’introduire de nombreuses modifications locales [Whitcomb, 1991]. Inversement, les approches bas´ees sur un enrichissement additif du mod`ele global ne permettent pas une telle ind´ependance — sauf lorsque des pr´ecautions sont prises pour que seul le mod`ele local puisse s’exprimer dans la zone `a modifier, que ce soit par l’utilisation de fonctions de pond´eration comme dans la m´ethode Arlequin [Ben Dhia, 1998] ou par l’´elimination directe des degr´es de libert´e globaux comme dans la m´ethode hp-d [D¨uster et al., 1999]. Remarquons que ces pr´ecautions reviennent g´en´eralement `a s’assurer que l’´energie m´ecanique est correctement partitionn´ee entre les deux mod`eles, ce que la relation (2.5) garantit.
En outre, un autre avantage de la formulation par substitution est de permettre un d´ecouplage du probl`eme en un sous-probl`eme non-lin´eaire mais portant sur une r´egion relativement petite (2.6), et un sous-probl`eme portant sur une grande par-tie de la structure mais lin´eaire (2.7). Ce d´ecouplage, qui n’est pas sans ´evoquer
Formulation continue 67 ! " !C ud Fd (a) Global ! " ud Fd (b) Local
Figure 2.3: Probl`emes global et local au niveau continu.
la ≪ s´eparation des difficult´es≫ de la m´ethode LaTIn [Ladev`eze, 1985], ouvre la voie `a un traitement local de la non-lin´earit´e susceptible d’ˆetre plus efficace en termes de coˆuts de calcul [Cresta et al., 2007; Pebrel et al., 2008] ; nous reviendrons ult´erieurement sur ce dernier point.
Pour clore cette partie, remarquons que (2.6) et (2.7) d´efinissent des sous-pro-bl`emes ind´ependants sur chacun des deux sous-domaines, mais mal pos´es car ils ne poss`edent pas de condition sur Γ ; les conditions de raccord (2.8) et (2.9) couplent les deux sous-probl`emes et, ce faisant, les rendent bien pos´es. Cette derni`ere remarque est `a la base de la technique de r´esolution propos´ee dans la partie suivante.