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Homog´ en´ eisation et m´ ethodes multi-niveaux

2 Approches m´ ecaniques multi-´ echelles

2.1 Homog´ en´ eisation et m´ ethodes multi-niveaux

Une premi`ere cat´egorie de m´ethodes multi-´echelles se base sur la th´eorie de l’homog´en´eisation, et particuli`erement de l’homog´en´eisation p´eriodique [Sanchez-Palencia, 1974]. Elle vise `a appliquer cette derni`ere au calcul multi-´echelles de grandes structures, et `a l’´etendre aux mat´eriaux non-lin´eaires, pour lesquels la d´efinition a priori d’une relation de comportement homog´en´eis´ee peut s’av´erer d´eli-cate . Une pr´esentation g´en´erale de ces techniques, dans le cadre d’une ´ecriture varia-tionnelle adapt´ee, est propos´ee dans [Terada et Kikuchi, 2001] ; deux d´eveloppements repr´esentatifs de ce domaine sont pr´esent´es ici.

2.1.1 M´ethode FE2

La m´ethode FE2, pour´el´ements finis sur deux niveaux, a ´et´e introduite dans [Feyel et Chaboche, 2000] pour simuler l’endommagement de structures en mat´eriaux composites `a fibres longues en analysant la d´ecoh´esion entre les fibres et la matrice `a l’´echelle du mat´eriau. Ce ph´enom`ene ´etant trop complexe pour ˆetre simplement

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int´egr´e au sein d’une relation de comportement homog´en´eis´ee, les auteurs d´efinissent le comportement macro du composite non pas `a l’aide d’une ´equation identifi´ee a priori, mais `a l’aide d’un calcul ´el´ements finis micro r´ealis´e directement sur une cellule repr´esentative du mat´eriau.

Ce dernier v´erifiant les hypoth`eses classiques de p´eriodicit´e et de rapport d’´echel-les tr`es ´elev´e, d’´echel-les outils de l’homog´en´eisation des milieux p´eriodiques sont utilis´es pour le passage d’une ´echelle `a l’autre. Ainsi, connaissant les champs de contraintes σL(x) et de d´eformations ǫL(x) locaux sur une cellule ω, les grandeurs globales homog´en´eis´ees σG et ǫG sont suppos´es constantes sur chaque cellule et sont obtenues en prenant la moyenne des quantit´es locales : de cette mani`ere,

σG= 1 ω

Z ω

σL(x)dΩ (1.20)

tandis que le passage r´eciproque des quantit´es globales aux quantit´es locales se fait en r´esolvant l’´equilibre de la cellule, en l’occurrence en cherchant le d´eplacement sous la forme suivante :

u(x) = v(x) + ǫGx (1.21)

o`u le premier terme v(x) est un champ inconnu p´eriodique sur la cellule.

Enfin, la structure est discr´etis´ee `a l’aide d’un maillage ´el´ements finis relative-ment grossier, et la proc´edure ci-dessus est substitu´ee `a l’appel de la relation de comportement — c’est-`a-dire qu’elle est r´ealis´ee en chaque point d’int´egration du maillage global. Le probl`eme global ´etant non-lin´eaire, il est classiquement trait´e par une m´ethode de Newton incluse au sein d’un sch´ema incr´emental ; chaque it´eration de Newton comprend alors les ´etapes suivantes :

– Etape globale. On r´esout le probl`eme global lin´earis´e KG∆uG = rG.

– Etape locale. A partir de ∆uG, on calcule l’incr´ement de d´eformation ∆ǫG en chaque point d’int´egration global, puis on effectue ce qui suit sur la cellule associ´ee :

– Localisation de ∆ǫG : on d´eduit de (1.21) les conditions aux limites `a imposer sur la cellule.

– R´esolution de l’´equilibre local : le probl`eme local non-lin´eaire est r´esolu `a l’aide d’une m´ethode de Newton classique (alternance de r´esolutions li-n´eaires et de boucles sur chaque point d’int´egration de la cellule). Puis, apr`es convergence, le comportement tangent de la cellule est estim´e par une technique de perturbations.

– Homog´en´eisation de ∆σL et du comportement : on calcule la con-trainte globale selon (1.20), et on construit le tenseur du comportement tangent homog´en´eis´e d∆σ

G

d∆ǫG `a l’aide des estimations pr´ec´edentes.

Les grandeurs homog´en´eis´ees (contrainte et comportement tangent) sont alors int´egr´ees num´eriquement pour former les matrices ´el´ementaires, qui sont en-suite assembl´ees.

Dans ce qui pr´ec`ede, la liste imbriqu´ee remplace l’appel de la relation de com-portement ; on doit ainsi manipuler un mod`ele ´el´ements finis local pour chaque point d’int´egration global, ce qui donne lieu `a des coˆuts de calcul et `a des ´echanges de donn´ees cons´equents. En pratique, l’approche est donc impl´ement´ee de fa¸con parall`ele, les calculs locaux ´etant compl`etement ind´ependants. Elle offre alors un moyen r´ealiste de traiter des probl`emes complexes qui seraient inaccessibles par des m´ethodes plus directes. En outre, elle se prˆete `a l’utilisation d’une cin´ematique glo-bale enrichie, `a l’aide de milieux continus g´en´eralis´es de type Cosserat ou second gradient, dans le cas o`u la repr´esentation macroscopique initiale s’av´ererait insuffi-sante [Feyel, 2003]. Cependant, la m´ethode FE2 poss`ede les mˆemes limitations que l’homog´en´eisation p´eriodique, dont elle est d´eriv´ee : elle n’est pertinente que si les effets de la microstructure sont bien d´ecoupl´es d’une cellule `a l’autre, c’est-`a-dire si les ´echelles sont bien s´epar´ees.

Dans le cas o`u les ´echelles sont localement mal s´epar´ees, une am´elioration pos-sible consiste `a introduire diff´erents niveaux de mod´elisation, de mani`ere adaptative. Ainsi, Ghosh a d´evelopp´e une strat´egie [Ghosh et al., 2001] bas´ee sur trois types de repr´esentations diff´erentes :

– les zones les moins critiques sont d´ecrites de mani`ere purement macroscopique, `a l’aide de quantit´es homog´en´eis´ees ;

– les zones interm´ediaires sont d´ecrites aux deux ´echelles par un mod`ele `a deux niveaux tel que celui pr´esent´e ci-dessus ;

– enfin, les cellules les plus critiques sont directement mod´elis´ees `a l’´echelle mi-croscopique.

Les mod`eles microscopiques sont bas´es sur une technique originale et efficace de repr´esentation des microstructures h´et´erog`enes, d´enomm´ee VCFEM (Voronoi Cell Finite Element Method ) [Ghosh et al., 1995]. Ce mode op´eratoire permet ainsi de repr´esenter correctement les zones o`u l’hypoth`ese de s´eparation des ´echelles n’est pas v´erifi´ee, au prix d’une mise en donn´ees assez fastidieuse.

2.1.2 Homog´en´eisation des quantit´es discr`etes

Lorsque l’on ne peut plus du tout s´eparer les ´echelles, ou lorsque la p´eriodicit´e de la microstructure est prise en d´efaut, il n’est plus l´egitime d’utiliser l’homog´en´eisation p´eriodique pour coupler les deux niveaux. Une technique possible est alors d’effectuer une homog´en´eisation directement au niveau des quantit´es ´el´ements finis — c’est-`a-dire, en se passant compl`etement d’une relation de comportement macroscopique, et en d´eduisant directement la rigidit´e et le second membre globaux de leurs homo-logues locaux. On ´evite ainsi de d´efinir uncomportement homog´en´eis´emoyen, qui n’aurait pas forc´ement de sens lorsque les ´echelles ne sont que faiblement s´epar´ees. Cette m´ethodologie est utilis´ee [Ibrahimbegovi´c et Markoviˇc, 2003] sous le nom d’analyse micro/macro pour simuler la r´eponse de structures en b´eton arm´e jusqu’`a la rupture, caract´eris´ee par un couplage tr`es fort et une mauvaise s´eparation entre les ´echelles. Comme pour la m´ethode FE2, deux niveaux de mod´elisation et d’analyse

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sont consid´er´ees ; toutefois, l’´etape locale est assez diff´erente. Comme le montre la Fig.1.5, on d´efinit cette fois une cellule fine par ´el´ement grossier e `a raffiner ; sur chacune d’entre elles, on effectue les op´erations suivantes :

– Localisation, ou application de la condition en d´eplacement macro : uL

e = TeuG (1.22)

o`u Te est la matrice de transformation associ´ee au bord de la cellule e (en pratique, il s’agit le plus souvent d’une interpolation lin´eaire bas´ee sur les fonctions de forme macro).

– R´esolution du probl`eme local non-lin´eaire et calcul, apr`es convergence, de la rigidit´e tangente locale KL

e et du r´esidu de bord rL e.

– Condensation de la rigidit´e tangente locale sur le bord de la cellule ; on obtient ainsi son compl´ement de Schur SL

e.

Homog´en´eisation du r´esidu et du compl´ement de Schur : rG e = TTerL e (1.23) KG e = TTeSL eTe (1.24)

– Assemblage des quantit´es ´el´ements finishomog´en´eis´eesdans le probl`eme global lin´eaire.

e

Te TeT

Figure 1.5: Principe de l’analyse micro/macro

En pratique, le comportement de la m´ethode d´epend de la g´eom´etrie des cellules et des conditions micro/macro qui leurs sont appliqu´ees. Ceci s’explique par le fait que l’homog´en´eisation mise en œuvre ici pr´esente un caract`ere structural plus prononc´e que les techniques classiques ; les quantit´es macro obtenues ne refl`etent plus vraiment le comportement moyen du mat´eriau, mais plutˆot celui de la cellule elle-mˆeme. La technique de couplage des cellules peut d’ailleurs ´evoquer une m´ethode de d´ecomposition de domaine primale avec relocalisation non-lin´eaire [Cresta et al., 2007] : on impose un d´eplacement d’interface et on r´ecup`ere un effort et un compor-tement tangent condens´es, qui sont assembl´es pour former les op´erateurs globaux. Cependant, l’analogie s’arrˆete l`a car la cin´ematique globale de la structure reste celle du maillage grossier : le probl`eme global conserve ainsi un caract`ere´el´ements finis prononc´e, et l’enrichissement apport´e par le calcul fin est purement localis´e.

L`a encore, ce probl`eme peut ˆetre att´enu´e en enrichissant le probl`eme global `a l’aide d’une cin´ematique du second ordre ; voir par exemple [Kouznetsova et al., 2004].

Une am´elioration de cette technique consiste `a remplacer le raccord en d´epla-cement, qui peut s’av´erer trop rigide, par un raccord en effort macro [Markoviˇc et Ibrahimbegovi´c, 2004; Markoviˇc et al., 2005; Niekamp et al., 2007] : pour coupler les ´echelles, on introduit un champ de multiplicateurs de Lagrange localis´es [Park et Felippa, 2000] sous forme d’une distribution de contraintes affine et auto-´equilibr´ee sur le bord de chaque cellule [Pian et Sumihara, 1984]. L’amplitude de ces contraintes est alors ajust´ee de sorte `a effectuer un raccord en d´eplacements moyens. Cet ajustement s’effectue de mani`ere it´erative, et chaque it´eration demande la r´esolution d’un probl`eme local non-lin´eaire : l’algorithme est donc notablement plus complexe. Notons que l’emploi d’un tel raccord en d´eplacements moyens, ainsi que le mode d’obtention des quantit´eshomog´en´eis´ees, peuvent ´evoquer l’approche LaTIn mi-cro/macro [Ladev`eze et Dureisseix, 2000; Ladev`eze et al., 2001], qui diff`ere toutefois fortement de ce travail par la formulation du probl`ememacroet par l’algorithme de r´esolution employ´e.

Au final, cette m´ethodologie repr´esente une bonne alternative aux techniques d’homog´en´eisation classiques lorsque les hypoth`eses de celles-ci ne sont pas v´erifi´ees ; elle semble ainsi plus adapt´ee `a notre probl`eme, pour lequel les d´etails fins `a intro-duire ne sont pas uniquement des h´et´erog´en´eit´es du comportement et ne sont a priori ni p´eriodiques, ni de taille caract´eristique extrˆemement faible. La d´efinition d’un raccord macro/micro optimis´e reste cependant un point d´elicat.