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La mise en abyme onirique (2)

2.2 « Ruses » de composition narrative

2.8. La mise en abyme onirique (2)

Chez le romancier Eco, le récit cadre (celui où l’on raconte) sert souvent de tremplin vers les niveaux de narration enchâssés : intradiégétique et métadiégétique. Composée de plusieurs microstructures, l’organisation interne du roman d’Eco ressemble aux textes médiévaux où le rêve et la vision s’avéraient des instruments efficients. Très habile, l’écrivain construit son récit à la manière dont on composait à cette époque-là. Baudolino abonde en récits seconds, et très souvent à ces niveaux de narration le texte fournit des informations sur le fonctionnement de la fiction comme telle. Toute l’œuvre romanesque d’Umberto Eco recherche, d’ailleurs, une incessante interaction entre ce qui est raconté et ce qui est réfléchi. À l’intérieur de l’intrigue principale le romancier insère toujours d’autres petits récits enchâssés qui développent un ou plusieurs aspects de la diégèse : un personnage raconte une histoire, un rêve ou une expérience extatique, écrit des lettres, un journal, un livre, trouve ou se souvient d’un livre lu autrefois, tout cela dans le but de compléter (et parfois d’anticiper) les événements du cadre principal. Cette technique permet de diversifier l’acte de narration et d’augmenter la complexité du récit.

Par le biais de la « vision » des personnages, le romancier propose une réflexion sur la nature de ce qui est raconté dans le livre. En vertu de l’analogie, la forme de mise en abyme qu’est le récit onirique peut nourrir de cette manière une réflexion sur l’œuvre, ses

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mécanismes de fonctionnement et ses dispositifs narratifs. Pour ces raisons, on compte la mise en abyme onirique parmi les procédés destinés à feindre. L’invraisemblance du rêve (et de la vision) caractérise aussi l’œuvre fictionnelle. L’invraisemblance du récit de rêve, son inclusion et sa ressemblance par similarité avec le macro-récit englobant nous autorisent à affirmer que cette subtile « ruse » de composition employée par le romancier Eco présente toutes les caractéristiques de la mise en abyme onirique.

La formule « Un rêve est une écriture, et maintes écritures ne sont que des rêves » de Guillaume de Baskerville s’adapte parfaitement dans le cas de Baudolino. Comme nous l’avons vu, dans Il nome della rosa le vécu onirique (c’est un contenu narré par un narrateur intradiégétique) des personnages se module selon l’époque et l’environnement culturel.

On constate que, par le dédoublement du rêveur et du narrateur, s’opère la mise à distance du rêve et de son souvenir (quand il raconte à Nicétas). Dans la séquence onirique, les formules d’introduction ou de final, insérées au début et à la fin de l’énoncé du rêve, l’authentifient explicitement en tant que tel. Consistant à insérer dans le texte un fragment onirique qui le représente, la mise en abyme onirique est un des outils favoris de l’écriture romanesque d’Umberto Eco. Ce type de mise en abyme est un segment narratif, un microcosme qui vit en symbiose avec l’univers romanesque qui l’englobe.

Baudolino offre une large gamme de visions : visions apparues dans le brouillard et la solitude de la forêt de Frascheta et aussi dans le noir de la région Abcasia, visions imminentes de la mort (de Gagliaudo et d’Abdul), visions causées par le jeûne prolongé (qui montrent à l’amoureux Baudolino l’objet de son désir), visions survenues en méditation ou contemplation et aussi suite à l’invocation des noms de Dieu (dont Salomon parle), visions provoquées par le vin et le miel vert. Solitaires ou collectives, les visions des personnages font augmenter le nombre des niveaux narratifs. Enclavés, enclenchés les uns dans les autres, ces niveaux du monde romanesque évoquent l’emboîtement de niveaux de réalité et de conscience du monde extradiégétique du lecteur ; de ce lecteur que l’œuvre invite à repenser son rapport avec la vie, la mort, la réalité, comme elle le fait par exemple lorsque Baudolino récite à son ami mourant un de ses vers que celui-ci avait chantés autrefois : « cos’è la vita se non l’ombra di un sogno che fugge?1 ».

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Les visions oniriques des personnages peuvent être classées en visions spontanées (les visions de l’enfant Baudolino et la vision de la « dame avec un unicorne » de Baudolino adulte) et visions provoquées : les images apparues à la suite soit des pratiques religieuses (prière, jeûne) ou contemplatives, soit à l’ingestion d’alcool et de substances hallucinogènes.

L’enfant Baudolino disait avoir vu apparaître dans le brouillard le saint protecteur de sa région, accompagné d’une licorne. La phantasie naturelle du garçon se nourrissait dès à l’époque d’images vues dans les livres. Ainsi, la licorne vue représentée dans le livre de l’anachorète l’impressionne à tel point qu’elle finira par ressurgir du brouillard pendant ses errances solitaires dans les bois.

Lorsque Baudolino part avec la jeune fille Nena dans les bois pour « chasser » l’unicorne, le garçon entend une voix du Ciel qui lui dit que c’est lui l’unicorne : « il lioncornus qui tollit peccata mundis1 ». Ensuite, le saint Baudolino lui apparaît et le reprimande parce qu’il a voulu changer la légende :

« … visto il lioncorno et l’altra volta ke o visto il Santo Baudolino ke mi parlava et mi diceva filio de la puta andrai a l’inferno perké la storia del lioncorno è andata così ke si sa bene ke per caciare il Lioncorno bisogna mettere una ragazza non svirginata a piede dell’albero et la bestia sente l’odore di virgine et viene a metterle la testa sulla pansa…2 ».

Après, le saint lui pardonne et lui apparaît bien d’autres fois, toujours dans le clair- obscur du soir ou des journées brumeuses, et jamais en pleine lumière quand le soleil brille fortement :

« …il Sancto Baudolino mi a detto filio et coetera ma poi mi a perdonato et lo visto ancor altre volte tra il losko et il brusko ma solo se c’è tanta nebia o almeno se scarnebia non quando il sole sgajentat oves et Boves3 ».

1

Ibidem, p. 9.

2Ibidem, p. 8; (« …j’ai vu l’unicorne et l’autre fois que j’ai vu le Saint Baudolino qui me parlait et me disait fils

de pute tu iras en enfers par ce que l'istoire de l'unicorne à fini ainsi comme on sait bien que pour chasser l'Unicorne il faut placer une pucele au pied de l'arbre et la beste sent l'odor de vierge et vient lui mettre la teste sur la pance… »).

3Ibidem, p. 9; (…le Saint Baudolino m’a dit mon fils et coetera mais ensuite il m’a pardonné et je l’ai vu d'autres

fois entre chien et leu mais seulement si y a moult brume ou au moins qu’il ne brouillasse pas quand le soleil bouille oves et Boves »).

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Une illustration de la légende selon laquelle on peut capturer la Licorne (animal symbolisant la pureté) seulement à l’aide d’une Vierge, Bestiaire, manuscrit enluminé, 1225, British Library.

Dans Il nome della rosa les visions d’Adso se produisaient aussi seulement sur un fond de pénombre, de lumière douce, diffuse. On serait tentés de croire que toutes ces apparitions surnaturelles ne sont qu’imagination et mensonge d’un garçon feignant, « più busiardo di giuda1 » qui invente des histoires « per non fare gnente2 », c’est-à-dire pour se soustraire aux labeurs quotidiens. Ce qui était en grande partie vrai. Mais, ces visions surviennent uniquement quand l’astre du jour est sur le point d’aller se coucher et quand le brouillard se fait épais et grisant. En d’autres termes, elles se manifestent une fois que les conditions préalables à l’état de voyance sont accomplies. L’enfant raconte qu’un soir d’avril,

1Loc.cit ; (« plus menteur que judas »). 2Loc.cit. (« pour rien faire »).

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quand il y avait « un nebbione ke si taliava col cultello1 », il prend l’empereur pour un émissaire de saint Baudolino, qui l’envoie le chercher pour l’amener en enfer. Mais, quand celui-ci lui parle, il comprend tout de suite que c’est un seigneur allemand qui s’est perdu dans le bois à cause du brouillard. Baudolino l’amène chez ses parents qui se montrent hospitaliers. Avant d’aller se coucher, le noble hôte dit à l’enfant de s’asseoir près du feu et de lui raconter pourquoi il parle si bien sa langue. On remarque la composition idyllique du cadre. Un pichet de vin « buon », après un repas copieux (le seigneur, dit Baudolino, avait mangé comme « duo lupi ») et la présence féerique des flammes dans l’âtre, incitent le désir à écouter un conte, une histoire :

« …et io li o contato ke ciò il dono de le lengue come li apostoli et ke ciò il dono de la Visione come le madalene perké vado per la silva et vedo il santo Baudolino a cavallo di un lioncorno color del lacte con suo Corno a tortilione proprio là dove i chavalli anno quello ke per noi è il Naso2 ».

Le garçon dit qu’il possède deux dons paranormaux : la glossolalie et la « Vision » et qu’il lui arrive assez souvent pendant ses errances dans la forêt de voir saint Baudolino à cheval sur une licorne. Il raconte d’autres aventures qui divertissent le seigneur, qui rit comme « un Fol ». Pour lui faire plaisir, et aussi en espérant de recevoir une autre pièce d’or, le petit malin lui raconte qu’il a eu une vision où le saint lui a prédit la victoire de l’empereur allemand :

«… ho detto ke due notti prima mi era apparso il Sancto Baudolino et mi aveva deto ke l’imperatore fa una grande vittoria a Terdona perké Fridericus era il signore unico et vero di tutta Longobardia complexa la Frasketa3 ».

Galiaudo, le père de Baudolino, a compris que c’est là une occasion de se débarrasser d’« un mangia pane » qui ne trouve mieux à faire qu’inventer des balivernes et vagabonder à travers « chemins » et « buissons ». Le seigneur amène l’enfant au camp impérial et lui demande de raconter la vision sur la victoire devant tous ces soldats ; et c’est seulement là que Baudolino comprend que le noble chevalier « con la barba rossa » est l’empereur Frédéric « in

1Loc.cit ; (« un brouillard à couper au couteau »).

2Ibidem, pp. 11-12 ; (« et moi j’ai lui conté que j'ai le don des langues come les apostoles et que j'ai le don de la

Vision come les madelènes par ce que je vais dans la forêt et je vois le saint Baudolino a cheval sur un unicorne couleur de lait avec sa Corne en tortillon juste là où les chevax ont ce que pour nous est le Nez »).

3Ibidem, p. 13 ; (« j’ai dit que deux nuits avant m'est apparu le Sainct Baudolino et il m’a dit que l'empereur va

remporter une grande victoire a Terdona car Fridericus est le seignor unic et vrai de toute la Longbardie complexa la Frasketa »).

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karne et ossa ». Ce que le garçon fit alors est plutôt une mise en scène de la vision. Il fait semblant de la vivre en direct :

« et io mi sbatto giù come se avessi il mal caduco et strabaccolo gli ocki et mi faccio uscire la bava di bocca et grido io vidi io vidi et raconto tutta la storia di San Baudolino…1

».

Le jeune Baudolino imite ici une crise épileptique, vue sans doute quelque part, et raconte l’histoire tout en criant, comme quelqu’un qui vit une expérience exaltante, invisible aux yeux de ses semblables. Sa représentation insuffle courage et confiance absolue à son public guerrier. Ces serviteurs de la « gran brutta Bestia2 » qu’est la guerre, détruisent tout sur leur chemin, et jusqu’au soir Terdona est réduite en cendres. Le lecteur découvre la contre partie de cet épisode lorsqu’à l’aide d’une autre intervention céleste (de saint Pierre, cette fois-ci), Baudolino, adulte à présent, aide ses concitoyens à remporter la victoire contre l’empereur et sauver ainsi leur ville.

Toutes ces visions (couchées par Baudolino sur les feuillets de parchemin dérobé à l’évêque Otton) sont exposées dans un récit qui sert d’incipit au roman. Ce récit est, comme nous l’avons déjà dit, un cadre miniaturé qui contient la plupart des aspects développés tout au long du macro-récit : les activités de voyant, de chroniqueur et de falsificateur de Baudolino, une guerre, un siège, une expérience sexuelle (de deux enfants), un animal fabuleux (l’unicorne), la glossolalie, etc.

Analysons maintenant l’autre classe de visions mentionnées oralement dans l’exposé de Baudolino. Les récits de vision festonnent le récit cadre où Baudolino (approchant la soixantaine) raconte à Nicétas, sa vie et les exploits de son empereur. Comme ce soir de jadis, quand il a raconté ses aventures et ses fantaisies au seigneur allemand, le vin et la nourriture ne manquent pas. Le Grec est un bonhomme grassouillet qui aime profiter des bonnes choses de la vie. Pour mieux suivre l’histoire de son interlocuteur, il demande qu’on lui apporte à boire et à manger. Un autre jour, il se fait soigner le visage pendant qu’il est en train d’écouter Baudolino. Le feu ne manque pas non plus, mais à présent c’est toute une ville qui est embrasée ; des flammes géantes et voraces avalent la ville assiégée par les croisés latins. Le

1

Ibidem, p. 15 ; (« je tremble comme si j'avais le mal caduc et je roulle les yeux et je fais sortir des baves de la bouche et je crie j'ai vu j'ai vu et je conte toute l’historie de Saint Baudolino… »).

2Ibidem, p.15 ; Baudolino emploie l’expression de son père Galiaudo, pour suggérer le spectacle apocalyptique

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premier (en ordre chronologique) de ces récits de visions relatés par Baudolino au dignitaire byzantin, est celui où son ami Abdul raconte l’hallucination (de son enfance quand il se trouvait séquestré par le vieux mercenaire) qu’il a eue sous l’effet du miel vert avec lequel Aloadin faisait « rêver » ses prisonniers. Profitant de la négligence des gardiens, l’enfant mange deux grosses cuillers de cette pâte verte visqueuse et tout à coup il commence à voir des choses étonnantes:

« Io mi trovavo nel deserto, o meglio in un’oasis, et vedevo arrivare una carovana splendida, dai cammelli tutti adorni di pennacchi, e una schiera di mori coi turbanti colorati, che battevano su dei tamburi e suonavano cimbali. E dietro a loro, su un baldacchino portato da quattro giganti, veniva Lei, la principessa. Io non so più dirti com’era, era così… come dire… sfolgorante che ne ricordo solo un barbaglio, uno splendore abbagliante…1».

Abdul n’a même pas vu le visage de la princesse, car elle était voilée. C’est la « dolcezza infinita2 » ressentie dans son cœur qui l’a rendue inoubliable. Cette vision, qui n’était qu’une illusion, devient l’obsession de son existence tout entière. Le garçon arrive finalement à fuir Aloadin et ses gardes eunuques, et à rejoindre sa famille. Avant de fuguer il s’empare d’un des pots du fameux miel. Il dit qu’au début il n’osait pas en goûter ; il craignait que « la maledetta sostanza3 » le ramène à nouveau dans l’oasis et qu’elle lui fasse « rivivre all’infinito la sua estasi4

». Mais, il ne résiste pas longtemps à la tentation et, afin de trouver l’inspiration pour ses chansons (qui chantaient la beauté de sa princesse éloignée), Abdul goûte de temps en temps un tout petit peu de ce miel qui lui procurait de courts moments d’extase. Ce soir-là, en pensant qu’il pourrait lui aussi avoir une vision de son impératrice bien-aimée, Baudolino prend un peu du miel de son ami. La vision ne se produit pas, mais il ressent « un lieve torpore, e il desiderio di ridere5 » et surtout « la mente eccitata », une surprenante excitation de l’esprit. Ce n’est pas de Béatrix que Baudolino (légèrement enivré) se met à parler à son ami, mais du Prêtre Jean. C’est alors qu’Abdul parle à Baudolino d’un autre jeune, l’érudit Boron qui fréquentait assidûment la bibliothèque Saint-Victor. Celui-ci

1Ibidem, p. 96; (« Je me trouvais dans le désert, ou mieux dans une oasis, et je voyais arriver une caravane

splendide, aux chameaux tous ornés de panaches, et un cortège de Maures avec leurs turbans colorés, qui battaient sur des tambours et jouaient des cymbales. Et derrière eux, sur un baldaquin porté par quatre géants, venait Elle, la princesse. Je ne sais plus dire comment c’était, c’était si... comment dire...fulgurant que je ne me rappelle que d’un ravissement, d’une splendeur éclatante »).

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Loc.cit.; (« douceur infinie »).

3Ibidem, p. 97; (« la maudite substance »). 4Loc.cit.; (« revivre son extase à l’infini »). 5Loc.cit.; (« légère torpeur et une envie de rire »).

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les fascine depuis la première rencontre et ils deviennent amis. Le second récit de vision insérée dans le récit cadre est celui où Boron raconte « en direct » sa vision du Paradis.

« Là, e accennava a un angolo della stanza. Vedo un luogo dove crescono prati ameni e verdeggianti, ornati di fiori ed erbe profumate, mentre intorno aleggia ovunque un odore soave, e aspirandolo non sento più alcun desiderio di cibo o di bevanda. C’è un prato bellissimo con quattro uomini di venerando aspetto, con in capo corone d’oro e rami di palma nella mani… Sento un canto, percepisco un odore di balsamo, oh moi Dio, avverto in bocca una dolcezza come di miele… Vedo una chiesa di cristallo con un altare in mezzo da cui esce un’acqua bianca come latte. La chiesa, dalla parte del meriggio sembra una pietra preziosa, dalla parte australe è color sangue, a occidente bianca come neve, e sopra di essa brillano innumerevoli stelle più splendenti di quelle che si devano nel nostro cielo. Vedo un uomo coi capelli bianchi come neve, pennuto come un uccello, gli occhi che quasi non si scorgono, coperti come sono di sopracciglia che spiovono candide. Mi addita un albero che non invecchia mai e guarisce da ogni male chi siede alla sua ombra, e un altro con le foglie di tutti i colori dell’arcobaleno1 ».

Abdul interprète la vision de Boron comme étant le fruit de ses lectures que le vin a fait ressurgir ; en la figure de ce vieux, il croit reconnaître Brandan, le saint navigateur originaire de son île natale. Le voyant n’est pas d’accord avec son interprétation, il les assure que ce qu’il voit est une contrée située au voisinage de l’Inde :

« No, no, la mia non è un’isola, s’infiammava Borone, è una terra prossima all’India, dove vedo uomini con le orecchie più grandi delle nostre, e una duplice lingua, così che possono parlare con due persone alla volta2 ».

Baudolino fait des analogies entre ces trois locus amoenus : le Parais terrestre, l’île regorgeant de merveilles découvertes par saint Brandan aux derniers confins du monde, et le royaume du Prêtre Jean :

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Ibidem, pp. 102-103; (« Là, et il indiquait un coin de la chambre. Je vois un lieu où poussent des prés amènes et verdoyants, ornés de fleurs et d'herbes parfumées, alors que tout autour flotte partout une odeur suave, et en l'inhalant je ne sens plus aucun désir de manger ou de boire. Il y a un pré très beau avec quatre hommes d'aspect vénérable, des couronnes d'or sur la tête et des rameaux de palmier dans les mains... / J'entends un chant, je perçois une odeur de baume, oh mon Dieu, je perçois dans ma bouche une douceur comme de miel... Je vois une église de cristal avec un autel au milieu d'où sort une eau blanche comme du lait. L'église, du côté septentrional a l'air d'une pierre précieuse, du côté austral elle est couleur du sang, à l'occident aussi blanche que neige, et au- dessus d'elle brillent d'innombrables étoiles plus resplendissantes que celles qu'on voit dans notre ciel. Je vois un