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1.1 La morphogenèse du Roman

1.3. La mise en abyme onirique (1)

L’histoire d’Adso de Melk s’apparente à celle racontée par son homonyme, le visionnaire Adso de Montier-en-Der. Pour regarder de plus près la mise en abyme produite par ce doublement de personnage, il faut revenir en arrière, à sexte quand notre jeune Adso admire le portail abbatial. Au cours de la lecture de ce passage du texte, nous examinons une autre sorte de mise en abyme, très usitée dans la littérature médiévale : il s’agit de la mise en abyme onirique.

Les récits de rêve et de vision représentent un genre médiéval établi, doté d’une rhétorique propre et soumis à des lois déjà fixées en grande partie par les modèles de la littérature antique. Ces récits oniriques constituent un topos de la littérature médiévale, et ce n’est pas à cause du succès vingtiémiste de la mise en abyme qu’Umberto Eco les a développés.

Il y a une grande variété de récits de visions et de rêves dans la littérature du Moyen Âge. Loin d’être toujours un message de l’autre monde, le récit onirique constitue dans les œuvres médiévales une réflexion sur le pouvoir et l’ambiguïté de l’art narratif. Un bon exemple nous est offert par Adso même, il s’agit de La Divine comédie de Dante, poème au seuil du songe (« era pien di sonno ») :

« … il più grande poeta di quei tempi, Dante Alighieri da Firenze, morto da pochi anni, aveva composto un poema (che io non potei leggere perché era scritto nel volgare toscano) a cui avevano posto mano e cielo e terra, e di cui molti versi altro non erano che una parafrasi di brani scritti da Ubertino nel suo Arbor vitae crucifixae1 ».

Dans la littérature médiévale, aussi bien que dans la littérature moderne et postmoderne, le récit de rêve est bien souvent un récit second qui ne prend son sens que par rapport à un récit-cadre. Le rêve et la vision s’avèrent des instruments efficaces entre les

1Ibidem, p. 56; (« … le plus grand poète de ces temps-là, Dante Alighieri de Florence, mort depuis peu d’années,

avait composé un poème (que je n’ai pu lire, car il était écrit dans le vulgaire toscan) où l’on avait brassé et le ciel et la terre, et dont de nombreux vers n’étaient rien autre qu’une paraphrase de passages écrits par Ubertino dans son Arbor vitae crucifixae »).

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mains de l’écrivain, très habile à jouer avec son lecteur le jeu du « faire croire ». En analysant en détail les séquences oniriques du Nom de la rose, on voit que les récits de rêves et de visions d’Adso fonctionnent à la manière de la mise en abyme, telle que la conçoivent ses critiques. Et parce que « toute vision est de nature onirique1 » nous avons regroupé dans la même catégorie et les récits de rêves et les récits de visions des personnages. Lorsqu’on retrouvera rédupliqué, à l’intérieur de ces séquences oniriques insérées dans le récit principal, soit le « sujet », soit la « forme » du récit « gestant », nous utiliserons le terme de mise en abyme onirique.

Plusieurs rêves et visions des romans médiévaux d’Umberto Eco : Il nome della rosa et Baudolino « rédupliquent » des aspects essentiels du macro-récit romanesque. Ces deux romans présentent certains traits communs. Par exemple, les deux romans respectent la manière dont on écrivait à l’époque. Ces deux romans portent la marque des différentes versions par le biais desquelles l’histoire qu’ils racontent est parvenue jusqu’à nous, lecteurs du 20e ou 21e siècle. C’est d’ailleurs ce que l’auteur implicite veut nous faire observer dans son « Naturellement, un manuscrit ». Ce que nous pouvons retenir de l’enseignement de cette partie « préliminaire » du roman, c’est le fait que l’emboîtement de sources (et leur mirage) est un indice du savoir-faire de l’écrivain. Médiéviste par formation (et inspiration), Eco commence sa première expérience romanesque par mettre en jeu des procédures couramment utilisées dans la littérature médiévale : les ruses de l’art narratif, parmi lesquelles nous en citons deux : le truchement du manuscrit trouvé et la « pratique » que R. Dragonetti appelait « l’art du faux ». En effet, l’usage du faux était si répandu durant les siècles médiévaux que les spécialistes ont appelé le Moyen Âge tout entier : « l’époque des falsifications ». Épris de clarté, de rigueur et d’objectivité dans la représentation des faits historiques racontés dans ses romans, le savant Eco familiarise son lecteur avec les « supercheries littéraires », les manipulations textuelles médiévales, plus proches du roman que du discours historique au sens moderne, falsification de documents, fausse attribution d’auteurs et de citations, récits fabriqués de toutes pièces pour autoriser l’ « invention » des reliques, bricolages rhétoriques et travestissements chronologiques dans les « Vies de saints » (deux exemples : le crâne de douze ans de Jean Baptiste dans Le Nom de la rose, qu’on retrouve à la fin de l’épisode où Adso et Guillaume visitent la crypte du trésor, et la falsification des reliques pratiquée assidument par les personnages de Baudolino).

1Idem, Dall'albero al labirinto, Bompiani, Milan, 2003, trad. fr. De l’arbre au labyrinthe, par Hélène Sauvage,

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La mise en abyme est un procédé qui repose sur l’inclusion ; par conséquent, il est nécessaire qu’une petite structure soit emboîtée dans une grande structure, de sorte que l’une et l’autre aient soit le même sujet, soit la même forme. Dans notre analyse de la mise en abyme onirique, nous suivons la signification que Dällenbach confère à la mise en abyme, celle « d’œuvre dans l’œuvre » ou de « narration seconde » incluse dans une narration première et entretenant avec elle une relation d’analogie thématique.Dans ce qui suit nous allons voir comment l’imbrication d’un récit onirique (de rêves et d’hallucinations visuelles et sonores) ou d’une description de livres, de sculptures ou d’enluminures, au cœur de la fiction, va créer le lieu idéal pour refléter au niveau micro-structurel soit la forme soit le contenu de l’œuvre-cadre. Les œuvres romanesques d’Umberto Eco témoignent d’une extraordinaire complexité et maîtrise de la structure narrative. Le romancier fait alterner avec une grande souplesse les quatre niveaux d’un texte littéraire : le niveau diégétique (le monde de ce qui est raconté), le niveau intradiégétique (un récit enchâssé, souvent porteur de mise en abyme), le niveau métadiégétique (le récit de ce qui est réfléchi) et le niveau extradiégétique (le monde de celui qui raconte). La structure narrative est, pour Eco, le « champ de la possibilité 1» qui permet à l’œuvre de s’ouvrir vers sa dimension intérieure. En ce but, l’écrivain glisse toujours dans ses romans un emboîtement de récits narratifs (récit de journal, récit de rêve, récit épistolaire, etc.) qui prête à l’œuvre un aspect feuilleté, polyphonique, palimpsestueux. En plus, quand ces récits se font porteurs de spécularité, l’œuvre sera placée face à elle-même, tout en s’ouvrant vers cet infini contenu dans son « espace du dedans2

». Ainsi, à nos yeux, chez Umberto Eco, la mise en abyme n’est pas un simple mode de composition, mais un dispositif narratif idéal pour mettre en évidence la structuration de l’œuvre sur plusieurs paliers, niveaux narratifs. Et évidemment, pour montrer que l’œuvre, en sa qualité d’organisme bien calibré, bien déterminé, bien clos à son extériorité possède cependant la capacité de s’ouvrir vers l’infini de sa profondeur. Pour mieux illustrer le phénomène de la mise en abyme onirique, notre réflexion abordera aussi la question de l’emboîtement successif de structures psychiques (nommées aussi « niveaux de réalité »3) des personnages d’Eco :

1Nous empruntons cette expression à Umberto Eco, qu’il employait dans l’essai « De la manière de donner

forme comme engagement et prise sur la réalité », la revue « Esthétique », éditée par Jean Michel Place, 2000, p.37.

2Paraphrase du titre du livre d’Henri Michaux, L’Espace du dedans : pages choisies (1927-1959), Gallimard,

Paris, 1989.

3La notion de « niveaux de réalité » appartient au physicien Basarab Nicolescu : il l’a formulée dans son livre

Nous, la particule et le monde et développée ensuite dans ses autres livres, articles, conférences. Basarab

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veille dans le sommeil (hypnagogie), veille dans le rêve (rêve lucide), rêve dans le sommeil (rêve normal, sans prise de conscience), rêve dans l’état de veille (vision, hallucination), rêve dans le rêve (enchaînement de rêves).

Le point de départ d’une réflexion sur la mise en abyme onirique consiste dans le fait que le récit de rêve, en tant que structure narrative, exerce la fonction de miroir pour le récit principal à l’intérieur duquel il est enchâssé. Et parce que toute vision est de nature onirique (comme Umberto Eco l’a affirmé dans son De L’Arbre au labyrinthe), nous avons rassemblé les récits de : « songe », « vision », « transe », « hallucination », « méditation profonde » sous la dénomination générique de « récit onirique » ou « récit visionnaire ». Nous avançons l’hypothèse selon laquelle dans l’œuvre fictionnelle d’Umberto Eco, le récit onirique (ou visionnaire) est une structure narrative qui atteste que le discours romanesque est toujours « à la recherche de soi-même ». Ses romans comportent un grand nombre de pièces oniriques insérées dans la trame textuelle. Nous verrons, au fur et à mesure, que ces fragments visionnaires se trouvent en résonance soit avec la totalité du récit englobant soit avec une partie de celui-ci. Précisons que nous envisageons d’aborder la notion d’onirique sous un double aspect : en tant que « niveau de réalité » (expérimenté in vivo par le personnage) et en tant que « niveau narratif » (où un narrateur en état de veille raconte ses exploits oniriques).

L’univers romanesque d’Umberto Eco se construit selon un certain nombre de lois semblables à celles de notre monde de référence, comme sa poétique explicite l’a précisé maintes fois. C’est pourquoi il ne serait pas absurde de définir la « réalité » expérimentée par les personnages d’Umberto Eco avec les paroles de Heisenberg pour lequel elle est « une fluctuation continue de l’expérience », telle que la conscience la saisit.

Pour avoir la preuve d’une nette distinction entre les niveaux de réalité (et / ou de narrativité), nous adoptons la « formule » de Basarab Nicolescu selon laquelle deux niveaux de réalité sont différents si, en passant de l’un à l’autre, il y a rupture de concepts fondamentaux et rupture de lois. Grâce à la notion de niveaux de réalité, la Réalité acquiert une structure multidimensionnelle et multi-référentielle.

Avant de commencer l’analyse des récits oniriques du Nom de la rose il se doit redit le fait que pour qu’il y ait mise en abyme, il faut qu’il y ait un emboîtement (de niveaux de réalité et de niveaux narratifs), mais aussi un effet de spécularité.

classique, la deuxième région à la physique quantique et aux phénomènes biologiques et psychiques, et la troisième région à la sphère des expériences religieuses, philosophiques et artistiques.

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1.3.1. Les récits oniriques d’Adso

Le songe et la vision sont des réalités vécues à travers « l’écran de la subjectivité1 » du rêveur (ou de celui qui vit la vision), c’est pourquoi la mise en abyme onirique est nommée par certains chercheurs « mise en abyme du sujet ».

À peine arrivés au monastère, où ils sont bien accueillis et bien installés, Adso et Guillaume sont visités dans leur cellule par l’Abbé. Ces deux derniers ont une conversation où l’on retrouve, entre autres, l’idée du mundus senescit, de l’humanité vieillissante :

« Per i peccati degli uomini il mondo sta sospeso sul ciglio dell'abisso, penetrato dell'abisso stesso che l'abisso invoca. E domani, come voleva Onorio, i corpi degli uomini saranno più piccoli dei nostri, così come i nostri sono più piccoli di quelli degli antichi. Mundus senescit2.

Dans leur dialogue, il est question aussi de l’existence et du rôle des monstres dans la création, de livres mensongers et de l’interdiction d’entrer dans la bibliothèque :

« I mostri esistono perché fanno parte del disegno divino e nelle stesse orribili fattezze dei mostri si rivela la potenza del Creatore. Così esistono per disegno divino anche i libri dei maghi, le kabbale dei giudei, le favole dei poeti pagani, le menzogne degli infedeli. E' stata ferma e santa convinzione di coloro che hanno voluto e sostenuto questa abbazia nei secoli, che anche nei libri menzogneri possa trasparire, agli occhi del lettore sagace, una pallida luce della sapienza divina. E perciò anche di essi la biblioteca è scrigno. Ma proprio per questo, capite, essa non può essere penetrata da chiunque3 ».

Abbon parle aussi de la forme inédite de la bibliothèque. Selon lui, ce « labyrinthe de livres » est une entité vivante capable de se défendre toute seule contre les visiteurs non désirés :

« Nessuno deve. Nessuno può. Nessuno, volendolo, vi riuscirebbe. La biblioteca si difende da sola, insondabile come la verità che ospita, ingannevole come la menzogna che custodisce. Labirinto spirituale, è

1Gérard Moignet, « La grammaire des songes dans la Queste del Saint-Graal », dans la revue « Langue

Française » no. 40, Larousse, Paris, 1978, pp. 113-119.

2Il nome della rosa, p. 44; (« Pour les péchés des hommes le monde est suspendu sur le bord de l’abîme, pénétré

de l’abîme même que l’abîme invoque. Et demain, comme voulait Honorius, les corps des hommes seront plus petits que les nôtres, de même que les nôtres sont plus petits que ceux des antiques. Mundus senescit »).

3Ibidem, p. 46; (« Les monstres existent parce qu’ils font partie du dessein divin et jusque dans les traits horribles

des monstres se révèle la puissance du Créateur. Ainsi par dessein divin existent aussi les livres des mages, les cabales des juifs, les fables des poètes païens, les mensonges des infidèles. Ce fut là la ferme et sainte conviction de ceux qui ont voulu et soutenu cette abbaye au cours des siècles, que même dans les livres mensongers, puisse transparaître, aux yeux du lecteur sagace, une pâle lumière de la sagesse divine. C’est pourquoi fût-ce à ces livres la bibliothèque fait écrin. Mais précisément de ce fait, vous comprenez, n’importe qui ne peut y pénétrer »).

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anche labirinto terreno. Potreste entrare e potreste non uscire. E ciò detto, vorrei che voi vi adeguaste alle regole dell'abbazia1 ».

Le noble hôte exige de son invité de se conformer aux règles de l’abbaye, argumentant qu’un homme qui a su décrire son cheval Brunel sans le voir et « la mort d’Adelme sans en connaître presque rien », n’aura aucune difficulté « à raisonner » sur les espaces auxquels l’accès ne lui est pas permis.

Avant que l’Abbé quitte la cellule, Guillaume lui demande des nouvelles de son ami Ubertin de Casale. C’est ainsi que tout de suite après le départ de l’Abbé, le frère Guillaume et le secrétaire vont chercher Ubertin à l’église où celui-ci passe ses journées « en méditations » et « en prière ». Devant l’église, le jeune novice contemple l’architecture du portail figurant l’Apocalypse. Il est tellement impressionné par ces représentations en pierre que soudain il les voit prendre vie, bouger et parler.

«Abituati finalmente gli occhi alla penombra, di colpo il muto discorso della pietra istoriata, accessibile com'era immediatamente alla vista e alla fantasia di chiunque (perché pictura est laicorum literatura), folgorò il mio sguardo e mi immerse in una visione di cui ancor oggi a stento la mia lingua riesce a dire2 ».

Le vieux moine s’efforce de traduire en mots le contenu non verbal de sa vision d’antan, ce qui n’est pas une chose facile. Tout comme l’apôtre Jean, le jeune novice voit « un trône placé dans le ciel et quelqu’un assis sur le trône ». Le visage de l’homme assis sur le trône est « sévère et impassible » et ses yeux sont « dardés » sur l’humanité arrivée au terme de son aventure3 ». La barbe du trônant s’écoulait sur « sa poitrine comme les eaux d’un fleuve, en ruisseaux tous égaux et symétriquement répartis ». La description dynamique de cette image se réalise à l’aide de l’hypotypose et présente les caractéristiques suivantes : la « barbe », tout comme un « fleuve », ruisselle en parties égales et symétriques. De même, le manuscrit d’Adso est composé, lui aussi à l’image des ramifications d’un fleuve, de sept grandes parties (les sept jours passés à l’abbaye), sous-divisées en sous-parties (les périodes

1Loc.cit.; (« Nul ne doit. Nul ne peut. Personne, même en le voulant, n’y réussirait. La bibliothèque se défend

toute seule, insondable comme la vérité qu’elle héberge, trompeuse comme le mensonge qu’elle enserre. Labyrinthe spirituel, c’est aussi un labyrinthe terrestre. Vous pourriez entrer et vous ne pourriez plus sorti »).

2Ibidem, pp. 48-49; (« Les yeux enfin accoutumés à la pénombre, soudain le muet discours de la pierre historiée,

accessible comme il était immédiatement à la vue et à l’imagination de tous (car pictura est laicorum literatura), éblouit mon regard et me plongea dans une vision qu’à grand-peine aujourd’hui encore ma langue parvient à dire »).

3On remarque ici, dans ce récit secondaire, le renvoi au mundus senescit ; comme on l’a déjà vu, ce thème est

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correspondant aux heures liturgiques) et accompagnées d’un « Prologue » et d’un « Feuillet » final.

La couronne, « enrichie d’émaux et de gemmes » que le trônant porte sur la tête est elle aussi un objet qui (mine de rien) renvoie à un des thèmes essentielles de l’histoire, les pierres précieuses, et implicitement aux disputes théologiques sur la pauvreté. La tunique de pourpre de cet homme, disposée « en amples volutes sur ses genoux », pourrait nous suggère de belles courbes, comme celles des dunes de sable, par exemple. L’impérial personnage tient en sa main gauche « un livre scellé », mais un autre homme « beau » et « gentil » situé « à la dextre du Trônant », lui présente un volumen. Il s’agit du premierlivre, celui de la vie et de la mort, selon lequel sera appliqué le jugement dernier. Ce livre est redoublé par un second livre, celui de l’Apôtre.

La vision d’Adso est accompagnée de fortes émotions mystiques. Comme devant un écran où on projette un film, Adso regarde le déroulement de toute une série d’images mouvementées, où les cheveux et les barbes de quatre personnages bibliques (Pierre, Paul, Jérémie et Isaïe), ainsi que les plis de leurs robes, évoquent des formes ondulées, comme celles des vagues ou des spirales:

« … contorti anch'essi come in un passo di danza, le lunghe mani ossute levate a dita tese come ali, e come ali le barbe e i capelli mossi da un vento profetico, le pieghe delle vesti lunghissime agitate dalle lunghissime gambe dando vita a onde e volute…1 ».

Les séquences suivantes sont moins agréables à regarder ; il voit la prostituée de Babylone, un avare et un orgueilleux (deux torturés par des démons), et aussi deux gourmands au corps répugnant :

« E mentre ritraevo l'occhio affascinato da quella enigmatica polifonia di membra sante (…), vidi a lato del portale (…) altre visioni orribili a vedersi, e giustificate in quel luogo solo per la loro forza parabolica e allegorica o per l'insegnamento morale che trasmettevano : e vidi una femmina lussuriosa nuda e scarnificata, rosa da rospi immondi, succhiata da serpenti, accoppiata a un satiro dal ventre rigonfio e dalle gambe di grifo coperte di ispidi peli, la gola oscena, che urlava la propria dannazione, e vidi un avaro, rigido della rigidità della

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Ibidem, p. 51; (« …contorsionnés eux aussi comme dans un pas de danse, leurs longues mains osseuses levées doigts tendus comme des ailes, et comme des ailes leur barbes et leur cheveux qui ondoient sous un vent prophétique, les plis de leur robe immensément longue agités par leurs immenses jambes donnant vie aux vagues et volutes… »).

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morte sul suo letto sontuosamente colonnato, ormai preda imbelle di una coorte di demoni di cui uno gli strappava dalla bocca rantolante l'anima in forma di infante… 1».

L’âme de l’avare prend la « forme » d’un « petit enfant », qu’est « le modèle réduit » de l’homme qui à présent expie ses dettes terrestres. Un homme orgueilleux tient sur ses épaules un diable qui lui met « les griffes dans les yeux » etles deux gourmands se déchirent