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L’« œuvre dans l’œuvre »

1.1 La morphogenèse du Roman

1.2. La mise en abyme herméneutique

1.2.2. L’« œuvre dans l’œuvre »

Le « Premier jour », « Après none », nos deux protagonistes visitent le scriptorium, ils y font connaissance avec les moines « savants », les « copistes » et les « rubricaires » et ils apprennent qu’un vif débat a eu lieu autour des images d’un monde renversé, dessinées par le jeune enlumineur Adelme sur les marges des manuscrits.

Premièrement, Adso et Guillaume sont émerveillés par la beauté « d’un psautier sur les marges duquel se dessinait « un mondo rovesciato2 », un monde renversé. En regardant, admirativement, les images qui ornaient ce psautier ils ont l’impression qu’elles parlaient in aenigmate des choses vraies :

« Come se al limine di un discorso che per definizione è il discorso della verità, si svolgesse profondamente legato a quello, per mirabili allusioni in aenigmate, un discorso menzognero su un universo posto a testa in giù, dove i cani fuggono davanti alla lepre e i cervi cacciano il leone3 ».

Dans cet « univers placé la tête en bas », où les chiens courent devant les lièvres et les cerfs chassent les lions, les images portant à rire montraient une assemblée de monstres et d’animaux fantastiques : dragons, sirènes, chimères, centaures, griffons, etc. dont nous

1Il Nome della rosa, p. 277 ; (« un grand carnaval et au carnaval les choses se font à l’envers »). 2

Ibidem, p. 84.

3Loc.cit.; (« Comme si au début d’un discours qui par définition est le discours de la vérité, se développait en un

lien profond avec celui-ci, à travers de merveilleuses allusions in aenigmate, un discours mensonger sur un univers placé la tête en bas, où les chiens fuient devant le lièvre et les cerfs chassent le lion »).

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parlerons plus amplement dans le sous-chapitre 1.4.1. La mise en abyme taxinomique du signifié « monstre ».

Ensuite, ils admirent d’autres « figures » du monde inversé dans un livre de dimensions « incroyablement petites » et ils sont étonnés du talent « surhumain » de l’enlumineur qui avait réussi à obtenir des effets d’une forte vivacité en un espace aussi petit. Les images du livre miniaturé, où « les maisons surgissent à la pointe d’une aiguille et la terre se trouve au-dessus du ciel », rappellent à Adso des vers de son pays qu’il ne peut s’empêcher de réciter. Malachie, le bibliothécaire, récite une autre strophe du même texte et complimente Adso, en approuvant le fait que ces images parlent d’une région fantastique où l’on chevauche des oies bleues et oùles choses se passent différemment : les éperviers pêchent des poissons dans les ruisseaux, les ours et les écrevisses s’envolent au ciel comme les faucons ou les colombes, etc.

Si au début les moines étaient réticents à la conversation, après l’intervention de Malachie, ils commencent à se montrer l’un à l’autre « les figures les plus invraisemblables », ils se mettent à rire de bon cœur et à louer l’habileté d’Adelme. Ce moment d’hilarité générale fut interrompu par la voix imposante et « sévère » du vénérable Jorge de Burgos: « Verba vana aut risui apta non loqui1 ». Outre la règle de Saint Bernard, le patron spirituel de cet ordre monacal, Jorge rappelle à ses frères que le Nouveau Testament ne mentionne nulle part que Jésus aurait ri. En fait, l’auteur de cette observation est Jean Chrysostome2, évêque de Constantinople au IVe siècle. La condamnation du rire était devenue au cours des siècles une vérité incontestable. Au XIIe siècle, le théologien parisien Petrus Cantor3 reprenait l’interrogation sur le rire christique; dans son Verbum abbreviatum, il se posait la question suivante : si « le rire est le propre de l’homme » (comme l’on croyait depuis le temps du Stagirite4) pour quelle raison les Évangiles n’évoqueraient-ils pas le Christ en train de rire ? Le vieux Jorge connaissait les ouvrages de ce lettré, mais il préfère conclure de toutes ses réflexions que : si la Bible ne fait aucune référence à ce sujet c’est sans doute parce que Jésus n’a jamais ri ; ainsi, pour lui le rire ne peut être que l’œuvre du diable.

1Le vieux moine fait rappel à la Règle de Saint Benoît selon laquelle un moine ne doit pas dire « des paroles

vaines ou qui portent à rire ».

2Surnommé pour son éloquence de grand oratoire, Saint Jean Bouche d’Or. 3Nommé aussi Pierre le Chantre.

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Guillaume apporte en discussion les « nugae » et les « bestiaires » où les animaux se font figure de l’homme :

« … così anche il discorso delle immagini deve indulgere a queste nugae. Per ogni virtù e per ogni peccato c'è un esempio tratto dai bestiari, e gli animali si fanno figura del mondo umano1 ».

Le vieillard aveugle n’est pas d’accord avec ce point de vue. À son avis, les « nugae » présentent un monde inversé et mensonger, opposé à celui établi par Dieu :

« E così la parola di Dio si manifesta attraverso l'asino che suona la lira, l'allocco che ara con lo scudo, i buoi che si attaccano da soli all'aratro, i fiumi che risalgono le correnti, il mare che s'incendia, il lupo che si fa eremita! Cacciate la lepre col bue, fatevi insegnar grammatica dalle civette, che i cani morsichino le pulci, gli orbi guardino i muti e i muti domandino pane, la formica partorisca un vitello, volino i polli arrosto, le focacce crescano sui tetti, i pappagalli tengano lezione di retorica, le galline fecondino i galli, mettete il carro avanti i buoi, fate dormire il cane nel letto e tutti camminino a testa in giù! Cosa vogliono tutte queste nugae? Un mondo inverso e opposto a quello stabilito da Dio, sotto pretesto di insegnare i precetti divini!2 ».

Le frère franciscain lui répond par un argument apophatique qui soutient la thèse de la connaissance de Dieu à travers les choses les plus difformes et atroces :

« … Dio può essere nominato solo attraverso le cose più difformi. E Ugo di San Vittore ci ricordava che quanto più la similitudine si fa dissimile, tanto più la verità ci è rivelata sotto il velame di figure orribili e indecorose …3 ».

Jorge ne veut pas se laisser persuader et continue son propos par une deuxième évocation de Saint Bernard. Selon le Saint, celui qui se dédie à la représentation des monstres et des prodiges, afin de dévoiler « per speculum et in aenigmate » l’œuvre du divin, s’habitue à ces « monstruosités » et « ne voit plus qu’à travers elles ». L’aveugle évoque ensuite les

1Il Nome della rosa, p. 87; (« … de même le discours des images aussi doit se prêter à ces nugae. Pour chaque

vertu et pour chaque péché il y a un exemple tiré des bestiaires, et les animaux se font figure du monde humain »).

2

Ibidem, pp. 87-88; (« Ainsi donc la parole de Dieu se manifeste à travers l’âne qui joue de la lyre, l’andouille qui laboure avec son écu, les bœufs qui s’attachent tout seuls à la charrue, les fleuves qui remontent les courants, la mer qui prend feu, le loup qui se fait ermite! Chassez le lièvre avec le bœuf, faites-vous enseigner la grammaire par les chouettes, que les chiens mordent les puces, les aveugles observent les muets et les muets exigent du pain, la fourmi mette bas un veau, que volent les poulets rôtis, les fouaces poussent sur les toits, les perroquets fassent cours de rhétorique, les poules fécondent les coqs, mettez le char devant les bœufs, faites dormir le chien au lit et que tout le monde marche sur la tête ! Que veulent tous ces nugae ? Un monde inverse et opposé au monde établi par Dieu, sous prétexte d’enseigner les préceptes divins ! »).

3Ibidem, p. 88 ; (« …Dieu ne peut être nommé qu’à travers les choses les plus difformes. Et Hugues de Saint-

Victor nous rappelait que plus la ressemblance devient dissemblable, plus la vérité nous est révélée sous le voile de figures horribles et inconvenantes… »).

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représentations architecturales de monstres des chapiteaux de l’église, d’une façon si vive, si fraîche que cela impressionne beaucoup le jeune Adso:

« …e accennò con la mano fuori dalle finestre, verso la chiesa, “sotto gli occhi dei frati intenti alla meditazione, cosa significano quelle ridicole mostruosità, quelle deformi formosità e formose difformità? Quelle sordide scimmie? Quei leoni, quei centauri, quegli esseri semiumani, con la bocca sul ventre, un piede solo, le orecchie a vela? Quelle tigri maculate, quei guerrieri in lotta, quei cacciatori che soffiano nel corno, e quei molti corpi in una sola testa e molte teste in un solo corpo? Quadrupedi con la coda di serpente, e pesci con la testa di quadrupede, e qui un animale che davanti pare un cavallo e dietro un caprone, e là un equino con le corna e via via, ormai è più piacevole per il monaco leggere i marmi che non i manoscritti, e ammirare le opere dell'uomo anziché meditare sulla legge di Dio. Vergogna, per il desiderio dei vostri occhi e per i vostri sorrisi!”1».

Le respectable vieillard accuse le défunt d’avoir pactisé avec les figures monstrueuses qu’il enluminait, chose pour laquelle Dieu l’a puni. À ce moment il est interrompu par Venantius de Salvemec, le traducteur de grec, qui osa préciser que le dessein d’Adelme n’a jamais visé autre chose que la gloire du Seigneur.Dans ce but il rappelle à Jorge « la docte et très belle discussion » qu’ils ont eue avant la mort d’Adelme, sur le rôle que les métaphores, les jeux de mots et les énigmes ou les « paraboles qui portent au rire » jouent dans la découverte de la réalité :

« … Adelmo si preoccupava che l'arte sua, indulgendo a rappresentazioni bizzarre e fantastiche, fosse tuttavia (…) strumento di conoscenza delle cose celesti. Frate Guglielmo citava poco fa l'Areopagita, sulla conoscenza per difformità. E Adelmo citò quel giorno un'altra altissima autorità, quella del dottore d'Aquino, quando disse che conviene che le cose divine siano esposte più in figura di corpi vili che in figura di corpi nobili. (…) Insomma, si trattava quel giorno di capire in che modo si possa scoprire la verità attraverso espressioni sorprendenti, e argute, ed enigmatiche. E io gli ricordai che nell'opera del grande Aristotele avevo trovato parole assai chiare a questo riguardo…2 ».

1Loc.cit. ; (« … que signifient ces ridicules monstruosités, ces belles formes déformées et ces belles difformités ?

Ces singes sordides ? Ces lions, ces centaures, ces êtres semi-humains, avec une bouche sur le ventre, un pied unique, les oreilles en forme de voile ? Ces tigres léopardés, ces guerriers en lutte, ces chasseurs qui soufflent dans un olifant, et ces théories de corps pour une seule tête et ces théories de têtes pour un seul corps ? Quadrupèdes à queue de serpent, et poissons à tête de quadrupède, et ici un animal qui par-devant a l’air d’un cheval et par derrière d’un bouc, et là un onagre avec des cornes et allez, allez-y, désormais il est plus agréable pour un moine de lire les marbres que les manuscrits, et d’admirer les œuvres de l’homme plutôt que de méditer sur la loi de Dieu. Honte aux désirs de vos yeux et à vos sourires ! »).

2

Ibidem, p. 89 ; « … Adelme se préoccupait tant que son art, indulgent envers les représentations bizarres et fantastiques, soit toutefois (…) instrument de connaissance des choses célestes. Frère Guillaume vient de citer il y a quelques instants l’Aréopagite, au sujet de la connaissance par la difformité. Et Adelme cita ce jour-là une autre très haute autorité, celle du docteur d’Aquin, quand il dit qu’il convient que les choses divines soient exposées davantage en des figures de corps vils qu’en des figures de corps nobles. (…) En somme, il s’agissait ce jour-là de comprendre de quelle façon on peut découvrir la vérité à travers des expressions surprenantes, et piquantes et énigmatiques. Et moi je lui rappelai que dans l’œuvre du grand Aristote, j’ai trouvé des mots assez clairs à cet égard … ».

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Le vieux moine fait mine de ne pas se souvenir de ce débat qui a eu lieu dans le scriptorium, deux jours avant la mort d’Adelme. Bérenger d’Arundel, l’aide-bibliothécaire, prend la parole pour inviter Venantius à respecter le vieux moine pour son âge si avancé. Il est vite remis à sa place par le traducteur qui lui reproche son manque de tendresse à l’occasion de l’évocation du confrère disparu. L’atmosphère devient tendue et le groupe se sépare.

Quand Jorge veut s’éloigner, Adso, envahi par « un sentiment de respectueuse révérence » se penche pour lui baiser la main. Le vieillard lui met la main sur la tête en signe de bénédiction et lui demande quel est son nom. « Tu portes un nom grand et très beau », lui dit Jorge. Ensuite, il lui demande s’il sait qui était Adso de Montier-en-Der. Le novice reconnaît qu’il ne le sait pas. Alors le vieux ajoute qu’il fut « l’auteur d’un livre grand et terrible, le Libellus de Antechristo » et que dans ce livre il parlait des visions qu’il avait eues et qui annonçaient les signes de l’arrivée de l’Apocalypse. Guillaume précise que ce livre fut écrit avant le millénaire et que « ces choses ne sont pas vérifiées ». Pour ceux qui n’ont pas « d’yeux pour voir » répond l’aveugle, qui se met à crier, si fort que les voûtes du scriptorium retentissent :

« Egli sta venendo! Non perdete gli ultimi giorni ridendo sui mostriciattoli dalla pelle maculata e dalla coda ritorta! Non dissipate gli ultimi sette giorni!1 ».

C’est avec cet avertissement de l’arrivée imminente de l’Antéchrist que s’achève la scène. Suite à ces discussions, Guillaume acquiert la conviction que la mort du jeune enlumineur a quelque chose à voir avec le débat sur la signification et le rôle des images qui représentent à l’envers la création divine. Il tentera deux fois (le deuxième jour à prime et puis à sexte) de faire parler Bence, l’un des moines qui avaient pris part au débat initial.

À l’aide de tous ces œuvres d’art : le « psautier », le « un livre en miniature », les « nugae », les sculptures de monstres2, que l’Œuvre emboîte, se réalise une ample mise en abyme du thème du monde à l’envers. L’utilisation de cette mise en abyme continuera tout au long du roman. Deux exemples (très suggestifs) : primo, la prochaine victime sera trouvée la

1Ibidem, p. 91; (« Il arrive ! Il arrive ! Ne perdez pas les derniers jours à rire sur les petits monstres à la peau

léopardée et à la queue boudinée ! Ne dissipez pas les sept derniers jours ! »).

2Sur les représentations sculpturales d’animaux monstrueux voir : Wolff-Quenot Marie-Josèphe, Bestiaire de

pierre : le symbolisme des animaux dans les cathédrales, La Nuée bleue, Strasbourg, 1992 et Ripert Pierre, Le

bestiaire des cathédrales : imagerie de la statuaire médiévale, symbolique des monstres, gargouilles et autres chimères, Paris, De Vecchi, impr. 2009 (cop. 2010).

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« tête en bas » et les « pieds en l’air », et secundo, la mise en abyme des images à l’envers sera invoquée par les miroirs déformants qui gardent l’entrée dans la bibliothèque.

Le « Premier jour », « Vêpres », les deux moines protagonistes visitent l’atelier du maître verrier Nicolas. Cette section du roman reprend le thème du monde sénescent, annoncé par le « Prologue ». Sur l’établi du maître se trouvent une collection de verres multicolores et un reliquaire inachevé :

« Sul suo tavolo vi era una bellissima collezione di vetri multicolori, di piccole dimensioni, ma lastre più ampie erano addossate al muro. Davanti a lui stava un reliquario ancora incompiuto, di cui esisteva solo la carcassa in argento, ma sulla quale egli stava evidentemente incastonando vetri e altre pietre, che con i suoi strumenti aveva ridotto alle dimensioni di una gemma1 ».

Ce reliquaire en train de se faire, œuvre discrètement insérée au sein de l’Œuvre, est à l’image du récit d’Adso (lui aussi un work in progress) où aventures et discours se tissent ensemble, en signes durables dans le temps de l’écriture du manuscrit et dans celui de notre lecture. Modeste, le frère verrier dit à ses visiteurs que les travaux qu’on exécute à présent sont d’une importance mineure par rapport aux œuvres anciennes. Un dialogue s’engage entre Nicolas et Guillaume, au sujet du monde vieillissant. Le moine franciscain croit au pouvoir de l’intelligence et de l’inventivité de l’homme pour métamorphoser le monde. Par la science, l’humanité peut trouver, à ses yeux, une voie de sauvegarde. Le verrier veut savoir quelles sont les choses que ses contemporains savent faire mieux que leurs prédécesseurs. Il lui dit que s’ils visitaient la crypte aux trésors du monastère, ils seraient surpris par des reliquaires d’une beauté et finesse exquise. Son ouvrage (qui est en train de prendre forme sur son établi) est un « misérable avorton » qui ne fait que « singer » ces œuvres sublimes.

Ensuite, Guillaume montre ses lunettes (« vitrei ab oculis ad legendum ») au frère verrier, et ils se mettent à discuter sur la science, la magie, la vérité, le bien et le mal. Et il reformule sa conviction antérieure : « spesso i sapienti dei tempi nuovi sono solo nani sulle spalle di nani2 ». Les lunettes, comme toutes les inventions et les machines, « reproduisent non pas les formes » mais l’« opération ». Grâce à ses lunettes, Guillaume réussit à déchiffrer les « signes nécromantiques laissés par Venantius » (« Troisième jour », « None », pp. 211-

1Ibidem, p. 93; (« Sur sa table il y avait une très belle collection de verre multicolore, de petites dimensions, mais

des plaques plus grandes étaient mises contre le mur. Devant lui se tenait un reliquaire encore inachevé, dont il n'existait que la carcasse en argent, mais dans laquelle il était évidemment en train d’enchâsser verre et d'autres pierres, qu’avec ses instruments il avait réduits aux dimensions d'une gemme »).

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226). Tout comme les lunettes qui servent dans le plan diégétique à mieux scruter le mystérieux « microcosme » de l’abbaye bénédictine, la technique de la mise en abyme sert à mieux cerner les nombreuses similarités entre les différents plans narratifs.

Outil indispensable à la compréhension du texte, la mise en abyme herméneutique sert de guide au lecteur dans le labyrinthe de « signes des signes ». Créée à l’image d’un labyrinthe maniériste, la bibliothèque, ce labyrinthe de livres, symbolise l’étendue de la connaissance humaine. Dans l’Apostille au « Nom de la rose » le labyrinthe maniériste est définit comme étant une sorte d’arbre ou de « structure en forme de racines, avec de nombreuses impasses1 ». La sortie est unique, et ceux qui s’y aventurent ont besoin d’un fil

d’Ariane pour ne pas se perdre. Aussi le monde où le savant frère Guillaume « s’aperçoit qu’il vit », selon les aveux de l’écrivain, est ressemblant aux rhizomes :

«…strutturato a rizoma : ovvero, è strutturabile, ma mai definitivamente strutturato2 ».

Ainsi, à l’instar de notre monde, l’univers des personnages du Nom de la rose est, selon l’aveu de l’auteur, un labyrinthe rhizomique, c’est-à-dire en forme de réseau, est « potentiellement infini » :

« Il rizoma è fatto in modo che ogni strada può connettersi con ogni altra. Non ha centro, non ha periferia, non ha uscita, perché è potenzialmente infinito3 ».

La mise en abyme herméneutique permet au lecteur-interprète de démêler le sens caché dans le sens apparent. Dans le « Prologue » Adso expose toute une liste d’attitudes et de pensées contradictoires remarquées chez son maître. Quand autour d’eux se multiplient les cadavres, Guillaume agit d’une façon inadéquate à la situation. Une fois, il a passé la journée dans le potager du monastère à examiner les plantes comme si c’étaient des émeraudes ou d’autres pierres précieuses. Cependant, lorsqu’ils visitent les trésors de la crypte de l’abbaye, devant les vraies chrysoprases et les émeraudes, le moine franciscain a l’air de regarder un