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A La mise en œuvre du modèle de Ville Compacte : les politiques de compacification

Dans le document Forme Urbaine et Mobilité Quotidienne (Page 78-82)

Après avoir défini les objectifs généraux des politiques de compacification, nous verrons qu’elles utilisent deux sortes de moyens : une action directe sur le niveau des densités, et une action sur l’accessibilité qui n’accroît les densités que de manière indirecte.

1 - Objectifs des politiques de compacification

Les politiques de compacification se rejoignent sur les points suivants :

• Leur objectif principal est de réaliser des économies de compacité, et plus

spécifiquement d’augmenter les densités urbaines et diminuer l’usage de l’automobile. Dans la mesure du possible, elles ne doivent pas contraindre les besoins de déplacement (C.U.B, 2001) ;

• La volonté d’intégration des politiques d’aménagement et de transport urbains

découle directement de cet objectif (e.g. Camagni & Gibelli, 1997 ; Welkers, 1997 ; Breheny, 1995 ; Spector & Theys, 1999).

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78 L’action sur les densités dans le but de limiter l’usage de l’automobile s’inspire directement des préconisations de P. Newman et J. Kenworthy. Ceux-ci dessinent l’idéal-type d’une low-transportation energy city. Pour y tendre, il faut « augmenter les densités urbaines ; renforcer le centre-ville ; utiliser plus intensivement la partie déjà bâtie de l’agglomération » (1989b, p. 28). Plus généralement, il s’agit « d’augmenter l’intensité de l’activité urbaine à l’intérieur de l’aire urbaine présente plutôt que de continuer à [la] pousser vers des territoires ruraux » (Ibid., p. 33).

Les politiques de compacification peuvent être décidées au niveau local ou national. En Norvège, le gouvernement a décidé, par le décret du 20/08/1993, que la densification serait un objectif général pour le développement urbain (Fouchier, 1995) ; en Grande-Bretagne, la

P.P.G. 13 de mars 199484 mentionne la nécessité de « réduire le besoin de se déplacer,

spécialement en automobile ». La densification autour des nœuds de transport en commun, la fixation de planchers de densité visant à maintenir les densités existantes, et éventuellement à les augmenter sont parmi les mesures retenues pour atteindre ces objectifs (Breheny, 1995, p. 87 ; Fouchier, 1998).

Au niveau local, les agglomérations peuvent décider elles-mêmes de s’orienter vers la densification : pionnier, le schéma directeur d’Helsinki propose en 1992 de « développer la structure urbaine vers une forme urbaine plus compacte en orientant la nouvelle croissance dans les centres existants plutôt que des sites vierges » (cité in Fouchier, 1995). De nombreuses difficultés entraveront cette volonté affichée. Une de ces difficultés est l’opposition de la population à la densification, qu’elle assimile à la construction de grands ensembles verticaux. Cette difficulté est également sensible en France. Ainsi le P.D.U de Bordeaux ne mentionne-t-il jamais la notion de densification et rarement celle de densité, tout en défendant une politique de lutte contre l’étalement (C.U.B, 2001, p. 12).

On peut distinguer deux grands types de politiques de compacification : d’une part, des politiques de compacification directe, visant soit à inciter à la densification (politiques dites de « renouveau urbain »), soit à circonscrire tout développement à l’intérieur des frontières de l’agglomération (politiques dites de « rétention urbaine »), ce qui revient à densifier l’espace urbain existant ; d’autre part, des politiques visant à améliorer l’accessibilité des modes alternatifs à l’automobile, dont la densification n’est qu’un objectif direct ou secondaire. Nous présenterons ces deux types de politiques en les illustrant à partir de quelques exemples.

2 - Influencer directement les densités : rétention et renouveau urbains Un premier ensemble de politiques de compacification consiste à agir de façon directe sur l’occupation du sol, en promouvant un développement dense. Ce type de mesures utilise soit l’incitation, soit la coercition, recoupant ainsi le dyptique traditionnel de l’interventionnisme économique.

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Les politiques de renouveau urbain, de « reconstruction de la ville sur elle-même » ou

encore de « remplissage urbain » (urban infilling), consistent à « combler les espaces intersticiels et réutiliser les friches urbaines » (C.D.U., 1998). Elles s’appuient principalement sur l’incitation.

La crainte de voir les centre-ville progressivement délaissés, vidés de leur substance démographique et économique face au processus d’étalement est une préoccupation relativement ancienne. Les politiques de « revitalisation urbaine » (urban revitalization), dont l’objectif est de contrer cette tendance et d’encourager l’établissement de populations et d’emplois à l’intérieur du périmètre central de l’agglomération, datent de la fin des années 1970 aux Etats-Unis (Rosenthal, 1980). Le modèle de Ville Compacte leur donne aujourd’hui un nouveau relief.

Il s’agit d’accompagner le mouvement de retour au centre, souvent porté par les classes de revenu élevé (phénomène de regentrification – London, 1980), mais aussi de l’amplifier en l’étendant à d’autres catégories de population. La cible des politiques de « renouveau urbain » est le réaménagement des « terres délaissées » (derelict lands) qui restent sans utilisation à l’intérieur du périmètre bâti. A leur sujet, K. Williams et alii (1996) distinguent deux cas de figure :

• Soit ils font l’objet d’un usage informel (espace de jeu, dégagement de la vue),

auquel cas leur réhabilitation provoquerait une perte d’aménités pour les habitants du quartier ;

• Soit au contraire leur prolifération affecte négativement la qualité de vie des

citadins.

Les friches urbaines sont principalement de deux types : les logements centraux et les établissements industriels. La désindustrialisation des centres-villes a laissé un grand nombre de terrains plus ou moins faciles à réhabiliter techniquement, qui constituent une véritable opportunité pour le renouveau urbain. Le renouveau des logements centraux s’est quant à lui imposé face à la périurbanisation de la population, qui a provoqué l’abandon et parfois la dégradation de plusieurs parties du centre-ville.

Les modalités d’action des politiques de renouveau urbain sont multiples, et vont des subventions apportées à l’installation dans le périmètre urbanisé (comme dans l’Oregon –

Carlisle, 1999) à la construction de quartiers entiers, comme pour les Z.A.C85. On peut

également agir sur les plafonds légaux de densité, en les augmentant soit de manière globale, soit de manière ciblée (cf. l’exemple de Hong-Kong in Fouchier & Merlin, 1994).

Les politiques de rétention urbaine constituent le deuxième volet des mesures de

compacification. De type coercitif, elles visent à stabiliser le « front » de l’urbanisation et

complètent d’une certaine manière les précédentes. Les politiques de rétention urbaine

85 Zone d’Aménagement Concerté, dispositif légal permettant à une collectivité de conduire une opération

d’urbanisme sur un périmètre précis en partenariat avec des opérateurs privés. La Z.A.C permet d’intervenir sur l’habitat, la voirie, l’assainissement, le développement économique, les équipements de proximité, etc.

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80 consistent à limiter l’étalement en interdisant le développement urbain au-delà d’une limite précisément définie, généralement appelée « frontière de la croissance urbaine » (UGB,

Urban Growth Boundary). Les autorités utilisent en général le zonage réglementaire.

Aujourd’hui près du quart des métropoles américaines ont adopté un tel dispositif anti-sprawl (Dawkins & Nelson, 2002).

De manière symétrique, il est possible de fixer des planchers de développement à l’intérieur d’une zone préalablement limitée. Le gouvernement de Grande-Bretagne a fixé dans son Livre Blanc sur le Logement en 1995 des objectifs nationaux de compacification : à l’horizon 2005, 50% de tout nouveau développement résidentiel devra être construit à l’intérieur du périmètre urbanisé (cet objectif sera révisé à 60% un an plus tard – Breheny, 1997).

Les mesures de renouveau urbain et de rétention urbaine visent à une action directe sur l’intensité de l’occupation du sol, c’est-à-dire sur le niveau des densités. Les politiques de compacification peuvent également agir sur l’accessibilité ; l’influence sur les densités est alors indirecte.

3 - Les politiques basées sur l’accessibilité : une influence indirecte sur les densités

Nous avons vu dans la première section l’interaction entre la densité et l’accessibilité. De fait, l’étalement peut être défini par un faible niveau d’accessibilité (Ewing, 1997). Les politiques visant à le juguler cherchent alors à améliorer l’accessibilité, la densification n’étant qu’une conséquence indirecte de ces mesures.

La politique la plus emblématique est celle de « l’ABC » mise en place aux Pays-Bas dès le début des années 1990 (Welkers, 1997). Fondée sur le mot d’ordre « the right business

at the right place », la politique de l’ABC consiste à mettre en adéquation les propriétés des

lieux de la ville en termes d’accessibilité et les potentialités des bâtiments à implanter en termes de déplacements émis ou reçus. Une note (A, B, C) est attribuée à chaque activité à qui l’on propose un choix de localisations adaptées. Cette politique encourage de facto la densification, notamment à proximité des lignes de transport en commun (van der Walk, 2002).

Dans l’Etat de Floride, les lois anti-sprawl ont adopté comme principal indicateur de l’étalement non pas la densité, mais l’accessibilité (Ewing, 1997). La même approche est adoptée par le Maryland Smart Growth Initiative, qui encourage le développement urbain à proximité d’infrastructures existantes ; la densification n’est alors qu’une conséquence de cette obligation (Southworth, 2001).

A partir de cette présentation des politiques de compacification à travers leurs objectifs et leurs moyens, il est possible de décliner une deuxième catégorie de critiques de la Ville

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Compacte. L’accent est mis sur les conséquences négatives de leur mise en œuvre, en termes d’efficacité et d’équité.

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