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B Densité et congestion

Dans le document Forme Urbaine et Mobilité Quotidienne (Page 64-67)

L’exposé des déterminants de la compétitivité-temps des modes de transport urbains permet de comprendre le mécanisme de report modal dû à la densité. Les fortes densités accroissent la congestion routière et diminuent ainsi la vitesse de déplacement automobile. Le gain en compétitivité-temps des modes alternatifs à l’automobile augmente alors leur usage.

1 - L’influence de la densité sur le niveau de congestion intra-urbain L’association entre densité urbaine et niveau de congestion routière est assez triviale. L’explicitation du mécanisme de formation de la congestion permet de préciser cette assertion et d’en saisir les conséquences.

I° Partie Chapitre II

64 La congestion routière est une externalité née d’une consommation excessive du réseau viaire et qui se traduit par une baisse de la qualité (Kolm, 1968). Elle est illustrée par la relation vitesse-débit, de forme parabolique (cf. Figure II-2) : le trafic est fluide lorsque le nombre d’usagers est faible (point A), mais la vitesse moyenne diminue au fur et à mesure que le débit augmente. A partir d’un point d’inflexion (en B), le débit comme la vitesse régressent, traduisant une baisse de qualité du service. La portion de la courbe entre B et C est une situation appelée « hypercongestion », où un même débit pourrait être obtenu avec une vitesse bien supérieure.

Figure II-2. La relation vitesse-débit

V i t e s s e ( k m / h ) D é b i t ( v é h i c u l e s / m i n u t e ) C o n g e s t i o n A B C H y p e r c o n g e s t i o n Source : Gérondeau, 1969

Si la relation vitesse-débit est issue d’observations sur les autoroutes, elle est aisément

transposable au milieu urbain (Derycke, 1997, p. 67)70. A capacité viaire et niveau de

motorisation donnés, la densité urbaine est un déterminant direct du nombre de véhicules empruntant une voie donnée - c’est pourquoi les zones les plus denses sont les plus congestionnées. On peut donc extrapoler et assimiler la relation vitesse-débit à une relation vitesse-densité urbaine : une augmentation de la densité accroît le nombre de véhicules en circulation et la congestion. La vitesse de circulation diminue.

La diminution de la vitesse due à la congestion sape la compétitivité-temps relative de l’automobile. Comme le temps de déplacement constitue une variable-clé dans la détermination des comportements de déplacement, les agents sont fortement incités à utiliser les modes de transport alternatifs à l’automobile.

I° Partie Chapitre II

2 - Congestion et compétitivité-temps : l’explication du report modal dû à la densité par la réciproque de la conjecture de Mogridge

Le lien entre densité et congestion se heurte à une objection : jusqu’où le niveau de congestion croît-il ? Si la densité semble bien liée positivement au niveau de congestion, il semble que ce lien ne soit pas linéaire. La réciproque de la conjecture de Mogridge nous permet d’établir que, sous certaines conditions et en raison même du transfert modal qu’il provoque, le niveau de congestion reste constant malgré l’augmentation des densités.

La conjecture de Mogridge (Mogridge, 1980) suppose que toute augmentation de la capacité du réseau viaire ne se traduit à long terme que par un accroissement du débit et non par un accroissement de la congestion, en raison de la concurrence entre modes de tansport. Ainsi le niveau de congestion reste constant, et les gains de vitesse et donc de temps de déplacement sont nuls (Clément, 1995). Pour les besoins de notre argumentation nous présentons la réciproque de la conjecture de Mogridge, en partant d’hypothèses inversées.

Le point de départ de la réciproque de la conjecture de Mogridge est une diminution

des capacités du réseau viaire (par exemple la mise en place d’une ligne de TCSP71). On peut

lui assimiler l’augmentation de la densité résidentielle, qui toutes choses égales par ailleurs accroît le trafic à longueur du réseau et niveau de motorisation inchangés. L’effet à court terme est un accroissement de la congestion. Dès lors, le temps de déplacement en automobile augmente, la compétitivité des transports collectifs s’accroît par comparaison, et on assiste à un report modal vers ceux-ci. L’augmentation de la demande provoque une amélioration de l’offre et donc une diminution des temps de déplacements en transports en commun : un cercle vertueux en faveur des modes « doux » est enclenché. Celui-ci ne s’arrêtera que lorsque le report modal aura suffisamment diminué la densité de véhicules, et donc le temps moyen de transport en automobile. Les deux diminutions conjointes se poursuivent jusqu’à s’égaliser, « se caler » l’une sur l’autre. A long terme, l’effet sur le niveau de congestion et la vitesse moyenne de déplacement en automobile est nul, mais les temps de déplacement des transports en commun ont légèrement diminué et leur fréquentation s’est accrue. Les fortes densités, par

leur effet sur la compétitivité-temps relative des modes de transport, sont un facteur de report modal en défaveur de l’automobile.

Les fortes densités accroissent le niveau de congestion des infrastructures de transport. Cet argument a souvent été utilisé par les détracteurs du modèle de Ville Compacte, pour montrer qu’il est une source de gaspillage (Theys & Emalianoff, 1999), la congestion représentant une perte de temps et d’énergie par rapport à l’état idéal de fluidité du trafic (Derycke, 1997). Cependant, le mécanisme de la conjecture de Mogridge montre que l’accroissement de la congestion dû à la densité représente en fait un avantage de la compacité, car l’incitation à l’usage des modes alternatifs à l’automobile s’accroît. L’inconvénient lié à des densités élevées se révèle en fait être un avantage.

I° Partie Chapitre II

66 Le lien empirique entre densité urbaine et consommation d’énergie est théoriquement justifié par un double mécanisme : le lien entre densité et accessibilité d’une part, et le lien entre densité et congestion d’autre part. Ainsi, les distances de déplacement sont-elles d’autant plus faibles, et le partage modal est d’autant plus en faveur des modes « doux » que les densités sont élevées. Les économies d’énergie induites par de fortes densités urbaines constituent un avantage comparatif majeur de la compacité, même si la Ville Compacte présente d’autres avantages sur une ville étalée.

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