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A Formulation du modèle de la Ville Cohérente

Dans le document Forme Urbaine et Mobilité Quotidienne (Page 167-170)

L’intégration du degré de spécialisation des espaces complète l’approche par la densité à travers une appréciation qualitative de la forme urbaine. Le poids des centres périphériques est également pris en compte de manière explicite, à travers la formulation du modèle « polycentrique en réseau ».

1 - Le modèle polycentrique en réseau

L’influence des centres périphériques, qu’ils soient d’emploi ou résidentiels, sur la mobilité passe par leur faculté à polariser les déplacements. L’action sur ces derniers devient alors plus facile que dans le cas d’une diffusion des origines et des destinations, en permettant d’assurer une desserte efficace en transports en commun.

Le modèle « polycentrique en réseau » relève de cette logique : il inspire les politiques d’usage du sol de manière à planifier au mieux l’organisation métropolitaine des flux de déplacements à partir de sous-centres diversifiés et interconnectés (Camagni & Gibelli, 1997 ; Camagni et alii, 2002). Un « développement orienté par les transports en commun » (T.O.D., Transit-oriented development) est alors possible pour l’urbanisation future, en cherchant soit à renforcer, soit à créer ex nihilo des concentrations périphériques compactes d’activités et/ou de logements, et à adosser l’organisation métropolitaine du réseau de transports en commun aux nœuds que forment ces concentrations (Laliberté, 2002).

D. Mignot et alii (2004) constatent que dans l’aire urbaine d’Aix-Marseille, les distances de déplacement sont légèrement plus élevées que dans les aires urbaines de taille comparable. Ce phénomène est dû selon eux à la structure bicentrique de l’agglomération, polarisée par Marseille et Aix-en-Provence. Ils soulignent toutefois que cette structure un peu particulière constitue une opportunité pour la planification des déplacements : il est plus facile de proposer une alternative à l’automobile lorsqu’une grande part des déplacements s’effectuent entre la même origine et la même destination.

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La dénomination de « Ville Cohérente » est due semble-t-il à J.-P. Orfeuil. Malgré nos recherches, nous n’avons pas trouvé de définition précise de la Ville Cohérente. Nous l’entendons comme forme urbaine permettant de rapprocher l’habitat du lieu d’emploi. On retrouve ce concept sous des noms différents, comme par exemple la « ville des courtes distances » en Europe du Nord, ou encore la « ville complète ». Notre choix s’est porté sur la notion de « cohérence » pour faire pendant à celle de « compacité ».

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A l’opposé, l’analyse de la mobilité dans les centres périphériques de Los Angeles permet à P. Gordon et alii (1989) de mettre en évidence le faible nombre de déplacements

entre les centres d’activités. Selon eux, chaque centre a une relative autonomie en termes de

déplacements, car le comportement rationnel des ménages est de se localiser dans la couronne résidentielle qui entoure les centres d’emploi. Ce résultat est cependant fortement critiquable. Il dérive de la construction même des données, puisque les centres d’activité ne génèrent que 1/19ème des déplacements totaux, mais en reçoivent 1/6ème. Une structure polycentrique en réseau ne consiste pas seulement à mettre en relation des centres d’activités, mais plutôt les pôles résidentiels et les centres périphériques d’emploi.

2 - La prise en compte de la composition qualitative des espaces : la Ville Cohérente

Afin de tenir compte de l’influence de la diversité des usages du sol sur la mobilité, le modèle de Ville Compacte est amendé dans le sens de la prise en compte de la composition qualitative des espaces. La compacité s’est longtemps confondue avec de fortes densités138 ; mais nous avons montré que cette relation est surtout valable dans le cadre monocentrique, et qu’une structure urbaine plus complexe impose de considérer l’impact des différents usages du sol sur les comportements de mobilité.

Dans l’étude de l’interaction entre polycentralité et mobilité, ce n’est pas tant le poids et/ou le nombre des pôles périphériques que la spécialisation relative des espaces qui importe pour comprendre les comportements de mobilité. En effet, le rôle des centres périphériques est ambigu, amplifiant d’un côté les trajets périphériques de longue portée mais permettant à des logiques de localisation conjointe de se mettre en place. La spécialisation fonctionnelle des espaces quant à elle amplifie les distances de déplacements via la production d’effets- tunnel ou le développement des pérégrinations.

Dans une optique d’aménagement urbain soumis aux contraintes du développement durable, la solution consiste à encourager la mixité fonctionnelle. Dès le Livre Vert de la Commission Européenne (C.C.E, 1990), il est précisé que « la ville propose de la densité et de la variété ; la combinaison efficiente, économe en temps et en énergie, de fonctions économiques et sociales » (p. 19). La solution aux problèmes de mobilité posés par l’étalement est bien cette ville « compacte, mixte fonctionnellement » (Breheny, 1993, p. 142). Selon J. Lévy (1998), « La ‘diversité dense’ coûte moins cher (…) en respect de l’environnement ».

Le degré de mixité fonctionnelle est progressivement inclus dans la définition de la ville compacte pendant les années 1990 (e. g. Ewing, 1997 ; Burton, 2000 ; Breheny, 1995, 1997). Il s’agit essentiellement du degré de mélange entre fonctions urbaines, soit l’équilibre local entre emplois et population, soit le niveau de diversification sectorielle. Un autre type de

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Cette opinion est celle d’un spécialiste français des densités urbaines, Vincent Fouchier. Ce fut sa réponse à une question posée par l’auteur au Colloque « La Ville étalée en perspective » qui se tint à Toulouse les 24 et 25 janvier 2002.

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168 mixité est parfois inclus dans la définition de la ville compacte : la mixité sociale. L’analyse de l’hypothèse de MAS a en effet montré que la ségrégation résidentielle est un facteur d’accroissement des distances parourues. C’est pourquoi, dans certaines définitions plus tardives de la ville compacte (e.g. Burton, 2000), la mixité sociale au niveau local est un critère de compacité.

Ce faisant néanmoins, la notion de compacité tend à prendre un contenu normatif. Définir la ville compacte en termes de densité et de mixité fonctionnelle et sociale revient finalement à la définir comme la structure urbaine permettant d’atteindre un objectif de mobilité durable, c’est-à-dire de minimiser la consommation énergétique due aux déplacements. Cette approche ne fait plus correspondre la compacité à sa définition originelle, c’est-à-dire, rappelons-le, une ville dense et à l’urbanisation continue. Il paraît donc judicieux de proposer un concept alternatif.

La compacité est donc composée d’ajouts successifs de critères qui finissent par ne plus faire correspondre le mot au concept, ajouts qui suggèrent que le débat sur les avantages comparatifs de la ville compacte a fini par permettre cette avancée : la densité n’est pas seule à permettre une minimisation de la consommation d’énergie pour les transports. Certains attributs comme la mixité fonctionnelle permettent de rapprocher l’origine de la destination du déplacement. D’autres, comme la mixité sociale, permettent de ne pas empêcher la localisation conjointe des actifs et des emplois. Il semble pertinent d’abandonner le concept de compacité. Nous lui proposons celui, plus suggestif, de Ville Cohérente.

La Ville Cohérente est celle qui permet « la mise en cohérence des bassins de vie » (Korsu & Massot, 2004). L’intuition à l’origine des études sur l’excess commuting est juste : des distances de déplacement élevées constituent un gaspillage. On peut alors s’interroger, dans le cadre de la problématique de l’interaction entre usage du sol et mobilité, quelle est la structure urbaine qui permet un rapprochement des lieux fréquentés quotidiennement, c’est-à-dire le domicile et le lieu de travail. La Ville Cohérente est la réponse à cette question. Apporter un contenu précis à ce concept encore en gestation est un des buts de ce travail.

L’amendement du modèle de ville compacte, qui lui attribue une mixité fonctionnelle et sociale, aboutit à la formulation du modèle de Ville Cohérente. Ce modèle, couplé au modèle polycentrique en réseau, inspire certaines mesures de planification, comme les politiques de

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B - La mise en œuvre de la Ville Cohérente : Smart Growth et New

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