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1.1. Imagerie des électrons rétrodiffusés

Les premières observations menées en imagerie des électrons rétrodiffusés, réalisées sur le matériau ZB, permettent de révéler des contrastes d’orientation cristalline. Pour ce matériau, la zircone est entièrement monoclinique à température ambiante, la phase quadratique n’ayant pas été mise en évidence par les analyses de phases en diffraction des rayons X (avec une sensibilité relative de quelques pourcents). Sans que ne puisse être exclue à ce stade la présence de quelques domaines quadratiques nanométriques, ces contrastes permettent de distinguer les différents domaines monocliniques au sein des dendrites. Il est à noter que la microfissuration se développe selon deux modes bien identifiables (figure 4-1) :

- mode 1 : propagation des fissures le long des frontières des domaines, dite longitudinale ; - mode 2 : propagation des fissures perpendiculairement à ces frontières, dite transversale.

La fissuration semblant se développer en raison de la désorientation des domaines cristallographiques, avec une activation plus importante à basse température au refroidissement (cf. chapitre 3), l’hypothèse d’une origine résidant dans le différentiel de dilatation thermique entre domaines peut être formulée. En effet, rappelant l’anisotropie de dilatation thermique de la zircone, un refroidissement ou un chauffage du squelette de zircone doit conduire au développement de contraintes internes s’illustrant aux frontières des domaines.

Figure 4- 1. Observations sur le matériau ZB des deux modes de fissurations par imagerie MEB en mode BSE ; propagation longitudinale en rouge, transversale en bleu.

Ces observations microscopiques montrent également la présence de domaines de tailles très réduites, de l’ordre de quelques dizaines à quelques centaines de nanomètres (figure 4-2). Certaines zones, imagées à fort grandissement, présentent un aspect « maclé », caractéristique d’une transformation martensitique. Leur présence s’explique sans doute par la concentration locale de contraintes internes lors de la transformation de phase pour laquelle le matériau trouve dans le maclage un mécanisme commode d’accommodation.

Figure 4- 2. Présence de domaines cristallographiques submicroniques.

1.2. Coexistence ou non des deux phases cristallines

Les diffractogrammes réalisés à l’ambiante par diffraction des rayons X sur poudre n’ont pas montré de présence de zircone quadratique résiduelle pour les matériaux présentant une transformation de phase quadratique → monoclinique au refroidissement. Aussi, avant de tirer des conclusions trop

hâtives, nous avons souhaité confirmer ce constat par l’utilisation de la spectroscopie Raman (cf annexe 4).

Des spectres Raman ont été acquis pour deux des matériaux de l’étude, ZS et ZB . Le faisceau de lumière a été généré par un laser argon-ion dans le domaine du visible (longueur d’onde λ0 = 514 nm, bleu-vert). L’identification des raies présentes sur ces spectres s’appuie sur les travaux de Clarke et Adar [CLA 82], repris dans de nombreux domaines [MUN 10, PEZ 08]. En ce qui concerne le matériau ZS (figure 4-3), le spectre Raman ne contient aucune raie correspondant à la zircone quadratique (raies caractéristiques dont les positions sont symbolisées par des flèches rouges dans le domaine [100 cm-1 ; 350 cm-1] : 148 cm-1 et 264 cm-1). En revanche, les raies monocliniques attendues sont bien retrouvées : doublet à 181 cm-1 et 192 cm-1 et raie à 224 cm-1 (indiquées par des flèches vertes). La spectroscopie Raman confirme donc les observations réalisées par diffraction des rayons X.

Figure 4- 3. Spectre Raman du matériau ZS ; * M = monoclinique, Q = quadratique selon [WUL 10].

Spectre Raman 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 50 100 150 200 250 300 350 Raman shifts (cm-1) Intens ité (coups)

Figure 4- 4. Spectre Raman du matériau ZB ; * M = monoclinique, Q = quadratique selon [WUL 10].

S’agissant du matériau ZB (figure 4-4), le spectre Raman appelle au même constat. Cet élément est d’une importance primordiale puisqu’il précise notre hypothèse de travail. Si la microfissuration trouve son origine dans les différentiels de dilatation entre domaines cristallographiques, il s’agit de différentiels entre domaines monocliniques uniquement, et non entre domaines monocliniques et domaines quadratiques résiduels.

M*

Q*

M*

1.3. Effet d’un cycle thermique sur la microstructure

Pour autant que la microfissuration s’opère entre les domaines monocliniques à basse température, rien n’indique qu’elle ne soit pas influencée par l’histoire complète des matériaux, dès leur refroidissement depuis les très hautes températures (> 2000°C). En effet, il convient de considérer que l’orientation des domaines monocliniques à l’ambiante puisse résulter de l’orientation des domaines quadratiques parents ainsi que des contraintes internes en présence lors de la transformation de phase quadratique → monoclinique. Cette possibilité d’orientation des domaines sous l’effet de contraintes peut être rapprochée du phénomène de transformation induite par les contraintes internes, appelé « stress-induced transformation », qui a été largement décrit pour les matériaux métalliques dès les années 70 [KRI 85, MAO 08, OTS 79]. Plus récemment, d’autres auteurs ont d’ailleurs fait état de sa manifestation pour la zircone partiellement stabilisée à l’yttrium (3Y-TZP) [GAJ 96, PIT 08].

Afin d’obtenir des éléments de réponse, la technique de microscopie à force atomique (AFM en anglais, cf annexe 5) a été mise en œuvre. Dans le cadre de cette thèse, la réorientation des domaines monocliniques après cycle thermique a été mise en évidence par le suivi de la topographie de surfaces libres. Les résultats obtenus pour le matériau ZB sont présentés ci-après (figure 4-5) ; les expérimentations menées sur les autres matériaux au sein desquels la zircone est monoclinique à l’ambiante (ZS et ZBY1) appellent aux mêmes conclusions. La surface préparée par polissage à partir d’un échantillon brut après élaboration (figure 4-5a) présente des variations de hauteur inférieures à 100 nm, granulométrie de silice colloïdale utilisée pour l’étape de finition du polissage.

Figure 4- 5. Imagerie par AFM sur le matériau ZB d’une surface libre (a) brute après élaboration et usinage ; (b) après cycle thermique à 1200°C.

Nous remarquons cependant la présence de zones quasi planes ; la zircone monoclinique ne présentant pas la même densité atomique dans toutes les directions, l’étape de préparation de l’échantillon révèle les domaines monocliniques par polissage différentiel. Après cycle thermique jusqu’à 1200°C (au dessus de la température de transformation de phase) et retour à l’ambiante, la surface libre est modifiée. L’imagerie en mode hauteur montre des éléments topographiques culminant à prés de 450 nm (figure 4-5b). Ces derniers présentent un aspect maclé, caractéristique des variantes formées lors d’une transformation martensitique. Les autres domaines mis en évidence sur la surface brute ne sont en revanche pas retrouvés.

(b) (a)

Les travaux menés par Deville et al. [DEV 04a, DEV 04b, DEV 04c] apportent un éclairage à ces observations. Ils décrivent la formation de variantes auto-accommodantes de zircone monoclinique au sein de grains de zircone quadratique partiellement stabilisée à l’yttrium (figure 4-6). Ces variantes, qui permettent d’accommoder les contraintes internes et ainsi d’éviter la rupture de grains, ne sont pas de correspondances aléatoires. Les expérimentations par AFM et les modélisations effectuées [DEV 04c] montrent qu’il s’agit de variantes de type ABC-1 ou ABC-2, c'est-à-dire qu’il y a correspondance entre les axes c de ces variantes monocliniques et l’axe c du grain quadratique parent. La transformation de phase quadratique → monoclinique s’accompagnant d’une variation de volume, seules les variantes monocliniques possédant un axe c proche de la perpendiculaire à la surface libre de l’échantillon engendrent une variation de topographie.

Figure 4- 6. Formation de paires de variantes de petites tailles (flèches) permettant d’accommoder localement les déformations induites par la transformation tout en minimisant les contraintes résiduelles induites. Selon [DEV