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3. Etude fractographique

3.1.2. Ductilité à haute température

Les origines de la transition de comportement mécanique subie par le matériau ZB entre 800°C et 1000°C sont mises en évidence par l’observation des faciès de rupture des échantillons sollicités à haute température. Placée au dessus de sa température de transition vitreuse (Tg ≈ 890°C), la phase silicatée présente logiquement un comportement visqueux ; elle ne participe donc plus directement à la résistance du matériau et permet de plus l’extraction sans rupture de nombreuses dendrites de zircone non enchevêtrées. Ainsi, seule une faible proportion de la section de l’échantillon est fracturée, en adéquation avec la baisse de contrainte à rupture enregistrée. La zircone conserve par ailleurs un comportement fragile à haute température caractérisé par des ruptures transgranulaires par clivage. La morphologie de la phase vitreuse intergranulaire traduit l’évolution de sa viscosité en température :

- à 1000°C (figure 3-22), des filaments se forment. La phase vitreuse permet d’ores et déjà l’extraction de nombreuses dendrites de zircone mais conserve leurs empreintes ;

- à 1200°C (figure 3-23), la phase silicatée se présente sous la forme d’un film continu accompagné d’un pontage entre les dendrites fracturées. Seules celles d’une taille importante sont visibles, les autres étant recouvertes de phase vitreuse ou ayant été extraites ;

- à 1500°C (figure 3-24), ce film continu est uniformément réparti et recouvre quasi intégralement le squelette de zircone.

Figure 3- 22. Micrographies de faciès de rupture du matériau ZB après essai à 1000°C.

Les fissures observées après retour à l’ambiante sont révélatrices des différentiels de dilatations qui s’exercent au refroidissement, à la fois au sein des dendrites et entre le squelette de zircone et la phase vitreuse. Dans la phase vitreuse, ces microfissures continuent de se développer perpendiculairement à l’interface avec la zircone. Contrairement aux sollicitations en traction, les essais de compression réalisés au chauffage conduisent, dès 1200°C, à un émiettement du faciès de rupture après retour à l’ambiante (aspect en « grains de sable »). Il n’en est pas de même après une sollicitation thermique pure. La transformation monoclinique → quadratique ne peut donc pas être tenue pour seule

responsable, mais, contrariée par une sollicitation mécanique, elle peut entrainer une dégradation irréversible du matériau.

Figure 3- 23. Micrographies de faciès de rupture du matériau ZB après essai à 1200°C.

Figure 3- 24. Micrographies de faciès de rupture du matériau ZB après essai à 1500°C.

3.2. Matériau ZBY1

Au chauffage, les éprouvettes sollicitées en flexion quatre points montrent les mêmes évolutions que celles du matériau ZB. Les deux modes de ruptures successifs sont retrouvés (figure 3-25) : rupture fragile par propagation d’une macrofissuration de l’ambiante à 800°C puis rupture ductile caractérisée par l’ouverture de multiple fissures de plus petites tailles sans séparation des deux segments de l’échantillon, précédée d’une importante déformation, Les défauts propres au procédé d’élaboration sont également observés mais dans des proportions différentes. Si les amas de phase vitreuse se font plus rares, de nombreuses zones de retassures et porosités, y compris au sein de la zircone, affectent le matériau ZBY1. Aussi, il est a priori surprenant de constater des propriétés mécaniques plus élevées pour ce matériau à haute température. Il sera montré dans ce qui suit que la phase vitreuse y revêt un comportement très différent.

Par ailleurs, une coloration des échantillons du matériau ZBY1 intervient également au chauffage. Elle se différencie de celle des échantillons du matériau ZB en ce qu’elle reste moins prononcée tout en se teintant d’une nuance de jaune. Cette dernière est en partie attribuable à la présence d’yttrine Y2O3 au sein du squelette de zircone : les éprouvettes du matériau ZBY7 montrent une couleur jaune d’or après sollicitation thermique à haute température alors que la formulation de la phase vitreuse est identique à celle du matériau ZBY1. Les dissimilitudes de coloration avec le matériau ZB ne peuvent néanmoins pas s’expliquer par une faible variation de la teneur (+ 1%) en yttrine ; elles mettent en évidence une modification de la composition de la phase vitreuse. L’hypothèse de l’oxydation d’impuretés métalliques reste compatible.

Figure 3- 25. Barrettes de flexion du matériau ZBY1 au chauffage.

3.2.1. Rupture fragile

De l’ambiante (figure 3-26) à 800°C (figure 3-27), les éprouvettes du matériau ZBY1 présentent un endommagement transgranulaire par clivage. Contrairement au matériau ZB, les dendrites de zircone sont affectées de porosités de taille micrométrique, impuretés gazeuses piégées lors de la solidification. Les faciès de rupture paraissent cependant moins chahutés et accueillent des débris de zircone de manière plus exceptionnelle. Si elles accueillent un nombre de microfissures plus réduit, celles-ci sont plus ouvertes, tendant à indiquer que l’anisotropie de dilatation thermique de la zircone partiellement stabilisée est plus forte que celle de la zircone monoclinique pure. Ces considérations d’ordre microstructural feront l’objet d’un examen au chapitre suivant où l’arrangement des domaines cristallographiques et leurs confrontations éventuelles seront investigués.

Aussi, les fissures ne se propagent que très occasionnellement de la phase vitreuse au squelette de zircone ; elles restent propres à chacune des deux phases. Au sein de la phase silicatée, elles se manifestent perpendiculairement aux interfaces avec les dendrites, révélant les contraintes internes de compression s’exerçant soit par la redistribution des contraintes macroscopiques appliquées soit, dans le cas d’une sollicitation thermique, par le jeu des différentiels de dilatation. A ces microfissures, plus nombreuses que dans le matériau ZB, et aux porosités présentes dans la phase vitreuse s’ajoutent des décohésions interfaciales. Elles apparaissent aux frontières des dendrites en dépit de l’absence de cavitation : il s’agit donc d’un phénomène distinct de la microfissuration qui pourrait s’initier par des mécanismes de concentration de contraintes aux abords de défauts. Cette plus grande fragilisation de la phase vitreuse met en lumière des différentiels de dilatation thermique plus importants entre les deux phases. Si sur ce plan, le matériau ZBY1 paraît moins optimisé que le matériau ZB, il conserve

Ambiante 300°C 500°C 800°C 1000°C 1200°C

Position des rouleaux centraux

néanmoins de meilleures propriétés mécaniques à haute température grâce à l’évolution des propriétés rhéologiques de sa phase vitreuse. Un compromis est donc certainement à trouver.

Figure 3- 26. Micrographies de faciès de rupture du matériau ZBY1 à l’ambiante.

Figure 3- 27. Micrographies de faciès de rupture du matériau ZBY1 après essai après essai à 800°C.

3.2.2. Ductilité à haute température

Pour le matériau ZBY1, au-delà de 800°C, les propriétés mécaniques sont également liées à la rhéologie de la phase vitreuse intergranulaire. Son comportement linéaire élastique à basse température est, à l’instar du matériau ZB, remplacé par un comportement de type visqueux. Alors que la température de transition vitreuse est annoncée comme étant plus basse (Tg ≈ 750°C contre 890°C pour le matériau ZB), la phase silicatée conserve une viscosité plus élevée à haute température. A 1000°C (figure 3-28), le faciès de rupture observé à faible grandissement (x 100) semble indiquer une rupture fragile. A plus fort grandissement, la phase vitreuse montre en fait une aptitude à la déformation plastique accompagnée de l’extraction des dendrites de zircone de petite taille. Les décohésions à l’interface entre le squelette de zircone et la phase silicatée disparaissent, comblées par la légère mobilité de cette dernière. A 1200°C, la baisse de la viscosité de la phase vitreuse est

soulignée par l’apparition de longs filaments (figure 3-29) qui témoignent de la séparation des deux segments de l’éprouvette et indiquent ainsi le sens de propagation de la macrofissure lors de la rupture (symbolisé par la flèche en rouge).

Figure 3- 28. Micrographies de faciès de rupture du matériau ZBY1 après essai à l000°C.

Figure 3- 29. Micrographies de faciès de rupture du matériau ZBY1 après essai à 1200°C.

Aussi, les différences constatées en termes de contraintes à rupture entre les deux matériaux appellent les commentaires suivants :

- pour le matériau ZBY1, la viscosité élevée de la phase vitreuse à 1200°C permet à cette dernière d’encaisser une partie des contraintes appliquées alors que seul le squelette de zircone du matériau ZB est sollicité à cette température ;

- à haute température, les défauts présents au sein de la phase vitreuse ne se comportent plus en concentrateurs de contraintes du fait des aptitudes à la plasticité de la phase vitreuse. Ils ne conditionnent donc plus les propriétés mécaniques aussi fortement qu’à l’ambiante ;

- le diamètre moyen de dendrites fracturées et leur nombre paraissent plus élevés pour le matériau ZBY1. Si les travaux menés par Madi [MAD 06] concluent que le taux de percolation 3D est égal à 1 pour la phase vitreuse et le squelette de zircone de différents réfractaires électrofondus à très haute teneur en zircone, c.-à-d. qu’il y a continuité des deux phases au sein des matériaux, l’imbrication des dendrites le long de la section de rupture (malheureusement non décrite de manière fidèle par la percolation 2D) semble plus forte pour le matériau ZBY1.

4. Conclusion sur le comportement thermomécanique des réfractaires