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1. Evolution des propriétés élastiques en température et après retour à l’ambiante

1.2. Impact de sollicitations thermiques

La connaissance de l’évolution des propriétés élastiques des matériaux à température ambiante après refroidissement n’est pas suffisante ; il convient également d’investiguer leur comportement en température afin de préciser l’apparition de l’endommagement et d’éventuelles phases de guérisons. Les mesures par IET (cf. chap. 2) ont été effectuées tout au long des cycles thermiques, jusqu’à 1700°C, dans des conditions similaires à celles réalisées à l’ambiante :

- échantillons parallélépipédiques rectifiés de dimensions 80 mm x 8 mm x 6 mm des matériaux ZS et ZB ;

- évaluation du module d’Young en mode flexion. La sollicitation est assurée

périodiquement, à une fréquence de 1 Hz, par une tige en alumine commandée pneumatiquement ;

- rampes de chauffage et de refroidissement conservées, respectivement 300°C/h et 100°C/h. eau eau air air huile huile

Les résultats de telles mesures font l’objet de descriptions dans la littérature. De nombreux matériaux, à l’instar des bétons à base d’andalousite, des supports de cuisson de type cordiérite-mullite, les composites à matrice céramique [FAN 09] ou des réfractaires à base d’alumine et de carbone, présentent des évolutions de module d’Young en température formant une boucle d’hystérésis, caractéristique d’un endommagement. Plus récemment, ce phénomène a été observée pour des réfractaires électrofondus à très haute teneur en zircone [LAT 09]. Ce comportement est donc attendu. Par ailleurs, en raison de la faible viscosité de la phase vitreuse à haute température (T > 1000°C), un fort amortissement de la vibration de l’échantillon (taux d’amortissement > 10%) risque de rendre l’enregistrement du signal inexploitable.

Les résultats des deux matériaux, ZS et ZB, sont comparés avant que soit étudié l’impact de différents paramètres sur l’endommagement de ce second matériau. Le caractère néfaste que revêt la formation de zircon est notamment révélé. L’influence de la température maximale atteinte sur les capacités de guérison est également investiguée.

1.2.1. Comparaison de deux matériaux

Des échantillons des matériaux ZS et ZB ont été soumis à des cycles thermiques tels que décrits au chapitre 2. Les évolutions en température de leur module d’Young relatif (E/Eo) sont présentées sur la figure 3-4. Le cycle d’hystérésis décrit par le matériau ZS est plus étendu que celui décrit par le matériau ZB, indiquant un endommagement plus important, sans doute dû à une moins bonne adéquation entre la phase vitreuse et le squelette de zircone (différentiel de dilatation plus élevé majorant les contraintes internes). Il en résulte une détérioration plus forte après retour à l’ambiante. L’évaluation des propriétés élastiques, poursuivie trois jours après sollicitation thermique, montre une chute de module relatif également plus marquée pour le matériau ZS (-17 % contre -11 % pour le matériau ZB). Ce constat est en accord avec les observations précédentes (cf. § 1.1.2).

0,8 0,85 0,9 0,95 1 1,05 1,1 1,15 0 200 400 600 800 1000 1200 Température (°C) E/ Eo ZS ZB

Figure 3- 4. Comparaison des matériaux ZS et ZB.

Les deux matériaux présentent un comportement particulier sur la plage de température [ambiante – 300°C] lors du chauffage. Il se caractérise par une croissance puis une décroissance du module

d’Young formant, pour le matériau ZB, une sorte de bosse centrée aux environs de 200°C. L’explication suivante peut être avancée : à partir de 80°C, les différentiels de dilatation referment certaines fissures existantes, contrecarrant la chute intrinsèque de module avec l’augmentation de température. Les deux phénomènes continuent de s’affronter à plus haute température comme en témoigne les tangentes des courbes qui tendent progressivement vers l’horizontale : une guérison s’opère tout au long du chauffage, conduisant à l’accommodation progressive des défauts de taille croissante. Le matériau ZB, moins endommagé initialement, profite davantage de ce mécanisme de guérison. Son ampleur peut être appréciée par l’évolution des courbes au refroidissement, linéaire sur la plage de température [200°C – 800°C], qui décrivent d’une manière plus fidèle l’évolution du module d’Young relatif avec la variation de température, les matériaux ayant bénéficié d’une restauration au cours du cycle thermique.

Au chauffage, une perte du signal enregistré est constatée, respectivement à 1250°C et 1100°C pour les matériaux ZS et ZB, ne permettant pas un suivi des échantillons durant l’intégralité du cycle thermique. Intervenant plus précocement pour le matériau ZB, elle est révélatrice de la plus faible viscosité de sa phase vitreuse à haute température.

1.2.2. Formation de zircon au sein du matériau ZB

L’influence de la température de palier du cycle thermique appliqué a été étudiée pour le matériau ZB, nuance de référence. La figure 3-5 montre les évolutions du module d’Young relatif pour deux températures particulières : 1080°C et 1500°C (temps de palier d’une heure comme précédemment). La première se positionne 50°C en dessous de la température de transformation de phase monoclinique → quadratique ; la seconde correspond approximativement à la température rencontrée en service. Au cours du cycle thermique comportant un palier de température à 1080°C, une guérison importante est observée, comparable à celle qui s’opère sur un cycle culminant à 1700°C. Cela révèle que le dépassement de la température de transition vitreuse (890°C) joue un rôle prépondérant sur la restauration des propriétés élastiques des réfractaires électrofondus, contrairement aux transformations de phase monoclinique → quadratique et inverse qui ont un impact mineur. Le palier de stabilisation participe pour une partie importante à cette guérison ; les différences constatées avec les évolutions sur un cycle à 1700°C semblent davantage imputable à la durée de la sollicitation à haute température qu’à la température maximale atteinte elle-même.

A l’inverse, l’application d’un cycle culminant à 1500°C provoque une chute de plus de 30 % du module d’Young relatif après retour à l’ambiante, en dépit d’une plus faible viscosité de la phase vitreuse au palier de température qui aurait dû conduire à une résorption plus aisée de l’endommagement initial. Un phénomène perturbateur est donc à rechercher. Des éléments de réponses sont apportés par Matkovich [MAT 61]. La formation à haute température de zircon (ZrSiO4) à partir de zircone et de silice (composant principal de la phase vitreuse) est mise en évidence en présence de certains oxydes : pentoxyde de vanadium, de niobium ou encore de tantale. Elle se déroule en deux étapes : une réaction entre la zircone et ces oxydes a lieu à une température intermédiaire ; à plus haute température, le produit de cette réaction forme le zircon par combinaison avec la silice. Pour le matériau ZB, cette formation est précisément observée à 1500°C (figure 3-6). Il apparaît néanmoins qu’à l’équilibre le matériau ne renferme plus de zircon, les pentoxydes étant libérés après un chauffage prolongé (temps de 10 h à 1600°C ou de 1 h à 1700°C déterminés par DRX). Les rampes de refroidissement étant particulièrement faibles à l’attrempage, les réfractaires électrofondus ne se trouvent donc pas menacés par la présence de ce composé.

0,65 0,7 0,75 0,8 0,85 0,9 0,95 1 1,05 1,1 0 200 400 600 800 1000 1200 Température (°C) E/ Eo ZB; 1080 °C ZB; 1500 °C

Figure 3- 5. Effet de la température de palier du cycle thermique sur l’évolution du module d’Young pour le matériau ZB.

Cet essai permet également de confirmer l’impact de l’endommagement initial sur le comportement du matériau au chauffage. L’hypothèse selon laquelle un endommagement plus conséquent se traduit par une baisse du module élastique plus importante avec l’augmentation de température est ici vérifiée. En effet, l’échantillon subissant le cycle thermique d’une température maximale de 1080°C voit une baisse de module d’Young relatif plus réduite alors qu’il présente un module d’Young initial plus élevé (160 GPa contre 152 GPa pour l’échantillon soumis au cycle thermique à 1500°C)

Figure 3- 6. Diffractogrammes réalisés sur un échantillon massif du matériau ZB après un palier d’une heure à différentes températures ; (a) 1500°C ; (b) 1600°C ; (c) 1700°C.

(a) (b)

(c)

ZrSiO4 ZrO2

palier 1h

1.2.3. Restauration des propriétés d’élasticité

Les possibilités de recouvrement des propriétés élastiques après un endommagement sévère ont également été investiguées. Après un premier cycle thermique à 1500°C se soldant par une chute du module d’Young relatif de 30 %, l’échantillon du matériau ZB a été soumis à un second cycle culminant à 1700°C pendant une heure (figure 3-7). Les résultats montrent une complète restauration du module d’élasticité ; les valeurs obtenues à l’issue de ce second cycle sont proches de celles observées après un unique cycle à 1700°C. Leur légère supériorité n’est que transitoire, le matériau s’endommageant ensuite d’avantage à l’ambiante.

0,65 0,7 0,75 0,8 0,85 0,9 0,95 1 1,05 1,1 1,15 0 200 400 600 800 1000 1200 Température (°C) E/ Eo ZB; 1st (1500°C) ZB; 2nd (1700°C)

Figure 3- 7. Recouvrement des propriétés d’élasticité après un second cycle à 1700°C sur matériau ZB.

Un autre essai consistant en l’application d’un cycle thermique à 1700°C avec un temps de palier prolongé (durée = 5 h) a été réalisé pour le matériau ZB. L’évolution du module d’Young relatif sur ce cycle (figure 3-8) présente la même allure que celle observée lors d’un cycle « classique » à 1700°C (durée du palier = 1h) :

- au chauffage, les différences s’expliquent par le niveau d’endommagement initial des deux échantillons (Eo = 156 GPa pour celui soumis au palier d’une heure, en rouge ; Eo = 149 GPa pour celui soumis au palier de cinq heures, plus endommagé) ;

- le retour à l’ambiante, au refroidissement, s’opère suivant les mêmes pentes pour les deux échantillons entre 800°C et 200°C. Néanmoins, l’endommagement final observé trois jours après essai est, en relatif, moins important pour l’éprouvette plus dégradée initialement (E/Eo ≈ 0,925 contre 0,912 pour l’autre éprouvette).

Ainsi, le maintien prolongé à haute température n’a en apparence aucune influence significatrice sur le comportement global du matériau. A l’instar de l’endommagement, la guérison semble être limitée par un niveau maximal.

0,85 0,9 0,95 1 1,05 1,1 0 200 400 600 800 1000 1200 Température (°C) E/ Eo ZB; 1700°C, 1h ZB; 1700°C, 5h