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Chapitre III : Matériel et méthodes

1. Nature des échantillons étudiés

1.3 Minerais, scories et barres de fer archéologiques du Tarn

Le département du Tarn constitue le versant Nord du massif de la Montagne Noire. Depuis 2012, plusieurs campagnes de prospections archéologiques ont permis de répertorier d’anciens sites d’activités sidérurgiques, caractérisés par la présence de nombreux amas de scories de réduction de fer. Les secteurs concernés sont ceux des Monts de Lacaune, de Montredon-Labessonnié, d’Alban, d’Ambialet et de Crespin (Coustures, 2012, 2013 et 2014 ; voir Figure III-4). Les premières études suggèrent une exploitation du fer datant de l’époque gauloise. En outre, conjointement à ces vestiges, plusieurs travaux miniers anciens ont été découverts dans le département du Tarn, bien qu’ils ne soient pas encore précisément datés à ce jour (les analyses radiocarbone sont en cours). Cette activité sidérurgique ancienne dans le département du Tarn peut être rattachée à la découverte de deux dépôts de barres de fer dans les communes de Montans et de Rabastens. Les tessons de céramiques contenus dans ces dépôts ont permis d’estimer l’âge de ces barres qui serait compris entre 125 et 75 av. J.-C. (Martin et Ruffat, 1998).

Le district minier de la Montagne Noire se situe à cheval entre la Gaule dite « chevelue » (occupée par les Gaulois jusqu’à la conquête de Jules César en -52 av. J.-C.) et la province de la Narbonnaise (occupée par les Romains depuis -118 av. J. -C.) (e.g. Christol et al., 2010). Les départements actuels de l’Aveyron et du Tarn étaient l’ancien territoire détenus par les Rutènes, un peuple gaulois puissant qui pratiquait le commerce des métaux. Lors de la création de la province romaine de la Narbonnaise, le territoire des Rutènes a été coupé en deux parties dont une a été annexée par les romains (Figure III-4). Par conséquent, les activités sidérurgiques qui se sont déroulées dans la Montagne Noire après la création de la Narbonnaise sont réparties entre deux contextes politiques et culturels différents que sont le monde gaulois et le monde romain. Ainsi, ce territoire minier est tout à fait intéressant car il présente une coexistence d’activités sidérurgiques gauloises et romaines contemporaines. A l’échelle du même district minier, on peut alors distinguer la production de fer romaine,

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représentée par certaines barres des épaves des Saintes-Maries-de-la-Mer datées du Ier siècle avant J.-C. au Ier siècle après J.-C. (Baron et al., 2011) et la production de fer gauloise représentée par les barres de Montans et Rabastens datées de 125 à 75 av. J.-C. (Martin et Ruffat, 1998). Ce contexte archéologique, à la charnière entre deux sphères culturelles, est donc tout à fait propice à l’application de notre nouvel outil isotopique pour en estimer la puissance et les apports réels, mais également les limites. Cette nouvelle méthode de traçage pourrait en effet permettre de caractériser et de distinguer des productions Romaines et Gauloises à l’échelle du même district minier. Au cours de cette thèse, nous avons collecté des échantillons de minerais de fer et de scories de réduction, issus de plusieurs sites de réduction de fer ou de mines anciennes, dans les secteurs d’Ambialet et de Crespin dans le Tarn (Figure III-5).

Figure III-4 : Carte de la Gaule avant la conquête de Jules César en -52 av. J.C. Les pointillés rouges repèrent grossièrement le territoire des Rutènes (modifiée d’après Feitscherg, 2005).

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1.3.1 Minerais et scories du secteur d’Ambialet

Les échantillons de minerais des différents sites du secteur d’Ambialet sont principalement constitués de goethite, cristallisée dans d’anciens plans de clivage de carbonates. On trouve également des plages d’oxydes de fer et de manganèse ainsi que quelques cristaux de chalcopyrite (CuFeS2). Ceci indique que ces minerais se sont formés lors de l’altération d’un minerai primaire essentiellement carbonaté. Les minéraux accessoires sont principalement des muscovites. Les minerais de ce secteur peuvent se distinguer d’un site à l’autre par leur composition chimique, notamment par leur teneur en fer, en cuivre ou en argent. Toutefois, les minerais retrouvés sur les sites de réduction peuvent correspondre à des rebuts, ce qui pourrait expliquer leurs teneurs relativement faibles en fer et le fait qu’ils n’aient pas été utilisés. Au total, trois échantillons de minerais provenant du secteur d’Ambialet ont été analysés lors de cette thèse (Coustures, 2013).

Figure III-5 : Principaux sites archéologiques, secteurs sidérurgiques anciens et circuits possibles de diffusion du fer autours du district minier de la Montagne Noire.

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Les scories sont composées de dendrites de wüstite et de plages de fayalite contenues dans une matrice vitreuse. La limite entre les coulées ayant formé ces scories peut être marquée par un liseré d’hématite ou de magnétite. Quelques billes métalliques, essentiellement composées de fer, peuvent également être présentes dans ces scories. Les analyses chimiques de ces échantillons montrent une teneur en fer relativement élevée (entre 65 % et 73 % en poids de Fe2O3), par rapport aux scories de réduction romaines du site du Domaine des forges (50 % en poids de Fe2O3 d’après Jarrier 1993). On note également la teneur en manganèse relativement élevée de ces scories. Certaines d’entre elles se distinguent des autres par leurs fortes teneurs en CaO, ainsi qu’en strontium et en baryum (Coustures, 2013). Pour notre étude, 5 échantillons de scories de réduction ont été collectés dans ce secteur.

1.3.2 Minerais et scories du secteur de Crespin

Dans le secteur de Crespin, seuls une mine et un atelier de réduction ont été échantillonnés pour notre étude. Les deux échantillons de minerai considérés ici proviennent de ces deux sites. Ces minerais ont une minéralogie comparable à celle des minerais d’Ambialet, dominée par la goethite. La composition chimique de ces échantillons de minerais montre des différences de teneur en fer dans ces minerais entre celui de la mine (60,5% en poids de Fe2O3) et celui de l’atelier de réduction (55,5 % en poids de Fe2O3) qui peut être un rebus. On constate également une forte teneur en baryum et en terres rares dans le minerai issu de la mine par rapport à celui de l’atelier. Enfin, les deux échantillons sont remarquables par leur forte teneur en cuivre (514 et 3400 ppm ; voir Coustures, 2013).

Les deux échantillons de scories collectés dans ce secteur pour notre étude proviennent du même site de réduction. De la même façon que les scories d’Ambialet, celles de Crespin sont principalement composées de wüstite, en dendrite ou en phases plus larges, et de plages de fayalite, contenues dans une matrice vitreuse. La limite des coulées successives est marquée par un liseré d’hématite et de magnétite. La teneur en fer de ces scories est également relativement élevée (64 et 69 % en poids de Fe2O3) comparativement aux scories archéologiques du site des Martys (Domaine des forges). Comme pour les minerais de ce

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secteur, les teneurs en cuivre de ces scories sont très élevées (263 et 3150 ppm ; voir Coustures, 2013).

1.3.3 Barres de fer Gauloises de Montans et Rabastens

Les barres de fer d’époque Gauloise de Montans (8 barres) et de Rabastens (2 barres) sont environ deux fois plus longues et plus lourdes que les autres barres répertoriées pour cette époque (e.g. Berranger, 2009). Du fait de leurs proportions hors norme, par rapport au « currency bars » définies par Berranger (2009), et de l’absence d’exemples similaires dans la moitié sud de la Gaulle, ces semi-produits constituent des pièces archéologiques particulièrement rares et sont exposées dans la « salle des trésors » dans le musée archéologique de Montans. De ce fait, lors d’une présentation orale suivie d’une réunion, nous avons dû démontrer au Service Régional de l’Archéologie la pertinence de notre approche analytique. Le caractère peu invasif de notre méthode ainsi que la démonstration des apports potentiels de notre nouvelle méthode de traçage nous ont permis d’obtenir l’autorisation de prélèvements par le Conservateur Général de l’Archéologie Midi-Pyrénées. Ces barres n’ont donc jamais été analysées et aucune donnée sur la composition de leur métal (acier ou ferrite) n’est disponible dans la littérature. Lors de cette étude, nous avons prélevé au minimum un échantillon de métal sur chacune de ces barres de façon à déceler les différences potentielles de composition des isotopes du fer entre ces barres. Toutefois, deux prélèvements ont été réalisés sur trois d’entre elles pour vérifier l’homogénéité du métal un sein d’une même barre. La morphologie de ces barres ainsi que les points de prélèvement de nos échantillons sont présentés dans la figure III-6.

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Figure III-6 : Morphologie des barres de fer de Montans (MTS-1 à MTS-8) et de Rabastens (RAB-1 et RAB-2). Un échantillon de métal a également été prélevé sur un fragment de barre de fer issu du

dépôt de Montans et qui n’est pas représenté ici. Les flèches grises indiquent les points de prélèvement de nos échantillons de métal.