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Chapitre III : Matériel et méthodes

1. Nature des échantillons étudiés

1.1 Expérimentations de réduction dans le massif de la Montagne Noire

Le massif de la Montagne Noire, dans le sud-ouest de la France, fut une région majeure de production de fer durant la période romaine, où l’activité sidérurgique a atteint son apogée à la période impériale, entre le Ie siècle av. J.C. et le Ie siècle ap. J.C. (e.g. Domergue et al., 1993 ; Jarrier, 1993 ; Coustures et al., 2003 ; Fabres et al., 2016). De nombreux ferriers et anciens ateliers de réduction ont donc été découverts dans cette région. En outre, plus de 160 sites à scories ont été répertoriés pour une production totale estimée à environ 100 000 tonnes de fer produit sur une période de 3 siècles (Rico, 2016). Le site du « Domaine des forges », dans la commune actuelle des Martys (Aude, Sud-Ouest de la France) est un site majeur de production sidérurgique à l’époque romaine dans la Montagne Noire.

Sur la base des observations archéologiques réalisées dans ce district minier, plusieurs séries d’expérimentations de réduction de minerai de fer en bas fourneau ont été réalisées dans la Montagne Noire, entre 1991 et 2009, dans le but de restituer les protocoles anciens de production de fer. Les protocoles utilisés pour chacune de ces expérimentations ont été décrits en détail dans Jarrier (1993), Jarrier et al. (1997) ou encore Béziat et al. (2016) et sont détaillés dans le tableau III-1. Dans cette thèse nous avons analysé des échantillons de minerai, de scorie de réduction et de métal collectés lors de deux expérimentations réalisées en 1991 et 2009. L’analyse de ces matériaux qui couvrent l’ensemble de la chaîne opératoire de production de fer nous a permis d’estimer l’influence potentielle des procédés métallurgiques sur la composition des isotopes du fer.

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Tableau III-1: Récapitulatif des opérations expérimentales de réduction de minerai de fer menées entre 1991 et 2009 dans le massif de la Montagne Noire (d’après Béziat et al., 2016).

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1.1.1 Expérimentations de 1991

Les expérimentations de réduction de minerai de fer de 1991 ont été réalisées sur le site du Domaine des forges, dans la commune des Martys. Pour cela, deux bas fourneaux de réductions ont été reconstruits à partir des restes d’anciens fourneaux sur la base des observations archéologiques faites lors de la fouille du site (Figure III-1). Les minerais utilisés lors de ces expérimentations étaient ceux qui avait été découverts sur ce site sidérurgique et correspondaient à de la matière première qui avait été utilisée par les artisans Romains. Ces minerais de provenance locale ont été triés, grillés et calibrés. L’étude chimique et minéralogique a montré qu’il s’agissait de chapeaux de fer, ou gossans, formés par l’altération de minerais primaires principalement carbonatés, tels que la sidérite (FeCO3), issus du versant sud du massif de la Montagne Noire (Domergue, 1993 ; Jarrier et al., 1997 ; Béziat et al., 2016). D’un point de vue minéralogique, ils sont principalement constitués de goethite, associée à de rares minéraux accessoires de carbonates de fer. La composition simple de ce minerai s’explique par le fait que les Romains avaient utilisé les chapeaux de fer les plus évolués et les plus riches en fer. Ainsi, les disparités minéralogiques visibles dans les minerais primaires sont gommées dans ces gossans. L’altération avancée de ces minerais tend également à effacer les différences de composition chimiques. Toutefois, leur comparaison avec les chapeaux de fer du versant Nord de la Montagne Noire a montré qu’ils sont caractérisés par une faible teneur en baryum ainsi qu’en éléments en trace métalliques. Pour notre étude, 4 échantillons de ces minerais dits « archéologiques » ont été prélevés.

Plusieurs échantillons de scories de réduction issus des expérimentations de 1991 ont également été collectés pour d’autres études. Ces scories coulées évacuées lors de la réduction sont massives et ont une morphologie cordée. D’un point de vue minéralogique, elles sont majoritairement composées de fayalite (Fe2SiO4), de dendrites de wüstite (FeO), ainsi que de quelques spinelles et de feldspathoïdes (e.g. Jarrier, 1993 ; Jarrier et al., 1997). Deux échantillons de scories coulées issus des expérimentations de 1991 ont été analysés au cours de cette thèse.

Le métal produit lors de ces expérimentations se présente sous forme d’un massiot compact qui a pu être travaillé à la forge de façon à obtenir une barre de fer (Figure III-1). Ces pièces sont constituées d’un acier eutectoïde ou hypereutectoïde avec une teneur en carbone

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généralement comprise entre 0,8 et 1%, mais pouvant atteindre de 1,7% localement. Pour notre étude, deux échantillons de ces barres de fer ont été prélevés.

Figure III-1 : a) Bas fourneau de réduction expérimental utilisé en 1991 (photo : C. Domergue). b) Massiot de fer obtenu en 1991 avant épuration (photo : C. Jarrier). c) Sections de la barre de fer

obtenue après épuration du massiot.

1.1.2 Expérimentations de 2009

Plusieurs autres expérimentations ont été conduites en 2009 sur la plateforme expérimentale de Lastours, au Sud-Est du site du Domaine des forges. La construction des fours de Lastours s’était alors inspirée de nouvelles découvertes archéologiques faites sur le site de Montrouch entre 1993 et 1995, non loin du Domaine des Forges (Béziat et al., 2016). Contrairement aux expérimentations de 1991 qui avaient utilisé un mode de ventilation forcée, celles de 2009 avaient adopté un mode de ventilation naturelle par trois tuyères placées à la base de la cheminée.

La principale différence avec les opérations de réduction réalisées au Domaine des Forges concernait la nature du minerai utilisé. Ce dernier provenait des haldes de la mine de

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Salsigne, dans le sud de la Montagne Noire, exploitée pour l’or jusqu’à une période récente. Avant les opérations de réduction, ce minerai avait été grillé et broyé par les expérimentateurs de façon à obtenir un minerai le plus proche possible de celui découvert aux Martys. Tout comme celui découvert au Domaine des forges, ce minerai était un chapeau de fer riche en oxyhydroxydes de fer (goethite et limonite). Cependant, ce gossan s’est formé par l’altération d’un minerai primaire à sulfures de fer dominant, principalement la pyrite (FeS2) et l’arsénopyrite (FeAsS) parfois englobées par de grands cristaux de sidérite. Les minéraux accessoires qu’il contient sont majoritairement des grains de quartz et quelques sulfures de fer. En comparaison des chapeaux de fer découverts au Domaine des forges, ceux de Salsigne montrent des teneurs relativement élevées en As et en Cu, ainsi que, dans une moindre mesure, en Ti, Zn, Pb, Ni et Bi (Béziat et al., 2016). Ces teneurs élevées proviennent du caractère polymétallique de la plupart des minéralisations à sulfures dominant dont sont issus ces chapeaux de fer. Pour notre étude, deux échantillons de ces minerais de Salsigne ont été collectés.

Les scories coulées produites en 2009 sont sensiblement comparables à celles obtenues en 1991. Elles sont massives, en forme de cordées et principalement composées de fayalite et de wüstite. Trois échantillons de scories issues de ces expérimentations ont été prélevés lors de notre étude. En revanche, le métal produit en 2009 est très différent du massiot produit en 1991. En effet, il consiste en plusieurs fragments de fer vacuolaire et peu consolidé, incorporés dans la scorie de réduction. Ainsi, cette expérimentation n’a pas permis d’obtenir un massiot bien consolidé, facilement séparable de la scorie, et le métal produit n’a pas pu être travaillé à la forge. Nous avons tout de même collecté deux échantillons de métal produit lors de cette expérimentation.