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Chapitre I : Production et traçage des métaux anciens

2. Méthodes actuelles de traçage des métaux anciens

2.2 Méthodes de traçage isotopiques

Contrairement aux métaux ferreux, les non-ferreux ne contiennent pas d’inclusions de scorie du fait de leur passage à l’état liquide durant la chaîne opératoire métallurgique. De ce fait, les méthodes de traçage élémentaires ne sont pas pertinentes pour les études de provenance de ces métaux et un certain nombre de systèmes isotopiques ont été développés dans cette optique. Les isotopes du Pb sont les plus largement utilisés de nos jours, mais d’autres systèmes isotopiques tels que ceux du Cu, Sn, Zn, Sr ou Os sont également utilisés. Certains de ces isotopes ont également été utilisés pour le traçage des métaux ferreux.

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2.2.1 Traçage des métaux par l’isotopie du Pb

Les isotopes du plomb sont au nombre de quatre (208Pb, 207Pb, 206Pb et 204Pb) et leurs abondances naturelles moyennes respectives sont 52,4%, 22,1%, 24,1% et 1,4%. Dans la nature, on observe une forte hétérogénéité de la composition isotopique du Pb de différents minerais, principalement due au caractère radiogénique de trois des quatre isotopes naturels du Pb. En effet, si le 204Pb est stable, les isotopes 206Pb, 207Pb et 208Pb sont produits par la décroissance radioactive des isotopes pères 238U, 235U et 232Th respectivement. Les abondances relatives des isotopes du Pb vont donc varier au cours du temps car leurs isotopes pères ont des temps de demi-vie différents (e.g. Albarède et al., 2012). De plus, le comportement géochimique de l’U, du Th et du Pb étant différents, chaque réservoir terrestre (atmosphère, formation géologique, minéralisation…) verra ses rapports initiaux U/Pb et Th/Pb évoluer de manière différente selon son histoire géologique. C’est ce qu’on appelle communément « l’effet réservoir ». Ainsi, le Pb est unique par sa variabilité isotopique à l’échelle terrestre, ce qui en fait un traceur particulièrement pertinent pour les études de provenance des métaux (Baron et al., 2011b).

Les premières études de provenance utilisant les isotopes du Pb ont été réalisées dans les années 60 par spectrométrie de masse à source solide (Brill et Wampler, 1965 ; Grögler et al., 1966). Ces études pionnières ont consisté à analyser un certain nombre de pièces de monnaies, de scories et d’objets métalliques pour en déterminer l’origine. Toutefois, ces travaux n’ayant pas été accompagnés d’analyses de minerais, leurs conclusions en termes de détermination de provenance sont insuffisantes. Dans les années 1970, le rapprochement de deux équipes de recherche des Universités d’Oxford (Royaume-Uni) et d’Heidelberg (Allemagne) a permis de poser les premiers jalons de l’établissement d’une base de donnée de composition isotopique du Pb de minerais européens (OXALID). Ces travaux ont porté sur la provenance de monnaies Grecques en argent et ont permis la caractérisation isotopique de nombreux minerais en Grèce et dans toute la sphère culturelle Egéenne (e.g. Gale et al. 1980; Wagner et al. 1980; Wagner and Weisgerber 1985, 1988). Depuis ces travaux, cette base de données de compositions isotopiques en Pb de minerais a été régulièrement alimentée par plusieurs études réalisées sur des minerais européens. Ainsi la base de donnée OXALID regroupe, entre autres, les compositions isotopiques de minerais de Grèce

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et de Turquie (Chamberlain et Gale, 1980) de Chypre et de Crète (Gale et al., 1997 ; Stos-Gale et al., 1997), de Bulgarie (Stos-Stos-Gale et al., 1998), de Grande Bretagne (Rohl, 1996) ou encore de Sardaigne (Gale et Stos-Gale, 1999). Bien que cette base de données permette d’avoir un point de comparaison de la composition isotopique des différents matériaux analysés, la comparaison directe de la composition d’un objet avec celle de minerais peut conduire à proposer des sources de provenance erronées. En effet, seule la mesure des matériaux couvrant l’ensemble de la chaîne opératoire (minerai, scorie de réduction et métal produit) permet de prendre en compte l’influence potentielle des procédés métallurgiques sur la composition isotopique du Pb. De plus, certains des minerais répertoriés proviennent de collections de musées et ne sont associés à aucun contexte archéologique.

Les analyses des isotopes du Pb peuvent être réalisées selon deux techniques différentes. La première est la spectrométrie de masse par thermo-ionisation (TIMS), largement développée pour les analyses isotopiques en général (e.g. Faure, 1986). La méthode classique de mesure des isotopes du Pb en archéométrie par TIMS a été développée par Barnes et al. (1973) et Arden et Gale (1974). La seconde technique, développée plus récemment, est la spectrométrie de masse à torche plasma couplé à un multi-collecteur (MC-ICP-MS) qui permet de mesurer plusieurs isotopes simultanément avec une haute résolution de masse (e.g. Rehkämper et Halliday, 1998). Cette seconde méthode permet d’améliorer la précision des mesures d’un facteur 10 par rapport à la méthode TIMS classique par le biais de corrections internes et externes. L’introduction des méthodes de double spike (Todt et al., 1996) et triple spike (Galer et Abouchami, 1998) ont alors permis de réduire les incertitudes des mesures TIMS qui servent maintenant de référence pour calibrer les mesures acquises par MC-ICP-MS.

Les différences de justesse entre les études archéométriques anciennes et celles plus récentes peuvent poser des problèmes pour la comparaison des donnés. En effet, les rapports isotopiques des matériaux de référence (notamment SRM 981 Pb) utilisés comme point de comparaison des donnés acquises, montrent des variations importantes selon que l’on utilise la méthode du TIMS sans spike, peu précise, ou les méthodes récentes (TIMS double/triple spike, MC-ICP-MS), plus précises. Ainsi, la méthode utilisée doit être prise en

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compte lors de la comparaison de jeux de données, de façon à éviter toute erreur d’interprétation (Baron et al., 2014).

Une large majorité des études de provenances de métaux utilise les rapports 207Pb/206Pb et

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Pb/206Pb pour discriminer différentes sources possibles. Ces isotopes radiogéniques étant issus de la décroissance radioactive d’isotopes pères, leur quantité n’est pas stable aux échelles de temps considérées en archéologie, contrairement au 204Pb qui est stable et dont la quantité est restée inchangée depuis la formation de la Terre. La méthode d’analyse par MC-ICP-MS permet une mesure plus précise du 204Pb, notamment depuis le développement du dopage des échantillons au thallium (205Tl et 203Tl) où la mesure du standard international SRM 997 Tl est utilisé pour la correction du biais de masse (White et al., 2000 ; Thirlwall, 2002). Toutefois, bon nombre d’études utilisant le MC-ICP-MS ne se servent pas du 204Pb dans leurs représentations graphiques de données isotopiques, bien qu’il soit mesuré (e.g. Niederschlag et al., 2003 ; Durali-Müller et al., 2007 ; Klein et al. 2009). Du fait de sa stabilité dans le temps, la normalisation des isotopes radiogénique du Pb par le 204Pb permet de prendre en compte le facteur temporel qu’est l’âge du minerai. Cette normalisation par le

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Pb sur les représentations graphiques de donnés isotopique s’avère donc particulièrement utile pour la discrimination de sources de minerai (e.g. Baron et al., 2006, 2011b ; Renzi et al., 2009 ; Desaulty et al., 2011 ; Cui et Wu, 2011 ; Albarède et al., 2012 ; Huelga-Suarez et al., 2014 ; Ling et al., 2013, 2014).

2.2.2 Traçage des métaux par l’isotopie du Cu

Les isotopes du Cu sont utilisés comme traceur de l’origine géologique de minerais (e.g. Zhu et al., 2000 ; Larson et al., 2002). L’utilisation de ces isotopes à des fins archéométriques, pour le traçage des sources de minerai utilisé aux époques anciennes ont également été proposées (Gale et al., 1999 ; Woodhead et al., 1999). Plusieurs études ont depuis utilisé cette technique avec succès.

Les travaux de Durali-Müller (2005) ont démontré que les minerais secondaires de cuivre, issus de l’altération de minerais primaires sulfurés, ont systématiquement une signature positive (δ65

Cu>0) tandis que les minerais primaires correspondants montrent des compositions isotopiques en Cu négative (δ65Cu<0), ce qui peut permettre de les distinguer.

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Ce fractionnement isotopique est induit par une migration préférentielle des isotopes légers du Cu vers la phase aqueuse durant l’altération et un enrichissement de la phase résiduelle en isotopes lourd du Cu. L’analyse des isotopes du Pb sur les mêmes minerais montre des compositions isotopiques très homogènes et ne permet pas une telle distinction (Durali-Müller et al., 2005). Cette étude montre alors que les isotopes du cuivre permettent une meilleure discrimination des sources de minerais que les isotopes du plomb et peuvent être utilisés pour affiner le traçage des matériaux cuivreux.

Les travaux de Klein et al. (2004, 2009) montrent également l’utilité des isotopes du Cu, en complément des isotopes du Pb, pour l’étude des sources d’approvisionnement en minerai du cuivre pour la production de monnaie à l’époque romaine. Les données isotopiques en Pb de minerais Espagnols publiées jusqu’alors montraient une lacune importante dans les diagrammes isotopiques, avec un déficit de donnés entre deux pôles de composition isotopique entre les districts du Sud-Ouest et ceux du Sud-Est de l’Espagne. Les pièces de monnaie analysées par Klein et al. (2004) ont une composition isotopique en Pb situées entre ces deux pôles. Dans un premier temps, les auteurs ont alors conclu à un mélange de minerais de différentes provenances. Par la suite, la publication de nouvelles compositions isotopiques de minerais de cuivre provenant du centre de la péninsule Ibérique a remis en question la théorie d’un mélange de minerais. Klein et al. (2009) ont alors conclu à l’utilisation d’un seul minerai de cuivre provenant du centre de l’Espagne, mettant en évidence l’importance des investigations archéologiques préalablement à toute analyse isotopique. Dans ce contexte, les isotopes du cuivre ont permis de distinguer plusieurs groupes parmi les monnaies étudiées. Cette distinction, impossible avec les isotopes du plomb, reflète l’utilisation de différents types de minerais du cuivre (sulfures primaires ou oxydes secondaires) selon l’époque de production des monnaies. Les résultats de cette étude rejoignent les conclusions de Durali-Müller et al. (2005) et montrent le fort potentiel discriminatoire des isotopes du Cu qui permettent d’affiner le traçage des matériaux cuivreux.

Cette nouvelle méthode constitue un outil de traçage supplémentaire, en plus des isotopes du Pb, qui peut s’avérer particulièrement concluant dans certains contextes bien définis. Si ce système isotopique est applicable au traçage des métaux non ferreux, il n’existe jusqu’à présent aucun traceur isotopique adéquat pour les études de provenance des métaux

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ferreux. Cet exemple de l’utilisation du cuivre pour le traçage des métaux suggère alors la possibilité d’utiliser les isotopes du fer, dont la variabilité naturelle dans les minerais est attestée par plusieurs études (e.g. Markl et al., 2006 ; Cheng et al., 2015 ; Wawryk et Foden, 2015).

2.2.3 Traçage des métaux par l’isotopie du Sn

Les analyses par MC-ICP-MS ont également permis l’utilisation de l’étain (Sn) pour les études de provenance des métaux tels que l’étain bien sûr, mais surtout les bronzes. L’étain, dont le principal minerai est la cassitérite (SnO2) est relativement rare dans la nature à l’état natif, mais était d’importance capitale aux périodes anciennes pour la fabrication d’objets en bronze (Gale 1997 ; Haustein et al., 2010). A l’état naturel, Sn possède 10 isotopes stables qui couvrent un rang de 12 unités de masse atomique (a.m.u.), de 112Sn à 124Sn. Sa variation isotopique naturelle est très faible et difficilement détectable (e.g. McNaughton et Rosman, 1991 ; Yamazaki et al., 2014). Le Pb contenu dans les objets en bronze pouvant provenir des minerais de cuivre ou avoir été rajouté lors de la métallurgie, la méthode de traçage par l’isotopie du Pb s’avère limitée pour la plupart des études d’alliages en bronze. Gale (1997) est le premier à suggérer l’utilisation des isotopes de l’étain pour le traçage des métaux anciens. L’utilisation de ces isotopes se justifierait du fait de la conservation de la composition isotopique du Sn lors des processus métallurgiques. En effet, l’analyse d’alliages d’étains avant et après une chauffe à 1200°C n’a révélé aucune différence de composition isotopique (Gale, 1997 ; Yi et al., 1999), bien que cette conclusion ai été remise en cause depuis (Yamazaki et al., 2014). En 1999, Begemann et al. se sont penchés sur l’approvisionnement en étain de la civilisation grecque à l’âge du bronze. La Grèce ne possédant pas de gisement d’étain, plusieurs sources d’approvisionnement telles que la Turquie, l’Egypte, les Balkans, l’Italie ou encore l’Afghanistan et l’Europe Centrale ont alors été envisagées. Toutefois, Begemann et al. (1999) n’ont pas pu déterminer de source de provenance privilégiée car aucune méthode analytique n’était assez précise pour détecter des variations minimes de composition isotopique et permettre de tracer les différentes sources de Sn.

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En 2002, Clayton et al. se sont intéressés aux variations de composition isotopique de l’étain dans des cassitérites de Malaisie et dans deux types d’objets archéologiques (lingots et feuilles de métal). Si des variations de composition isotopique ont pu être détectées entre les différents matériaux, cette étude n’a pas apporté de conclusions significatives en termes de facteurs de fractionnement de l’étain du fait d’un nombre insuffisant d’échantillons analysés et d’un possible biais dû à une mauvaise méthode de purification des échantillons. En 2010, Haustein et al. ont analysé une cinquantaine de minerais d’étain (cassitérite) de la région d’Erzegebirge (Allemagne) et une trentaine provenant des Cornouailles (Angleterre). Dans cette étude, une grande attention a été portée à la dissolution et à la purification des échantillons de façon à éviter tout risque de modification dans la composition isotopique de l’étain. Leurs résultats ne montrent aucune différence de composition isotopique entre des minerais primaires en roches et les minerais secondaires en alluvions. Cependant, une variation de composition de 3,04 ‰ pour le rapport 122Sn/116Sn a pu être mesurée entre deux mines des Cornouailles. C’est la plus importante variation naturelle qui a pu être mesurée jusqu’alors, bien que d’autres variations significatives aient été mesurées depuis (Yamazaki et al., 2013). Avant cela, seul un échantillon de cassitérite, analysé par TIMS double spike par McNaughton et Rosman (1991), montrait une composition significativement différente des standards de laboratoire (0.15 ±0.02‰ /a.m.u). En parallèle, l’analyse de l’étain contenu dans le disque de Nebra, objet énigmatique fait de bronze et d’or objet et daté de 1600 avant notre ère, suggère que cet étain pourrait provenir de la région des Cornouailles (Haustein et al., 2010). Toutefois, tout comme la signification de ses symboles, l’origine géographique exacte de ce disque découvert en Europe Centrale est encore largement controversée. Si l’hypothèse de provenance de Haustein et al. (2010) reste à vérifier, cette étude démontre l’utilité des isotopes de l’étain pour le traçage des bronzes anciens. Depuis lors, plusieurs études ont utilisé les isotopes du l’étain pour étudier la provenance d’objets en bronze anciens. Par exemple, Yamazaki et al. (2014) ont étudié la provenance de bronzes retrouvés en Chine. Si les résultats obtenus n’ont pas apporté de conclusions précises en termes de provenance, les différences de composition isotopiques mesurées sur les objets étudiés sont supérieures à celles engendrées par l’évaporation des isotopes légers de l’étain lors de la production du bronze. Ainsi, cette étude conclut que ces variations reflètent celles des minerais d’étain utilisés et suggère l’intérêt de l’utilisation des

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isotopes de l’étain pour les études de provenance dans le cas de variations significatives entre les sources. Un autre exemple est celui de Mason et al. (2016) qui ont tenté de déterminer l’origine d’objets en bronze des Balkans. Les résultats de cette étude montrent que les variations de composition isotopique de l’étain des objets résultent de l’utilisation de minerais de sources différentes. Cependant, l’attribution de liens de provenance doit être nuancée du fait de l’utilisation de bases de données de compositions isotopiques incomplètes, parfois hors contexte archéologique, et des possibles recouvrements entre régions distinctes. Ceci montre alors l’intérêt de travailler à une échelle réduite comme celle d’un district minier pour développer une nouvelle méthode de traçage, permettant ainsi de s’affranchir de ce type de limites. Enfin, on peut également citer les travaux de Nickel et al. (2012), qui ont analysé les différences de composition isotopique du Sn entre le métal et la couche de corrosion d’objets en bronze. Cette méthode permet de différencier les corrosions récentes de corrosions plus anciennes et a été utilisée pour démontrer l’authenticité d’un certain nombre d’objets archéologiques, notamment du disque de Nebra. Ici encore, le développement d’un nouveau système isotopique pour le traçage des métaux anciens suggère l’utilité potentielle des isotopes du fer comme traceur en archéologie.

2.2.4 Traçage des métaux par l’isotopie du Zn

Budd et al. (1999) ont proposé l’utilisation des isotopes du zinc (Zn) pour différencier les deux grands procédés de fabrication des laitons (alliage Cu-Zn). La première méthode, qui était utilisée à l’époque antique, consiste à placer de l’oxyde de zinc (calamine, ZnO), du cuivre et du charbon de bois dans un récipient clos qui est ensuite chauffé à environ 1000°C. Le zinc est alors incorporé au cuivre par cémentation en atmosphère réductrice et en milieu fermé. La seconde méthode, apparue au XVIIe siècle consiste à ajouter du Zn métal directement dans du cuivre à l’état liquide. L’hypothèse de départ suggère la vaporisation du Zn léger en milieu ouvert lors du second procédé. Le laiton ainsi produit devrait donc avoir une composition enrichie en isotopes lourds du Zn.

Cette étude expérimentale a visé à analyser la composition isotopique du Zn dans des alliages de laiton chauffés à 1100°C pendant des temps différents et à la comparer à un alliage non chauffé. Les résultats ainsi obtenus montrent une gamme de variation isotopique

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comprise entre 0,18 et 2,36 ‰ mais présentent une erreur trop importante. Seuls les deux échantillons chauffés le plus longtemps montrent un fractionnement isotopique significatif par rapport à l’échantillon non chauffé (respectivement 2,18 ± 0,6 ‰ et 2,36 ± 0,4 ‰ /a.m.u.). Cependant, cette méthode n’a pas été réemployée depuis et cette étude reste anecdotique.

2.2.5 Méthodes isotopiques pour le traçage des métaux ferreux

Quelques exemples de l’utilisation d’isotopes pour le traçage de matériaux ferreux sont disponibles dans la littérature. Schwab et al. (2006) ont mesuré la composition des isotopes du Pb d’objets archéologiques en fer et de différents types de minerai de fer, en complément d’analyses chimiques élémentaires, pour déterminer la provenance de ces objets découverts sur l’oppidum Celtique de Manching, dans le Sud de l’Allemagne. Ces travaux ont montré que les différentes sources de minerai ayant pu alimenter cette région de production sont relativement bien contraintes par leurs signatures en isotopes du Pb. Cependant, la composition des isotopes du Pb est hétérogène au sein d’un même objet en fer à cause de la faible teneur en Pb commun et de la présence d’U dont la désintégration radioactive peu modifier localement la teneur en Pb radiogénique. Dans ce cas précis, il est donc impossible d’établir des liens de provenance entre ces objets et les différents gisements de fer échantillonnés par l’analyse des isotopes du Pb.

Suite à cette étude, Degryse et al. (2007, 2009) ont utilisé les isotopes du Sr en plus de ceux du Pb pour déterminer les sources d’approvisionnement en minerai de fer dans la région de Sagalassos (Sud-Ouest de la Turquie) aux époques Romaine et Byzantine. Ces travaux ont montré que bien que la composition isotopique du Pb soit relativement hétérogène dans le métal des objets en fer, celle des isotopes du Sr est homogène. L’utilisation conjointe de ces deux systèmes isotopiques semble donc être une approche prometteuse pour la détermination de sources de provenance. Cependant, la composition isotopique du Sr des objets en fer peut être largement influencée par la contribution du combustible et de la paroi de four pendant la métallurgie.

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Brauns et al. (2013) ont analysé la composition isotopique du Sr et de l’Os de matériaux ferreux (minerais, scories et métaux) archéologiques et expérimentaux du Sud de l’Allemagne. Cette étude a démontré que la composition isotopique de l’Os n’est pas affectée par les procédés métallurgiques. Ces résultats, bien que très limités semblent indiquer que l’Os peut constituer un traceur pertinent pour les métaux anciens, bien que sa teneur soit très faible dans les objets métalliques. Récemment, cette méthode a également été utilisée pour l’étude de la provenance d’objets en or de Mésopotamie (Jansen et al., 2016). Les résultats obtenus ont permis d’exclure certaines sources du fait de leurs