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Chapitre I : Production et traçage des métaux anciens

1. Production de métaux aux périodes anciennes

1.2 Chaîne opératoire théorique de la métallurgie de plomb argentifère

La chaîne opératoire de production de plomb argentifère, principalement à partir de la galène PbS pouvant contenir jusqu’à 1% en masse d’argent, présente des différences majeures avec celle des métaux ferreux, que ce soit lors de la préparation du minerai, lors de la phase de réduction ou lors du traitement du métal post-réduction. Les méthodes de traitement de la galène argentifère sont connues dans les grandes lignes grâce à quelques exemples archéologiques comme les sites du Laurion en Grèce (e.g. Conophagos, 1980) et de Carthagène en Espagne (e.g. Rico et al., 2009). Cependant, celles d’autres minerais polymétalliques (jarosite, cuivre gris…), également riches en argent, restent encore largement méconnues. Les sources majeures d’informations à ce sujet sont des descriptions datant de l’antiquité (e.g. Pline l’Ancien, Diodore de Sicile), ou de la renaissance (Agricola, 1556 ; Biringuccio, 1540), et qui sont bien souvent insuffisantes. Suite aux innovations de la révolution industrielle, d’autres traités plus récents se sont intéressés aux réactions chimiques impliquées dans les processus métallurgiques (Schnabel, 1907 ; Fourment et Guillet, 1926), mais ces traités historiques ne concernent pas les époques considérées ici. Les études archéologiques et archéométriques des déchets métallurgiques constituent donc une source d’information indispensable pour la restitution des anciennes méthodes de production. En effet, l’analyse de la composition élémentaire des scories de réduction de plomb argentifère a permis une meilleure compréhension des procédés anciens (e.g. Ploquin et al., 2004 ; Mahé-Le Carlier et al., 2011). La figure I-3 représente les différentes étapes de production de plomb et d’argent.

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Figure I-3 : Schéma de la chaîne opératoire théorique de production de plomb et d’argent aux périodes anciennes (avant les traités métallurgiques). Le minerai peut être (1) partiellement grillé et

réagir par augmentation de la température, (2) totalement grillé et réduit en bas fourneau, ou (3) directement réduit sans grillage (modifié d’après Mahé-Le Carlier et al., 2011).

1.2.1 Extraction et traitement des minerais de Pb

Contrairement au fer, les minerais de plomb sont beaucoup plus rares dans la nature et se trouvent le plus souvent dans des gisements polymétalliques d’origine hydrothermale. Le minerai de plomb le plus commun est le sulfure de plomb, ou galène (PbS), parfois argentifère. Dans les couches superficielles des gisements, l’altération supergène de la galène peut conduire à la formation de cérusite (PbCO3) et d’anglésite (PbSO4) qui ont également pu être exploitées aux périodes anciennes, bien qu’étant plus rares de nos jours (Baron et Cochet, 2003). Le minerai de plomb était extrait avec sa gangue, puis subissait plusieurs traitements minéralurgiques pour obtenir un minerai le plus concentré possible. Tout d’abord, un premier tri grossier consistait à enlever un maximum de gangue stérile pour ne garder que le minerai riche. Ce dernier était ensuite broyé puis enrichi dans divers types de structures, hydrauliques ou non. Par exemple, pour le site du Laurion, Conophagos (1980) décrit une succession de bassins reliés entre eux et alimentés par un courant d’eau,

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bien que cette interprétation ai été remise en cause pour ce site en particulier (Van Liefferinge et al., 2014). Un autre exemple est celui des laveries de minerai du site de Carthagène où le minerai broyé y était introduit et séparé par différence de densité. La galène étant plus lourde que la gangue, elle s’accumule au fond des structures tandis que les restes de gangue sont évacués par le courant d’eau (Rico et al., 2009). Une fois enrichi de la sorte, le minerai pouvait être grillé et/ou directement réduit en bas fourneau.

1.2.2 Différentes méthodes pour l’obtention de plomb métallique

Le plomb métallique peut être obtenu de différentes manières, à partir du minerai enrichi (Figure I-3). Les méthodes utilisées ont donc varié en fonction des régions de production et des époques considérées. La chaîne opératoire présentée ici reste théorique et s’applique uniquement à la réduction de galène argentifère car il s’agit de la plus documentée pour les périodes anciennes à travers les déchets retrouvés en fouille. En effet, la relative simplicité du traitement de la galène argentifère, par rapport aux minerais polymétalliques, a permis d’établir un modèle des réactions chimiques impliquées dans sa réduction.

Un premier grillage en milieu oxydant permet l’oxydation de la galène suivant les réactions suivantes :

(1) 2 PbS + 3 O2 = 2 PbO + 2 SO2

(2) PbS + 2 O2 = PbSO4

La simple augmentation de la température pendant le grillage peut permettre d’obtenir du plomb métallique par les réactions :

(3) PbS + 2 PbO = 3 Pb + 2 SO2

(4) PbS + PbSO4 = 2 Pb + 2 SO2

Le minerai partiellement grillé par la réaction (1) peut passer par une phase de réduction en bas fourneau et en atmosphère réductrice. Pendant cette étape, les agents réducteurs CO et C permettent la transformation du PbO en Pb suivant les réactions :

(5) PbO + C = Pb + CO (6) PbO + CO = Pb + CO2

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Une autre façon d’obtenir du plomb métallique consiste à réduire directement le minerai enrichi en bas fourneau à l’aide d’ajouts divers, sans passer par l’étape de grillage. Contrairement à l’obtention de plomb par simple grillage, la réduction en bas fourneau implique la production de scorie de réduction. Différents types d’ajouts peuvent être pratiqués pendant la métallurgie (Mahé-Le Carlier et al., 2011). Des fondants peuvent être ajoutés pour améliorer la fluidité de la scorie, et l’ajout de plomb est régulièrement pratiqué pour faciliter le transfert de l’argent dans le plomb métallique. La nature de ces ajouts dépend de celle du minerai utilisé. Des explications plus détaillées sur les processus de réduction de la galène argentifère sont disponibles dans la littérature (e.g. Baron et Cochet, 2003 ; Baron et al. 2009 ; Mahé-Le Carlier et al., 2011). Chaque méthode étant plus ou moins consommatrice de bois ou de charbon de bois, le choix d’une méthode particulière peut être lié aux modalités d’approvisionnement en combustible (Baron et Cochet, 2003 ; Allée et al., 2011). Quelle que soit la technique employée, le plomb obtenu est un « plomb d’œuvre » plus ou moins riche en argent selon la teneur du minerai exploité. Une étape de coupellation est alors nécessaire pour séparer le plomb de l’argent.

1.2.3 Traitements post-réduction du plomb argentifère

Le principal traitement post-réduction du plomb argentifère consiste à séparer le plomb de l’argent lors d’une phase de coupellation (e.g. Baron et al., 2009). Cette opération consiste en une oxydation préférentielle du plomb à haute température. Le plomb d’œuvre contenant de l’argent est chauffé entre 900 et 1000°C et passe à l’état liquide. Au contact avec l’air, le plomb va s’oxyder en litharge (PbO) à la surface du bain tandis que l’argent va rester à l’état liquide. La litharge est évacuée régulièrement de façon à concentrer l’argent dans le bain restant. Les premières litharges, généralement pauvres en argent, peuvent être réduites à nouveau pour fournir le « plomb marchand » qui sera commercialisé. Les dernières litharges qui ont pu entraîner une partie de l’argent peuvent repasser par une nouvelle phase de coupellation.

La métallurgie du plomb argentifère implique le passage du métal à l’état liquide, ce qui constitue une différence majeure avec la métallurgie des métaux ferreux. De ce fait, les semi-produits de plomb ou d’argent ne contiennent pas d’inclusions de scorie, mais d’autres

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éléments métalliques ont pu s’y incorporer. Les méthodes de traçage de ce type de métaux sont donc différentes de celles utilisées pour les métaux ferreux.