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B - Mettre fin aux écarts injustifiés des facturations des professionnels de santé par rapport aux prescriptions et ententes préalables

1 - Sauf exception, des facturations non rapprochées des prescriptions papier Dans le contexte d’une progression continue de la part des feuilles de soins électroniques (FSE) dématérialisées dans l’ensemble des facturations qui lui sont adressées144, l’assurance maladie a, à partir des années 2000, subordonné de plus en plus rarement la prise en charge des frais de santé à la présence des prescriptions médicales et à une vérification préalable de la conformité des données de facturation à ces pièces justificatives.

Si ces évolutions ont accéléré les délais de versement des prestations et permis de réduire les effectifs et les dépenses de gestion administrative de l’assurance maladie, elles ont aussi significativement accru les risques de fraude et, plus généralement, d’irrégularités.

C’est seulement à partir du début des années 2010 que l’assurance maladie a engagé la dématérialisation des pièces justificatives à l’appui de ses règlements, soit plus de dix années après l’instauration d’une obligation légale de télétransmission des factures de soins par les professionnels de santé145. Depuis 2012-2013, elle met à la disposition des professions dont l’activité découle de prescriptions médicales un dispositif de numérisation et d’envoi dématérialisé des pièces justificatives sur une plateforme de réception (SCOR146). En mars 2020, cet outil était utilisé en moyenne par 72,1 % des professionnels de santé (données hors transporteurs sanitaires et taxis conventionnés), dont 98,6 % pour les pharmaciens, 86,2 % pour les infirmiers et 75,4 % pour les masseurs-kinésithérapeutes.

Si la quasi-totalité des règlements sont aujourd’hui assortis de pièces justificatives généralement obtenues a posteriori147, les actions visant à vérifier la justification des factures adressées par les professionnels dont l’activité résulte de prescriptions médicales sont peu nombreuses et l’absence de numéro de prescription sur les factures en complique la réalisation.

Au-delà, l’absence de dématérialisation des prescriptions elles-mêmes ne permet pas la mise en

143 Le référentiel en vigueur de contrôle de l’application de la PUMa (22 mars 2017), établi par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam) dirigée par le directeur général de la Cnam et validé par la direction de la sécurité sociale, prévoyait l’exploitation des données du registre des Français établis hors de France, mais n’a pas été appliqué sur ce point. Il n’aborde pas celle des données des bases élèves.

144 En 2019, les feuilles de soins papier ne représentaient plus que 4,1 % du nombre et 4,9 % des montants de prises en charge de frais de santé par l’assurance maladie.

145 L’ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 avait fixé au 31 décembre 1998 la date limite à partir de laquelle les praticiens et établissements doivent être en mesure d’émettre et recevoir les feuilles de soins électroniques.

146 SCannérisation des Ordonnances.

147 Le montant des règlements pour lesquels aucune pièce justificative, appropriée ou non, n’est reçue, malgré des relances, peut être estimé à 300 M€ par an. En principe, les CPAM doivent alors constater des indus.

a priori des paiements ou de constater a posteriori, dans des délais rapides, des indus.

2 - Des perspectives de développement de la e-prescription à concrétiser

La dématérialisation des prescriptions médicales peut réduire les risques de fraude, en faisant disparaître les risques de surcharge ou de réutilisation des ordonnances papier à plusieurs reprises, et en permettant une comparaison instantanée des prestations et biens de santé délivrés par rapport à ceux prescrits.

La prescription et la facturation électroniques pour les transports sanitaires

Depuis mai 2017, l’assurance maladie propose aux médecins libéraux d’utiliser le service de prescription électronique (SPE) des transports sanitaires (en ambulance ou en véhicule sanitaire léger).

Ce service leur permet de créer en ligne une prescription de transport que les transporteurs récupèrent sur un serveur à partir d’un accès à un espace sécurisé (EspacePro) ou d’un webservice intégré à leurs logiciels de gestion des commandes. S’il est sans effet sur les risques d’absence de service fait ou de service effectué dans des conditions non conformes à la prescription, le SPE écarte en revanche les risques de fausse prescription ou de réutilisation d’une même prescription papier.

La prescription électronique est plus sécurisante quand elle est intégrée au dispositif de facturation en ligne (SEFI148) proposé par l’assurance maladie aux transporteurs sanitaires. Les données de facturation sont alors rapprochées en ligne de celles de prescription, pour chaque transport, au plus près du trajet (réservation, réalisation, facturation), par l’intermédiaire d’un compteur. Fin avril 2019, ce dispositif était utilisé par 47 % des transporteurs sanitaires.

Par ailleurs, une expérimentation se poursuit en mode intégré dans les logiciels de centralisation et de régulation des transports (plateformes) de cinq hôpitaux publics (dont deux CHU). La Cnam prévoit d’expérimenter le dispositif de facturation en ligne auprès des taxis.

Pour l’application du plan gouvernemental « Ma santé 2022 » 149, la numérisation a vocation à couvrir d’ici fin 2022 l’ensemble des prescriptions médicales (médicaments, dispositifs médicaux, actes de biologie, actes infirmiers, de masso-kinésithérapie et des autres professions paramédicales).

148 Service électronique de facturation intégré.

149 L’article 55 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a habilité le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures (notamment les règles fixant les conditions de certification des logiciels d’aide à la prescription et à la dispensation, tout en assurant la sécurité et

Source : ministère des solidarités et de la santé, doctrine technique pour la mise en œuvre du plan « Ma santé 2022 »

À cet effet, la Cnam a procédé en 2019 à une expérimentation de la prescription électronique de médicaments (PEM2D) en ville dans trois départements150. Elle a consisté à établir une prescription papier sur laquelle le médecin appose un QR code. En scannant ce dernier, le logiciel du pharmacien télécharge la prescription électronique. Après avoir délivré les médicaments, le pharmacien peut archiver la prescription électronique. L’information relative aux médicaments délivrés est par ailleurs archivée sur la carte Vitale de l’assuré.

En dehors d’une complicité, d’une tolérance injustifiée ou d’un motif justifié apprécié par le pharmacien (substitution, indisponibilité ou inadéquation du médicament prescrit151), ce dispositif élimine les risques d’écart entre les médicaments délivrés et facturés à l’assurance maladie d’une part et ceux prescrits d’autre part, par surcharge de la prescription papier. En outre, l’assurance maladie pourra détecter a posteriori l’ensemble des écarts entre les factures qui lui sont adressées par les pharmaciens et les prescriptions dont le QR code fait la synthèse.

150 Maine-et-Loire, Saône-et-Loire et Val-de-Marne.

151 En application des textes, le pharmacien doit contacter le médecin prescripteur en cas d’indisponibilité ou d’inadéquation du médicament prescrit. Dans le cadre du dispositif PEM2D, le pharmacien doit indiquer les motifs de la substitution (en dehors de celle d’un médicament générique).

à la fraude consistant pour un assuré à obtenir de mêmes médicaments auprès de plusieurs pharmaciens en leur présentant une photocopie de la prescription. Pour mettre en échec ce type de fraude, il conviendrait que la prescription soit dans tous les cas dématérialisée, que le médecin dépose dans une base de données cette prescription électronique, à laquelle serait attribué un numéro, puis que le pharmacien prélève cette e-prescription dans la base, à partir du numéro de cette dernière enregistré sur la carte Vitale de l’assuré.

Le développement de la prescription électronique nécessite la réunion de nombreux prérequis, qui constituent autant d’entraves potentielles à sa concrétisation : la conception par l’assurance maladie de solutions de e-prescriptions fiables et ergonomiques pour leurs utilisateurs ; l’implication des éditeurs de logiciels pour adapter les versions qu’ils proposent aux professionnels et aux établissements de santé ; l’ouverture d’une négociation conventionnelle, alors que la Cnam avait laissé la prescription électronique en dehors de la négociation de la convention médicale de 2016 ; une articulation des systèmes d’information de l’assurance maladie avec ceux des établissements et l’utilisation d’une carte de professionnel de santé (CPS) par les médecins hospitaliers ; une maîtrise par les médecins des codes à saisir, qui pourrait appeler un accompagnement significatif des CPAM.

Les pratiques des prescripteurs doivent par ailleurs évoluer. Ainsi, si les médecins libéraux ont depuis mai 2017 la possibilité de prescrire des transports de patients de manière dématérialisée dans le cadre du SPE, tel a été uniquement le cas, en 2019, d’environ 6 000 d’entre eux au titre de près de 450 000 prescriptions de transport. Les hôpitaux publics témoignent peu d’intérêt pour les solutions techniques proposées par l’assurance maladie, alors que 60 % des transports de patients relient leur domicile et un établissement de santé.

Systématiser la e-prescription médicale d’actes, de prestations et de biens de santé nécessitera ainsi, à un moment donné, l’instauration d’une obligation à la charge des médecins libéraux et des établissements de santé, le cas échéant accompagnée d’aides ponctuelles à l’adaptation de leurs systèmes d’information.

Cette obligation aurait un précédent : la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a instauré une obligation de prescription électronique des arrêts de travail d’ici fin 2021, assortie de certaines exceptions. Cette décision a été prise après que l’assurance maladie a enclenché une dynamique d’utilisation de son service de e-prescription152. Il convient que la Cnam favorise la reproduction de ce scénario, en premier lieu en parvenant à tenir le calendrier des propositions techniques aux professionnels et aux établissements de santé. Pour sa part, le ministère chargé de la santé devrait favoriser l’appropriation par les établissements de santé des solutions techniques de l’assurance maladie, à commencer par la prescription électronique de transport sanitaire, dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs de financement et de tutelle de ces établissements.

152 En juillet 2019, 47 % des avis (contre 22,6 % en 2016) étaient établis et transmis par les médecins prescripteurs

Les enjeux financiers liés à l’application de la procédure d’accord préalable du service médical sont méconnus par la Cnam. À la demande de la Cour, elle a recensé les dépenses remboursées pour les 141 actes relevant de la classification commune des actes médicaux (CCAM) (68,8 M€ en 2018). Elle n’a pas effectué ce même décompte pour les actes relevant de la nomenclature des actes de biologie médicale (NGAP), qui concernent des enjeux financiers beaucoup plus significatifs.

Lorsque le service médical oppose un refus d’accord préalable à la prise en charge de certains actes, prestations et produits prescrits par un médecin ou la subordonne à certaines restrictions (portant par exemple sur le nombre de séances de masso-kinésithérapie), aucun dispositif informatisé ne permet de garantir l’effectivité de cette décision.

À défaut d’une liaison entre les applications informatiques des règlements des frais de santé et des accords préalables, l’assurance maladie rembourse à tort un montant indéterminé de dépenses pour lesquelles l’accord a été refusé ou assorti de restrictions.

Afin de favoriser l’effectivité de la procédure d’accord préalable, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a mis des obligations nouvelles à la charge des professionnels de santé : pour les médecins, celle d’inscrire sur l’ordonnance le caractère non remboursable des actes, prestations et produits qu’ils prescrivent quand le service médical a refusé l’accord préalable153 ; pour les pharmaciens, distributeurs et prestataires, celles de s’assurer que le service médical a donné son accord à la prise en charge des produits concernés par l’assurance maladie et d’agir conformément à la décision qu’il a rendue. À défaut, les professionnels de santé concernés s’exposent à devoir rembourser des indus154.

À l’évidence, ces mesures sont bien moins efficaces qu’un rapprochement automatisé systématique des factures présentées au règlement de l’assurance maladie avec les accords accordés ou refusés par le service médical.

Malgré l’extension du périmètre des dépenses concernées par des accords préalables au cours des années récentes155, la Cnam a renoncé à un projet informatique visant à garantir l’effectivité de la procédure d’accord préalable sur le plan financier. Si le chantier à engager serait complexe, il serait vite rentabilisé, en permettant des économies bien plus élevées que celles prévues au titre de la loi de financement pour 2018 (estimées entre 5 et 10 M€ annuels).

153 Ou le fait que le remboursement est subordonné à l’accord du service médical quand la demande est en cours d’instruction ; article L. 162-4 du code de la sécurité sociale.

154 Article L. 315-3 du code de la sécurité sociale.

155 L’accord préalable s’applique notamment aux actes de masso-kinésithérapie au titre de rééducations soumises à référentiel défini par la HAS ou au-delà d’un certain nombre de séances, aux traitements d’orthopédie dento-faciale, à des pathologies inhabituelles, à certains appareillages médicaux, types d’examens et d’analyses biologiques et à certains transports, en particulier ceux prescrits en série ou d’une distance supérieure à 150 km.

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