• Aucun résultat trouvé

A - Assurer la cohérence des salaires déclarés au titre des cotisations avec ceux pris en compte pour les prestations

Les retraites, les indemnités journalières, les pensions d’invalidité, les rentes d’accidents du travail-maladies professionnelles et les allocations de chômage dépendent de conditions d’activité et de cotisation préalables de leurs bénéficiaires.

Pour les travailleurs indépendants, le versement de ces prestations est conditionné par le versement préalable des cotisations. Pour les salariés, il dépend selon le cas des périodes travaillées, des quotités horaires et des salaires déclarés par leurs employeurs. En dehors des retraites complémentaires, la cohérence mutuelle des salaires pris en compte pour attribuer et calculer les prestations et des assiettes déclarées de cotisations n’est pas vérifiée, sauf exception.

1 - Un rapprochement seulement ponctuel des assiettes salariales des cotisations et des prestations

Depuis 2017, la déclaration sociale nominative (DSN)126 a remplacé, pour l’ensemble des entreprises qui emploient des salariés, à la fois les déclarations de prélèvements sociaux aux Urssaf et la déclaration annuelle de données sociales (DADS) aux organismes sociaux, dont les données de salaires étaient reportées aux comptes de carrière des assurés sociaux (gérés par la Cnav), en vue de leur ouvrir des droits aux retraites de base du régime général de sécurité sociale.

Toutefois, les modalités de collecte des prélèvements sociaux par les Urssaf n’ont pas été adaptées afin d’assurer la coïncidence des salaires déclarés en tant qu’assiette des prélèvements sociaux d’une part et des salaires déclarés en vue d’un report aux comptes de carrière d’autre part : les employeurs continuent à déclarer les prélèvements dont ils sont redevables « à maille agrégée », sans individualisation par salarié des montants de salaires et de prélèvements assis sur ces derniers ; malgré les engagements de l’Acoss en ce sens dans la Cog 2018-2022, l’utilisation

126 Voir Cour des comptes, « La déclaration sociale nominative : une première étape réussie, une nouvelle impulsion nécessaire », in Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, octobre 2018, chapitre IX, p. 321-354, La Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.

des prélèvements sociaux.

Contrairement aux retraites de base du régime général, les droits aux retraites complémentaires Agirc-Arrco dépendent des cotisations déclarées par les employeurs. À la suite des régularisations effectuées par les employeurs sur leurs DSN mensuelles, principalement par l’acquittement de cotisations supplémentaires, l’assiette salariale des cotisations coïncide avec les salaires qui ouvrent les droits aux retraites par points.

Au-delà des retraites de base, les risques d’irrégularités, le cas échéant intentionnelles, affectant les cotisations déclarées aux Urssaf par rapport aux assiettes salariales de droits sociaux, concernent plus largement l’ensemble des prestations dont le calcul est fonction des salaires versés : indemnités journalières, allocations chômage, pensions d’invalidité et rentes AT-MP.

S’agissant des indemnités journalières, ces risques sont d’autant plus élevés que leur montant est calculé sur la base du salaire brut des 3 mois127 (maladie, maternité) ou du mois (AT-MP) précédant l’arrêt de travail, et non sur un salaire lissé sur une longue période, comme c’est le cas pour les retraites. Le risque d’insuffisance de cotisations déclarées est également très élevé pour les allocations chômage, calculées sur la base des salaires bruts perçus au cours des 12 derniers mois de travail.

Des employeurs peuvent minorer intentionnellement les assiettes salariales des cotisations qu’ils déclarent en deçà des salaires effectivement versés ou majorer les salaires qu’ils déclarent en vue du calcul des prestations. Ce risque s’accroît quand l’entreprise compte un nombre réduit de salariés et que le gérant de l’entreprise, lorsqu’il en est le salarié, a un intérêt personnel à effectuer de fausses déclarations. Une cessation rapide d’activité (dissolution, liquidation judiciaire) permet aux auteurs d’une fraude aux indemnités journalières ou aux allocations chômage de se soustraire à d’éventuels contrôles a posteriori et poursuites.

2 - Une reconnexion à opérer pour les retraites de base, les indemnités journalières et les allocations chômage

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 transfère aux Urssaf, à compter de 2022, la collecte des cotisations de retraite complémentaire des salariés Agirc-Arrco, ce qui mettra fin à l’absence de contrôle des assiettes salariales de cotisations déclarées par les employeurs128, tout en prévoyant, comme il est indispensable, le maintien du calcul des cotisations par salarié.

Afin de concilier ces objectifs, les groupements de protection sociale gèreront les données administratives des cotisants et recalculeront les cotisations individuelles avec leur propre système d’information, tandis que les Urssaf gèreront dans le leur les déclarations, les encaissements, le contrôle d’assiette et le recouvrement amiable et forcé. Ces interactions entre systèmes suscitent des risques opérationnels et financiers à maîtriser.

127 Ou des 12 mois précédant l’arrêt de travail en cas d’activité discontinue.

128 La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 avait prévu que les Urssaf contrôleraient les déclarations de cotisations Agirc-Arrco à partir de 2008. Cette évolution n’est pas intervenue en raison d’oppositions entre l’Acoss et l’Agirc-Arrco sur le principe et l’attribution de la responsabilité de l’individualisation des cotisations par salarié, puis du déploiement progressif de la DSN à compter de 2015.

sociaux, aucun progrès ne se dessine pour les retraites de base, à droit constant129, les indemnités journalières et les allocations chômage.

Les employeurs adressent des DSN « événementielles » des arrêts de travail et des ruptures de contrats de travail, qui déclenchent leur indemnisation, respectivement par l’assurance maladie et par Pôle emploi. Mais les assiettes salariales des cotisations déclarées par les employeurs au titre des périodes de travail qui conditionnent les droits à indemnisation ne sont pas interrogées lors du traitement des demandes d’indemnisation. Il incombe ainsi aux actions visant à lutter contre les fraudes de détecter a posteriori, dans des conditions malaisées, des indemnisations de salariés d’entreprises, le cas échéant fictifs(ves), dont les salaires pris en compte pour ouvrir et calculer les droits à indemnisation divergent des assiettes salariales déclarées des prélèvements sociaux.

De surcroît, les organismes sociaux ne sont pas destinataires de l’ensemble des informations de la DSN utiles à l’exerce de leurs missions. Ainsi, les données transmises à Pôle emploi lui permettent de mieux détecter des situations d’activité fictive (fausses attestations d’employeur) ou de reprises d’activité non déclarées. En revanche, elles ne comprennent pas les déclarations consécutives à un arrêt de travail pour maladie ou pour accident de travail, alors que les indemnités journalières versées à ce titre ont une incidence sur l’allocation chômage.

Il convient de réduire les fraudes et les autres irrégularités liées à l’activité préalable et aux salaires pour les allocations chômage et les indemnités journalières, à la carrière pour les retraites de base, ainsi qu’aux prélèvements sociaux qui financent ces prestations, en mettant en œuvre un rapprochement automatisé permanent entre les assiettes de prélèvements sociaux déclarées de manière globale par les employeurs de salariés aux Urssaf d’une part et les salaires, quotités horaires et périodes travaillées déclarés de manière individualisée par salarié par ces mêmes employeurs d’autre part. À terme, les rubriques de la DSN destinées aux Urssaf et le système d’information de ces dernières devraient être adaptés afin d’assurer l’individualisation par salarié des assiettes déclarées de prélèvements sociaux.

Les enjeux financiers des irrégularités permises par l’absence de réconciliation autre que ponctuelle des données de salaires qui ouvrent des droits sociaux et des cotisations assises sur les salaires sont nécessairement significatifs. Fin janvier 2019, l’Agirc-Arrco, qui a enregistré 73,8 Md€ de cotisations patronales et salariales en 2019, constatait au titre de 2018 une insuffisance globale de 1,2 Md€ de cotisations par rapport aux salaires (au titre de 328 000 entreprises), au regard d’un excès global de 55,2 M€ de cotisations en sa faveur (au titre de 229 000 entreprises). À titre d’illustration de ces enjeux, les branches du régime général, prises ensemble, ont enregistré en 2019 155,9 Md€ de cotisations patronales et salariales des entreprises du secteur privé.

129 En application du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, l’Assemblée nationale a adopté, le 4 mars 2020, le projet de loi instituant un système universel de retraites par points, comme c’est le cas des retraites Agirc-Arrco.

Outline

Documents relatifs